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Citations de Philippe Muray (532)


L'homme de gauche est le dealer universel de cette humanité en sécession d'humanité.
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Journal, 12 mars 1994. [Le milieu littéraire]
Bien fiers alors d'avoir fait sonner ces vérités utiles, on est demeurés là assis, désolés, à se poser la question du siècle : quel Proust, quel Balzac, racontera enfin tout ça, tout ce Kamasoutra lugubre de l'Imprimé sans volupté ?
Aucun. Pour mille raisons. Et d'abord pour la meilleure, la plus simple : pas de rentes.

p. 55
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Il n’y a plus d’admiration, ni d’êtres admirables ou supérieurs, quand toute la société est en proie à la recherche maniaque des discriminations, et possédée par l’ambition de les liquider.
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Redécouvrons donc, cinq minutes, cet épisode d’avant le déluge : la tentative étatique, en France, il y a quelques mois à peine, de réforme de l’orthographe. Il aurait fallu des talents d’analyse dont les adversaires de ce coup de force étaient dépourvus à un degré vertigineux, hélas, pour repérer la bassesse infinie de l’idéologie sous-jacente à cette escroquerie avortée. Ce n’était pas sorcier pourtant, ça ne nécessitait pas trop d’efforts, si on voulait découvrir le bout du nez de l’Ennemi Cordicole pointant derrière les meilleurs arguments. Qu’est-ce qu’il disait donc, le « réformateur » à qui on n’avait rien demandé ? Qu’il fallait liquider l'incohérence. Les incohérences. Les exceptions. L’Exception.
L’Exception en soi. Ah ! Nous y voilà ! L’Exception ! L’adversaire mortel de la Norme. L’empêcheur de simplifier, de niveler la langue jusqu’à l’os dans le but de « résorber l’échec scolaire », et surtout dans la perspective de la grande bataille de demain, celle de « l’industrialisation informatique et de la traduction automatique par ordinateurs ». Rien de plus droits-de-l’homme que ce programme. Rien de plus Intérêt Général. Rien de plus sympathiquement liquidateur des absurdités du passé. Le Bien contre le Mal toujours. Un seul monde, une seule musique, un seul espéranto purifié, un seul mode de communication enfin utilisable par tous, accessible à tous les esclaves, au-delà des divergences et des conflits. Rien de plus en phase profondément avec ces tags épidémiques par lesquels des dizaines de milliers d’inconnus affirment, depuis quelques années, leur droit légitime à s’exprimer, à sortir en-semble, et anonymement, de la masse des anonymes. La Fontaine est dépassé : dans le zoo cordicole de maintenant, les grenouilles en sont réduites à se faire plus grosses que les grenouilles ; comme il n’y a plus de paons depuis longtemps, les geais ne peuvent plus prétendre se distinguer qu’en se parant des plumes des autres geais.
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EL : Ecrire, en somme, c’est regarder le monde passer par la fenêtre ?
PM : En tout cas, c’est commencer par ne pas dire que les gens font des choses formidables alors qu’ils passent par la fenêtre.
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21 novembre 1994. Raczymow sur la disparition du Grand Ecrivain.
Et puis qu'est-ce qu'il dit ? Y a plus de Voltaire, de Hugo, de Zola, de Sartre. Rideau. Si c'est là sa définition du Grand Ecrivain, évidemment elle n'a rien à voir avec la mienne. Y a plus non plus de Sade, de Lautréamont, de Bloy, de Nietzsche, de Céline. Or Sade, Lautréamont, Nietzsche ou Céline n'ont jamais joué le rôle de guides spirituels, de gourous, de mages mystico-humanitaires, comme Voltaire, Hugo, Zola ou Sartre. "Y a plus de religion littéraire !" serait donc un cri du coeur plus juste (et encore, voir Bobin), et cette annonce ne me fait pas pleurer.

