AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Primo Levi (769)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La trêve

La Trêve est un hymne à la vie, au mystère, à la résilience, à la ténacité ; C'est un sas, une transition salutaire avant de faire le saut dans la vie, dans l'autre vie, qui n'est plus celle d'avant, plus celle d'avant d'avant ; Cette vie désormais inconnue peuplée de personnes que l'on connaît sans les reconnaître car ils ne savent pas et ne sauront jamais et peuplée des fantômes, ceux qui sont restés, ceux dont « nous creusons une tombe dans les airs on y couche à son aise «   comme l'a écrit Paul Celan. « Une tombe parmi les nuages « comme l'a repris Semprún.

Primo Levi a écrit « La Tregua » en deux temps, comme deux respirations ; Les deux premiers chapitres en 1947-48 et la suite du livre en 1961. Deux respirations comme deux goulées d'air aspirées par le noyé pour revenir à la vie ou son illusion.

Le livre commence là où « Si c'est un homme » c'est arrêté : l'arrivée des troupes russes à d'Auschwitz. A partir de ce moment, Primo Levi est embarqué dans un voyage de plusieurs mois à travers l'Europe de l'Est ; Ce n'est pas l'Odyssée d'Ulysse et aucun chien ne viendra le reconnaître à son retour à la maison. C'est un espace temps, qui s'étire, au gré de décisions ou non-décisions obscures de l'état-major russe ; une forme de « kairos » imposé. Primo Levi est évacué avec quelques rescapés ou vient s'adjoindre au fil de ses pérégrinations, des prisonniers civils et militaires italiens, des familles italo-roumaines expulsées, une faune composée d'êtres dont certains veulent retourner chez eux, d'autres veulent s'en éloigner. Primo Levi, dresse, comme il sait si bien le faire, le portrait de femmes et d'hommes presque incroyables ; Tous sont animés par la vitalité de la liberté. Primo Levi et ses rares compagnons rescapés goûtent soudain à un pouvoir qui peut paraître minime mais qu'ils avaient perdu ; le pouvoir de parler, de manger, de respirer, de marcher librement. Mais la guerre est toujours là, quelque part. La mort, la maladie, le froid, la faim sont toujours présents, mais le combat contre leur emprise peut paraître plus équitable.

Primo Levi sort du camp malade et entre au camp de transit de Katowice très malade ; Sa guérison donne lieu à un épisode un peu farfelu et énigmatique sous l'égide du Dr Gottlieb, lui aussi survivant d'Auschwitz que Primo Levi qualifie d'exceptionnellement armé pour survivre. Dans ce camp de transit ou le temps s'éternise, il faut bien vivre ; Primo Levi est nommé pharmacien du camp ; Son oeil observateur photographie son environnement ; Il raconte de sa belle écriture imagée et souvent drôle, avec toujours cette douce justesse, son quotidien et surtout il dessine le portrait d'hommes, et parfois de femmes, qui croisent sa route ; « des cartes d'identité » savoureuses, pittoresques, tendres. On le sent ébahi devant ces compagnons d'infortune ; Ébahi devant leur enthousiasme, leur hardiesse, leur ingéniosité à revivre. On dirait parfois un élève devant des professeurs.

Mordo Nahum le Grec est un filou, un baratineur, avec des ressources insoupçonnées de débrouillardise ; Il entraîne Primo Levi dans les méandres du marché noir ; Mordo Nahum est capable de phrases sentencieuses « en temps de guerre, il faut avoir des chaussures et à manger et non l'inverse ; c'est d'abord aux chaussures qu'il faut penser » et « la guerre est éternelle » ; D'ailleurs il pense que Primo Levi est un abruti car il n'a pas de bonnes chaussures ; Preuve que c'est un inconséquent sans cervelle.

Cesare, le compagnon indéfectible de ce long périple ; Cesare est décrit comme un être capable de susciter la sympathie chez tout le monde, les Russes, les paysans polonais, les groupes hétéroclites des différents camps de transit. Cesare est ingénieux, affairé, affable, rusé, sans rancoeur et toujours prêt à partager ses expériences ; ce dont Primo Levi ne se prive pas.

Au camp de transit de Katowice, il y a Marja Fjodorovna Prima, une infirmière russe et Galina de Kazatin la jeune Ukrainienne, assistante de Marja ; elles seront deux figures importantes de femmes dans ce retour à une certaine vie ; Pour Primo Levi deux amies même brièvement.

