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Critiques de Pierre Drieu La Rochelle (75)
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Le feu follet - Adieu à Gonzague





Paris. 1931. Après avoir suivi une cure de désintoxication, Alain vit dans une maison de repos, entouré de neurasthéniques. Il n’a jamais travaillé et se procure auprès des femmes l’argent nécessaire pour se procurer de la drogue.



Nous le suivons pendant ses deux derniers jours.



Drieu La Rochelle nous dépeint un être solitaire veule, déçu par le monde qui l’entoure, et qui analyse parfaitement sa tendance à l’autodestruction. Il s’inspire largement de la vie de Jacques Rigaut, un dandy dadaïste. Ce livre a été adapté par Louis Malle en 1963, avec Maurice Ronnet dans le rôle principal.





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La comédie de Charleroi

Je suis prêt à parier qu'avant "l'affaire" 50 millions de Français ignoraient tout de Pierre Drieu la Rochelle. Jusqu'à son existence. Et pourtant, aussitôt qu'il fut question en 2012 de le faire entrer dans la prestigieuse collection de la pléiade : branle bas de combat général ! Une partie des médias enfourchèrent aussitôt leur "Dada" habituel. C'était le retour de la bête immonde...nous allions revivre les heures les plus sombres de notre histoire. N'avaient-ils pas des sujets plus importants à traiter ? D'ailleurs, avaient-ils lu un seul livre de lui ? Leur seul souci était de dire qu'un fasciste ne pouvait devenir un grand écrivain et que le lire vous faisait devenir automatiquement un affreux nostalgique de Benito. La liberté d'expression oui ! mais pas pour tout le monde...il ne faut pas déconner quand même.

Jean-Marc Reiser disait "On vit une époque formidable". Il n'avait pas tout vu. Aujourd'hui plus les événements sont lointains, plus les sectaires s'y intéressent. Je crains qu'un jour le massacre de la Saint-Barthélemy nous revienne dans la gueule...

Car enfin 70 ans après les faits, est-ce que la publication de Pierre Drieu la Rochelle dans la pléiade allait relancer les guerres, les famines et autres fléaux qui existent de par le monde ? Restons sérieux deux minutes.

En 1970, quand le livre de poche a publié La Comédie de Charleroi, il n'y eu aucune protestation, aucune hystérie alors que figuraient déjà au catalogue trois autres livres du même auteur (Gilles, l'Homme à cheval, Le Feu follet).

Alors ? Faut-il aujourd'hui créer des brigades spéciales chargées de brûler tous les livres de Drieu ? (tiens, cela me rappelle quelque chose).

Faut-il condamner lourdement tout individu qui vendra, qui lira, qui possédera un ouvrage de Pierre Drieu la Rochelle ?

Orwell ! ils sont devenus fous.

Quiconque aura lu La comédie de Charleroi ne pourra que constater le talent de son auteur. Seul un grand écrivain a les capacités de faire naître un tel livre. Tout le reste n'a rien à voir avec la littérature. Hélas nous vivons une époque où les barbares n'ont que faire des livres.

Ils ne lisent pas, ils hurlent.
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La comédie de Charleroi

Difficile de critiquer Drieu la Rochelle sans évoquer l’auteur. Il fit partie avec Céline, Brasillach et Montherlant, du quatuor des grands écrivains collaborationnistes, qui choisirent le camp de l’Allemagne et du Maréchal. Il y en eut beaucoup d’autres bien sûr, dont certains (Paul Chack, Abel Bonnard, Suarez…) furent même condamnés à mort à la libération. Mais ils étaient les plus connus, les plus symboliques, les plus talentueux aussi (si l’on met de côté le cas Chardonne), et ce sont leurs noms qui restèrent, marqués d’infamie, face au quatuor de Kessel, Aragon, Vercors et Romain Gary symbolisant eux la Résistance. Mais pourquoi avaient-ils fait ce choix ? Difficile de ne pas ouvrir l’un de leur livre sans espérer y trouver la réponse…



Est-elle ici ? Peut-être bien. Ce sont les souvenirs de guerre de Drieu la Rochelle. De la Grande Guerre. La première. Une suite de courts récits, récit de campagnes, de bombardements, de shrapnel et de mitrailleuses. De permissions, de casernes, d’hôpitaux. De transports de troupes par train, par bateaux, à pied. Il s’en dégage une odeur fade et rance. Celle des corps sales transpirant dans le drap raide et beaucoup trop chaud des uniformes. De la piquette acide, infecte, avalée par litres. Il y est question de combats, aussi. Et surtout du sentiment d’être dans une armée de paysans et de boutiquiers, qui même déguisés en héros ne sont à l’évidence que des paysans et des boutiquiers.



L’être qui a écrit ses lignes n’était, je pense, pas matériellement capable de résister à quoi que ce soit ou qui que ce soit. C’est un être dont le ressort intérieur est brisé, dont toute la personne est comme effondrée en lui-même.

