Peter Levine

Plus les émotions et sensations associées sont fortes, plus nous nous attachons à la véracité d(un (supposé) souvenir et plus nous sommes sur la défensive quand cette croyance est remise en question. Ces attributions peuvent s'apparenter à de véritables convictions religieuses, interférant de façon directe avec la résolution thérapeutique et le mouvement dynamique de la vie. C'est pour cette raison que les souvenirs traumatiques doivent être abordés à partir d'une plate-forme expérientielle présente (l'ici et maintenant), relativement calme et paisible. Bien que ceci puisse paraître répétitif, cs considérations constituent une dimension tellement importante, et fréquemment méconnue, des thérapies du traumatisme quelles ne pourraient que difficilement être exagérément soulignées.

Certains d'entre nous considèrent que s'accrocher rend fort,
mais parfois c'est le lâcher prise.
Hermann Hesse

La volonté de persévérer dans son être, cette initiation ou épreuve du feu, pourrait bien être ce que cette petite partie du tissu cérébral - le CCAM - semble orchestrer. De fait, il pourrait bien être au coeur de l'architecture neuronale qui contribue au triomphe sur l'adversité, cette rencontre qui serait la quintessence de la condition humaine.

Les souvenirs procéduraux traumatiques ne sont plus réactivés sous leur forme inadaptée (inachevée), mais sont à présent transformés en un sentiment de saine compétence et de triomphe. La structure entière de la mémoire procédurale a été changée, permettant ainsi l'émergence de souvenirs émotionnels et épisodiques nouveaux (actualisés).

Travailler sue une séquence progressive de renégociation [...] renforce de façon continue la fonction critique de l'observateur. Il s'agit de la capacité à rester présent et à pister les différentes sensations, émotions et images troublantes - à leur faire face sans être submergé. Cette fonction permet à son tour de faire la paix avec les amalgames de ses souvenirs.

Les comportements archétypaux - dont les gestes involontaires ou les changements de position ayant une signification universelle.

En effet, ce que nous appelons l'apprentissage consiste dans le processus d'importation des schémas, des affects, des comportements, des perceptions et des constructions retenus des expériences du passées (les engrammes) afin de pouvoir répondre aux demandes rencontrées dans le moment présent.

En même temps, en apprenant à identifier leurs propres sensations, les thérapeutes peuvent éviter d'absorber la peur, la rage et le sentiment d'impuissance de leurs patients. Il est important de comprendre que lorsque des thérapeutes pensent devoir se protéger des sensations et des émotions de leurs clients, inconsciemment ils empêchent aussi ces derniers d'en prendre conscience. En prenant de la distance vis-à-vis de leur angoisse, nous (thérapeute) nous distançons d'eux (clients) et des peurs avec lesquelles il se battent.

Le paradoxe du trauma est qu'il a à le fois le pouvoir de détruire et le pouvoir de transformer et de ressusciter.

Le sentiment de triomphe et d'héroïsme révèle presque à coup sûr la conclusion heureuse de la renégociation du traumatisme.

Non résolu, le jeu répétitif peut renforcer l'impact traumatique, comme la "remise en acte" et la reviviscence cathartique peuvent renforcer le traumatisme de l'adulte.

... en réalité nous [sommes] incapables de prédire quand et comment une expérience traumatique influencera la vie d'un enfant - ou même si elle l'influencera jamais.

La résolution d'une réaction traumatique fait bien pus qu'éliminer l'éventualité que les symptômes émergent dans les années qui suivent. Elle renforce l'aptitude à faire face à la menace. Elle procure surtout une résistance naturelle au stress. Un système nerveux habitué à entrer puis à ressortir d'un état de stress est bien plus résilient que s'il le retenait, voire l'additionnait  des stress antérieurs.

Mettre en place les conditions nécessaires à la guérison revient à apprendre les coutumes d'un autre pays. Ce n'est pas difficile, c'est seulement différent. Cela vous demandera, à vous et à votre enfant, de passer du domaine de la pensée et de l'émotion à celui, plus fondamental, de la sensation physique. La tâche essentielle consiste à prêter attention à la façon dont les chose sont ressenties et dont le corps réagit. En bref, guérir vient de notre capacité à ressentir.

Si vous ne savez pas si un cycle est achevé, attendez que l'enfant en donne des signes (respiration profonde, cessation des pleurs et du tremblement, bâillement, sourire, contact du regard, etc.). L'achèvement d'un cycle ne signifie pas que le processus de guérison est achevé. un autre cycle peut suivre. Gardez l'enfant concentré sur ses sensations encore quelques minutes pour être certain que le processus est achevé.

Vous pouvez aider l'enfant à retrouver son calme en étant vous-même calme, tranquille et détendu. Si le prendre et l'embrasser semble adéquat, faites-le doucement, sans l'oppresser. Déposer doucement votre main au milieu de son dos, à l'endroit du coeur, lui apporte soutien et réconfort  sans interférer avec ses réponses corporelles spontanées. Des expressions de tendresse ou des bercements excessifs peuvent interrompre le processus de guérison (comme l'enfant qui, malgré ses nobles intentions, manipule l'oiseau blessé sans précautions).

Quand les personnes revivent l'instant de l'impact, elles peuvent entendre des bris de verre, des tôles qui se froissent, revoir leurs corps secoués et projetés. Explorez absolument chacun de ces éléments via le felt sense. Lorsque ces réactions surviennent, le corps peut se mettre à bouger (le plus souvent légèrement). Laissez quinze à vingt minutes à ces mouvements pour se terminer, la focalisation sur les sensations corporelles facilitant la décharge d'énergie. Après cette décharge, les personnes ressentent un soulagement, suivi habituellement d'une impression de chaleur au niveau des extrémités.

Quand la décharge se produit, vous remarquerez qu'il arrive que les images de l'événement se modifient.

Lorsque les personnes semblent calmes et détendues, allez plus en détail dans le vécu et les sensations. Il peut s'agir de légères secousses, d'un tremblement. Dites-leur que c'est normal. Faites-leur remarquer que la réaction d'activation décroit, que vous faites en sorte d'amener lentement l'énergie en surface et de la décharger. Ce processus est connu sous le nom de "titrage" (aller pas à pas).

... soyez conscient qu'en parlant de leur vécu les personnes peuvent devenir agitées ou activées. Leur respiration peut devenir plus raide, leur fréquence cardiaque s'accélérer. Elles peuvent se mettre à transpirer. Si cela arrive, cesser de parler de leur vécu et concentrez-vous uniquement sur les sensations éprouvés au niveau du corps telles que ; "Je ressens une douleur dans la nuque" ou "Je souffre de l'estomac".