Les femmes sont en arrière plan dans ce récit, décrites avec pudeur et respect. Mais elles n'ont pas un rôle secondaire ; Tout au long du livre, elles sont là, les jeunes filles russes auxiliaires de l'armée, les paysannes polonaises, biélorusses, les femmes des familles italo-roumaines, les femmes allemandes perdues dans les plaines russes. Primo Levi décrit leur courage, leur abnégation, leur peur et leur joie.

Il pense, comme les autres, qu'ils sont en route pour Odessa, la porte pour le retour vers l'Occident et l'Italie et soudain ils se retrouvent à cheminer sur des voies ferrées sans fin ; Un voyage sans queue ni tête, de camps de transit en camps de transit, s'enfonçant un peu plus dans les plaines de Russie. L'euphorie de la liberté fait souvent place à une certaine inquiétude ; Qu'est-ce que les Russes veulent faire d'eux ? Vont-ils errer longtemps à l'intérieur de ces plaines immenses et vides ; Ces steppes glacées d'Ukraine et de Biélorussie ? Primo Levi est fasciné par ces paysages sans horizon, mélange de crainte et d'émerveillement.

L'armée russe est décrite bon enfant, apparemment sans règle, sans objectif, ou l'organisation de la désorganisation est omniprésente. Les ordres et les règlements sont édictés pour mieux être quasiment, immédiatement transgressés par ceux-là même qui les ont produits. Cette armée russe, jeune, robuste, vaillante, victorieuse, convoie son troupeau avec bonhomie, désinvolture et une féroce innocence.

Après d'autres transits, Primo Levi et ses comparses resterons longtemps à Staryje Doroghi, dans « La Maison rouge », sorte de bâtisse mi-édifice administratif, militaire, indéfinissable, au milieu des plaines biélorusses avec des bois alentours. S'organise un quotidien ou la débrouille et le troc avec les paysans de l'unique village tapi au fond des bois devient une routine. L'incertitude de repartir à l'Ouest un jour se délite dans une abondance de nourriture, une oisiveté relative mais malsaine. L'esprit tourne en rond. Primo Levi parle de la nostalgie, dangereuse pensée dans cette sorte de parenthèse avant le retour chez soi. Une nostalgie qui serre le coeur, embrume l'esprit. Cette liberté semi-retrouvée, maladroite encore, s'étire sans fin sur le fil des jours. En parlant de liberté, Primo Levi l'éprouve quand il décide d'aller se promener dans la forêt, dense et immense ; Sentiment physique de beauté, de solitude salutaire, jusqu'au moment où en voulant revenir vers la Maison rouge, il se perd, incapable de se repérer. Perdition inconsciente, vigilance noyée dans un trop plein de nature, des sens à nouveau aiguisés. Et puis soudain, c'est le départ ; A nouveau les trains, à nouveau le chaotique chemin vers l'Ouest, la Roumanie, la Hongrie, l'Autriche et enfin l'Italie. Tout le monde guette les noms des villes et villages traversés, plus les noms se « latinisent », plus l'heure de retour chez soi se rapproche. Mais plus le chez soi se rapproche, plus la tristesse et le poids de la mémoire s'insinue, s'accroche, se fixe. La parenthèse illusoire est terminée. Primo Levi le sait, sans doute pour ne pas encore frôler les ailes de souvenirs trop douloureux, il ne raconte pas son retour à la maison de ses parents. Juste quelques phrases pudiques.

D'avoir attendu quasiment 13 ans pour écrire la plus grande partie de son roman, fut peut-être nécessaire pour revenir à une certaine normalité ; une famille, un travail, un pied concret dans une réalité quotidienne permettant de mettre un voile distancié, mais non un oubli – car je l'ai appris Primo Levi avait une grande mémoire – sur ses souvenirs. Un voile illusoire, hypothétique sur la douleur et l'amertume du destin, si destin il y a. Un exil volontaire de sa mémoire. La grande force de Primo Levi est de nous livrer un témoignage solaire dans une belle écriture ; sa belle écriture simple, poétique, posée, objective et définitivement ouverte sur les autres.
Commenter  J’apprécie          362
Si c'est un homme

" Mon nom est 174 517 ".



Non, nous ne sommes pas dans un roman de science fiction mais bel et bien dans la réalité. Celle de Primo Levi en 1944, pendant son année d'internement dans l'un des trois camps du complexe concentrationnaire d'Auschwitz où il travaille pire qu'un forçat.



