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Critiques de René Maran (44)
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Batouala

"Batouala", de René MARAN est considéré comme le premier roman nègre écrit par un nègre. Point de départ de la "Négritude", mouvement littéraire et artistique qui nourrira l'émergence d'une culture noire et de sa conscience, il a été écrit en 1921. Primé par le Goncourt, son auteur, obligé de démissionner de son poste au Ministère des Colonies, sera vilipendé par tous ceux qui n'étaient pas prêts à imaginer qu'un noir puisse penser et écrire sur sa vie, celle de sa tribu, ses traditions et la sagesse qui était parfois bien plus du côté des "sauvages" que du côté des "Blancs" !



L'histoire est celle de Batouala, patriarche respecté de sa tribu. Pour lui, la vie est simple. Tous les jours, faire de son mieux pour vivre dans le respect des Anciens et des présents. Entre la pipe matinale, la chasse, les honneurs à rendre à son épouse et à ses autres femmes, rivales, Batouala nous conte la vie, son quotidien, les fêtes oniriques de la tribu, les moeurs de passage de l'enfance à l'âge adulte. Il nous conte aussi son interrogation sur ces traditions qui se perdent, les anciens qu'on n'écoute plus de la même façon, leurs expériences et connaissances que les jeunes délaissent et la convoitise de ces derniers. Bref, il nous conte un monde qui change, qui se perd. Il nous entraîne vers sa fin, sa mort.



René MARAN développe une écriture qui est celle des conteurs africains (que l'on connaît maintenant). Mais au-delà de leurs descriptions émerveillées de la nature, de la force et la beauté des êtres, bêtes, hommes et femmes qui y vivent, il nous faut entendre le fond. MARAN nous parle d'un monde en mutation, d'un monde qui disparaît, d'un autre qui doit advenir.



Intéressant de lire ce livre plus de 90 ans après sa première parution et de refléter son histoire dans le miroir de notre temps présent, lui aussi, toujours en mutation.
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Batouala

Tro bien
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Batouala

Phoenix faseyant de mille feux, affaissées pourtant, flétries un temps par une pompe trop fastueuse, mes envies de lecture franchissent de nouveaux fronts et festoient au firmament. Ocytocine ! s’écriaient-elles tandis que je résolus d’entamer le Prix Goncourt 1921, Batouala, de René Maran.

Hier néanmoins, faisant face à l’effervescence scripturale de mes amis Babelio qui fourbissent plus de billets et commentaires que ne peuvent les frelons feulant dans un seul quart d’heure, j’égarais concomitamment à mes lectures une oreille sur France culture tandis que Pierre Bayard, au sommet de sa verve, vantait brillamment l’existence non seulement d’univers parallèles mais encore des œuvres que nos artistes chéris n’ont pas eu le temps d’écrire mais qui n’en existent pas moins (Et si les Beatles n’étaient pas nés, 2022).

On ne peut pas dire que je sois sortie de tout cela indemne. Cette prétention à l’allitération en exergue n’en est qu’un des symptômes les plus légers, et espérons-le, passager.

Là où j’envisageais ce long week-end comme une jolie promenade de santé, à sauts et à gambades forcément primesautières, je me suis en outre peu à peu retrouvée ensevelie sous un tombereau de syntagmes aux usages interlopes qu’il semblait pourtant de la première nécessité de devoir caser.

Caser, voilà qui me ramène non pas à mes moutons, il n’y en a pas en Afrique centrale, il faudrait tout de même me faire l’aumône de votre attention la plus ténue sinon on ne va pas s’en sortir, non pas à mes moutons donc mais aux « m’balas, éléphants aux entrailles toujours pleines de flatulences », béngués, vounbas, antilopes et gogouas qui peuplent Batouala de leurs meuglements, chevrotements et autres ricanements. C’est la brousse qui exsude la vie gouailleuse, la brousse qui fermente brumeuse. Et dans la brousse, Batouala, héros éponyme, homme puissant, respecté, ses huit femmes et son rival, le trop beau, trop désirable Bissibi’ngui.