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Gilles

Gilles

Rebatet, Brasillach, Drieu la Rochelle… On m’avait dit : « Lis les écrivains maudits, tu ne peux pas faire ainsi l’impasse. » J’ai commencé par Drieu, « Gilles ». Et je n’ai pas pu finir. Et il ne s’agit pas de ses choix, peu visibles, d’ailleurs dans les 150 pages que j’ai lues. Mais qu’avaient-ils ces mecs des années trente, qu’avaient ils, pour entretenir cette vision si méprisante, si pitoyable de la femme et de l’amour. Drieu, Cohen, Montherlant, même misogynie, même combat : des personnages masculins insignifiants (car, ne me dites pas, Solal, c’est quoi ? Un vague diplomate incrusté dans le système…) mais pétris de leur importance, et qui ne peuvent la percevoir, cette importances, qu’en manipulant des femmes jusqu’à ce qu’elles soient éperdues d’amour pour leurs petites personnes et qu’ils puissent les sentir souffrir. Gilles est de ceux là, et le plus prétentiard, le plus insignifiant peut-être. Moi, j’ai vite eu envie de le laisser à ses petits jeux. Mais, me dit-on, c’est une peinture lucide et franche. Peut-être, mais sans recul, sans la moindre note d’humour. Ajouter à cela une évocation des salons et du monde où le malheureux Drieu se prend pour Proust, - se prend, mais n’est malheureusement pas : quelle platitude ! Chez Cohen, au moins, la caricature sociale est fulgurante. « Ah, mais c’est bien écrit. » Oui, au début, j’avais bien souligné quelques phrases, mais franchement, ça ne tient pas la distance. Alors, si vous aimez voir souffrir de femmes, allez plutôt à l’opéra, comme dirait Catherine Clément.

Et pardon, l’écrivain maudit. J’aurais bien voulu ne pas t’enfoncer, mais il aurait fallu y mettre un peu du tien.

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Les chiens de paille

Une plongée dans l’un des grands esprits de la littérature, et dans les arcanes et les collaborations en France occupée. Le testament de l’écrivain talentueux, ami des surréalistes et membre du Dada, qui serra la main d’Hitler et dirigea la principale revue collaborationniste, mais aussi protégea Aragon, Paulhan et Malraux de la Gestapo… Et finit par se suicider dans sa cuisine à la Libération.



Constant, un ancien légionnaire ayant roulé sa bosse d’un bout à l’autre du monde, est recruté par Susini, un gros bonnet du marché noir. Il l’envoie dans une maison au fin fond des marais, sur la côte. Sa mission : surveiller un dépôt d’arme sur lequel son patron a réussi à mettre la main… Gaullistes, communistes et collaborationnistes essayent de mettre la main dessus. Chaque groupe a son chef, qui gravite autours de la maison gardée par Constant. Ce dernier les met tous dans le même sac : pour lui les gaullistes travaillent pour les Américains, les communistes pour les Russes, les collaborationnistes pour les Allemands. Il y a aussi un petit groupe de jeunes dans une école de cadre, qui prétendent n’être au service de la France et que de la France. Mais ce sont eux que Constant trouve les plus ridicules…



C’est grinçant, ironique, sarcastique… Et un peu pitoyable. On réalise que ce n’est pas d’hier que certains ont commencé à utiliser le ‘tous pourris’ pour justifier leurs sympathies sulfureuses ou leur flemme de s’engager. On reste aussi confondu par la lucidité et la justesse de certains constats de Drieu, suivis de paragraphes d’une mauvaise fois énormissime. Pour lui, qui a pourtant tiré certains de ses amis d’internement, peu importe ce qu’est le nazisme. Un occupant reste un occupant. Ce à quoi il aspire, mais il croit cette époque révolue, c’est à une France souveraine et dégagée d’influences. On ne peut pas lui donner entièrement tort – on sait bien que les Américains avaient prévu d’affubler la France d’un régime fantoche dirigé par l’amiral Darlan, bras droit de Pétain. Mais de Gaulle manœuvrait, et la résistance (royaliste) assassina Darlan.



Le plus bizarre dans tout cela c’est que les Allemands sont loin, très loin. C’est une vague menace qui plane en permanence, mais tout se règle entre Français. Et dans ce combat Drieu prophétise que c’est le petit bourgeois provincial, qui représente le gaullisme, qui finira par l’emporter. Parce que c’est la nature profonde de la France. La France est fondamentalement, intrinsèquement, un pays de petits bourgeois provinciaux ; c’est sa conclusion. Bien sûr, ironie suprême, un bombardement anglais rasera l’usine de son représentant local…



Drieu apparait ici comme un homme fatigué, émotionnellement vidé, lassé de son époque et se réfugiant dans la spiritualité orientale. Il n’a plus le courage ou l’envie de prendre franchement un parti ou un autre. Son antisémitisme s’accommodant très bien du nazisme et son mépris de la bourgeoisie du communisme, sa lucidité l’amenant à prévoir la victoire finale du gaullisme, il se laisse porter par la vague sans plus se soucier du monde qui l’entoure. La seule chose qui lui importe encore est le destin de la France ; celui des individus – lui comprit – il s’en désintéresse.
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Le feu follet - Adieu à Gonzague

De temps en temps, lassé de l'actualité littéraire dont je redoute que ses œuvres quelque agréable qu'en soit la lecture, ne laisse pas une marque indélébile, je me fais violence pour lire un classique. Le mois dernier, c'était Colette. ce mois-ci c'est Drieu la Rochelle. Quelle idée me direz-vous de choisir les auteurs les plus démodés qui soient !

J'avais lu "Gilles" il y a quelques années. Et j'en avais gardé le souvenir d'un interminable pensum. dans ces cas-là, pourquoi diable m'attaquer au "Feu follet" qui a certes l'avantage d'être plus court mais qui est de la même farine. La raison en est peut-être sa récente adaptation au cinéma par un réalisateur norvégien ("Oslo 31 août") cinquante ans après Louis Malle dont l'adaptation avec Maurice Ronet a fait date.

On y sent la fougue d'une vie brûlée par les deux bouts, aimantée par des pulsions suicidaires. Le livre est plein d'une énergie débordante. Il rappelle "L'homme pressé" de Paul Morand.