Dans ce texte écrit deux ans après sa libération, il examine avec quasiment un regard d'ethnologue, les mécanismes de l'horrible machine à broyer les hommes qui les déshumanise à coups d'humiliations impensables avant de les faire mourir lentement de faim, de fatigue ou de désespoir. Quand ça n'est pas avec des méthodes plus expéditives comme les faire "sortir par la cheminée". Dans le même temps il dévoile les stratégies mises en place par les häftlinge (détenus) pour réussir à survivre face à tant de souffrances physiques et morales.

C'est un témoignage qui m'a franchement surprise par son ton presque détaché, tout du moins sans aucune acrimonie. Comme si mettre une certaine distance était indispensable pour pouvoir raconter ce qui s'accroche inéluctablement à la mémoire, qu’on le veuille ou non, sans se laisser déborder par une émotion trop intense.

J'ai mis beaucoup de temps pour me décider à lire ce texte tant j'avais peur d'être épouvantée par l'atrocité de ce que Primo Levi pouvait y avoir révélé mais il fait preuve d'une grande pudeur dans sa façon dire la réalité. Ce dont je lui suis infiniment reconnaissante.
Commenter  J’apprécie          360
Le Système périodique

Livre un peu trop technique à mon goût, un peu trop axé sur la chimie. Mais cependant je le trouve bien écrit. J'aime particulièrement les pages où Primo Levi y parle de sa vie en camps de concentration et de ses rapports avec ses origines juives ou avec le nazisme. Texte de qualité, même si je préfère de loin "Si c'est un homme" ou "La trêve".
Lien : http://araucaria20six.fr/
Commenter  J’apprécie          360
Maintenant ou jamais

Primo Levi s'est inspiré de faits réels pour écrire ce roman. Il s'est appuyé sur une sérieuse bibliographie et le témoignage d'un ami qui, à Milan à l'été 1945, avait travaillé au Bureau d'assistance, venant en aide aux réfugiés. Un roman qui raconte la longue marche d'un groupe de partisans essentiellement composé de juifs partis de Biélorussie jusqu'à Milan, avec l'idée de se rendre en Palestine. Un livre fort, bien écrit, mais qui m'a moins émue que les récits du même auteur. "Si c'est un homme" et "La trêve" ont un impact bien plus important, car ces deux textes ne font que raconter la vérité, mais une vérité dérangeante tant elle est horrible.

Commenter  J’apprécie          350
Si c'est un homme

Devant un tel monument , un tel témoignage de l'horreur absolue des camps de la mort , que peut on dire , nous qui avons la chance , le privilége de vivre en des temps de relative paix , que peut on faire ? Tout d'abord prendre le temps de lire ce livre essentiel , qui devrait étre lu par tous au moins une fois dans sa vie . Prendre le temps de le lire , c'est surtout prendre le temps de le comprendre , de savoir se montrez humble devant ce que ces gens on subits . Ensuite , il faut prendre le temps méme si l'on est pas croyants d'avoir une pensée pour ces gens innocents qui on étaient les victimes d'une folie du à un racisme envers une religion. Ce que ce livre nous enseigne c'est que ces gens on étaient les victimes de la folie humaine , qui avait pris possession des corps et des des esprits . Ce que ce livre nous apprend c'est qu'il ne faut plus jamais que cela se reproduise. Il faut tout faire pour que le populisme qui tape à la porte soit refoulé , car il en est de la mémoire de ces gens . Le plus grand livre du siécle peut étre...
Commenter  J’apprécie          352
Si c'est un homme

Si c’est un homme est un témoignage des camps de concentration. Levi est un ingénieur chimiste. Et juif. C’est Levi qui raconte ce qu’il a vécu à Auschwitz : il décrit des moments durs, les travaux de force, l’organisation du camp, régit par ses règles de trafic. Ils sont nombreux dans cette situation. Et pourtant, c’est une lutte solitaire que mène chacun pour survivre.



On a l’impression de pénétrer dans un monde imaginaire tellement cela paraît irréel. On n’arrive pas à y croire tant l’endroit décrit est inimaginable d’horreur, de souffrance. Levi organise et schématise le récit de son séjour là-bas depuis fin 43. Il parle des moyens de se nourrir, de se loger, de ruser… Un récit dur et impitoyable.
Commenter  J’apprécie          350
Si c'est un homme

Le livre de Primo Levi se distingue au sein de ce que l'on appelle la "littérature des camps". Car plus que décrire les horreurs perpétrées à Auschwitz (omniprésentes cependant), son objectif est de disséquer l'évolution de la condition humaine dans des conditions aussi extrêmes. De nous convaincre que la barbarie résidait peut-être plus encore dans la négation par les nazis de toute humanité aux déportés que dans leur extermination.

