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Critiques de Pierre Cendors (88)
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Engeland

Un roman sur le regard d'une photographe, un sujet peu commun!



D'autant plus qu'il est traité ici avec beaucoup de sensibilité, de douceur.



Fausta Kinsel, née à Berlin, traverse les événements du XXe siècle, affûtant sa lecture du monde et sa démarche artistique, à la recherche d'un ami d'enfance, mystérieusement surnommé Houdini.

Pensant l'avoir perdu à jamais dans un accident, la jeune femme tombe un jour sur un portrait peint du garçon, dans une vitrine.



La peinture, la photographie, le théâtre : les différentes disciplines artistiques disent l'errance de ces personnages qui s'accrochent et s'effritent aux tumultes de l'Histoire.



Une construction savante, une écriture ténue et caressante pour décrire ce que l'on ne peut pas voir. Challenge réussie!



Belle découverte, dans la librairie Préférences de Tulle.





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Seuil du seul

Une randonnée sur l’île de Skye, une quête poétique, une clé d’autres énigmes romanesques, ailleurs : une plaquette à l’air modeste et à la puissance précieuse.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/09/30/note-de-lecture-seuil-du-seul-pierre-cendors-jacques-mataly/



Depuis maintenant plus de quinze ans, Pierre Cendors bâtit pas à pas une œuvre apparente et une œuvre secrète (dont le filigrane élégant et doucement obsessionnel se dégage toutefois de plus en plus, à présent), œuvre double tissée de pas de côté poétiques (citons « Chant runique du vide » en 2010 ou « Les Hauts Bois » en 2013), d’arpentages de chemins déserts ou presque, islandais ou écossais (nous pensons bien sûr à « L’invisible dehors » de 2015), et d’échappées imaginaires rusées, jouant de leur façon de puzzle (« Les fragments Solander », 2011), jouant à inventer une mythologie alternative de la photographie (« Engeland », 2010) ou du cinéma (« Archives du vent », 2015), ou dévoilant désormais des pans entiers de ce qui demeurait tu jusque là dans l’enchaînement comme inexorable des ouvrages, en deux somptueuses bouffées de science-fiction gracquienne (« L’énigmaire », 2021) et de fantasy flaubertienne (« L’homme-nuit », 2023).



Publié en 2021 à L’Atelier Contemporain, magnifiquement illustré par les photographies de Jacques Mataly, « Seuil du seul », malgré sa minceur apparente, pourrait bien constituer un jalon essentiel dans ce cheminement passionnant.



Nouvelle confrontation réelle et imaginaire de l’auteur avec la solitude radicale, dans le paysage magnifique, ambivalent et quelque peu lunaire de la petite chaîne montagneuse des Black Cuillin, sur l’île écossaise de Skye, « Seuil du seul », au titre proprement sublime, mêle au millimètre le récit factuel d’une expérience physique et géographique absolument personnelle, voire intime, et la réflexion qu’elle engendre, pas à pas, en 49 propositions, sur la nature sauvage, pas tout à fait animale mais pas nécessairement humaine non plus, que véhicule intrinsèquement la poésie. Pas seulement une part d’ombre ou d’indicible, mais aussi un cheminement ouvert aux mystères, un appétit de rencontres pas nécessairement humaines pour résoudre certains des nombreux paradoxes de la solitude. La quête poétique parmi la roche et le paysage résonne avec les énigmes romanesques que les grands protagonistes de Pierre Cendors cherchent ailleurs à ausculter : ce mince opuscule, au-delà de sa beauté propre, fait ainsi figure de précieuse clé vers quelques ailleurs différents.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Silens Moon

Allemagne, années 30. Un chant dans la nuit. Une douce mélopée assourdie par la neige. Une voix grave, sensuelle, étrange. Un homme avance, ou peut-être deux, sinon trois. Figure(s) de loup des steppes. Il avance jusqu'à un cabaret mystérieux.



Nous sommes trois à le suivre de loin. Si le renard reste tapi dans l'ombre, ayant déjà emprunté le chemin, @point.a.laligne et moi-même décidons de frapper à cette porte. C'est l'heure pour nous du rituel de cendorisation.

Évidemment, c'est @moonpalaace qui nous ouvre, habillée de noir et de lune, grande prêtresse du lieu. Dans la salle du Morador, des visages familiers, Cendors à su charmer, à su convaincre. Pas de sauge qui brûle mais une coupe de requiem, ce blanc de noir subtil et la mort au bout du téléphone. La voix entendue sur scène prend corps. Une femme belle et mystérieuse apparaît.



