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Citations de René Guy Cadou (223)


L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 6

     C'est dans ce voisinage que grand-mère Benoiston avait choisi de m'apprendre le « Notre-Père », sur un banc de pierre au ras du sol et tout inondé de soleil. Le temps avait disjoint les moellons et, furtifs, des lézards glissaient entre nos pieds.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 4

     C'est dans cette allée du calvaire que j'ai fait mes premiers pas ; j'y boulais comme un lapin, plus rieur que maussade. J'ai trois ans maintenant, et dans les longues récréations de la fin juillet, j'y accompagne mes parents et leurs élèves. Ô jeu des quarante voleurs, jeu des barres, comme je vous aime, assis entre les jambes de Maman ; je délaisse volontiers les bruyères pour vous suivre, des yeux, comme une voile haute sur la mer.
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L'ALLÉE DU CALVAIRE



extrait 1

     Ai-je dit que de la petite fenêtre là-haut, dans la chambre de mes parents, la vue donnait sur un quadrilatère de murs de -l'autre côté de la route ? Sur la route, toujours pleine de crottin, mon père tirait les moineaux ; quelquefois, l'un d'eux, seulement blessé, allait choir à l'intérieur du cimetière. Le voisinage de celui-ci m'apaisait, je trouvais comme un réconfort dans la présence de ces tombes, de ces croix ; j'accrochais mon regard aux angles de l'unique chapelle funéraire, demeure de la comtesse de X...
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Bientôt l'arbre

Verdoyante fumée

Demain je serai l'arbre

Et pour les oiseaux froids

La cage fortunée



Les grandes migrations

Sont parties de ma bouche

De mes yeux pleins d'épis

Les éclairs de santé



Je te suis dans l'air bleu

Flèche douce à la paume

Bel arbre que j'éveille

Au bord de mes genoux

Tronc si blanc qu'il n'est plus

Qu'une neige attentive



Tu courbes vers le toit

Tes brandons de lumière

Ta sève jour et nuit

Chante dans les gouttières



On te fête déjà

Dans les rues de villages

Ainsi qu'une saison

Inconnue de la terre



Et toi dans les sillons

Sans borne où les perdrix

Gaspillent pour la joie

Des poignées de sel gris

Tu marches répondant

De la douceur des pierres.
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sans titre


La beauté des arbres tient à l'hiver. Dès la première chute des feuilles ils s'incarnent, s'appliquant à n'être plus une délicieuse surcharge comme en avril ; ils font corps avec le ciel qu'ils supportent et qui leur donne cette géographie lumineuse comme un lys dans l'épaule de la terre.
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Aller simple
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Au beau milieu de la campagne un jour d'été
Des jeunes filles dans le wagon crieront
Des femmes éveilleront en hâte les enfants
La carte jouée restera tournée sur le journal
Et puis le train repartira
Et le souvenir de cet arrêt s'effacera
Dans la mémoire de chacun
Mais ce soir-là
Ce sera comme un arrêt brutal du train
Dans la petite chambre qui n'est pas encore située
Derrière la lampe qui est une colonne de fumée
Et peut-être aussi dans le parage de ces mains
Qui ne sont pas déshabituées de ma présence
Rien ne subsistera du voyageur
Dans le filet troué des ultimes voyages
Pas la moindre allusion
Pas le moindre bagage
Le vent de la déroute aura tout emporté.
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30 mai 1942
Il n'y a plus que toi et moi dans la mansarde
Mon père
Les murs sont écroulés
La chair s'est écroulée
Des gravats de ciel bleu tombent de tous côtés
Je vois mieux ton visage
Tu pleures
Et cette nuit nous avons le même âge
Au bord des mains qu'elle a laissées

Dix heures
La pendule qui sonne
Et le sang qui recule
II n'y a plus personne
Maison fermée
Le vent qui pousse au loin une étoile avancée

Il n'y a plus personne
Et tu es là
Mon père
Et comme un liseron
Mon bras grimpe à ton bras
Tu effaces mes larmes
En te brûlant les doigts
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René Guy Cadou (1920-1951).