Mais il est écrit dans un style totalement illisible de nos jours. Chaque phrase est définitive, assénée avec une lourdeur pachydermique et un manque affligeant d'humour. Ce court roman (170 pages en format poche seulement) raconte la dernière journée d'un suicidé à travers une série de rencontres. Autant de saynètes lourdement démonstratives où toutes les raisons de s'attacher à la vie sont tour à tour écartés : la fondation d'une famille, l'amour d'une femme, la réalisation d'une œuvre ...

A masochiste, masochiste et demi, pour le mois prochain j'hésite entre André Maurois et Léon Bloy !
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Lettres d'un amour défunt : Correspondance 19..

Cette correspondance entre Pierre Drieu La Rochelle et Victoria Ocampo, où ne figure malheureusement que 16 lettres de Victoria Ocampo, est riche, passionnante et bouleversante car entre 1929, année de leur rencontre passionnelle à Paris, et le 15 Mars 1945, date du suicide de Drieu, ces deux êtres resteront malgré leurs différents et la distance géographique que vient rompre les séjours réguliers de Victoria à Paris et un voyage de conférences de Drieu en Argentine, très proches l’un de l’autre.

«Je suis très heureux de pouvoir venir en Argentine et de vous voir chez vous dans toute votre sérénité. Je suis sûr que notre grande amitié y gagnera, notre amitié qui est aussi de l’amour. Et l’amitié et l’amour, au-delà d’un certain point, c’est la même chose» (Drieu à Victoria début 1932)



Dans ces lettres Drieu se confie à Victoria, lui fait part de ses difficultés d’écrivains, de ses doutes et elle le soutient tout en restant très lucide. Ils échangent également sur leur lectures, sur leurs rencontres etc..

Si leur lien se distend quelque peu au fil des années et de l’engagement politique de Drieu, il redevient plus étroit avec la montée des tensions qui vont aboutir à la guerre, quand Victoria et Drieu sentent qu’ils ne se reverront sans doute plus. Et leur échange est touchant. Comme Victoria on en oublie les muffleries de Drieu pour s’attacher à l’amitié amoureuse qui renait.



Victoria à Drieu Mar del Plata 23 février 1940

«Il y a sur la plage où je vais tous les matins un gosse de 6 ans avec un maillot de bain vert qui te ressemble (avec des cheveux blonds en plus) d’une façon tordante et touchante. Même quand il tire la langue pour faire enrager sa soeur qui le fait enrager en lui lançant des seaux d’eau à la figure. Il tire la langue et crie «Tha Tha Tha» tout à fait comme tu le ferais si tu avais à le faire. Cela m’a donné grande envie de te voir bien que tu sois si porc avec moi que je devrais être dégoutée à jamais de ta personne. Le fait est que je n’y parviens pas.»



Drieu à Victoria fin mars 1940

«Ta lettre amicalement tendre a touché le point toujours sensible dans mon coeur où je me souviens et j’espère en toi. Nous nous sommes rencontrés un peu vieux pour la passion, un peu jeunes pour l’amitié ; et le malentendu a rempli de ronces beaucoup de nos années. Et puis, nous avons été distraits l’un de l’autre par d’autres êtres. Pour moi, je peux faire si peu de choses à la fois. La multiplication des besoins et des possibles de l’âme m’a toujours laissé stupide. Mais je suppose que travaille dans nos coeurs, que nous le voulions ou non, une secrète hiérarchie de nos dilections.»



Dans des lettres à Roger Caillois Victoria écrit en 1942 :

«Je crois avoir été pour Drieu, en fin de compte une terre ferme. Je ne voudrais pas qu’il eût l’impression que cette terre manquait sous ses pieds au moment peut-être le plus difficile de sa vie.»

«Je l’aime toujours et il m’exaspère toujours de la même façon(...) Il doit beaucoup souffrir en ce moment. Il doit se torturer du matin au soir.»



La dernière lettre que Drieu écrit à Victoria, juste avant sa première tentative de suicide en août 1944, se termine par ces mots «J’aurais aimé te revoir»

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Le feu follet - Adieu à Gonzague

Alain est victime d'une impuissance à vivre. Il est resté un enfant qui attend des autres qu'ils lui apportent le bonheur, des jouets, de l'argent, l'amour. Et lorsqu'on les lui présente sur un plateau, il fait une grimace de petit prince blasé. Il n'est doué pour rien et s'en fait un costume de dandy : à la fois arrogant, persifleur et veule, il souffre, et pas en silence. Et puis il se drogue, avec ostentation.

Il n'est pourtant pas si mal entouré, il a une belle gueule, des amis fidèles qui ont bien de la patience avec lui, on se demande pourquoi : on ne l'abandonne pas, on l'invite, on se charge de ce paquet toujours mécontent et persifleur. En pure perte, car il est brisé, définitivement. L'enfance de cet homme a dû être un vide immense, et ce vide-là, rien ne pourra le combler. Et il ne le veut pas non plus ; cela lui ôterait le seul rôle qu'il sache interpréter : celui du héros malheureux.

Les personnages de femmes de Drieu la Rochelle sont assez étranges : on dirait des plantes. Elles ne servent qu'à distribuer de l'argent et à être "clouées" sur un lit, sortes de poupées inarticulées sans véritable humanité. D'ailleurs elles ne sont pas amoureuses, non, "un homme les tient". Cette phrase, répétée à l'envie, résonne lugubrement comme le brame d'un cerf dépité. L'amour serait donc uniquement une affaire d'encadrement et de subordination comme le travail en usine ? De temps à autre fusent des affirmations insolites telles que : "Tu as été un vrai fétichiste comme le sont les femmes et les sauvages". Sans doute est-ce le charme de l'auteur que d'avoir de ces emballements que rien n'étaye, littérature n'est pas démonstration.