Comme le rappelle Amin Maalouf dans sa préface, Batouala a fait scandale et l’adoubement que constituait l’octroi du prix Goncourt de 1921 n’a pas suffi à éteindre le feu des critiques quant à son anticolonialisme. Nous sommes dix ans avant la parution de Tintin au Congo, dix ans aussi avant que n’émergent les premières voix d’élites africaines demandant l’autodétermination. Bien avant les écrits de Fanon, la négritude de Césaire et Senghor.

L’an dernier, voyant tout ce que ce centenaire anniversaire pouvait avoir d’intéressant pour éclairer notre 21e siècle, Albin Michel a publié à nouveau Batouala. Et c’est là que se rassemblent les voies éparses de ce week-end épique et que Pierre Bayard trouve son usage. Car lire Batouala en 2022 comme un brulot anticolonialiste, c’est s’exposer à une amère déception. Certes, la préface est peu amène pour les colonisateurs, elle décrit leur alcoolisme, leur incurie, leur cruauté. Certes Batouala ne ménage pas ses insultes contre les blancs et les maudit jusqu’aux derniers moments de son agonie. Mais c’est bien là la moindre des choses trouvera le lecteur de 2022.

Aussi ce n’est pas dans cette attaque contre les colons que réside, à mon sens, le sel de ce roman. Et ce serait faire un bien mauvais Goncourt que de le résumer à une charge « à lire d’urgence en 2021 » comme le fait, racoleur, le bandeau d’Albin Michel.

Ce qui rend agréable la lecture de ce roman n’est pas non plus son rythme endiablé, le flot incessant de ses péripéties. A vrai dire, il se passe assez peu de choses du point de vue des humains et les journées s’écoulent sans justement que les blancs soient complètement parvenus à les remplir d’inutiles et trépidantes actions.

Mais Batouala est plein des rumeurs de la brousse, plein des cosmogonies qui éclairent le monde d’un jour ironique, plein d’une langue riche et flamboyante qui m’a rappelée celle de Michaux. Peut-être n’est-ce pas tant un bon roman qu’un immense poème au charme envoutant.



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Batouala

Un roman précurseur de la négritude, il ne m’en faut parfois pas beaucoup plus pour me lancer dans la lecture d’un livre « que personne ne lit » (dixit P’tit Raton : « Non, mais toi, tu lis qu’des trucs que personne ne lit », à dire avec l’accent ado de base…). Et c’est bien parfois de lire ces livres, car on apprend souvent des choses. Ici, la lecture n’a pas vraiment été une partie de plaisir. Je n’ai pas aimé cette peinture de l’homme noir paresseux, sans projet (vous savez, l’Africain qui n’est pas encore rentré dans l’histoire, ça aussi c’est une citation connue) et porté sur le sexe (d’ailleurs, je plains le prof de français qui doit étudier ça avec ses élèves de lycée ou lycée pro. Les lectures à haute voix et les séances d’explicitation de vocabulaire doivent être scabreuses...). Mais c’est intéressant de lire ce livre qui a fait tant de bruit à l’époque, plus pour sa préface d’ailleurs que pour le livre lui-même. Car si la préface est ouvertement anti-colonialiste (et c’est embêtant quand c’est un fonctionnaire colonial qui l’écrit), mais le livre ne fait que décrire et la plupart des personnages (blancs ou noirs) ne sont pas particulièrement des personnages positifs.

Pas agréable à lire, mais intéressant. Intéressant de voir comment un Noir (René Maran est de parents guyanais et a vécu ses premières années dans les Antilles avant de faire sa scolarité dans l’hexagone, puis de débuter une carrière dans l’administration coloniale en Afrique de l’Ouest) décrit le colonialisme dans les années 20. Un Noir qui est des deux côtés : il est et se sent noir, mais il représente aussi le colon. Et ce que j’ai vu dans ce livre, c’est surtout cela, une personne tiraillée entre deux cultures, deux origines peut-être même, qui se bat intérieurement pour les réconcilier et qui n’y arrive pas. Cela rend la lecture intéressante, mais aussi d’une certaine façon poignante.