Quelques nuits et le temps s'est arrêté. Je n'avais rien lu d'aussi beau depuis une éternité. C'était peut-être même trop beau pour être vrai. Mais le contrat est signé, je suis embarquée, touchée, coulée. Il y a une extravagance dans les mots choisis, mais cela sert le propos qui devient plus percutant. La poésie ne prend jamais le pas sur la narration, les personnages bien que nimbés de mystère portent une histoire. On se surprend à ne plus vouloir quitter ce texte, à pousser toujours plus loin la lecture, enchaînant les chapitres, ne faisant des mots que pour goûter un peu plus des phrases-citations. Ne plus vouloir quitter ce livre.



Et relever la tête : "Bordel, c'est beau quand même !"
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Minuit en mon silence

Septembre 1914,



C’est le début de la guerre et tous les soldats espèrent déjà la fin du conflit pour pouvoir retourner chez eux. De son petit village où il a une permission, le lieutenant allemand Werner Heller écrit une lettre d’amour à une femme qu’il ne connaît pas et dont le souvenir l’accompagne dans les tranchées, face à la mort. Il ne sait que son nom. Un regard croisé à Paris, une main effleurée et un silence intense. La portée du silence est spéciale, puissante, plus bavarde et plus sincère que la parole.

Minuit en mon silence sont les mots écrits d’un jeune poète de sa garnison juste avant de mourir :

« Un jour, lieutenant, vous m’avez demandé pourquoi je m’étais engagé et ce que j’étais venu chercher dans cet enfer. La dévastation m’a conduit à cette guerre. Je n’ai pas besoin de vous dire que peu en reviendront. Et ceux qui en réchapperont seront tombés d’une autre manière. Moi, je suis tombé bien avant. Au moment de mon arrivée, je portais le deuil de mon enfance. J’avais vingt ans. Il était minuit en mon silence. »



Heller raconte dans sa lettre à Else un temps passé et ses césures, de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte. Il lui parle de l’amour qu’il a tout le temps cherché à travers les femmes de sa vie et qu’il nomme Orphia. Il lui dit la solitude et son avancée vers le front, la peur, ses hommes, et toujours le silence qui l’habite, le silence qui est comme une musique de mots.

Cette lettre peu ordinaire, si poétique, emplie de mélancolie et de passion retenue pour son idéal absolu qu’il écrit « inaccessible », est certainement l’ultime confession d’un homme qui se sait sacrifié.



Ce roman fait penser à d’autres histoires lues. L’auteur évoque la mémoire d’Alain-Fournier décédé en 1914, qui a écrit la magnifique histoire d’amour entre Augustin Meaulnes et Yvonne de Galais ; une silhouette qu’il voit lors d’un bal masqué, qu’il perd et qu’il recherche longtemps. Le style épistolaire et la sonorité de la prose rappellent celui de Stefan Zweig, « Lettre d’une inconnue », et celui de Rainer Maria Rilke, « Lettres à un jeune poète », des auteurs du début du XXe siècle. C’est triste, idéaliste, chimérique et très beau.

Je vous recommande cette lecture…
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Minuit en mon silence

1914, Werner Heller - lieutenant du 5ème corps d'armée prussien - part pour le front.



Pressentant que cette guerre verra ses dernières heures, il profite d'une nuit pour écrire à cette femme, à peine rencontrée et pourtant reconnue et aimée.



Dans ces lettres, ce n'est pas tant le lieutenant prussien qui se livre sur l'amour que Pierre Cendors.



C'est en effet la voix de l'auteur que j'ai lu en filigrane de ces pages.



Une vision de l'amour comme une recherche d'absolu, d'une vérité intérieure, de cette profondeur intime cachée à chacun de nous.



Sauf si le silence se fait, dans la nuit et dans notre âme.



Cette œuvre est d'une poésie incroyable, chaque mot est posé comme un joyau. Les phrases se savourent et se lisent, encore et encore, pour extirper chaque sens caché, chaque subtilité du langage.



Éblouissement du choix des mots, des concepts développés mais aussi, quelque part, frayeur. Peur d'un amour dont il doit être difficile d'être la cible. Comment un tel sentiment absolu pourrait survivre dans une vie structurée, si pleine de normalité ? Qu'il est beau d'être aimée mais personne ne semble pouvoir être à la hauteur de cette quête. Cet amour-là est de ceux qui semblent ne jamais pouvoir exister, que pour un bref instant d'éternité.