Le style est parfois lourd, encombré, maladroit. Mais la seconde moitié du roman est d' une concision et d'une poésie remarquables.

Un moment de lecture intéressant, irritant, émouvant. Pierre Drieu la Rochelle aurait pu être un grand auteur, ses obsessions l'ont entravé. Dommage.

J'ai préféré sur le même thème "Suicide" d'Edouard Levé.
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La comédie de Charleroi

Pierre Drieu la Rochelle a écrit ce recueil de nouvelles à propos de la guerre 14/18 en 1934. Bien qu’inspirées de son expérience personnelle, elles témoignent d’une certaine distance par rapport à l’évènement comme à travers «Le lieutenant de tirailleurs » ou « Le Déserteur » dans lesquelles la forme moderne de la guerre occidentale est analysée et fortement critiquée. Dans la première nouvelle, « La Comédie de Charleroi », l’accent est mis sur l’inhumanité des combats et de la mort du soldat, ainsi que sur le rôle pathétique de la mère bourgeoise qui joue la comédie même devant la tombe de son fils, en quête permanente d’un statut social pour masquer la vanité de son existence.

Drieu n’est pas contre la guerre en soi – bien qu’il rejoigne ceux qui ont dénoncé l’absurdité de celle-ci - mais contre cette guerre moderne dans laquelle l’homme n’est plus rien qu’une chair à canon démocratique. Il est pour une armée de métier, avec de vrais chefs qui vont au combat à la tête de leurs troupes et ne sont pas à l’abri dans leurs bureaux. D’où sa nostalgie de terres plus authentiques comme l’Afrique ou l’Amérique du Sud. Et des guerres lointaines du Moyen Age…

Ce sont tous les mensonges de la guerre et de l’après-guerre qui sont évoqués, l’héroïsme dérisoire, les vantardises des planqués, les femmes vénales et sans tendresse, les faux exploits et les vrais lâchetés. On y retrouve également les champs de morts, le martèlement des obus, les blessés, la peur, les maladies, les conditions de vie difficiles.

Une très belle écriture, un point de vue original, marqué par une réflexion sur la décadence des vieilles nations européennes, de la bourgeoisie et de l’impasse vers laquelle se précipite le vieux monde…en route vers les totalitarismes. Drieu lui-même se prendra à leur piège ce qui ne remet pas en cause son talent d’écrivain.

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L'Homme à cheval

Dans une Bolivie réinventée et complètement mythique, Drieu La Rochelle, à travers les amours d'un lieutenant de cavalerie devenu dictateur, d'une belle aristocrate et d'une danseuse semi-indienne, décrit toutes les grandes forces qui se disputent la domination mondiale depuis environ deux siècles : l'Eglise sous les traits d'un Jésuite assez déplaisant et la Maçonnerie sous l'aspect d'un “frère” encore plus détestable, les forces populaires qui émergent et que l'Homme à cheval veut conduire et guider et les anciennes classes dirigeantes, l'aristocratie et la bourgeoisie décadentes, qui perdent pied et essaient de surnager par l'intrigue et la corruption. Drieu lui-même se met en scène avec le personnage de Felipe, le guitariste poète conseiller de l'homme d'action...

Roman politique et philosophique (les références au péronisme et au communisme sont très claires), ce livre est sans doute le plus achevé de l'écrivain maudit. Les accents shakespeariens sont nombreux et frappants. Les allusions à Henri Bergson comblent d'aise le lecteur. Le style magnifique est proche de celui de Mérimée, de Cervantès ou de Stendhal. Ce livre est un véritable chef d'oeuvre écrit par un esprit exalté et idéaliste mais également brillant et sceptique. On ressort de cette lecture enchanté et presque plus intelligent qu'avant.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Journal d'un homme trompé

Douze nouvelles pour exprimer un constat de l’auteur Pierre Drieu La Rochelle, sans concession, sur les relations hommes-femmes, qui traduit son désarroi.

L’auteur donne un regard plutôt moderne sur une société, les années 30, qui perd ses repères et à la veille de la seconde guerre mondiale.

Une peinture sombre, sensible des tourments intérieurs pour un questionnement sur la fidélité des relations amoureuses et les dilemmes qu’elle suscite et où sont mis en scène des personnages pas vraiment attachants.

Une nouvelle de type science-fiction, prophétique et pertinente, termine ce recueil.

Réalisme semble-t-il. Une lecture intéressante.

Avec un sujet qui reste... d’actualité et qui interroge.

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Gilles



N°556 – Mars 2012



GILLES – Pierre Drieu La Rochelle* (1939) – Gallimard.



Gilles Gambier, le personnage principal de ce roman, a combattu pendant la Première Guerre mondiale et a été blessé. Désargenté, il tombe amoureux de Myriam Falkenberg, femme riche qu'il séduit, épouse mais qu'il quitte dès que la mort de son père fait d'elle une héritière plus riche encore. Le héros rejoint l'armée, vit une passade avec une infirmière qu'il quitte également, devient, à la fin des hostilités, une sorte de dandy profiteur, entraîné un peu malgré lui dans un complot politique. Il se retrouve en Algérie après une brève aventure avec Dora, une américaine qu'il aimait sincèrement mais qui le quitte, s'amourache de Pauline, une jeune fille simple. Plus ou moins écœuré par la vie, il rentre à Paris, fonde un journal fasciste et part s'engager en Espagne au côté des franquistes.



