Ce texte de Pierre Jourde m'aura montré à quel point notre regard sur une oeuvre peut changer à douze ans d'intervalle. De ma première lecture, j'avais principalement retenu la qualité de l'écriture et l'audace du propos, loin des descriptions convenues de la vie proche de la nature. Ce que je ressens avant tout aujourd'hui, ce sont la haine, le mépris et le dégoût qu'inspirent à l'auteur ces gens de peu dont il se repait à répéter qu'ils vivent dans la merde, l'alcool et la crasse, engendrant çà et là des enfants aux tares diverses et variées et auxquels notre humaniste n'a pas manqué d' ajouter une petite touche de consanguinité, histoire de parfaire le tableau. Figurez-vous que dans ce pays perdu, lorsqu'une femme s'avise de se défaire de son fichu à cause d'une démangeaison devenue difficilement supportable, le pus secrété depuis des semaines lui dégouline sur le visage ! Pierre Jourde a beau être professeur d'université, il semble lui manquer une certaine intelligence de comportement : n'est-il pas allé jusqu'à citer dans ses remerciements les habitants du village qui a servi de décor à sa logorrhée un brin scatologique ?
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J'ai beaucoup aimé l'insolence dont P. Jourde fait preuve, dans la "Littérature sans estomac" et son "Jourde/Naulleau" à l'égard de pontes de la littérature dont il montre combien leur réputation est totalement injustifiée, tant leur écriture est plate et leur pensée inexistante. Je ne connaissais pas ses romans: j'ai commencé par celui-ci, que j'abandonne après 150p. d'ennui mortel. Il ne s'y passe rien. On balade un canapé familial de Paris en Auvergne... C'est peu pour faire une histoire susceptible d'intéresser. Il convoque Diderot: mais lui raconte des non-histoires en amusant et en enrichissant son lecteur.
Jourde raconte quantité d'anecdotes sur ses voyages au Guatémala, au Népal, comment son frère a perdu un sac contenant du shit... On a l'impression de lire un universitaire qui s'encanaille en révélant qu'il picole, fume des joints, a été un sacré cancre dans l'enfance (comme pour s'excuser d'être prof de fac aujourd'hui), parle de"chiottes" et de chiasse pour bien se démarquer des auteurs bien élevés... Il dit qu'on ne pisse pas, chez Gracq: c'est faux, ce dernier évoque dans les "Lettrines" la compagnie de voltigeurs qu'il dirigeait en 1940, des soldats qui "pissent en marchant", parlent "de leur dernière masturbation ou de la consistance de leurs matières fécales".
Un long et lourd passage décrit sa réception à l'Académie française, pour y recevoir un prix. L'auteur décrit alors avec beaucoup de mépris ces vieillards cacochymes et leurs attitudes pour lui ridicules... Mais une question se pose: pourquoi n'a-t-il pas alors refusé ce prix de l'Académie? Il crache dans la soupe où il s'abreuve! P. Jourde devait savoir qu'il y rencontrerait de tels personnages... C'est mesquin et hypocrite. Mais il n'a pas craché sur les 1500€ du prix!
Jourde nous balance jusqu'à plus soif ses figures de style genre "épanorthose" comme pour s'en moquer, mais ça reste du pédantisme et c'est pas drôle. Rien n'est drôle, d'ailleurs, dans ce récit ennuyeux qui n'aurait sûrement pas été publié s'il l'avait envoyé à Gallimard sous un autre nom... C'est bien de critiquer les autres ,mais faudrait être capable de faire mieux! Bizarre qu'il n'ait pas la lucidité de voir combien ce texte est nul, son écriture plate malgré des affectations de style copain-copain. C'est sans doute Jourde qui a écrit sa p. 4 de couv', où il s'attribue "un récit hilarant", "plein de tendresse bourrue", de "hargne réjouissante", d' "érudition goguenarde"... C'est tout? Je n'ai pas souri une fois en 150p. Il étale sa culture stylistique avec fausse modestie, s'il a honte d'être un ponte, que ne démissionne-t-il pas? Nullissime, à ajouter dans "La littérature sans estomac" ou le "Jourde et Naulleau"...