Incursion émouvante, pour moi, que cette première plongée dans cet univers si atypique que celui de Pierre Cendors.
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L'invisible dehors : Carnet islandais d'un ..

Donner un avis sur L'invisible dehors, c'est presque immanquablement parler de soi. Ce carnet de voyage d'écrivain est l'infusoir d'un autre roman de Pierre Cendors, Archives du vent. Frisant avec la forme du recueil poétique, Pierre Cendors y exprime son rapport aux paysages d'Islande, au vide, à la marche, au processus créatif, à l'art, son rapport à lui-même indirectement. Il invite ainsi le lecteur au même retranchement intérieur, pour mieux finalement extérioriser ce qui doit l'être - en l'occurrence ces carnets de voyage et le roman Archives du vent.

En bref, un retour sur soi déclencheur d'ouverture au monde... Rien de moins !

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Engeland

Dans les premières convulsions de l’Allemagne nazie, le parcours de la photographe Fausta K., ou l’absence au monde comme clé de la construction d’une oeuvre.



Biographie d’artiste, extraits du catalogue d’exposition, rétrospective des œuvres de la photographe Fausta Kinsel, roman poétique avec une intrigue fascinante, «Engeland», paru en 2010 aux éditions Finitude, semble se situer en un territoire énigmatique, en lisière du fantastique, et l’on ressort de cette lecture comme d’une séance d’hypnose, sans se souvenir de tout mais fasciné.



Séparée d’avec son ami d’enfance Houdini, qui vit reclus dans une pièce depuis l’accident brutal dans un chantier de Berlin qui l’a privé de l’usage de ses jambes, et qui n’a plus avec Fausta qu’un contact épistolaire, la photographe Fausta Kinsel (1898 – 1996) parcourra le sombre vingtième siècle, habitée par l’ombre de son ami et par une solitude essentielle à son œuvre.



Quelques années après la disparition d’Houdini, Fausta, dans le milieu artistique berlinois des années 1930, est ramenée sur les traces de celui-ci en découvrant son portrait, signé d’un certain Engel. Elle recherche l’identité de ce mystérieux peintre, toujours dans l’ombre de cette âme sœur disparue.



«Plus tard, critiques et biographes expliqueront cette distance un peu solitaire qui, selon eux, annonce un artiste en devenir. L’amitié d’Houdini en serait l’origine. Pas un jour ne se passe sans que l’un ne se dédouble en pensée dans l’autre. La réalité brutale de l’accident n’y change rien. La correspondance qu’ils échangent l’affirme d’une manière surprenante : si tout désormais sépare Fausta d’Houdini, rien ne peut les désunir. Cette absence qui les éloigne d’autrui les rend âprement présents l’un à l’autre.

Bâillonnez le visible et l’invisible se met à crier à pleine voix. Cet hiver-là, au milieu d’une leçon, Fausta éprouve la violence d’un appel.»



Témoin des sombres palpitations de l’Histoire, tandis qu’en Allemagne «une grande partie de l’industrie se reconvertit dans l’armement», Fausta K. ne fait que côtoyer ces événements, et avance, solitaire, sur le chemin de sa quête intérieure, vers un vide désencombré de l’artifice au cœur de l’univers, pour dévoiler dans son œuvre ce qui ne se voit pas.



«… lorsque dans l’œil du photographe le visible ne montre que lui-même, on assiste à une sorte de déréalisation du réel ; regardez les couvertures des magazines, les images d’actualité, toutes ces photos sans issues… La réalité n’est pas le visible qu’on enregistre à l’aide d’une technique, avec cette efficacité vide, cette vitesse privée de vision, que l’on voit aujourd’hui sur les écrans.

Le réel, commentait-elle ailleurs, c’est la sensation vaste du fleuve, l’exultation calme qui s’empare de vous quand, en marchant longtemps dans le vent, une sorte de lumineux anonymat descend sur vos pas.»



Dans les ombres discrètes de Prague et d’un écrivain aux initiales similaires, F.K., ce superbe roman, avec lequel «Archives du vent» (éditions Le Tripode, septembre 2015) entrera en résonance très particulière, est habité de secrètes correspondances, comme cette coïncidence entre la disparition d’Engel et celle du magicien Harry Houdini, et des thèmes qui traversent l’œuvre de Pierre Cendors, du double et de la gémellité, du silence et du détachement de la réalité visible essentiels à la création artistique, thème central de «L’invisible dehors».