Voilà résumé en peu de mots ce roman dont l'auteur, auparavant tenu pour une sorte de dandy, voulait se faire reconnaître comme un authentique écrivain. C'est que ce Gilles Gambier ressemble beaucoup à Drieu, élégant, cynique, séducteur, tenté par l'écriture aussi . Il ne s'arrête cependant pas à l'autocritique puisque ce roman, dont le titre original devait être « Pamphlet contre moi et mes amis », égratigne également Aragon, André Breton et le groupe des Surréalistes auquel il a été un moment lié mais avec lequel il se brouillera. Ce récit se veut le dénonciateur de la décadence de la France de l'entre-deux guerres, de la politique du moment, mais pas seulement.



Alors, chantre du fascisme ? Peut-être et même sûrement mais ce qui a fait de lui un écrivain rejeté par ses contemporains à cause de ses choix politiques tient sans doute au fait qu'il a été le reflet de son époque. C'est souvent le destin des écrivains talentueux sur le plan littéraire, que d'être le miroir de leur temps et à ce titre d'en incarner les lâchetés et les compromissions. L'image peu flatteuse qu'ils en donnent font d'eux des boucs émissaires tout désignés.



Drieu était par ailleurs un personnage complexe, hanté par sa propre mort (il se suicidera probablement pour éviter d'être fusillé mais n'en était cependant pas à sa première tentative. Le père de Myriam Falkenberg se suicide au début du roman et Paul Morel, un autre personnage de ce roman, fait de même) parce que sa désespérance était trop forte. C'est une sorte d'antidote au mal de vivre de celui qui ne trouve pas sa place dans la société. Dans ce roman, l'ambiance même du récit trahit une sorte de mal-être d'un homme égaré, perdu [« Vivre c'est d'abord se compromettre » dit-il.] Il était certes un idéaliste, dénonçant le déclin de la bourgeoisie et de la société, mais il était assurément un homme que la Première Guerre mondiale avait définitivement déstabilisé et que les événements qu'il traversait avaient du mal à satisfaire. Il variera beaucoup dans le choix de ses modèles. Séducteur, il est bien sûr attiré par les femmes à qui il plaît mais elles ne semblent pas à la hauteur des aspirations amoureuses de ce dandy libertin qui sait qu'elles ne l'aiment pas pour lui-même. Il représente pour elles la jouissance mais lui regarde parfois la femme comme l'objet de la conquête mais aussi un remède contre la solitude [« Vous, vous souhaitez la femme des autres, mais si elle était à vous ... » fait-il dire à un de se personnages s'adressant à Gilles]. Elles sont aussi liées à l'argent qui est un symbole de pouvoir, d'indépendance, comme Myriam dans ce roman. Les femmes et l'argent sont un thème central de son œuvre comme dans sa vie.



Avant la deuxième guerre il est ouvertement en faveur des juifs. Sa première femme, Colette Jéramec, est juive mais, après un voyage en Allemagne, dans les années 30, il revient convaincu par le régime nazi, à ses yeux, remède contre la décadence de la société moderne. C'est à cette époque qu'il écrit « Gilles » qui est probablement le roman le plus représentatif de son œuvre. Sous l'occupation, il soutient la collaboration avec l'Allemagne et prône la haine des juifs ce qui fit de lui un écrivain maudit. Pourtant il parvint, après son divorce, à libérer sa première femme du camp de Drancy où elle était incarcérée avec son frère et son enfant d'un précédent mariage. Cela ne l'empêche pas, revenu apparemment de ses illusions, de faire l'éloge en privé du stalinisme, de se lier à André Malraux mais de refuser l'aide de ce dernier à la Libération, préférant la mort.



Drieu était un être tourmenté, tiraillé par ses propres contradictions et ses aspirations idéalistes et politiques. Je n'adhère guère à l'idéologie politique de Drieu et je distingue l'homme de plume et ses choix idéologiques, mais son style me semble être tout à fait intéressant. Je choisis de voir en lui un serviteur de notre belle langue française et de déplorer qu'il fut si longtemps oublié. Il est peut-être bizarrement actuel pour nous qui sommes également perdus dans une société qui a abandonné ses repères traditionnels, dans une démocratie empêtrée dans ses contradictions qui prend davantage en compte l'aspect financier que la réalité humaine et tient en permanence un double langage. Au moment où il nous est fait l'éloge de la réussite, il est l'image de l'homme avec ses fêlures, ses interrogations, son attirance vers la mort, sa fascination du suicide face à l'échec ...



Si mes informations sont exactes, il semble que La Pléiade répare cet oubli par la publication, en avril 2012, de l'ensemble de son œuvre. Ainsi Drieu reprendra-t-il sa place dans la littérature française, celle d'un grand écrivain malencontreusement et injustement délaissé.



*Pierre Drieu La Rochelle [1893-1945]







© Hervé GAUTIER - Mars 2012.

http://hervegautier.e-monsite.com 
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Gilles

« Gilles » est une chronique inspirée, écrite d’une plume acérée et ironique, sur la France de la fin de la Première Guerre mondiale et de l’entre-deux guerres. Ce roman est composé de trois parties et d’un épilogue.

Dans la première partie, intitulée « La permission », on fait connaissance avec le héros éponyme en 1917. Blessé au bras, une permission lui a été accordée et le voilà qui débarque à Paris. Là, il séduit Myriam Falkenberg, une riche héritière dont il avait connu les défunts frères au front. Il ne l’aime pas et n’en a qu’après son argent. Cette partie de l’intrigue m’a beaucoup fait pensé au film « L’Héritière » (1949) avec Olivia de Havilland et Montgomery Clift, que j’avais vu peu de temps avant. Mais Gilles est aussi un habitué des bordels et a des maîtresses. Le suivre dans cette suite de coucheries est assez lassant et on éprouve beaucoup de peine pour Myriam.