"Oh père j'ai voulu que ce nom de Cadou
Demeure comme un bruissement d'eau claire
Sur les cailloux"

"Odeurs des pluies de mon enfance
Derniers soleils de la saison"

"Ô classe de mon père, je n'ai pas oublié tes longues tables aux pieds bots, les trois marches qui montaient à la chaire, ni les panneaux publicitaires de l'Ouest-Etat, ni cette cascade des Pyrénées qui dégringolait entre les deux fenêtres, entre les deux rideaux fanés. Le globe est tout en haut de la bibliothèque et c'est trois heures et demie d'hiver ; on entend chanter .. Mais dans la petite classe de Maman, je suis assis tout près de son bureau .. je crayonne des soleils fous et des chemins de fer sur mon petit banc, le petit banc du cordonnier sur lequel mon père répare les galoches. De grands tableaux, aux lettres magiques, dressent leur épouvante. Le sourire de Maman se confond avec les sables mouvants du dernier soleil dans les vitres .."


Le 17 juin 1943, René Guy Cadou rencontre l'amour de sa vie: Hélène :
"Ce fut par un matin semblable à tous les autres
Le soleil agitait ses brins de mimosa
Tout le jour je vis bleu et ne pensai qu'à toi"

"Je t'attendrai Hélène
A travers les prairies
A travers les matins de gel et de lumière
Sous la peau des vergers
Dans la cage de pierre
Où ton épaule fait son nid
Tu es de tous les jours
L'inquiète la dormante
Sur mes yeux
Tes deux mains sont des barques errantes
A ce front transparent
On reconnaît l'été
Et lorsqu'il me suffit de savoir ton passé
Les herbes les gibiers les fleuves me répondent
Sans t'avoir jamais vue
Je t'appelais déjà
Chaque feuille en tombant
Me rappelait ton pas
La vague qui s'ouvrait
Recréait ton visage
Et tu étais l'auberge
Aux portes des villages"


J'ai passé 15 jours de vacances à Piriac-sur-mer (Loire atlantique), il y a deux ans, là où se sont installés les parents de René Guy Cadou, tous deux instituteurs publics dans un village voisin, là où le poète a vécu étant enfant. J'ai conservé un excellent souvenir de Piriac-sur-mer. Mes hôtes qui n'auraient quitté ce pays pour rien au monde m'ont fait connaître toutes les bonnes adresses (culinaires surtout, ce sont des experts) , mais n'ont pas évoqué cela. J'ai trouvé qu'il faisait bon vivre par là, les produits de la mer d'une qualité exceptionnelle .. et je pensais que tous les villages alentour avaient aussi un charme indéfinissable, sans savoir qu'un artiste, un poète avait su avant guerre mettre des mots et sa magie sur la beauté des lieux avec une force indépassable.
Je sais maintenant que si j'avais à narrer le charme de cette région, la Brière, Mesquer, Kercabellec.. il me suffit de lire quelques extraits de la poésie de René Guy Cadou.
Mais je dois pour terminer mon mot dire que c'est Philippe Delerm qui a remonté les échantillons de cette poésie époustouflante, il a consacré toute une page dans le Figaro d'il y a une semaine à la faveur du centenaire de la naissance de l'artiste. C'est remarquable !
En ces temps où beaucoup de familles s'entre-déchirent, où le vrai amour ne semble plus être une vertu, je ne peux que recommander cette leçon de vie que nous offre l'artiste présentée ici par l'auteur de La Première gorgée de bière" qui sait aussi être un passeur de talents qu'on a un peu trop vite oubliés.
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L’inutile aurore


Tout est vain
La fenêtre et l’aurore me restent dans la main
Les fleuves se disloquent
Sur le seuil
C’est la mer qui défroisse ses loques
Ici
La bouche fait lentement son sillon
Et l’heure est suspendue aux lèvres du grillon
Des larmes
Les dernières
Mais les brusques tournants de la lumière
Les algues déroulées sur le front du couchant
La poitrine de l’homme qui tremble au bord du champ
Le cœur pris dans la roue
Le hurlement des herses
Et la douleur qui suit le chemin de traverse
Ah tout est décidé
Le ciel rentre en sa lame
Ma chair sa mort dans l’âme
Mon sang son cou de dé.