«Le chasseur des steppes et le photographe nomade parcourent un territoire identique. Ils savent que tout chemin entrave la vraie progression, que la pensée d’un but à atteindre abolit la vision. Il n’y a ni chemin, ni but ni pensées. Rien.

Mes photographies sont des raccourcis vers ce rien.»



Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/08/04/note-de-lecture-engeland-pierre-cendors/

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L'énigmaire

"Sans frontières, parfois sans nom, nous ne régnons pas, nous allons" : monstrueux de subtilité et de poésie, un labyrinthe science-fictif et tarkovskien pour réinterroger la possibilité puissante de l’art après Ravensbrück



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/02/09/note-de-lecture-lenigmaire-pierre-cendors/



Même s’il a fallu ici prendre pour faux guide occasionnel le « Little Nemo » de Winsor McCay, s’il a fallu composer avec des tropismes arctiques et de mythiques communions avec la nature ré-ensauvagée (les loups de Baptiste Morizot ne sont pas si loin, la souille de Michel Tournier est étonnamment proche, c’est bien dans la discrète création et rusée mise en place d’un langage ad hoc, d’un vocabulaire aussi spécifique que savoureux (processionner, croailler, colériser, ultième, courre, décousure, mutité, surrection, charogner, encolérer, irrassasié, géniture, vacarmer, falaiseux, larmer, passée, récifal, cimetièral, inexister, apâli, plumifère, ondant, cortéger, inemploi, néantes, chaoticien,…) que peut s’opérer au fil des pages l’appréhension du monde flottant qui est ici l’enjeu de toute magie analytique.



Non pas un bardo volodinien, mais un ukiyo, et pour tenter de saisir ce monde flottant, le cheminement des artistes a autant d’importance – ou davantage – que leurs œuvres proprement dites : c’est ainsi que l’air guitar et les musiques fantômes, sans instruments, comme en écho au « Manger fantôme » de Ryoko Sekiguchi, peuvent pleinement jouer leur rôle, dans la fiction comme auprès de nous, lectrice ou lecteur. Les riches lectures des œuvres antérieures de Pierre Cendors effectuées par ma collègue et amie Marianne, sur ce même blog, que ce soit celle de « L’homme caché » (2006), d’« Engeland » (2010) ou des « Archives du vent » (2015) – et de son proto-making of en parallèle, « L’invisible dehors »), comme, presque paradoxalement, les boucles hypnotiques du Gabriel Josipovici de « Goldberg : Variations », pointaient dans une direction presque indicible, aujourd’hui, celle qu’exprime avec une ferveur éblouissante cet « Énigmaire » : c’est bien notamment par le parcours discret – voire secret – d’artistes réels et, plus encore, d’artistes imaginaires, que peut se conjurer, encore et encore, l’interrogation fondamentale de Theodor W. Adorno sur la possibilité de la poésie (et de l’art) après Auschwitz (ici, en l’espèce, après Ravensbrück), et que prend tout son sens la citation centrale, rappelée ailleurs aussi par le grand Hans Magnus Enzensberger, attribuée au général Hammerstein dont les filles étaient totalement engagées dans la résistance anti-nazie, sous sa bienveillante ignorance : « La peur n’est pas une vision du monde ». Et c’est ainsi que Pierre Cendors, dans la solide dureté d’une prose poétique à facettes, nous autorise un réenchantement aussi secret que d’abord improbable.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Archives du vent

Avec Archives du vent, le lecteur s’écarte sensiblement de l’introspection à l’honneur dans L’invisible dehors. Les personnages ici sont multiples et tous étroitement liés les uns aux autres par le projet fou et cinématographique d’Egon Storm : réaliser trois films et peut-être quatre à l’aide de la technologie du Movicône qu’il a inventée et les faire diffuser après sa mort par son complice, les uns après les autres, un film tous les cinq ans. Outre ce scénario génial et déstabilisant, l’auteur n’hésite pas à voyager dans le temps et l’espace, égarant le lecteur sur toute la longueur du XXIème siècle de la Suède à l’Ecosse en passant par l’Islande, pour former un ensemble complexe et cohérent largement influencé par la théorie des voyages astraux.