La deuxième partie, « L’Élysée », est plus plaisante. On retrouve Gilles quelques années plus tard, qui côtoie la bonne société de Paris ainsi que le groupe « Révolte », caricature savoureuse des surréalistes. Ces derniers finissent par se mêler de politique et monter une cabale contre le président de la République, où ils se ridiculisent. En parallèle, on suit les déboires sentimentaux de Gilles avec sa nouvelle maîtresse, Dora, une Américaine.

Dans la troisième partie, Gilles a une nouvelle maîtresse, Pauline, une ancienne prostituée rencontrée à Alger. Il s’installe avec elle à Paris et finit par l’épouser. Il monte un journal « L’Apocalypse » (qui donne son titre à cette partie) « entre la philosophie et la politique, la littérature et le journalisme », et tente de convaincre son ami Clérences, rencontré dans la deuxième partie, de créer un nouveau parti. Le personnage principal assiste ensuite aux événements du 6 février 1934.

Enfin, dans l’épilogue, on retrouve Gilles, converti au fascisme, dans une Espagne en pleine guerre civile.

L’ensemble est assez agréable à lire et l’ironie mordante prête à sourire. Le tout est très bien écrit et un certain nombre de passages méritent d’être cités (ce que j’ai fait). Certes, l’auteur véhicule quelques préjugés de l’époque sur les juifs, sans pour autant être réellement antisémite. Il y a aussi des passages que l’on pourrait qualifier de « racistes », même quand il ne s’agit pas de critiquer une autre « race ». Je pense par exemple, à ce moment où dans la première partie, l’infirmière américaine qui s’occupe de Gilles à l’hôpital et lui a donné à écouter des disques de jazz, lui demande si il a aimé « la musique de nègres » qu’elle lui a prêtée.

« Gilles » est donc un livre qui mérite d’être lu. Ne craignez rien, ce n’est pas pour ça que vous deviendrez fascistes. De même qu’on ne devient ni anarchiste ni communiste après avoir écouté des chansons de Léo Ferré ou de Jean Ferrat.
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Le feu follet - Adieu à Gonzague

Véritable démonstration de style, Pierre Drieu la Rochelle touche ici de sa plume, le nerf. Avec le feu follet, il fait son entrée fracassante dans la sélection très fermée de mes écrivains préférés. Dans un style d'écriture d'un charisme évident, il place le lecteur dans l'étrangeté sombre et obscure de la crise existentiel d'Alain. Inutile d'écrire un roman monumental. Le talent est souvent à l'origine de l'abstraction des longueurs inutiles. Drieu la Rochelle traite ici d'un sujet d'une extrême délicatesse en seulement 172 pages. Probablement l'élan du cœur d'un homme qui à quelque chose a dire. Une qualité très rare qui n'anime que les grand auteurs.
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La comédie de Charleroi

Drieu et la Grande Guerre.



Un condensé de l'aberrante nature humaine dans ces six nouvelles avec pour toile de fond 14-18.

De la Bataille des Frontières à Verdun, Drieu La Rochelle nous témoigne de ses émotions intimes sur cette expérience métaphysique inique, abominable, transfigurant tous les codes sociétaux.
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Le feu follet - Adieu à Gonzague

On ne peut rester insensible à la force de ce livre, ni aux propos tenus, ni au style si maîtirisé, ni au vocabulaire si riche.Certaines lectures plus que d'autres sont perturbantes: celle-ci fait partie de celles-la.A ne pas mettre entre toutes les mains.
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Gilles

Il y a deux façons d'aborder la lecture de ce roman . La première est que l'on ne connaît rien ou très peu de la vie de Drieu et on fait une lecture classique d'un roman des années trente avec ce petit parfum sulfureux de référence au fascisme, la seconde est que l'on connaît la vie de Drieu et le contexte dans lequel il écrit ce roman et on peut apprécier alors toutes les subtilités, toutes les allusions aux événements réels que fait Drieu.

"Gilles" plus que tout autre écrit de Drieu est autobiographique et de la guerre des tranchées à l'adhésion au fascisme en passant par les surréalistes tout est rappel à sa propre existence.

Les aventures amoureuses de Gilles et son obsession des poitrines féminines que l'on retrouve dans pratiquement tous ses écrits sont le parfait miroir de celles de Pierre et on croise sous d'autres noms mais au comportement à peine modifié Aragon où Malraux qui furent ses amis et c'est un réel plaisir que de retrouver les concordances, les parallèles entre Gilles et Pierre.

Ceci dit , il faut reconnaitre que l'écriture est un peu datée et la lecture peut sembler longue et ardue par moments à un lecteur d'aujourd'hui.

"Gilles" est considéré comme le chef-d'oeuvre de Drieu mais je le trouve un peu long avec pas mal de redites malgré tout et je lui préfère "Rêveuse bourgeoisie" ou "Une femme à sa fenêtre" et puis surtout ses recueils de nouvelles où il excellait.
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Soutine par ses contemporains

Il en a bouffé de la vache enragée notre ami Soutine. Déjà pas facile de nouer une relation avec ce personnage revêche, solitaire, se prétendant d'aucune école bien qu'on voit dans son oeuvre l'influence de Munch, Nolde, l'école de Paris dans laquelle il a baigné .. On le classe comme expressionniste, même si ses paysages, ses portraits sont torturés à l'excès .. Je ne suis pas sûr non plus que chez les expressionnistes la viande était leur tasse de thé ?