Un livre à lire pour ce qu’il dit de son auteur, donc, pour le contexte dans lequel il a été écrit, et pour la réaction qu’il a suscité. D’un côté un prix Goncourt, le premier attribué à un Noir (peut-être un signe de ce que les milieux intellectuels pensaient de la question noire et de la question coloniale à cette époque) et de l’autre une administration qui le pousse à la démission, qui sera suivie d’un relatif silence littéraire. Un témoignage historique, un livre qui fait réfléchir. Sur le chemin parcouru, sur le chemin qu’il reste à parcourir, et sur où j’en suis moi-même.
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Batouala

LA RÉALITÉ COLONIALE.

René Maran est un noir guyanais qui a fait ses humanités à Bordeaux puis envoyé en Afrique par l’administration coloniale dans les années 1910. Il était donc le fonctionnaire noir d’une autorité blanche pour gouverner un pays noir.

Ce roman m’a d’autant plus intéressé qu’il se déroule en Centrafrique dans la préfecture où j’ai moi même fait ma coopération civile : bien qu’écrit au début du XXème siècle, j’y ai retrouvé le même peuple confiant et accueillant, la même joie de vivre, les mêmes mœurs avec un animisme toujours teinté de sorcellerie.

En fait, il s’agit d’un violent réquisitoire contre un colonialisme présenté en France comme une mission civilisatrice : « Civilisation, orgueil des Européens et charnier d’innocents, tu battis ton royaume sur des cadavres». À travers ce roman, il stigmatise l’inhumanité des colons, le travail imposé, la collecte de l’impôt, l’alcoolisation au Pernod ; alors qu’avant l’arrivée des blancs, les indigènes travaillaient peu, pour eux-mêmes, uniquement pour boire manger et dormir. Dès lors, Ils vont devoir se soumettre à l’autorité blanche : « quand le lion a rugi, il n’y a plus rien à faire, sauf se résigner comme l’antilope qui n’ose pas bramer ».

La réaction à ce livre, qui apporte un vibrant témoignage et hurle sa rage, a bien sûr été violente. On accuse l’auteur « de mordre la main qui l’a nourri ». André Gide, alerté par le livre, voulut se rendre sur place et a effectué un voyage en Afrique centrale dont il reviendra convaincu que le tableau brossé par Maran était un fidèle reflet de la réalité coloniale. Le livre obtiendra finalement contre vents et marées le prix Goncourt en 1921. L’auteur s’éteint en 1960, en même temps que le colonialisme dont il voulait sauver l’âme.
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Batouala

"les bienfaits de la colonisation", quelle drôle d'idée.

Quels bienfaits y-a t'il à voir sa culture disparaitre,

son peuple exploité et sa terre confisquée ?

ha, si le progrès !

"construire un pont quand on peut traverser à gué, c'est bien une idée de blanc".

je découvre René Maran et je me transporte avec lui dans cette Afrique qui nous dépasse,

belle, envoutante, irrationnelle, cruelle parfois.

Oui, l'Afrique nous dépasse,

" .. des plantations de toutes sortes couvraient son étendue, elle regorgeait de poules et de cabris.

Sept ans on suffit pour la ruiner .."

"Batoula" nous invite dans son monde où tout est symbiose entre la terre, les hommes, les bêtes.

Mais ce monde change, la société des blancs bouscule les fonctions rituelles;

et puis il y les femmes, la polygamie, la vie tribale et la rivalité des hommes.

"Batoula" ne dort plus, son monde lui échappe.

Ce roman est un symbole, témoin d'une époque, révélateur d'un genre littéraire, découvrez-le.

la préface d'Amin Maalouf est magnifique, et cette ode à la vie s'achève avec la parabole de

"Youmba la mangouste", qui résume à elle seule toute la poésie de la littérature africaine.

"la faiblesse est le pire des crimes" .

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Batouala

Première leture de littérature africaine... je suis convaincue !
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Batouala

Prix Goncourt 1921, précurseur de la littérature de la négritude, censuré et conspué à sa sortie pour sa dénonciation du quotidien du colonialisme.