Archives du vent est aussi et surtout une perle de littérature à vous faire corner votre livre à chaque page – aussi bibliophile que vous soyez – tant les aphorismes et citations à vous éveiller un mort sont nombreux et incitent à la méditation ou à la réflexion. De petites vérités assénées discrètement et tout juste bonnes à vous remémorer le but de toute littérature digne de ce nom – ou plus simplement digne de ce que j’aime.
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Archives du vent

Dans la série « les-titres-qui-vous-envoûtent », j’ai craqué pour Archives du vent. C’était avant même de le voir en librairie : un post sur Internet qui présentait une sélection de romans pour l’un des innombrables prix qui fleurissent à la rentrée. Et puis je suis tombée dessus. Une superbe couverture, avec le regard insolent de Louise Brooks qui accroche immédiatement le vôtre. Je l’ai pris en main. Un objet splendide : un papier épais ; des marges confortables ; une typo élégante (Perpetua, un caractère créé en 1929, nous est-il précisé en fin d’ouvrage). Bref, un sacré beau livre qui avait fait l’objet de soins attentifs de la part d’un éditeur amoureux de son métier. Cela méritait de s’y attarder.



La quatrième de couverture était assez laconique ; seul l’un des rabats reprenait une citation du livre, qui éclairait sur la démarche volontiers ésotérique de l’auteur et le caractère ténébreux du texte.



"Mon histoire n’est pas un roman. Il ne s’agit pas plus d’un testament que d’une confession. C’est une formule talismanique pour sortir du monde sans en sortir, un blanc chamanique de la parole, quelque chose comme une aire de hors jeu dans le grand jeu cosmique où se joue notre existence."



Pas vraiment mon univers, mais pourquoi pas. Il est intéressant parfois de sortir de sa zone de confort pour explorer des horizons nouveaux et, peut-être, faire de réjouissantes découvertes...



... J’ai eu le plaisir de lire une écriture élégante, travaillée, très soignée.

Quant au récit lui-même, l’auteur sait incontestablement installer une atmosphère, quelque chose de surnaturel et d’assez poétique.

Mais, pour être franche, même si j’ai lu ce roman sans déplaisir, on ne peut pas dire que j’aie été franchement conquise. L’idée de départ était pourtant originale : un réalisateur de génie crée des films à l’aide d’un procédé révolutionnaire. En numérisant des œuvres cinématographiques ou des documents filmés, il peut, en assemblant ensuite les images à son gré, recréer des films de toute pièce, en faisant jouer aux acteurs des rôles entièrement nouveaux. Les conditions de projection de ces films obéissent à des exigences particulières de leur auteur, les entourant d’une aura de mystère supplémentaire...

S’il est amusant d’imaginer Brando en éditeur en vogue ou Louise Brooks en jeune chanteuse juive - des rôles qu’ils n’ont jamais tenus-, je n’ai pas bien saisi l’intérêt de faire d’Hitler un poète méconnu de grand talent (qui tombe amoureux de la chanteuse en question). Je ne me suis cependant pas arrêtée à ce détail...

J’ai poursuivi cette histoire nimbée de mystère en espérant qu’elle me mènerait vers des rivages inattendus. On évolue peu à peu vers une histoire de doubles dont l’un ferait le récit cinématographique de la vie de l’autre. Les frontières entre fiction et réalité semblaient se brouiller : de quoi me titiller !

Mais le fil du récit m’a paru un peu confus dans son déroulé comme dans son propos, et je suis finalement restée sur le bord du chemin... Dommage, car ce texte ne manquait pourtant pas de qualités. Au final, je ne regrette pas cette lecture, mais elle n’aura pas été le déclic d’une envolée vers de nouveaux horizons littéraires !

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Archives du vent

J'ai dévoré ce livre, après avoir fait la rencontre de son auteur au premier salon littéraire de France, et j'ai pu échanger avec lui lors d'une conversation d'on ne peut plus agréable avec Pierre Cendors.

Et ce fut avec le même charme que j'ai pu me plonger dans ce roman, qui m'a conquise totalement !

Il faut bien se l'avouer, dans la majorité des romans de nos jours, on retrouve des personnages pleins de bons sentiments, des écritures par certains égards bâclées et des références qui ,à mes yeux, devraient gentiment être glissées sous le tapis de l'ignorance humaine...