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Pierre Jourde nous revient avec cet improbable road trip familial. Suite au décès de son acariâtre grand-mère la mère du narrateur le charge d'emmener le plus hideux canapé qui soit dans leur maison d'Auvergne. Comme si cela ne suffisait pas le dit canapé-lit, tel l'auteur, est affublé de deux compagnons assortis. Car Pierre Jourde embarque frère et belle-soeur dans cette aventure à travers la France et la mémoire. Ce périple vient libérer les brides d'un passé que l'on se plait à évoquer ensemble, comme l'épisode du presse-purée, qui vaut le détour ! Au fil du trajet les trois convoyeurs échangent souvenirs et réflexions, anecdotes cocasses et exploits de vieux briscards, toujours avec humour. Dans ce texte qui se joue de l'autofiction et mêle allégrement réel et imaginaire l'auteur se paie même le luxe de faire son autocritique. Ces 3 jours en compagnie de son frère Bernard, ce "génie du mal", et de Martine, qui taquine bien volontiers notre écrivain, donnent naissance à ce récit de voyage étonnant, truffé de références culturelles. Pierre Jourde livre ici son texte le plus intime, mais aussi peut-être le plus abordable. Entre humains intrusifs et objets rétifs l'auteur se dévoile, les petites légendes fraternelles agrémentant à merveille ce témoignage détonnant.
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Lors de l'été 2017, en feuilletant un magazine, je découvrais inopinément le synopsis du livre que je m'apprête à chroniquer. Intéressée par les quelques lignes qui m'étaient offertes, je m'empressai de photographier la page (vive les smartphones) dans le secret espoir de l'acquérir un jour prochain.
Dix-huit mois plus tard environ, je vous retrouve pour vous parler du roman en question, « Winter is coming » de Pierre Jourde.
Ce texte déchirant possède une dureté terrible, parfois à la limite du soutenable d'après le Monde. Pierre Jourde signe des pages puissantes, que l'on lit en retenant son souffle selon le quotidien belge La Libre. Sur linternaute.com, Loïc di Stefano écrit : Je prie pour n'avoir jamais à endurer l'épreuve d'écrire un tel livre, quelle qu'en soit sa beauté formelle, sa retenue, sa perfection : adressée à son fils, c'est la lettre d'amour d'un homme que soudain on prive d'amour. Comme vous pouvez le constater en lisant ces commentaires, ce récit autobiographique est tellement auréolé d'une jolie réputation et d'avis extrêmement positifs, voir dithyrambiques que je ne pouvais être que motivée et enthousiaste à l'idée de me plonger dans cette lecture des plus personnelles. Quelques heures difficiles mais paradoxalement belles d'évasion se profilaient.
La dernière page définitivement tournée, je dois admettre que j'en ressors avec un sentiment mitigé. Vu la lourdeur du sujet, j'ai passé un bon mais non pas un irrésistible moment. C'est court (cent soixante pages), rapide et facile à lire. Mais pour le reste, je suis plus circonspecte.
Je vais tenter, à présent, de vous exposer les raisons qui font que j'en suis arrivée à cette conclusion.
Un après-midi de juin 2013, Pierre accompagné de son épouse, Hélène, et de ses enfants s'apprête à passer un week-end de détente chez des amis dans la forêt de Fontainebleau. Un séjour qui ne s'apparente pas comme étant le dernier d'instants d'insouciance, de pur bonheur. Et pourtant, un message, un simple message laissé sur son téléphone portable par le secrétariat d'un éminent chirurgien, spécialiste du rein, va chambouler sa vie et celle de ses proches. Elles ne seront plus jamais les mêmes…
Le lendemain, ils apprennent l'insoutenable vérité : Gabriel, le deuxième de la fratrie de trois, âgé de dix-neuf ans, est atteint d'un cancer rare : le carcinome médullaire du rein. Douze cas seulement dans le monde. Son avenir est désormais fortement compromis. Il ne lui appartient déjà plus. Commence alors une lutte acharnée contre la mort annoncée.
Le parcours fait d'examens multiples et variés, d'interventions chirurgicales, de traitements agressifs, de douleurs, de fatigues, d'affaiblissements, de doutes, d'angoisses, de colères, d'attentes mais aussi de rémission, d'espoir, de joies fugaces durera onze mois. Quasi une année pendant laquelle ses parents ne cesseront de le soutenir, de lui insuffler courage et espoir pour finalement l'accompagner vers sa dernière demeure.
A travers le texte qui nous est proposé, par des mots d'une dureté incroyable quelquefois, l'écrivain entame le récit de cette atroce période. A ses côtés, si j'ose m'exprimer ainsi, nous suivons étape après étape, les cinquante-deux dernières semaines environ de ce rejeton appelé par son entourage Gazou.