Il décrit aussi de façon poignante comment, alors que lui-même la pensait définitivement abolie, ravalé qu'il se sentait avec ses camarades d'infortune au rang de bête, son humanité est revenue le jour où, dans le camp abandonné par les bourreaux, il ramena un poêle pour réchauffer toute sa chambrée et que les autres détenus, en signe de gratitude, lui offrirent ce qu'ils avaient alors de plus précieux : une fraction de leur ration de pain.

Une lecture incontournable.
Commenter  J’apprécie          350
Si c'est un homme

Cela fait longtemps que je voulais lire ce livre... très longtemps! J'attendais le bon moment... Maintenant que c'est fait, je sais que, malheureusement, il n'y a jamais de "bon moment" pour découvrir un tel récit mais qu'il fallait absolument que je me force à découvrir ce témoignage bouleversant d'un rescapé du camp d'Auschwitz.



Arrêté en décembre 1943, l'auteur italien, Primo Levi, écrit son livre dès 1947 et, ce qui peut paraître incroyable à notre regard contemporain, est refusé par plusieurs éditeurs avant de pouvoir être publié.



Par des chapitres courts, un langage sobre et dépassionné, sans haine, l'auteur nous décrit ce qu'il a vécu, ce qu'il a vu, ce qu'il a ressenti pendant sa période de captivité au camp d'Auschwitz.



Pas un instant, je n'ai hésité à vouloir terminer ce texte qui m'a donné la nausée, m'a fait ressentir physiquement un mal-être comme aucun récit précédemment, mais j'ai dû fractionner ma lecture, j'ai décompté les pages en ayant hâte que ce soit terminé: j'aurais voulu l'avoir lu sans être obligée de passer par le moment présent de la lecture, très difficile... et j'ai un peu honte de dire cela alors que, de ma vie confortable et douillette, je parle de l'horreur qu'a réellement vécue cet homme!



L'appendice, qui suit le récit à proprement parler et dans lequel l'auteur répond aux questions qui lui sont habituellement posées (et qui m'ont également taraudée lors de ma lecture), est extrêmement intéressant et complète très bien le récit.



A lire et à faire lire, pour prendre conscience de ce que les choix et les aveuglements de chacun, dans une communauté, peuvent aboutir à des conséquences inimaginables et incompréhensibles...

Pour comprendre que les débats et la réflexion valent mieux que l'attachement à un chef charismatique!

Un sujet toujours actuel et universel!
Commenter  J’apprécie          350
Si c'est un homme

Le poème placé en exergue du livre explique ce qui attend le lecteur de Si c’est un homme.

"Considérez si c’est un homme

Que celui qui peine dans la boue,

Qui ne connaît pas de repos,

Qui se bat pour un quignon de pain,

Qui meurt pour un oui ou pour un non."

Le livre nous rappelle que c’est un privilège de vivre en sécurité. Grâce à l’écriture précise et vivante de Primo Levi, on comprend ce que peut représenter la peur permanente de perdre la vie. On comprend ce que cela signifie d’être exposé, presque nu, au froid mordant de l’hiver polonais et aux matraques nazies. Le livre nous invite surtout à ne jamais oublier que cela fut. Un jour. Il n’y a pas si longtemps.

Tout cela a déjà été dit à maintes reprises, bien mieux que je ne le fais, et je n’ai guère de choses à ajouter à toutes les belles critiques qui m’ont précédé.

Je voudrais plutôt me concentrer sur le dernier chapitre de ce livre, intitulé « Histoire de dix jours », que j’ai lu, je m’en souviens avec précision même si c’était il y a plus de vingt ans, dans un état d’exaltation intense, et aussi avec un certain sentiment de culpabilité, confortablement installé sous ma couette.

"Vous qui vivez en toute quiétude

Bien au chaud dans vos maisons,

Vous qui trouvez le soir en rentrant

La table mise et des visages amis,

Considérez si c’est un homme…"

Rédigé sous la forme d’un journal, ce chapitre est l’épilogue de l’ouvrage. Souffrant de scarlatine, Primo Levi est admis à l’hôpital du camp. L’arrivée de l’Armée rouge est désormais imminente et les SS décident d’abandonner le camp. Seuls les prisonniers en bonne santé sont évacués. La marche forcée des détenus qui quittent le camp entraînera la mort de la quasi-totalité d’entre eux, y compris celle d’Alberto, le meilleur ami de Primo. Au service des infections, celui-ci rencontre deux déportés français qui viennent d’arriver, Charles et Arthur. Tous les trois se mettent à aider les autres malades dans leur baraque, parcourant le camp abandonné à la recherche de provisions…