... La disparition de la chose littéraire n'a pas été étudiée, et je doute que Raczymow puisse y aider. Il faudrait la patience d'un Réau pour raconter ce vandalisme invisible. Ce serait aussi bien sûr une histoire de moeurs. L'accession progressive des femmes à la littérature y jouerait un rôle de premier plan. A partir du moment où les femmes se mettent massivement à écrire, ce n'est plus Balzac qui les dit, c'est elles, et Balzac tel qu'on le connaît n'a plus de raison d'être. Même chose pour les homosexuels. Même chose pour toutes les catégories professionnelles ou autres. A partir du moment où chacun a la parole, l'écrivain ne sert plus à rien. Cinéma et télévision. Egalisation des conditions. Disparition de la fonction paternelle. Influence du marxisme, pour qui ce sont les masses qui sifflent sur l'Histoire. Etc. Mais celui qui en a dit le plus encore sur cette question, c'est mon cher [François] Ricard : l'inflation contemporaine de littérature trouve sa source dans la disparition de la mission /dissuasive/ qu'exerçait la littérature sur l'écriture. Disparition de la littérature comme principe paternel d'empêchement, d'intimidation, de découragement d'écrire. Plus de passé complexant ! Plus de /mur/ d'écrivains du passé, dressé devant soi, au moment de poser le premier mot sur la feuille blanche. Tout est permis. Plus rien n'existe.