Si vous choisissez, à votre tour, de vous plonger dans cette terrible mais néanmoins véridique histoire, vous aurez dans les mains la déclaration d'amour d'un papa omniprésent durant la bataille.
Vous êtes-vous déjà demandé comment vous réagiriez devant pareille situation ? de quelle façon vous tiendrez ? Jusqu'où iriez-vous pour que la personne que vous aimez le plus au monde ne cesse de souffrir ? Vous souhaitez simplement épauler par la lecture Pierre et sa famille ? Alors, lancez-vous…
Si nous rentrons effectivement dans cette histoire et dans l'intime de l'auteur de manière brutale, je n'en étais pas pour autant habitée par du voyeurisme mais plutôt par un profond respect à l'égard du combat et de la peine incommensurable d'un jeune homme et de son père. Un père que je ne peux que remercier de nous ouvrir les yeux sur l'injustice de l'existence ou d'aider éventuellement, à travers ses mots, d'autres familles concernées.
Nous sommes embarqués avec violence dans un monde mal et heureusement peu connu de la majorité des gens. Un univers où se côtoie, au milieu de la maladie, tout aussi bien la froideur de certains pontes que l'empathie d'autres médecins. Nous flirtons avec la souffrance physique, le savoir-faire professionnel, la patiente perdue, les hôpitaux, bref le microcosme médical.
Nous ressentons alors l'affliction, la rage, l'impuissance, le désarroi du romancier totalement désarmé face à cette fin inéluctable. Il se livre avec pudeur sans pour autant se défausser. Il apparaît tel qu'il est : un homme blessé.
Cela dit, il n'omet pas de nous faire partager les tranches de vie plus joyeuses, propices à l'espoir, passées en famille ou avec des amis. Les beaux derniers moments du jeune adulte.
Je pense que la retranscription sur papier d'un deuil exempt de toute logique quant il s'agit de son propre enfant, est sa façon, à lui, d'accepter l'inacceptable.
Il est évident que cet ouvrage transpire d'amour, de générosité, d'émotion mais la prose de P.J. ne m'a pas transportée. J'ai eu du mal à accrocher. Peut-être trop colérique ? Peut-être trop acerbe, pas assez douce ? Peut-être trop lente ? Je ne saurais vous dire encore aujourd'hui. Il est clair néanmoins, que quelque chose m'a manquée.
Gabriel a toute ma considération et ma sympathie. J'ai été charmée par sa résistance, sa volonté, et surtout par sa faculté à cacher qu'il savait. Si je n'avais qu'un seul mot pour le décrire, je dirais : Respect.
Pour terminer, je vous confirme que cet opus est effectivement intéressant à découvrir, poignant, mais il ne m'a pas émue, bouleversée comme a pu le faire celui d'Anna McPartlin « Les derniers jours de Rabbit Hayes. J'avais alors été plus sensible à son histoire, à sa façon de la mettre en scène. Je ne regrette toutefois pas même si je n'en garderai pas un excellent souvenir. Je voulais le lire. Je l'ai lu. La magie n'a pas opéré tout simplement.
Vous avez, néanmoins, ma plus grande considération Monsieur Jourde ! J'ai admiré votre implication, votre capacité à distiller de l'espoir, votre courage. Je ne peux imaginer ce que ça peut-être de perdre son enfant, la chair de sa chair. Tous mes voeux vous accompagnent.
A entreprendre ? Pour une fois, je vous laisse seul juge. Je ne peux me prononcer. Je précise seulement que ce livre-témoignage est destiné à celles ou ceux qui aiment les histoires vraies.
Je vous conseille seulement d'écouter au terme de cette lecture « Des fragments », l'album numérique composé par ce fils (pseudo Kid Atlaas), musicien prometteur, trop tôt disparu. Et plus particulièrement « Winter is coming », titre repris en hommage pour ce bouquin.
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Lagarde et Michard nouvelle version !
Version : on décapite les succès littéraires actuels avec verve et drôlerie !
Implacablement, drôle et jouissif !
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Une épopée cocasse écrite avec humour et légèreté!!! Un livre qui vous fera sourire jusqu'au oreilles que vous soyez un grand touriste ou un voyageur chevronné!!!!!
A LIRE!!!!!!
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Je découvre l'auteur avec ce titre, et pourtant, il a déjà écrit nombres de romans auparavant.
J'ai aimé l'humour du narrateur-auteur, le regard critique qu'il porte sur sa famille.
J'ai aimé les synonymes du verbe répondre, certains m'ont fait sourire.