I "Un jour cependant nous rapporte Paul Guillaume marchand d'art et galeriste, que j'étais allé voir chez un peintre un tableau de Modigliani, je remarquais dans un coin de l'atelier une oeuvre qui sur le champ m'enthousiasma. C'était un Soutine, et cela représentait un pâtissier - un pâtissier inouï, fascinant, réel, truculent, affligé d'une oreille immense et superbe, inattendue et juste ; un chef d'oeuvre, je l'achetai. le docteur Barnes le vit chez moi. et du jour au lendemain Barnes prit le relais et de Soutine on ne souriait plus ! .. C'est étonnant, devait dire plus tard Soutine, tout le monde m'offre de me prêter de l'argent"



II Vu par Drieu la Rochelle, maintenant.

Jusqu'à présent, je me suis interdit de lire Pierre Drieu la Rochelle - à tort ou à raison -, à cause de la collaboration. A lire cette chronique, je ne pense pas que j'en lirai davantage : il m'énerve à chercher le sens de la formule à tout prix, il ne peut pas écrire normalement ? Je ne sais pas s'il a étudié la peinture, il veut donner le sentiment que rien ne lui échappe en tout cas : "Mais peu m'importe par quel bout vous prenez le monde , si vous avez de fortes mains pour le saisir.."

Bon, je vais citer un paragraphe qui tient à peine la route :

"Révolte, amour, résignation se confondent dans ce cri. Il ne se dérobe pas, il fera en plein ce qu'il lui faut faire. Et vraiment il y a un amour immense dans cet homme : tout ce qui se passe par sa rétine est imprégné de ce phosphore. Mais comme il a été mis au monde, il met les choses au monde : dans un sanglant déchirement."



On s'aperçoit que toutes les raclures qui trainaient au début de la guerre comme des mulets dans les eaux visqueuses, à forte odeur de gasoil du port, ont été récupérées par la collaboration.



III Pensant y trouver quelques avantages et se jouer de la Gestapo à laquelle il offre ses services, Maurice Sachs est à son tour arrêté et emprisonné à Hambourg par la gestapo qui le juge encombrant et véreux ! C'est pendant cette incarcération qu'il commet ce texte, entre autres - entre autres sera réuni dans Tableau des moeurs de ce temps - qui s'intitule Karim, qui n'est autre que Soutine.

Spontanément Sachs et Soutine ont un point en commun : devenir respectivement grand écrivain et grand peintre un jour. Peut-être que Sachs rêvait à travers ces lignes d'être Soutine qui prenait tout sur lui de son triste sort -et ce trop-plein il le distillait dans son art -, et jamais d'en faire baver les autres, mais, mais, mais il n'en a nullement été ainsi ! L'homme qu'il voyait chez Soutine, il ne le fut pas !



" Montparnasse est un asile. Entre ses ateliers et ses cafés c'est bien le diable si on ne trouve pas un ami riche de vingt francs qui vous en passe dix, une poêlée de frites, un lit hasardeux, une maîtresse peut-être, une bouteille de vin blanc sûrement. Et puis le Louvre n'est pas loin où on peut s'emplir les yeux de peinture. C'est là que sont le vrai luxe, le grand buffet aux mets immortels, l'amour et la vérité. Il y a les jambons de Manet, les gigots de Goya, les langoustes de Delacroix, les plumets, les brocards et les escarboucles de Rembrandt, les grands bois ombrageux de Courbet où il fait bon se promener, les rives ensoleilles de Corot, les palais mystérieux de Poussin, les grands navires de Lorrain, et les femmes, des femmes, tant de femmes, admirables, nues et serrées au bain, fondantes, moelleuses, imprégnées de lumière, tristes, farouches, offertes ou réticentes, toutes les femmes de l'univers, Karim regardait tout ça et se sentait heureux. Et puis, il retournait à sa pauvreté ..."



"..tristes, farouches, offertes ou réticentes..!"



Ce texte est magnifique !



Est-ce que ce texte rachète toutes les saloperies de Sachs, non bien sûr ! On doit rester plus sensible à l'homme qui se comporte bien, malgré l'épreuve. Comme Soutine ! Je ne peux citer ces saillies poétiques et littéraires sans y adjoindre une vie amorale ..La vie c'est aussi ce qu'on en fait !..

Je ne peux m'empêcher ce citer un autre extrait de Sachs à propos de Soutine : "Soutine à ses commencements avait deux choses contre lui : être slave, être juif". Ce témoignage montre bien aussi le sort qu'on réservait aux slaves en France dans ce Paris des années 20, entretenu par ce rejet par l'idéologie des russes blancs...

Et cet extrait : "les israélites qui aiment tant la peinture n'ont jamais été capables d'en faire.." Ca me fait penser aux bretons qui ont accueilli les plus grands peintres, à Pont Aven .. dont on ne voit aucun nom associé !
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La comédie de Charleroi

Avant d’évoquer le texte proprement dit, je préviens par avance que je vais décevoir les collectionneurs de repentance en n’insistant pas lourdement sur le passé collaborationniste de l’auteur de La Comédie de Charleroi. Je laisse ce soin à d’autres…

Ce recueil de six nouvelles raconte la guerre [la Première] en six tableaux ; une guerre que Drieu La Rochelle a faite, comme beaucoup d’autres, et qui l’imprégnera durablement – il y sera blessé trois fois.