Étonnant livre, prix Goncourt en 1921, précurseur de la littérature de la négritude, et qui valut à son auteur, administrateur colonial d'origine antillaise, les foudres de la censure, et une carrière brisée.



Cette histoire d'un chef villageois traditionnel de l'Oubangui-Chari (Centrafrique), ébranlé dans ses certitudes, lorsqu'à ses soucis personnels (infidélités supposées ou redoutées de sa première épouse, prestige au sein de la communauté, rivalité avec un chasseur plus jeune et conquérant,...) s'ajoute l'ombre du premier conflit mondial, et de la levée accrue de "tirailleurs sénégalais" (engagés dans toute l'Afrique française), cède certes un peu trop, sans doute, à une tentation de la description exotique...



Il vaut surtout par sa préface, qui explique le dessein descriptif et l'honnêteté de l'auteur, dénonçant en effet les méfaits du colonialisme, d'une manière toutefois suffisamment timide pour que le déchaînement de la censure et du scandale, à l'époque, n'en apparaisse que davantage significatif pour un lecteur contemporain : fallait-il donc que le racisme et l'exploitation soient bien ancrés dans la conscience du colon et de ses soutiens métropolitains pour "punir" ainsi un livre aussi... anodin, en fait (pour notre regard d'aujourd'hui en tout cas).



"Montesquieu a raison, qui écrivait, en une page où, sous la plus froide ironie, vibre une indignation contenue : "Ils sont noirs des pieds jusqu'à la tête, et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre."

Après tout, s'ils crèvent de faim par milliers, comme des mouches, c'est que l'on met en valeur leur pays. Ne disparaissent que ceux qui ne s'adaptent pas à la civilisation. (...) Civilisation (...), tu bâtis ton royaume sur des cadavres."

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Batouala

Le livre batouala est très expliqué dans l'ensemble, des mots bizarres sont tous traduit. Le début est un peu long mais une fois passer la 60 éme pages on rentre dans la journée du chef Batouala est cela commence à être plus intéressant.

Batouala est tirée d'une vrais histoire d'un nègre, on explique comment faisait t'il pour vivre et il on d'écrit tous les journées passer.
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Batouala

Je n'avais jamais lu de littérature africaine avant "Batouala". Ce livre est une jolie perle. Tout d'abord, le style d'écriture est très particulier, à mi chemin entre prose et poésie. Assez dur de se mettre dedans, mais une fois qu'on y est, on se laisse porter. Le sujet, ensuite. Ce livre est une lutte contre le racisme des blancs, contre l'utilisation des tirailleurs sénégalais pendant la première guerre mondiale. Et l'auteur, en nous offrant une vision de la vie des noirs, parvient à nous faire passer cette critique, à nous faire comprendre le pouvoir qu'avait les blancs à l'époque. Un petit bémol pour la scène de l'excision, un peu dure à passer...

Voilà cependant un livre qui donne envie de découvrir plus amplement la littérature africaine.
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Batouala

Certains critiques voient "Batouala" comme un roman africaniste typique de son époque, mettant en lumière les stéréotypes coloniaux sur l'Afrique et ses habitants, tout en offrant également une critique subtile de la colonisation. Le roman présente un regard sur la culture africaine à travers le personnage principal Batouala, chef africain confronté à la domination coloniale. René Maran utilise une écriture poétique et symbolique pour dépeindre la lutte entre deux mondes et pour dénoncer l'exploitation coloniale des peuples africains.



L'ouvrage "Batouala" a été salué pour sa représentation réaliste de la vie en Afrique ainsi que pour sa contribution à la reconnaissance de la littérature africaine. Cependant, il a également été critiqué pour perpétuer certains préjugés coloniaux et pour son regard paternaliste sur les Africains.