p. 271
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Le cinéma, c’est le damné du concret, c’est le forçat du réel. Il n’y a qu’en littérature qu’on voit des images ; au cinéma on ne voit que l’apparence et elle est irréfutable. Par-dessus le marché, au cinéma tout le monde voit la même chose alors qu’en littérature tout le monde voit des choses différentes, mais personne ne verra jamais ce que les lecteurs voient (il n’y a pas deux Anna Karénine semblables dans la tête de deux lecteurs assis côte à côte et lisant au même rythme).
Philippe Muray, Festivus Festivus, « La fin du monde est reportée pour à une date antérieure », p. 474.
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De l’hitlérisation de la planète à sa disneysation contemporaine, il n’y a que la violence qui est tombée ; et encore, pas pour tout le monde.
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Il faut prendre conscience de la nouveauté totale de la situation, ou plutôt de ce qu’il y a de radicalement nouveau dans la situation actuelle, et ne pas y apporter des réponses anciennes, comme le « combat » ou la « subversion », mais trouver une pensée, des formes, un style en effet, et surtout des hypothèses, et un vocabulaire qui soient eux-mêmes d’une nouveauté radicale.
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Il n’y a que l’intention qui compte ; et l’intention vaut l’action ; elle la supplante même largement. Il faut savoir caresser les populations dans le sens du cœur. Tous les coups philanthropes sont permis pour recoloniser la vie. Chaque jour, des milliers de couvertures chauffantes, des tonnes de produits contre les engelures sont déversés par des associations humanitaires dans les contrées les plus torrides. Des montagnes de laxatifs, des Himalayas de potages amincissants, sont répandus généreusement par erreur sur des affamés du bout du monde. Qu’est-ce que ça peut faire ? C’est mieux que rien. L’intention !
L’intention, vous dis-je ! Le grand pactole du Sentiment !
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Notre temps est si rongé de bonnes intentions, si désireux de faire le bien qu'il voit le mal partout;
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En termes de sociologie de bazar médiatique, il s’agit grosso modo d’achever de néantiser les classes populaires et de les transformer en public de médiathèques, c’est-à-dire en classes fréquentantes : diplômés, couches moyennes et supérieures, cadres, étudiants ; c’est-à-dire la clientèle captive de la festivisation intégrale et dépendante pour tout le reste, dépendante de l’Etat, stato dépendante, dépendante jusqu’à ne même plus savoir comment on épluche une pomme de terre, comment on cuit un œuf ou fait un enfant sans en appeler aux travailleurs sociaux et aux aides familiales.
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Il n'y a, en réalité, aucun "retour de la religion", comme le prétendent les maîtres du Show ou leurs esclaves, aucune "réapparition du sacré", aucune "respiritualisation", aucun "renouveau charismatique". Ce qui s'organise, c'est la mise en scène de résidus religieux, sous leurs formes les plus délirantes si possible, par le Spectacle lui-même et au profit du Spectacle, dans le but d'entretenir ou de réactiver le noyau dur irrationnel, la fiction mystique vraiment consistante, sans quoi aucune communauté, aucun collectivisme, aucune solidarité ne pourraient tenir le coup très longtemps.
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Mais c'est évidemment plus près de nous que le ridicule a été atteint de la manière la plus infaillible·; et le comble de l'insensé mal cadencé, dans ce domaine, a été réalisé par un René Char (il y a du plaisir à pisser à la raie d'un mort si prétentieux). Sa «·pluie giboyeuse·», et tant d'autres crétineries citées opiniâtrement par de pâles philosophes (ce qui suffit à renvoyer la plupart d'entre eux à la niche de leur mauvais goût sacerdotal), condensent certainement la définition aberrante de ce que les dévots appellent poésie, qui n'est plus que néant arrogant, et dont, écrivant des vers, je me débarrasse si naturellement et avec allégresse (je me débarrasse aussi d'Éluard le stalinien gélatineux, de Prévert l'anticlérical à la clope, pour ne rien dire du supercon Aragon comme l'appelait Céline, ou de Saint-John Perse l'incontinent).
(p. 34)
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7 avril 1986.
Excellente remarque de Cioran qui dit à peu près qu'on ne devrait écrire que ce qu'on n'ose confier à personne. C'est exactement le contraire de ce qui se passe aujourd'hui de plus en plus. Ce qu'on écrit, c'est ce qu'on a non seulement confié déjà à tout le monde, mais qu'on a lu partout, qui a fait déjà l'objet de débats archi-usés, éculés, et sur quoi tout le monde est d'accord à quelques nuances près (ces nuances permettant de débattre...). On n'écrit que ce qui est acceptable, possible de dire de vive voix, audible par tous (c'est-à-dire par les enfants). Disparition aussi de l'idée d'autrefois que les vraies conversations ne pouvaient commencer que si les enfants étaient couchés. Toutes les conversations aujourd'hui peuvent très bien se dérouler en présence des enfants, elles sont assez "layette" pour ça. Après tout, le roman de Proust n'aurait pas eu lieu si l'enfant qu'il est, au début, n'était pas exclu de la conversation des adultes et envoyé se coucher...
p. 45
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On ne peut transiger avec le monde contemporain. Il faut le rejeter en entier, et d'abord rejeter ce qui semble ses bienfaits les moins contestables. Ce n'est pas un droit, c'est un devoir.
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dans ce délire indifférenciant, tout le monde s'accroche à une seule différence vraie : je ne suis pas comme le Front national
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13 janvier 1992.
Le problème n'est plus de connaître beaucoup de gens, d'être aimé par beaucoup de gens, mais au contraire, à mes yeux, d'en connaître le moins possible. Deux ou trois suffisent désormais puisqu'ils se ressemblent tous.
p. 28
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5 juillet 1991.
Ce qui m'intéresse, en réalité, c'est d'essayer de comprendre, avec vingt-cinq ans de recul, pourquoi j'ai tant aimé Bloy, à un âge où j'aurais dû (comme les autres, comme ceux de mon âge, comme ceux de ma "génération", comme tous ceux qui, plus tard, dans chaque "génération", se destinent à ne jamais écrire ni penser) découvrir la littérature dans Sartre ou Camus. Moi c'est contre la lecture de Sartre ou de Camus que j'ai choisi Bloy. Je n'ai même pas eu à me le formuler, à l'époque, puisque je refusais de lire une seule ligne de Sartre ou de Camus, mais c'est limpide : ces deux-là me sont apparus tout de suite comme l'expression du consensus en littérature, c'est-à-dire de la chose qu'il me fallait automatiquement vomir si je voulais vivre.
(...)
Lectures très oppositionnelles, dans ma jeunesse. La lecture comme façon de dire merde. Bloy, donc, plutôt que Sartre ; Bernanos plutôt que Camus ; Céline plutôt que Gide ou Robbe-Grillet. Et même du Mauriac, du Jules Romain (tous "Les Hommes de bonne volonté" !), du Duhamel ("Pasquier", "Salavin"), du Martin du Gard ("Thibault"), du Montherlant, du Green, plutôt que les Musil, Mann, Beckett, André Breton et sa clique surréaliste, etc. Le seul génie sur lequel il y avait alors (il y a toujours) accord unanime et dans lequel, pourtant, je suis tombé en extase, c'est Proust. Le seul.
Je ne savais pas ma chance de ne pas connaître les avant-gardes.

p. 509
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(Avignon, 2000).
"Votre idée du beau est-elle définitive?" vous interpellent les mêmes prospectus. Ma réponse est : oui. Bien entendu. Mon idée du beau est définitivement définitive. Mais il est évident qu'on attend que vous répondiez non, si vous voulez avoir l'air d'un honnête moderne, c'est-à-dire d'un esclave de bonne volonté qui a appris à ânonner en rampant, dans les sombres écoles des avant-gardes, que tout est relatif.

p. 375
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