Bien involontairement sans doute, Primo Levi a créé, dans ces quelques pages, un suspense insoutenable car on se demande à chaque instant ce qu’il va advenir de la petite dizaine de prisonniers dont la vie ne tient qu’à un fil. La relation de cette expérience de survie, aucun roman ne pourra jamais l’égaler. Malades et affaiblis, et alors que des dizaines de prisonniers meurent autour d’eux, Primo, Charles et Arthur, et quelques autres hommes valides du service des infections, vont faire preuve d’un courage et d’une ingéniosité incroyables pour tenter d’améliorer leur sort, pas après pas. Ils vont surtout, très vite après le départ des derniers gardiens SS, redevenir des hommes, alors qu’ils n’étaient jusqu’alors que des esclaves, craignant sans cesse pour leur vie. L’étape la plus marquante de ce processus pour retrouver leur humanité et vivre à nouveau comme des hommes civilisés est celle du partage de la nourriture.

Le séjour commun à Auschwitz d’Arthur, Charles et Primo n’a duré que quelques semaines, mais leur amitié continue montre qu’ils ont trouvé une parenté et une solidarité indéfectibles dans leur expérience commune de détention. A ce sujet, je vous invite vivement à regarder le très beau film réalisé par Catherine Bourdin qui montre les retrouvailles de Jean Samuel (Pikolo dans le livre), un des rares rescapés de la « marche de la mort », et de Charles Conreau. Deux hommes d’une grande dignité, unis par leur souffrance passée et leur amitié pour Primo. On trouve facilement ce film sur internet. Il est très émouvant.

Le dernier mot appartient à Primo Levi :

« Les Russes arrivèrent alors que Charles et moi étions en train de transporter Somogyi à quelque distance de là. Il était très léger. Nous renversâmes le brancard sur la neige grise.

Charles ôta son calot. Je regrettai de ne pas en avoir un. »

Commenter  J’apprécie          344
Si c'est un homme

Difficile d'écrire une énième critique sur ce livre, et l'histoire de Primo Lévi... Des récits réels ou romancés sur cette période de notre histoire j'en ai lu avec toujours cette question en moi : Pour quoi ?



Que cela soit au travers des récits de Gray, Arnoty, Veil ou de dignitaires allemands, jamais je n'ai réussi à trouver de réponses à l'abominable. Ma représentation de l'abominable était encore bien loin de ce que Primo Lévi nous livre ici...



La froideur de son récit, la distance avec l'humanité qui s'installe, il m'a fallu faire des pauses lors de cette lecture tant il était difficile de respirer, d'ingérer les informations, du moins le style d'écriture utilisé pour la relayer.



Véritablement, je ne regrette pas et rouvrirai ce livre dans quelles années pour mieux le comprendre, l'intégrer. Clairement, c'est une lecture difficile.



Commenter  J’apprécie          340
Si c'est un homme

J'étais adolescent quand j'ai lu pour la première fois Si c'est un homme. Un livre qui m'avait fortement impressionné, car je découvrais pour la première fois le témoignage de quelqu'un qui avait vécu la tragédie des camps de concentration. Depuis, je l'ai relu plusieurs fois et il m'est difficile de dire quoi que ce soit à propos de ce livre magnifique qui n'ait jamais été dit auparavant. Je ne sais même pas s'il est possible d'articuler quelques mots sans que la honte me coupe la voix. Je vais à peine essayer. Primo Levi y raconte son expérience depuis le moment de sa capture, son installation dans le camp de concentration d'Auschwitz, sa vie quotidienne jusqu'à sa libération. Cela peut sembler étrange, mais dans toutes les pages du livre, il n'y a pas de place pour la haine envers les nazis. Pas de rancune. Aucun désir de vengeance. Quoi qu'il en soit, les images de dégradation et de démolition de l'homme que Levi nous présente sont terribles. Un livre froid, douloureux, sec, mais jamais rhétorique, écrit avec une sincérité et un détachement qui impressionnent. C'est admirable et désarmant. Il est le témoignage d'un homme intelligent, réfléchi, humain et digne comme peu le sont. Alors, à quoi bon polémiquer sur les raisons de sa mort ? Les histoires sur l'Holocauste finissent toujours par des questions.
Commenter  J’apprécie          340
Si c'est un homme

Ce livre est resté longtemps dans la liste des livres que je voulais lire.