En fin de compte, "Batouala" de René Maran reste un ouvrage clé de la littérature coloniale et post-coloniale, offrant une perspective complexe sur les relations entre les cultures européennes et africaines.
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Batouala

Magnifique, les débuts de la négritude, la préface vaut elle aussi son pesant d'or....
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Bertrand du Guesclin : L'épée du roi

De René Maran, écrivain martiniquais redécouvert récemment et qui reçut en 1921 le Prix Goncourt pour son roman Batouala, on publia l'année de sa mort en 1960 cet ouvrage intitulé Bertrand du Guesclin, l'épée du roi. Ce n'était certes pas une grande biographie (pour cela, nous avons les livres de Micheline Dupuy, de Georges Minois et de Thierry Lassabatère), mais bien un honnête travail, préparé de longue date et bien documenté, correctement positionné quant à l'argumentaire et savoureusement écrit, encore que René Maran ait plus ou moins succombé au charme de La chanson de Bertrand du Guesclin écrite par un certain Cuvelier, qu'il ait cédé à la légende des destinées entrevues par des devineresses et qu'il ait été influencé par la chronique de Pedro Lopez de Ayala à propos de la période "castillane" du meneur des Grandes Compagnies en Espagne pour débarrasser le royaume de France des routiers qui commettaient ravages sur ravages sur notre sol après la signature du traité de Brétigny avec les Anglais. Il est aussi un peu court sur la période finale de la vie active du guerrier breton (1370-1380) et notamment sur le froid jeté entre le roi et son connétable par la critique portée par le chambellan et ami de Charles V le Sage, Bureau de La Rivière, pour le refus de Bertrand de donner sa caution à la confiscation du duché de Bretagne par Charles V en 1378-1379 quand Jeanne de Penthièvre préféra rappeler sur le trône ducal son ennemi Jean de Montfort plutôt que d'approuver l'annexion pure et simple condamnée par beaucoup de Bretons.

Un bon livre sur Du Guesclin pour l'époque où il fut écrit.



François Sarindar, auteur de : Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (1338-1358)
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Le Cœur serré

Chaque chapitre justifie, d'une certaine façon, le titre de ce roman, et les deux derniers chapitres sont poignants, mais à mes yeux l'émotion reste assez passagère, beaucoup de pages ne paraissent pas vraiment indispensables…



L'auteur a sans doute écrit une autobiographie romancée, comme le précise A. Rivière-Corre dans sa préface, mais l'enjeu reste mince, d'autant que, comme il arrive pour d'autres romans (tels plusieurs de ceux de Mauriac) le passage du temps rend hélas moins sensibles, moins compréhensibles les déchirements d'un jeune homme du début du siècle.



Bref, un sentiment mêlé, mais je crains vraiment d'être injuste à l'encontre de l'auteur et de son double de papier.
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Un homme pareil aux autres

René Maran a ses détracteurs sur le plan littéraire, je n'en suis pas. La langue est belle, très classique. C'est Veneuse lui-même qui est censé rédiger la majeure partie du roman sous forme de journal intime, d'où une dimension pastiche indéniable : ça sent la khâgne et l'école coloniale. La dernière phrase est un pur joyau.

"Veneuse" décrit à merveille l'hypocrisie et les micro-agressions de la petite société qui se crée à bord du paquebot, puisque beaucoup de passagers supportent difficilement de devoir traiter un homme noir comme leur égal. Certaines situations et réflexions ont une pertinence toujours actuelle. Cela ne l'empêche pas d'avoir lui-même des réflexes racistes et de se conduire en cliché du fonctionnaire colonial.

Ce roman peut être une lecture éprouvante à cause de la misogynie du personnage (il y a pire, certes, mais on ne va pas le féliciter d'enjamber une barre au sol) et surtout de son misogynoir : épouser une femme noire n'est pas une option pour Veneuse, aucune ne peut l'égaler socialement et intellectuellement.



Si Maran s'est beaucoup inspiré de sa propre vie, ce serait une erreur de confondre roman et biographie comme le rappelle M. Mbougar Sarr dans la préface (qu'il ne faut surtout pas lire avant d'avoir terminé le roman, il divulgache presque tout). Je vois désormais encore plus de liens entre cette œuvre et La plus secrète Mémoire des hommes.

Mais on comprend bien pourquoi Maran est passé à côté du mouvement de la négritude.