Le narrateur, qui nous traîne dans son sillage à travers ces tableaux peints avec un regard perçant et implacable, oscille entre exaltation et découragement, patriotisme et nihilisme, courage et lâcheté, enthousiasme et ennui, etc., comme pour exprimer toute la moelle d’une expérience hors-norme qui le pousse à ces comportements paradoxaux. Car la guerre « n’a jamais été faite uniquement par ceux à qui elle plaisait, et ceux-là ont toujours été tentés de la faire, plutôt qu’à leur pareils, aux autres. »

Cette guerre est nouvelle : « une guerre pour bureaucrates, ingénieurs, un supplice inventé par des ingénieurs sadiques pour des bureaucrates tristes. » C’est une « guerre d’usines », avec pour corollaire la mort industrielle, où les chefs « sont chargés de déverser des trains de viande dans le néant »…

Tout commence en accompagnant à Charleroi une femme snob et mère d’un soldat mort au combat, dont le narrateur était le camarade avant de devenir le secrétaire de ladite mère. À partir de là, dans le décor de ses premières frayeurs et exaltations de soldat, il se souvient. Tout commence (je me répète) pendant cet été 1914, quand on « achevait de rassembler le bétail le plus héroïquement passif qu’ait jamais eu à prendre en compte l’Histoire qui brasse les troupeaux ». Ce Grand troupeau, écrivait Jean Giono…

Troupeau qui se résume ainsi : « Au fond, j’avais senti autour de moi l’accablement de toute cette médiocrité qui fut pour moi le plus grand supplice de la guerre, cette médiocrité qui avait trop peur pour fuir et trop peur aussi pour vaincre et qui resta là pendant quatre ans, entre les deux solutions. »

Tout le texte recèle de ces phrases fusant comme des balles tirées non plus à la face de l’ennemi mais celle du lecteur, réceptacle de ces pages pleines de dualité. Le narrateur pousse le bouchon très loin, jusque dans la basse luxure, à Marseille en transit, ne nous épargnant pas même les détails de sa dysenterie dans les Dardanelles. Parce qu’il en aura vu du pays ; c’était partout une « jungle de fer » : « ces lieux où j’avais tant souffert et la souffrance m’avait fait connaître certaines extrémités de moi-même. »



Puis il y a ces généralités cinglantes, dont certaines feraient aujourd’hui craindre le pire sur les réseaux (a)sociaux : « Les femmes sont presque toujours des actrices, des caricatures attendrissantes de leurs hommes. » Il y a aussi celle-ci, exemplaire : « L’œuvre d’art la plus réussie est une déception pour qui a tenu dans ses mains la misérable vérité ; elle peut pourtant lui apporter une ivresse favorable à ses chers souvenirs. »

D’autre fois, une sorte de cynisme l’emporte : « Je ne suis pas ici en tant que patriote, mais en tant que bourgeois raffiné, avide d’expériences. Je viens vers le peuple par un romantisme transposé, méconnaissable, un romantisme taciturne et dandy. » Il y a, enfin, l’aveu fataliste quand il est question d’avenir : « Les patriotes mourront au fond d’une cave. »

Quant à la guerre, elle le perturbera jusqu’au bord de l’armistice, en 1918, et il ira défier le sort en s’approchant du front alors qu’il n’en avait plus l’obligation. La guerre déconstruit autant qu’elle construit les êtres qui s’y frottent, terrible paradoxe : « Je pressentais confusément ce que j’ai éprouvé depuis, qu’un même abandon délibéré à la mort serait la base de toutes mes actions », avouant par ailleurs : « Je n’ai jamais eu besoin d’action que par spasmes. » Inconstance d’un esprit tourmenté autant par lui-même que les événements.

Enfin, il y a cette phrase, prononcée en Amérique du Sud par un déserteur, des années après le conflit ; phrase qui ressemble étrangement au destin de Drieu La Rochelle, interrompu par son suicide en mars 1945 (moi qui m’étais promis de ne pas en parler… !) : « J’ai joué franchement avec les hommes : je leur ai donné en justes parts mon dégoût et ma tendresse. » Parce que la guerre démasque le soldat dans ses plus profonds retranchements, il est désormais condamné à tout voir chez ses semblables, le haut comme le bas…



Dans ces pages, la guerre joue ce rôle dont parlent parfois ceux qui l’ont faite : un révélateur de soi-même. 1914-1918, deux dates qui n’auront pas abîmé que les corps, mais aussi, et plus durablement les esprits. Certains se seront précipités plus tard dans des abandons funestes. Cependant, le temps des rancœurs n’est plus ; il faut lire désormais Drieu La Rochelle pour ce qu’il est : un écrivain.

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Mémoires de Dirk Raspe

Une pseudo biographie romancée de van Gogh. Ou une biographie romancée d'un pseudo Van Gogh.

Surtout, un texte, et un personnage bien découpé, qui contient des propos intéressants sur la laideur, la beauté, la peinture, la pauvreté, la vie... Qui appréhende ses lieux de vie, ses atmosphères, ses couleurs bien sûr avec un oeil, un talent, certain. Tant le personnage que son auteur. Dont la langue est bien tendue, sans être acerbe.

Personne ou presque ne lit encore Drieu La Rochelle. Qui s'est autodétruit par ses choix historiques, puis par ses mains. C'est mon premier de cet écrivain. Alors, faut-il, relancer le débat : séparer l'homme et l'artiste ? Point besoin. Lire un texte, apprécier. Le monde qui roule au fond du ballon a tôt fait d'annihiler, d'écraser ce genre d'écheveau. Drieu Qui ? Drieu mais si celui d'une ville portuaire, allez ils ont même une équipe de rugby...

Un livre inachevé d'un auteur qui s'est achevé. Enfin van Gogh est encore vivant. Quelque part à Anvers sur euh la femme du jars... Plus ou moins.
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