En refermant ce livre, je me suis demandé si le narrateur-auteur faisait autre chose que voyager....
L'image que je retiendrai :
Celle du parfum chimique de toilettes au jasmin.
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Je connais Pierre Jourde par son blog sur le site de l'Obs (http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/), et je sais par ailleurs qu'il est (ou fut) associé à Eric Naulleau, qui n'est (ou ne fut) pas que le complice de talk-show d’Éric Zemmour, mais aussi le premier éditeur (à peu de choses près) d'Olivier Maulin, ce qui est plus reluisant. Cet écheveau de circonstances fit que j'avais envie de le lire (Pierre Jourde). Je truffai donc ma liste de souhaits de toutes les références disponibles en français dans le réseau Bookcrossing, et quelqu'un m'envoya fort aimablement ce livre, lu dans la foulée.
Au début ça ne m'a pas plu, pas du tout. De la prose de professionnel urbain de l'intellect essayant de donner un sens à des circonstances de retour dans le village reculé d'origine de son père et de ses vacances d'enfant. Outre cette posture déjà un peu éculée, des phrases aussi longues que vides, du pur cérébral, aucun ressenti, aucune sincérité. J'étais sur le point d'abandonner cette lecture (chose bien rare chez moi), et simultanément, quelque chose bascula, tout doucement mais sans véritable retour en arrière. Comme si le narrateur, comme le voyageur, avait eu besoin d'un temps pour se familiariser à nouveau avec cette terre (ce matériau littéraire) revêche, raidi, dont l'intérêt ne se montre pas en un tournemain. Mais peu à peu, on y arriva, à cette impression que Pierre Jourde avait trouvé le chemin vers ce qu'il voulait dire, et probablement vers ses souvenirs et ses sensations, ce qu'il en conservait, ce que cela pouvait susciter dans son imaginaire volontiers baigné de fantastique. L'intérêt du livre remonte en flèche alors, et s'il reste parfois inégal, ce n'est peut-être qu'au gré du paysage, tant physique que mental, qu'il parcourt avec nous : les reliefs et leurs trous d'ombres plus ou moins ragoûtantes, alcoolisme, mutilations, merde, mort, et dans le meilleur des cas, folie.
Ce livre valut certains ennuis à son auteur : les habitants de sa région d'origine crurent s'y reconnaître un peu trop précisément, et finirent par l'accueillir, un jour qu'il arrivait là en vacances, à coups de pierres jetées vers lui et sa famille. A la lecture du livre, on comprend leur colère (les pierres, par contre, étaient de trop. Une saine discussion aurait mieux fait l'affaire). Pour moi, je ne peux que reconnaître ce que Pierre Jourde peint de cette campagne reculée et familiale : faussement belle, cruelle, possessive, profondément aliénante, et qu'on ne peut pourtant que désirer et retrouver toujours.
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A l'occasion du centenaire de l'armistice, Gallimard a proposé à différents écrivains un hommage aux poilus. Le résultat est sublime. Trente et un auteurs contemporains se livrent à l'exercice difficile. Daeninckx, Hatzfeld, Jourde, Moï, Rufin, pour n'en citer qu'une poignée ont accepté cette écriture mémoire.
Chaque texte est illustré par une peinture, une gravure, un dessin. C'est ainsi que j'ai découvert l'histoire de vie et les peintures de Rik Wouters.
Cet ouvrage collectif fait écho aux chefs d'œuvre qui ont eu pour sujet la 1ere guerre mondiale: Voyage au bout de nuit, Les sentiers de la gloire, Au revoir là haut, capitaine Conan...
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Le transfert par l'auteur d'un canapé-lit de la banlieue parisienne à une vieille ferme cantaloue est le prétexte à un portrait de famille croustillant, à un autoportrait sans complaisance et teinté d'auto-ironie, à des anecdotes savoureuses, parfois burlesques, sinon cruelles, et même trop cruelles, comme celle décrivant les Académiciens arrivant en séance que j'ai jointe en citation.
C'est écrit dans une langue superbe, c'est bourré d'érudition, et cela offre, tous comptes faits, un très grand plaisir de lecture.
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Il faut lire Winter is coming de Pierre Jourde. On aimerait s'arrêter là, tellement les mots habituels manquent à dire pourquoi le récit de cette mort insoutenable - celle d'un fils de 20 ans victime d'un cancer foudroyant - vous étreint. Je ne peux pas croire à tout ce qui s'est passé écrivait Mallarmé dans un des fragments de son Tombeau d'Anatole ; et il poursuivait : "le recommencer en esprit au-delà - l’ensevelissement etc - " C'est bien à cet exercice impérieux de remémoration de l'enfant merveilleux, de l'adolescent créatif, et de la maladie absurde que s'emploie l'écrivain. Il faut lire Winter is coming.