TW : mot en N évidemment, c'est d'époque.
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Un homme pareil aux autres

Réédition de ce très beau roman de René Maran (Prix Goncourt en 1921) paru en 1947.

Très beau texte !



1920, Jean Veneuse embarque sur un bateau direction le Tchad où il est affecté à un poste d’administrateur colonial.

En partant Jean fuit son amour pour Andrée, parce qu’elle est blanche et qu’il est noir et que par conséquence leur amour lui semble impossible…..

Il fuit parce qu’il n’a pas confiance, qu’à force qu’on le fasse se sentir inférieur à cause de sa couleur, malgré son intelligence, sa culture, il finit par se croire inférieur…..

Jean doute, souffre, aime….. un homme pareil aux autres !

Même s’il pense leur relation condamnée à cause de sa couleur de peau, commence une relation épistolaire avec Andrée…..mais pourra t’il accepter cet amour dont il ne se sent pas digne et qu’il pense vouer à l’échec.

Parce que malheureusement le racisme le fait douter de lui au point de gâcher sa vie….



Ce texte est intense, beau et fort…..j’ai aimé l’histoire, l’écriture, les personnages…..

je ne peux que conseiller ce roman qui est malheureusement toujours d’actualité !

Merci aux éditions du Typhon pour cette magnifique découverte, merci de rééditer des textes si forts et importants à notre patrimoine culturel.

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Un homme pareil aux autres

NOIRE INTIMITE



Années 20.

Il est éduqué et instruit, administrateur colonial pour la France. Il s’appelle Veneuse.

Elle est à Paris et depuis leur rencontre, elle l’aime et attend de ses nouvelles. Elle s’appelle Andrée.

L’un et l’autre s’aiment d’un amour profond, romantique, prêt à s’épanouir.

Pourtant cet amour parait totalement inconcevable à Veneuse, malgré ses sentiments sincères et puissants.

Car lui est noir. Elle est blanche.



Selon Veneuse, face au qu’en dira-t-on et au racisme rampant, la seule solution est de renoncer. A jamais.

Car il est selon la formule convenue alors, « le sale nègre ».

Un poste d’administrateur colonial l’attend au Tchad, l’occasion idéale pour fuir cet amour impossible.

Mais vous connaissez la pensée pascalienne : « le cœur a ses raisons que la raison ignore »…

Rien ne peut lutter contre l’amour éternel. Il hante votre âme, votre cœur et fait vibrer tout votre corps.

Andrée est toujours là, elle est sa fidèle compagne de voyage et emplit malgré son absence ses longues journées sur le bateau.

Quitter la France c’est pour lui comme s’arracher le cœur. Il subit ce départ, en est le spectateur, le corps déjà parti, le cœur auprès d’Andrée.

Mais l’amour ne suffit pas, il en est convaincu. La couleur de peau s’impose et s’interpose. Le racisme ordinaire lui rappelle sans cesse, à lui qui n’aspire qu’à être « un homme pareil aux autres », qui n’aspire qu’à aimer. Andrée est la seule qui compte à ses yeux mais elle est surtout l’inaccessible.



Dès les premières lignes de ce roman de René Maran, premier auteur noir à recevoir le Prix Goncourt en 1921 (autant vous dire que ça a fait du bruit !), je savais que c’était un gros coup de cœur.

L’incipit m’a saisie et ébranlée d’emblée. Comme Veneuse, mon cœur s’est déchiré. Et plus je tournais les pages plus j’aimais ce roman et surtout ses descriptions des paysages traversés, véritables incarnations de toute la solitude incurable du personnage.



René Maran a composé ici un magnifique roman sous forme de road trip colonial et amoureux, portant un personnage souvent sombre, jouant parfois les Cassandre, laissant s’évader sa pensée jusqu’en France et constatant désarmé son incapacité à croire en l’avenir de son amour.



Un roman assez différent il me semble des autres textes que j’ai lus des éditions du Typhon mais qui restera certainement un de mes préférés par les émotions qu’il a suscitées en moi.