Mais comme beaucoup, je crois, j'appréhendais ce moment et me refugiais derrière un " à quoi bon " Encore un livre sur la Shoah, y a t-il encore quelque chose que je ne sache pas ou que je ne sois pas capable d'imaginer sur cette période ? Tout n'a t-il pas été dit, écrit, filmé ?

Et bien oui, je n'avais pas imaginé cette horreur humaine à ce point et n'avais pas forcement bien compris comment cela pouvait être vécu de l'intérieur.

J'avais encore beaucoup à apprendre et ce livre n'est pas une reformulation de plus, mais un éclairage indispensable d'une froide lucidité terriblement factuelle.

Ce récit est bel et bien un incontournable de la littérature.

Commenter  J’apprécie          340
Si c'est un homme

Mon Dieu, qu'écrire apres un tel livre !

C'est un lecteur de Babélio qui m'a encouragée à lire enfin ce livre, ou plutôt devrais-je dire le courage de le lire jusqu'au bout du bout.

Enfin, car j'ai mis presque un demi-siècle pour me décider.

Pourquoi ? Je ne le sais. J'ai vu "Nuit et brouillard" assez jeune et je n'oublierai jamais mon impression face à l'innommable : ce n'est pas vrai, ce n'est pas possible.

Cet amoncellement de corps poussés par les pelleteuses, ces tas de cheveux, de chaussures, de peaux avec quoi ils fabriquaient des abats-jours, cette négation de l'Humain, cette chosification...

Et pourtant si.

C'est arrivé.

Ce livre est un témoignage implacable, dur, âpre, terrible.

Toute cette volonté à exterminer les hommes, ou peut être devrais-je dire des choses, des numéros... Car la chosification a été le bois dur du nazisme et de l'extermination.

Je ne trouve pas mes mots.

Je l'ai lu d'une traite, sans le lâcher pour un autre, moi qui pourtant lis plusieurs livres à la fois tant ma PAL est grande.

Mais la, il me fallait toute mon attention, rien qui puisse me distraire de ma lecture. Ce fut une marque de respect pour cet auteur et pour le livre lui-même. Je me suis même isolée pour être tranquille, si Je puis dire...

Et quand je pense qu'il existe encore des "gens"pour douter de la véracité de la Shoah !

Des révisionnistes, des négationnistes qui ont l'horreur de nier les faits.

Honte à eux.

Car ils leur donnent la mort une seconde fois.

À lire bien sûr, et ne mettez pas presque cinquante ans pour le faire.

Par respect pour tous...

PLUS JAMAIS ÇA.

Commenter  J’apprécie          3415
Si c'est un homme

Un camp. Des prisonniers. Le froid. Les maladies. Les monstres qui peuvent tuer à tout moment. La mort. Et un auteur. Ce même auteur qui a vécu ces horreurs, ces atrocités commises pour le pouvoir d'un fou. Primo Levi signe avec une grande méticulosité l'expérience des camps de la mort, et surtout celle de capo, détenu désigné pour commander les autres prisonniers et déportés. "Si c'est un homme" est un parfait exemple de déshumanisation et destruction de l'identité humaine et il ne laissera pas indemne, quiconque veuille en explorer la lecture.
Commenter  J’apprécie          340
La clef à molette

Aimez-vous votre boulot? Ce n’est pas l’intro d’un quiz de psychologie populaire : le travail est vraiment le thème de ce roman de Primo Levi, un texte bien différent des horreurs des camps de « Si c’était un homme ».



« le fait d'aimer son travail — qui est, hélas! le privilège de peu de gens — est bien ce qui peut donner la meilleure idée et la plus concrète du bonheur sur terre. (p.102)



Les métiers de la construction ne sont pas très présents dans la littérature, peut-être parce qu’il n’est pas très courant d’avoir à la fois l’imagination littéraire et l’intelligence concrète des bâtisseurs. On trouve plus facilement des romans qui traitent des difficultés des écrivains!



De ce texte de Levi, je retiens la beauté du travail d’ingénierie, la satisfaction devant l’élégance et la solidité de la structure d’un pont ou d’une tour. Dans les discussions entre les gars, on découvre aussi l’amitié entre les hommes et la vision du monde des travailleurs qui vont d’un chantier à l’autre sans s’attacher.



Une œuvre à découvrir.