(Le chant du coq)
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Cornet d’adieu


Jésus a dit
« Il n’y aura pas de printemps cette année
Parce que Max * s’en est allé
Emportant les chevaux les vergers et les ailes
Parce que sur la croix le bon Saint Matorel
A lâché les oiseaux vers un pays glacé »
Et c’est vrai. Les bourgeons se taisent. Les poitrines
Voient se faner leurs seins. Tout au fond des vitrines
Une enfance à genoux se suicide et le ciel
Epuise en un regard ses réserves de miel
Il fait froid maintenant que tu n’es plus
Beau masque de douleur
Maintenant que tes mains ont trouvé sous la terre
Enfin le battement initial de ton cœur
J’entends ta voix pareille aux chants du monastère
Et tandis qu’on te fait place dans la lumière
Les hommes prient pour toi à Saint-Benoît-sur-Loire
Tu étais sur tous les quais de toutes les foires
Au pain d’épice
On te trouvait dans les coulisses
Des bals champêtres
Tu discutais avec les prêtres
Souvent tu m’écrivais et c’était chaque fois
Des bavardages de bergères et de rois
Tu m’écriras encore
J’attends tes reportages sur la mort
le Nom vernal
O Max
Et l’élixir du laboratoire central
J’attends que soit connu la décision de l’ange
Que Dieu prenne parti pour toi et qu’il t’arrange
Une vie dans le cœur de tes amis natals.

* Le poète Max Jacob
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CHAMBRE ARDENTE


Reste la chambre noire où l’âme se développe
Autour de mon front le pansement frais de tes mains
Derrière le mur cet homme qui parle de voyages
Qui n’a jamais sondé l’abîme de la rue
Et surveille la vie au bord de ses poignets

Voici la meule trop verte où rebondit l’angoisse
Le moyeu fragile de la poitrine
Les coulées de chaleur sous le tanin des doigts
La place toujours neuve pour le premier venu.
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Tu es dans une chambre d’hôpital…


Tu es dans une chambre d’hôpital
Tu as le coeur tout entouré de linges
Tu n’as pas à te plaindre de l’amour
Et cependant tu souffres
Tu es penchée au-dessus d’une rose
Comme au-dessus d’un gouffre
Tu tiens comme un pigeon
Mes deux mains dans les tiennes
Tu as le désir de marcher
À travers les campagnes
Tu es parmi les chevaux qui broutent
Les étoiles de la montagne
Tu es au bord d’un fleuve
Et tout mon corps coule à tes pieds
Je t’aime et te recrée
À chaque instant du jour.
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MALGRÉ TOUT


Traîne-moi avec des chaînes sur les pierres
Enfonce les torrents et les mers dans ma gorge
Comme un coquelicot mets ton fer sur ma gorge
Fais chanter mes genoux dans l’étau des murailles
Blanchis mes os comme un chien du désert
Porte mon crâne à deux mains lampe brisée
Allume-moi torche vivante aux carrefours
Crucifie-moi à la voilure des navires
Aux fenêtres des maisons en partance
O flamme lèche-moi comme une poutre basse
Ecrase-moi de tout ton poids triste saison
Recouvre-moi de feuilles mortes
Je ne parlerai pas
Je ne sais pas ce que tu veux me faire dire
Je suis innocent de tous mes crimes
Je suis fermé à la parole
Je suis un grand silence qui bouge
Je n’ai pas à te rendre compte de mon amour.
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OCTOBRE