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Version actualisée de la parodie du Lagarde et Michard, avec un choix plus large de têtes de turc, mais toujours aussi drôle. Ils savent appuyer là où ça fait mal ! J'ai particulièrement souri à la lecture des chapitres BHL et Sollers. En ce qui concerne d'autres auteurs, j'ai bien compris qu'il y a peu de chance que j'apprécie un jour les romans d'Alexandre Jardin, Camille Laurens, Madeleine Chapsal, Marc Levy et autres...
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Récit puissant, élégie magistrale : voilà ce qu'il faut retenir du dernier roman très intime de Pierre Jourde dans lequel il raconte la mort de son fils qui n'avait pas vingt ans.
Ce texte foudroyant – à ne pas mettre entre toutes les mains – est une véritable épreuve dont on sort à la fois touché et ému et en même temps changé, à jamais. Parce que cette douleur aussi intime ne peut être exprimée que par la littérature, par le langage qui se charge de raconter le réel tel qu'il est et non tel qu'on l'imagine, ce texte vous transforme et vous permet de renouveler votre regard sur le monde : c'est ce qui caractérise toute grande littérature.
On vit à travers ce texte somptueux et douloureux, entre des phases d'élégie sublime et pudique et des phases terribles dans le froid univers médical. Même si la fin tragique doit advenir comme dans les grands mythes de l'Antiquité, on ne peut refermer le livre. On a besoin de vivre cette épreuve à deux, l'auteur et nous. On ne peut pas l'abandonner là. Il faut continuer, veiller sur Gazou, compter le temps qu'il reste, trouver quoi dire pour figer un peu d'éternité dans ce que l'on sait inéluctable.
Ce moment, nous le vivons, nous le traversons avec l'auteur qui ne nous épargne pas, qui pénètre le réel avec son écriture, qui se débat dans la prison des idées figées et des représentations toutes faites. Jourde nous offre un texte exutoire qui nous remet en face de notre misérable condition. Sans pathos excessif, sans effet de style ronflant, rien que l'écriture de la vérité, rien que la recherche du mot juste, de la pensée juste pour dire le réel.
Et puis, comme toujours dans l'oeuvre de Jourde, on retrouve ce thème du double et du Mal, présent en chacun de nous, nous échappant et nous retrouvant tout le temps, dans toutes les épreuves de la vie.
A lire, évidemment, en hommage à Kid Atlaas. A lire pour partager un peu de l'humaine condition.
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Pierre Jourde est un critique littéraire assez sain d'esprit pour savoir qu'on ne peut toujours penser et dire du bien de ce qu'on lit, et pour constater qu'internet et autres médias parallèles ont aujourd'hui remplacé la critique littéraire officielle, confite dans le copinage, le politiquement correct et la dictature de l'argent. Il observe par exemple que le public, parfois, fait un triomphe à un livre comme "Les bienveillantes" au détriment du produit littéraire que les grands journaux patronnaient et que personne n'a lu. Enfin, il signale avec quelque malice que les journalistes n'aiment pas perdre, et qualifient de "fasciste" le livre qu'ils n'ont pas lancé et que le public a préféré. Dans ce grand jeu des qualificatifs insultants, certains artistes contemporains ne sont pas en reste, de Boulez à Jeff Koons, pour qui le public qui les boude est par nature une masse ahurie travaillée par le FN ...
Donc ce recueil de chroniques est un bon livre, qui ne se limite pas à la littérature, mais à bien d'autres domaines de la culture, même les médias. L'auteur, dans chacun de ses articles, assure toujours ses arrières en précisant qu'il fait partie du camp des gentils, ce qui l'autorise d'autant plus à critiquer ces mêmes gentils quand ils deviennent stupides. Venu de l'intérieur du Camp du Bien, cet ouvrage pourra éclairer quelques esprits.
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Même dans des circonstances très défavorables à ma concentration et à une lecture hachée, je ressens beaucoup de choses pour ce livre. Tant le contenu campagnard, d'exilés du monde, prisonniers d'un autre monde, un monde que j'ai un peu connu par bribes, qui est dur, assez implacable, quelque part.
Tant la forme, une très belle écriture, sans effets, sans procédés, juste juste, juste très juste.
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