Commenter  J’apprécie          343
Lilith et autres nouvelles

J'ai surtout apprécié le premier tiers du livre intitulé "Passé proche" dans lequel Primo Levi raconte des souvenirs de son internement à Auschwitz. Je suis moins intéressée par les autres nouvelles. Dommage. De cet auteur, je retiendrai donc "Si c'est un homme" et "La trêve" qui sont des livres incontournables sur la shoah et la vie dans les camps.
Lien : http://araucaria20six.fr/
Commenter  J’apprécie          341
La trêve

Camp de Buna-Monowitz, dans le district d’Auschwitz. En cette fin janvier 1945, les allemands n’ont pas pu achever tous les malades avant l’arrivée de l’Armée Rouge. La progression des diverses maladies, l’épuisement, le froid se sont chargés de faire périr encore un bon nombre des misérables détenus. Alors que le dégel se fait sentir, les rares survivants ne peuvent décemment laisser exploser leur joie trop entachée et souillée par les atrocités de l’offense commise contre leur peuple.

C’est une liberté nouvelle qui fait mal, qui fait peur, qui agite des pensées tumultueuses et confuses.

Primo Levi, fiévreux, vit ses derniers jours dans ces baraquements avant d’être évacué vers le camp principal d’Auschwitz, un camp gigantesque offrant l’image d’une ville concentrationnaire hideuse baignant dans la fange laissée par le dégel.



Primo Levi nous laisse ici un formidable et poignant témoignage de l’entre-deux vécu par ces très rares survivants des camps. Cet entre-deux c’est la trêve, ce laps de temps interminablement étiré entre la libération du camp et le retour au pays pour reprendre sa vie non pas où ils l’avaient laissée avant leur déportation mais une vie d’après, après « le poison d’Auschwitz ». C’est le récit des tatoués meurtris par une horreur sans nom qui vont tenter de faire taire dans leur tête la résonnance de l’ordre étranger qui claquait chaque matin « Wstawać ».

La liberté n’a pas aboli les épreuves. Primo Levi, comme bon nombre de ses compagnons d’infortune doit encore livrer bataille contre la maladie, le froid et la faim. Leur prise en charge par les Russes est complètement chaotique et anarchique. Sur la Pologne enneigée, les convois ferroviaires composent avec les dégâts laissés par la guerre et les déplacements en tous sens sont truffés d’arrêts interminables.



Peut-être est-ce dû au recul que l’auteur a pris avant de rédiger ce récit, ou bien, comme j’ai aimé à me l’imaginer, est-ce de reprendre vie après cette abominable parenthèse hitlérienne, mais le fait est que la narration de l’auteur retentit de nombreuses notes humoristiques et on se surprend à sourire, à reprendre pied avec lui dans l’imperfection et la chaleur du monde humain.

Durant cette longue attente, initialement sur le sol polonais, les histoires singulières des uns et des autres se succèdent. Des passés plus ou moins glorieux défilent dont celui du Grec à la débrouillardise salutaire mais aux principes qui ne sont pas forcément partagés par notre narrateur. De curieuses interactions linguistiques se feront avec un prêtre de Cracovie ou alors une boutiquière allemande fera part du courrier qu’elle a adressé personnellement à Hitler lui conseillant de ne pas faire cette guerre qu’il ne pourra gagner !

C’est la reprise de contact avec soi-même, avec les autres, avec les arbres pleins de sève pour y puiser les forces nécessaires et laisser derrière eux les miasmes de la guerre.

Ce surprenant chemin du retour montre différents visages du peuple russe, celui des hommes à la vitalité débordante, à la joie explosive offrant des réjouissances théâtrales survoltées et celui de leur indéchiffrable bureaucratie, pas malveillante en soi mais lamentablement négligente, lente, exaspérante. L’organisation soviétique est plus que nébuleuse, les projets du lendemain sont ignorés de tous et les approvisionnements en nourriture franchement désordonnés. Face à cette incurie, la débrouille, un peu d’illégalité et beaucoup d’ingéniosité ont été nécessaires pour ne pas mourir de faim. De drôles de pratiques commerciales permettent tant bien que mal de manger à sa faim.



Ce très beau texte est à lire pour sa qualité littéraire et pour sa grande valeur de témoignage. Il n’est pas chargé de plomb ni de haine, il est juste là pour le besoin et l’importance de raconter la sortie de l’enfer même si les rapatriements se sont déroulés dans une extrême confusion. Ce périple aux multiples transferts dans des conditions déplorables a empli ces mois de trêve, comme une longue parenthèse pour regagner, par les contacts humains, la confiance nécessaire afin d’affronter l’avenir.