Pays lié aux oiseaux
À la chevelure des femmes
À l’épaule de la plus belle
Je suis debout sur tes pianos jonchés de feuilles mortes
Au milieu de ma vie jonchée aussi de feuilles mortes
Je suis entouré de complices
Je ne cherche pas à correspondre j’appréhende
Je suis parmi les arbres comme un chef de bande
Confiance donc
Quand je prépare un Octobre éternel
Une immense fumée qui monte
Un édifice impérissable
Je vous donnerai bien davantage que le soleil
Je vous compromets à jamais avec tous les chevaux
Je vous grandis d’un coup avec tous les villages
Je vous blanchis de mes mains lavandières
Je vous rends semblable à moi par mon amour
pour vous encore je dispose
Des solitudes à venir
je puis vous mettre au sommet de la pluie
Comme aux plus hautes notes d’une lyre
Confiance donc
Ou je m’installe en vous
Comme un oiseau dans la nacelle du pommier
Comme une boule de gui lumineuse
Comme un liseron frémissant
Inséparable de vous
Je serai malgré vous
La solitude.
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IMAGE DE LA FEMME NUE


La femme prise dans ses feuilles
Ne bouge pas plus qu’un oiseau
Elle écoute son sang qui hante
Le ciel limpide la forêt

Lentement dans sa poitrine
Se défont des liens obscurs
Elle est debout dans son poids d’herbe
Elle tient à la main des fleurs

Ses tristes yeux ne pensent guère
À la beauté qui est en eux
Mais davantage au merveilleux
Des choses rondes de la terre

Elle regarde sans y croire
Les animaux qui viennent boire
Marchent un peu et puis s’essuient
Les lèvres fraîches sous les saules

Elle est vêtue de ses épaules.
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CHANSON POPULAIRE


Il y a des villages pleins de marronniers
Qu’on traverse de nuit
Des auberges au vin lourd
Des fleurs
Des femmes
Des fleurs belles comme des femmes

Sur le bord du chemin
Un homme pleure
On en voit de toutes les couleurs
Dans ce monde

Un vieux chagrin qui fait sa ronde
Sous les épaules

Mais toujours toi
La page blanche sur le toit
Le mur
Une églantine
Un peu de foin dans la poitrine
Rendez-vous avec Dieu
En un château perdu à des sept lieues
De la terre
Ma cellule de monastère

Chaque jour te donner
Ma soif et mon visage
Ce regard qui me vient
De saisons disparues.
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Jadis…


Jadis vous ouvriez très grande la fenêtre
Afin que les oiseaux soient là et pour permettre
Aux mains de se poser un instant sur vos mains
Le temps n’est plus vous n’avez plus de lendemain
Parfois vous regrettez les conditions premières
Beaux hommes soûlez-vous d’orges et de lumière
Dressez les merles apprivoisez les chevaux
Mais n’allez plus oh n’allez plus sur les tréteaux
Du monde avec vos flammes
Beaux hommes vous faites pleurer les femmes
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LA PAROLE


Voleuse
O perle noire enrichie d’étincelles
[…]

À nous deux
Dans la nuit sans hâte des cachots
Sur les marches du ciel
Sur les premiers tréteaux
Dans l’ascenseur doré de la lampe
Tressant la flamme avec les barreaux de la cage

Tu passes sur mes dents comme un givre léger
Tu n’as pas le dédain des souffles étrangers
Tu n’es que l’horizon des âmes
L’aventure
Le vent qui va plus loin achève ton murmure
L’arbre mêle ses bonds à ton élan sans bord
Et l’oiseau qui revient te reconduit au port.
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Chambre de la douleur


Extrait 2

Puis ce fut le printemps la pâque
Je te trouvai au fond de chaque
Sillon dans chaque grain de blé
Et dans la fleur ouverte aux flaques
Impitoyables de l'été

Jamais plus les oiseaux n'entreront dans la chambre
Ni le feu
Ni l'épaule admirable du soir
Et l'amour sera fait d'autres mains
D'autres lampes
Ô mon père
Afin que nous puissions nous voir.
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Retour de flamme


Je crois en toi
Visage parmi les pierres veinées de soie
Le plus seul avec son courage
Le plus seul près de la terre
Sous sa taie de soleil
Tu glisses avec les algues de douceur
Entre les rameaux blancs les mains
L'humus découvert des saisons
Tu portes sur le front le tatouage des tempêtes
Les stigmates du fleuve
Derrière toi il y a tout un passé qui s'ouvre
Une enfance incertaine
Des pas inachevés
Le meilleur de toi-même que tu croyais perdu
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