Une randonnée sur l'île de Skye, une quête poétique, une clé d'autres énigmes romanesques, ailleurs : une plaquette à l'air modeste et à la puissance précieuse.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/09/30/note-de-lecture-seuil-du-seul-pierre-cendors-jacques-mataly/
Depuis maintenant plus de quinze ans,
Pierre Cendors bâtit pas à pas une oeuvre apparente et une oeuvre secrète (dont le filigrane élégant et doucement obsessionnel se dégage toutefois de plus en plus, à présent), oeuvre double tissée de pas de côté poétiques (citons «
Chant runique du vide » en 2010 ou « Les Hauts Bois » en 2013), d'arpentages de chemins déserts ou presque, islandais ou écossais (nous pensons bien sûr à « L'invisible dehors » de 2015), et d'échappées imaginaires rusées, jouant de leur façon de puzzle («
Les fragments Solander », 2011), jouant à inventer une mythologie alternative de la photographie («
Engeland », 2010) ou du cinéma («
Archives du vent », 2015), ou dévoilant désormais des pans entiers de ce qui demeurait tu jusque là dans l'enchaînement comme inexorable des ouvrages, en deux somptueuses bouffées de science-fiction gracquienne («
L'énigmaire », 2021) et de fantasy flaubertienne («
L'homme-nuit », 2023).
Publié en 2021 à L'Atelier Contemporain, magnifiquement illustré par les photographies de
Jacques Mataly, « Seuil du seul », malgré sa minceur apparente, pourrait bien constituer un jalon essentiel dans ce cheminement passionnant.
Nouvelle confrontation réelle et imaginaire de l'auteur avec la solitude radicale, dans le paysage magnifique, ambivalent et quelque peu lunaire de la petite chaîne montagneuse des Black Cuillin, sur l'île écossaise de Skye, « Seuil du seul », au titre proprement sublime, mêle au millimètre le récit factuel d'une expérience physique et géographique absolument personnelle, voire intime, et la réflexion qu'elle engendre, pas à pas, en 49 propositions, sur la nature sauvage, pas tout à fait animale mais pas nécessairement humaine non plus, que véhicule intrinsèquement la poésie. Pas seulement une part d'ombre ou d'indicible, mais aussi un cheminement ouvert aux mystères, un appétit de rencontres pas nécessairement humaines pour résoudre certains des nombreux paradoxes de la solitude. La quête poétique parmi la roche et le paysage résonne avec les énigmes romanesques que les grands protagonistes de
Pierre Cendors cherchent ailleurs à ausculter : ce mince opuscule, au-delà de sa beauté propre, fait ainsi figure de précieuse clé vers quelques ailleurs différents.
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