Cependant, c'est tout l'inverse dans Archive du vent, et c'est cela qui me rend si enthousiaste ! La plume est légère et fine, les mots bien tournés les références tout à fait variées !

Sans compter que l'histoire n'est pas une de ces vulgaires soupes de regrets et bonne conscience qui tente tout au long de son déroulement à nous soutirer quelques larmes..

Non, l'histoire est semblable à une douce mélodie qui vous accompagne ou vous berce...

C'est en lisant ce type de romans que je sais que la littérature a encore de beaux jours devant elle, et cela messieurs dames, ça n'a pas de prix !
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Rimbaudelaire Road

C’est un livre qu’on lit comme une traversée, celle du silence d’un homme qui n’écrit plus, qui « sans voix » devient « sans lieu » et s’adonne à l’errance éveillée, à la marche anonyme, posant son attention partout et nulle part.



C’est un homme qui s’appelle Aden, dans lequel on veut lire la disparition de Rimbaud, et qui oscille, baudelairien, dans les forêts de symboles à travers lesquelles il chemine, dans cette « promenade absolue » où il foule le visible et l’invisible, et qui cherche à atteindre, mallarméen, l’azur.



Son nomadisme s’entrecoupe d’une autre voix, italique, cherchant à dire l’indicible, s’efforçant, Orphée composant des livres d’Hadès, de « trouver un langage pour dire ce que les livres ne disent pas ».



C’est un poète psychogéographe, qui devient ce qu’il cherche, la « cartographie sensorielle » d’une âme qui se découvre, « paysage inaccessible », aux fulgurances qui éclaboussent poétiquement ceux qui croisent son chemin, tel ce passant, « hiéroglyphe perdue dans la multitude »,qui, captivé par le regard d’Aden, plonge dans cet éden de « l’invisible coeur du connu ».



C’est un livre où l’é-moi se fracture, se fissure pour laisser éclater, « flamboyance silencieuse », le recueillement d’une vie qui choisit de « s’originer » en poésie, au risque du silence, de l’errance et de la transe.



C’est un livre de Pierre Cendors : un autre labyrinthe où les noms s’effacent pour laisser éclater, lumineuse évidence, la pureté d’un style dont les déambulations me hantent et m’offrent, dans un même mouvement, le plaisir de la perte et de la trouvaille féconde.
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Minuit en mon silence

Court chef-d’œuvre, hymne incandescent à l'ardeur d'un amour éperdu, lettre pour préserver l'illumination, sa solitude, nos « nudités nocturnales », toute cette vie plus forte et plus vraie que la prose poétique de Pierre Cendors nous laisse saisir en sa disparition. Hommage détourné à Alain-Fournier, Minuit en mon silence est exemplaire illustration dont Cendors invite à dévisager -dans la perte et les guerres qui hantent son œuvre - la beauté et ses fantômes.
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L'invisible dehors : Carnet islandais d'un ..

Les promontoires de l'esprit.

Poète lucide, exigeant et courageux, « l'intelligence tremble à l'approche de l'être nu » comme l'écrit Kenneth White, Pierre Cendors s'avance seul vers la péninsule d'Hornstrandir située au nord de l'Islande, des terres basaltiques âpres désertées des hommes, hantées par les renards polaires, que la falaise aiguë du Hornbjarg plongeant dans l'Arctique pourrait condenser. La voyance, cette acuité du regard allant au-delà des apparences et des préjugés, des visées utilitaires, affouillant jusqu'à l'os du paysage, Pierre Cendors la met en pratique, décrivant sa marche physique et sa démarche mentale : « Puis j'entrai dans la montagne », son arrivée au seuil d'un no man's land blanc hors du temps. La voyance et la vision se rejoignent et se confondent, amenant à une extase et une plénitude chamaniques : « Une immensité froide, ample lumière d'aube où rien ne meurt, rien ne vit… ». Il y a du Rimbaud parfaitement assimilé dans les écrits fervents de Pierre Cendors mais aussi, en filigrane, toute une littérature liée au nomadisme intellectuel chère à Kenneth White mais l'auteur, dans son « Carnet islandais », fait oeuvre personnelle à part entière. Son écriture exigeante et pourtant lisible, compréhensible car ancrée dans une réalité tangible est porteuse d'un feu intérieur qui se réfracte dans l'esprit du lecteur, confortant fraternellement ses propres visions. Le carnet islandais dépasse la simple relation de voyage. Magnus Morland, pseudonyme et auteur fictif (hétéronyme), parcourt le livre, l’émaillant de commentaires. Le voyage résonne ainsi en écho dans les profondeurs de l’imaginaire et sonne avec justesse, sans pesanteur aucune. Le concept de « paysage-racine » esquissé est d’une justesse troublante comme si chacun portait déjà en soi un paysage « natal » qui révèlerait, à des « points de jonction géographique », « l’invisible dehors ». L’absence donnant corps à la vision, le livre est dédié à l’artiste islandais Georg Gudni (1961-2011) qui a su peindre des paysages archétypaux « ouverts sur l’infini ».
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Hauts Bois