Je vous en conseille vivement la lecture pour vivre la douceur mais aussi les douleurs de ce voyage incontournable.

Merci aux toujours excellentes éditions du Typhon d’exhumer de tels textes d’une très grande qualité littéraire.

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Un homme pareil aux autres

Contrairement à ce que peut faire penser le titre « un homme pareil aux autres » , René Maran, longtemps après son Batouala, fait parler Jean Veneuse, Martiniquais d'origine, élevé en France, d'une éducation classique raffinée, nommé au Tchad comme administrateur, Noir comme lui.

Et ce Veneuse reprend à son compte tous les clichés racistes : « Ne blâmez pas ma réserve ! Vous ne savez pas – et ne pouvez savoir- que ma couleur m'interdit jusqu'à l'expression des sentiments les plus normaux. » Il est amoureux d'une Blanche, amour partagé, cependant il part en sachant d'un savoir sûr qu'il ne peut entrer dans la norme, qu'il ne pourra jamais être accepté par la société, que le mariage mixte est juste impensable.

Car, dit-il, « je ne suis qu'un nègre, moi. Et un nègre n'a pas le droit de s'évader de sa race. ».

Comme il est administrateur « aux colonies », il affirme être non seulement rejeté par les blancs, mais aussi par les noirs. Et, dit-il, c'est pire aux colonies.

Bien sûr, un de ses amis lui dit qu'il est « un nègre comme on voudrait qu'il y eut beaucoup de blancs », et même : « vous n'êtes pas un vrai noir, vous. Ni par la peau, ni par l'intelligence, ni par la culture. Somme toute, vous êtes des nôtres ».

Compliment vénéneux qui recouvre un racisme évident.

Et puis la conquête qu'il fait ( qu'il subit) d'une femme qui veut à tout prix qu'il ne soit pas différent, qu'il n'y ait pas de dissension entre les races, lui jette à la figure « sale nègre » quand il ne veut pas s'installer avec elle.

Il oscille, et affirme parfois que « le nègre est un homme pareil aux autres ».

Il aime cette femme restée à Paris qu'il juge inaccessible, mais ne nous faisons pas trop de souci : il s'aère avec une petite négresse comme il dit, et quand il part, il imagine qu'elle se refera avec son successeur.

Frantz Fanon, dans son « Peaux noires, masques blancs », cartonne : « chez le nègre, il y a une exacerbation affective, une rage de se sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le confinent dans une insularité intolérable »insularité qui le conduit à vouloir être blanc, seule issue possible, avant de pointer l'abandon du petit Veneuse, qui donc reproduit ce qu'il connaît : la solitude, l'impossibilité d'être aimé. « C'est un névrosé qui a besoin d'être délivré de ses fantasmes infantiles. »



A l'opposé , Mohamed Mbougar Sarr , dans sa préface, note que Veneuse n'est pas Maran, et que peut être la fiction inventée par ce dernier couvrait non pas le désir d'être aimé malgré sa couleur de peau, son désir d'être blanc, d'être pareil, comme tout le monde, blanc mais par la volonté de se faire reconnaître comme écrivain, d'être légitimé par l'écriture.

Il me semble ( et j'accepte toute autre analyse, bien entendu) que René Maran a poussé si loin l'impossibilité pour un noir d'aimer une blanche, lorsque l'on sait qu'il a vécu toute sa vie un amour mixte partagé ( comme Fanon, d'ailleurs) , que Sarr nous donne une autre vision beaucoup plus intéressante que celle de Fanon.

Oui, René Maran a voulu pousser à l'extrême les dissensions réelles entre blancs et noirs en faisant parler Veneuse, mais il a surtout, aussi, écrit des pages magnifiques par leur lyrisme.



Lorsque, il y a cent ans, son livre Batouala est consacré par le Goncourt, il souffre que son prix soit catalogué celui du« premier Noir à recevoir le prix Goncourt ». Comme si la couleur de peau comptait plus que l'écriture. Je pense aux aquarelles dont on a dit ( passé révolu, il y a beaucoup d'hommes aquarellistes)

qu'elles étaient « si féminines ».