Commenter  J’apprécie          332
La trêve

Tout autant que "Si c'est un homme", "La trêve" est un témoignage inestimable que nous a laissé Primo Levi, et plutôt rare en littérature : après la libération des camps, mais avant que la guerre ne soit une cicatrice que l'on panse dans une paix revenue, que s'est-il passé?



A partir du moment où l'armée rouge entre dans le camp d'Auschwitz et jusqu'au retour en Italie, il va se passer de longs mois, d'abord de souffrances, de maladie, de stagnation en infirmeries de fortune en errances à travers l'Europe sans visibilité sur l'issue. Et pourtant peu à peu la vie renaît, les individualités néantisées dans le camp se redessinent, l'énergie et même la joie reviennent au fil de rencontres et d'expériences nouvelles dans laquelle Primo Levi s'en vient revivifier sa jeunesse atrophiée depuis deux longues années.



Le témoignage sur l'accompagnement des prisonniers à la libération des camps, sur les pénuries immenses de l'avant après-guerre, sur le fonctionnement foutraque de l'administration et l'armée russe sur laquelle l'auteur porte un regard parfois presque attendri, sont passionnants.

J'ai dévoré ces pages d'humanité profonde et d'histoire telle qu'elle figure si peu dans les livres.

Commenter  J’apprécie          330
Si c'est un homme

Pourquoi il est ESSENTIEL de lire ce livre :



1/ POUR L’HUMILITÉ DE L’AUTEUR

Primo Levi pose des mots tout en douceur sur son passé pour raconter les mois qu’il a passé à Auschwitz. Très humble, l’auteur utilise le "on" à la place du "je" comme s’il voulait gommer toute dimension personnelle. Il s’efface en tant qu’individu pour envelopper dans son récit les milliers d’âmes qui ont souffert dans les camps. En se positionnant comme témoin et non juge, Primo Levi livre un témoignage dont il émane une grande humanité.



2/ POUR L’HORREUR RACONTÉE DE L’INTÉRIEUR

Primo raconte son vécu sans jamais avoir recours au pathos. Nulle recherche de pitié de la part de l’auteur. Il y était, il a vu, il raconte sa vérité, point.



3/ POUR GARDER À L’ESPRIT

que si de tels faits sont arrivés, d’autres pourraient survenir de nouveau dans une forme différente ...ou pas tellement.



4/ POUR CETTE PHRASE

"Nous ne pouvons pas comprendre [cette haine nazie] ; mais nous pouvons et nous devons comprendre d’où elle est issue, et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi".



A lire d’urgence si vous êtes passé jusqu’à aujourd’hui à côté de ce monument de la littérature.
Commenter  J’apprécie          336
Si c'est un homme

« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » Winston Churchill



Nous avons tous beaucoup appris sur l’horreur des camps de concentration. Beaucoup de témoignages, de documentaires et de films ont tenté de décrire l’ineffable cauchemar des camps de la mort.



Malgré tous ces récits, j’avais souvent l’impression de ne jamais réussir à entrevoir la survie dans les camps d’extermination.



Issu d’une famille juive, Primo Levi, né à Turin en 1919, tente de résister au fascisme. Déporté à Auschwitz en 1944, il sera libéré par l’armée rouge en janvier 1945, dans ce récit poignant il nous décrit son long parcours dans les camps de la mort.



De retour à Turin quelques mois plus tard, il sera hanté toute sa vie par l’expérience du Lager et finira par se suicider en 1987, à l’âge de 67 ans.



Déjà écrit en pensée à l’époque de sa déportation, comme une libération intérieure, c’est par les mots que Primo Levi raconte les conditions de vie à Auschwitz.



Primo Levi dépeint la déshumanisation mécanique et implacable à l’encontre des déportés mais aussi la capacité de résilience de l’âme humaine.



Un tel choc ne m’avait pas traversé depuis mes études et la découverte du film « Shoah » de Claude Lanzmann sorti en 1985.



Ciment du devoir de mémoire et Bible de l’humanité, ce récit sans l’ombre d’une trace de haine est incontournable pour comprendre la Shoah.


Lien : https://memoiresdelivres.wor..
Commenter  J’apprécie          330




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Primo Levi Voir plus

Quiz Voir plus

Si c'est un homme

Quelle est la forme ce texte ?

C'est un roman.
C'est un recueil de nouvelles.
C'est un récit autobiographique.

10 questions
1318 lecteurs ont répondu
Thème : Si c'est un homme de Primo LeviCréer un quiz sur cet auteur

{* *}