Le passage des lumières.

Souffle de l’indicible, reflet brouillé, rive dérobée, l’infini est à portée d’une conscience posée dans la lenteur, attentive à l’invisibilité incarnée par effraction : « Un monde invisible/qui s’évade en vie ». Les mots choisis et agencés en phrases denses par Pierre Cendors ouvrent avec évidence et simplicité sur le vertige métaphysique. Ils sont une transcription incertaine mais possible du passage des lumières.

Découvert sur les rayonnages irradiants de la bien-nommée librairie « Le silence de la mer » sise à Vannes, le court recueil poétique « Les hauts bois » se lit d’une traite et les vers résonnent en écho avec des pérégrinations intimes : « Ce sont de longues avenues de cimes/comme j’aimerais que vivre fut ». L’auteur est peut-être borné par la forêt de Chantilly d’où il écrit, il n’en évoque pas moins des marches sur les crêtes drômoises souvent si proches de l’azur. A noter, une petite erreur, p. 25 : « Nervure archaïque/du boulot [sic] primordial ». Le lecteur voit mal comment un terme aussi besogneux et trivial pourrait supplanter le superbe arbre blanc des terres boréales.
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Minuit en mon silence

« Chère Else,

Je dois bientôt m’en aller, partir. Vous quitter. C’est la dernière nuit que je passe en tête à tête avec votre absence. C’est là, je le sais, toute la compagnie que je recevrai jamais de vous. Demain, je serai de retour au front. Je n’ai jamais pu mentir devant vous. Je m’avance sur un chemin où, dans quelques heures, à l’instant peut-être où vous lirez ces mots, je me serai déjà franchi. »

Ce premier paragraphe à peine terminé, je suis conquise.

Un lieutenant allemand, peintre, ayant vécu à Paris jusqu’à la mobilisation écrit une lettre à Else, une femme plus fantasmée que réelle rencontrée une seule fois.

« Vos pensées comme vos nuits me sont inconnues. Je ne vous connais que de loi et, pourtant, depuis notre rencontre à Paris, vous m’êtes devenues plus intiment liée que mon propre souffle. Vous êtes apparue sur mon chemin en l’ouvrant à sa plus secrète sente. »



Cette lettre, la recevra t'elle, la lira t'elle alors que le lieutenant Heller se prépare à partir à l’assaut au lever du jour. Il sait qu’il n’en sortira pas vivant. Cette assurance le pousse à parler d’amour d’intériorité, de dévoiler ses pensées à Else qu’il sublime en Orphia.

En chaque homme, madame, est une intensité errante qui recompose, femme après femme, le visage d’une seule. Inaccessible. Cruellement proche. Chacune d’entre elle la lui rappelle. Toute lui sont un exil.





Ce livre écrit « A la mémoire d’Alain-Fournier » qui fut l’idole de mon adolescence, est poésie et beauté. Tout comme l’auteur du Grand Meaulnes, il sublime une femme juste rencontrée et en fait LA femme, L’AMOUR. Lorsqu’il parle d’Orphée, l’ordonnance du lieutenant, qu’il prénomme Orphée, Pierre Cendors rend hommage à tous les poètes et artistes morts aux combats, qui ont donné des textes magnifiques.

Si les mots savent habiller nos sentiments et nos pensées, ils échouent à nous mettre à nu. La nudité de l’être use leur étoffe jusqu’à atteindre une transparence peu dicible.

La poésie, madame, c’est désimaginer le monde tel qu’on nous le vend. C’est découvrir qu’il n’est rien et que s’en éveiller est tout.

Un livre que j’ai pris plaisir à déguster, émerveillée par la richesse, la poésie du texte, retournant en arrière, juste pour le plaisir d’une phrase. Pierre Cendors, à travers le narrateur, interpelle sur la liberté, l’absurdité de la guerre.