La peinture n'a rien à voir avec le sexe.

L'écriture n'a rien à voir avec la couleur.

Et dans « un homme pareil aux autres », nous avons la thèse de l'étrangeté, de la différence sans aborder encore l'antithèse de la réciprocité, et non plus la conclusion synthétique de l'amour possible…. Sauf si, il faut lire le livre jusqu'à la fin pour comprendre.

Et surtout, une écriture pas pareille aux autres.

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Un homme pareil aux autres

La mort dans l’âme, Jean Veneuse quitte la France à bord d’un paquebot, à destination de l’Afrique, où il est affecté par l’administration qui l’emploie. Nous sommes en 1920 . Il a laissé à Paris une femme dont il est amoureux, sans lui avoir déclaré sa flamme. Il faut dire que l’homme se montre réticent à lier connaissance avec son entourage, anticipant d’éventuels réactions racistes : son origine antillaise et les préjugés qui pèsent sur les étrangers l’ont rendu très prudents.



Au cours du voyage, il retrouve un ancien camarade de jeunesse. Ce dernier lui présente une jeune femme qui tentera de le séduire, en vain, son coeur est pris par sa belle .



Une partie du récit est consacré aux escales du voyage, se limitant cependant à quelques anecdotes et une énumération des endroits abordés ou aperçus au loin, et à moins d’avoir connu ces rivages coloniaux, c’est assez peu évocateur.



Les liens avec sa bien aimée sont épistolaires et les lettres échangées, reproduites dans le roman, sont des aveux d’amour partagé, un amour fou, qui évoque une passion adolescente torride et romantique !



On en saura par contre assez peu sur le rôle qui lui est attribué auprès de la population locale, et sur les relations qui se tissent à cette occasion, et c‘est dommage car son statut d’africain d’origine, en référence à ses lointains ancêtres, et son rôle d’administrateur créent une ambiguïté qu’il aurait été interessant d’analyser.



L’écriture est désuète. Qui sait encore aujourd’hui ce que sont des alpargates ? Datées aussi certaines expressions utilisées dans les dialogues et les termes désormais politiquement incorrects de nègre ou négrillon.



L’auteur a surement été un écrivain de talent, on en veut pour preuve les descriptions superbes de coucher de soleil. Il nous confie aussi son mal-être, ses difficultés de vivre sa différence et ses craintes permanentes de ne pas être à sa place.



Malgré tout, je n’ai pas été totalement séduite par le roman, en raison de son ancienneté. Ce roman a en effet été publié pour la première fois de 1947, d’un auteur ayant été lauréat du prix Goncourt en …1921 pour Batouala ! Réédité cette année, il fait donc partie des parutions de la rentrée 2021 !
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Un homme pareil aux autres

Fidèle aux éditions du typhon dont on ne peut qu'apprécier la constance et leur volonté de creuser ce qui abime une époque, j'ai lu Un homme pareil aux autres de René Maran. Première découverte : René Maran est le premier auteur noir à avoir reçu le prix Goncourt en 1921. Seconde découverte de l'ordre de l'affinité élective, les éditions du typhon ont eu la bonne idée de confier à Mohamed Mbougar Sarr la préface.

Quant au roman, c'est le parcours d'une douleur. Un jeune homme se déteste pour sa couleur de peau alors il va se saborder : perdre la femme qu'il aime et dont il est aimé tout en prenant un poste d'administrateur colonial soit vivre de plein pied l'expérience du déchirement. Trop blanc pour les Noirs ; trop noir pour les Blancs, il est sans cesse tiraillé. Mais sur son chemin de croix, deux lueurs : la littérature qui le sauve ; une mutation intérieure qui lui permettra de s'aimer un peu pour recevoir l'amour de l'autre.

Dans une langue précise, érudite, lumineusement mélancolique, René Maran sonde une haine, celle de la différence et l'impact de celle-ci sur le rejeté. Ce que l'on en retient n'est pas une lamentation (au passage justifiée) mais une leçon de courage.

Un homme pareil aux autres est un livre dont on ressort grandi !
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