Je n’avais pu entrer dans son précédent livre, « Archives du vent », le cinéma n’est pas mon domaine de prédilection, mais l’écriture de Pierre Cendors m’avait interpellée. Ravie d’avoir réitéré avec « Minuit en mon silence »


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Archives du vent

La poésie chamanique du cinéma réinventant le labyrinthe de la vie.



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Les fragments solander

Suite à un accident, l’écrivain Paul Fauster a perdu la mémoire. Pour remonter la trame de son passé, il reprend celle de l’ouvrage fragmentaire qu’il composait : une biographie mythopoétique d’Endsen, le Rimbaud des pays de l’Est.



Mais comment écrit-on la vie d’un éternel disparu, qui semble se dissoudre dans la matière même du XXe siècle ? Comment écrire autour d’une identité qui se transmet ? Comment reconstituer l’Histoire, quand celle-ci n’est qu’une longue de suite de purges ou d’oscillations fantastiques ? Comment marcher dans les pas de quelqu’un qui déréalise jusqu’aux lieux qu’il parcourt, qui brouille les identités de ceux qu’il croise, et qui, s’inscrivant dans le temps du mythe, paraît être fiction vivante, écriture en marche ?



Dès la couverture, Cendors nous avertit : ce roman est un nouveau puzzle qu’il ajoute à son univers-labyrinthe, une nouvelle pièce fragmentaire de son œuvre, véritable hymne au dispar-être. Il s’agit moins, ici, de bâtir un livre de plus, que de tisser un prolongement, commencement et/ou fin, à la spirale littéraire dans laquelle il nous entraîne depuis L’Homme Caché.



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Adieu à ce qui vient

Arrivé à Venise, une nuit sans lune, Innocenzo, dit Inno, espère trouver, dans les vapeurs perpétuelles des fêtes sérénissimes, l’Unique, l’amante jusque là invisible qui saura répondre, symphonie, à ses chimères. Il se heurtera, dans sa quête, à la figure-némésis de l’astronome Ricorni, et croisera les silhouettes superbes de la courtisane Fulvia, au nom jaune fauve terni par sa profession, et Auria, l’oiseau-lyre à la voix d’or pur. Qui sera, de cet Amour(eux), la Psyché ? Dans cette ville, « sphinx d’eau » où les rêves respirent, qui saura faire revivre le(s) mythe(s) ?



Pierre Cendors tisse ici un roman en trois actes, dans un décor théâtral – Venise au nom tressé d’imaginaires (le labyrinthe, le masque, la fête perpétuelle, l’eau miroitante, la beauté hors-temps à valeur de mythe), Venise et ses palazzos détrempés de brume, aux cours dentelées de coulisses secrètes- propre à accueillir les tromperies sophistiquées animant les personnages. Les jeux d’identité et de filiation s’entrecroisent, les mensonges, les jalousies et les révélations finales éclatent comme autant de coups de théâtre servis par des acteurs inconscients de leur rôle archétypal (l’amoureux et son valet fidèle– Guido au nom si symbolique-, le vieux barbon, la courtisane et l’orpheline).



Tout ne semble ici que double, reflet, masque, jeux de miroirs...



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L'homme caché

Le jeu de cache-cache commence dès la couverture : un labyrinthe vacillant autour d’un portique-serrure, dont la clé est une silhouette obscure qui pourrait tout autant nous toiser que nous rejeter. Dominant l’image, le sous-titre romans, clin d’œil à La vie mode d’emploi de Perec, invite à une lecture en tiroirs et au jeu fictionnel.



Ce profil est celui d’Endsen, poète à la biographie nomade, impossible, personnage brumeux égaré dans le labyrinthe de Prague et dissout dans la Vltava. Endsen, ce créateur visionnaire à la Rimbaud, dont la disparition et la vie, enfouies sous le silence, sont devenues de véritables légendes autour desquelles graviteront les narrateurs des quatre romans-nouvelles composant L’Homme Caché. Endsen, dans le nom duquel on voudrait entendre la fin de quelque chose – du soi ? du sens ?-, personnage mais aussi auteur de L’Homme Caché… Endsen renvoie curieusement à son créateur-créature, Pierre Cendors, affirmé comme auteur sur la couverture, mais présenté comme personnage dans la quatrième section et dans la postface de Dominique Bordes…



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