Citations de Robert R. McCammon (261)
Le sable, c'est vraiment une chose qui coûte rien, mais regardez c'qu'il peut devenir quand on s'y connaît. Même le truc le plus inutile du monde peut devenir beau, poursuivit-elle en passant son doigt sur la surface veloutée du verre. Tout ce qu'il faut, c'est le coup de main. Et de voir ce bel objet, de le tenir, ça m'a fait penser que moi non plus je n'étais pas encore bonne à jeter.
Il y a une grosse différence entre un texte qu'on écrit pour soi, et un texte dont on sait qu'il sera lu par d'autres ; ce n'est pas la même bête : le premier est un confortable poney alors que le second est un étalon sauvage, et pour le dompter, vous avez intérêt à vous cramponner.
Si le Diable a un animal totem, ce n’est ni un chat noir, ni un singe, ni un lézard à la peau cuirassée, c’est et ce sera toujours une guêpe.
Ne sois pas si pressé de grandir. Reste un enfant aussi longtemps que tu le pourras, car une fois que tu auras perdu la magie de l'enfance, tu passeras le reste de ta vie à vouloir la retrouver...
Mais pleurer un seul être dans une tourmente où on assassinait des centaines de milliers d'innocents désarmés équivalait à éteindre une bougie dans un immeuble en flammes.
Il y a pire que les monstres des films. Il y a des horreurs qui s'échappent des écrans et des pages pour envahir votre vie, pour s'immiscer derrière le sourire de ceux que vous aimez.
(P58 Editions Albin Michel de 2007)
Les généraux et les commandants aboieraient des ordres, mais ce seraient les simples soldats qui mourraient en les exécutant. Ainsi en avait-il été depuis une éternité, et il était peu probable que ce système changeât un jour. Parce que les hommes ne changeraient pas.
Quand la nature échappe à notre contrôle, elle éveille en nous une peur primale. Nous nous considérons comme les maîtres de la Terre, que nous avons reçue de Dieu avec pour mission de la soumettre. Nous nous accrochons à cette illusion comme à une veilleuse. La vérité est plus inquiétante. Nous sommes aussi fragiles que des arbrisseaux dans une tornade. Une inondation suffit à transformer nos chères maisons en épaves. La terre dans laquelle s'enfoncent nos racines peut trembler. Là où nous vivons, des montagnes se sont dressés et se sont effondrées, des océans se sont répandus et se sont évaporés. Les villes que nous construisons ne sont pas beaucoup plus durables que nous. Notre planète elle-même n'est qu'un train qui passe. Quand on est dans la boue jusqu'à la taille, qu'on entend des gens crier dans l'obscurité et qu'on voit leurs silhouettes se démener pour contenir un flux qui progressive inexorablement, nous prenons conscience de la vérité : nous n'aurons pas le dernier mot, mais nous n'abandonnerons pas.
Dès mon plus jeune âge, j'avais pressenti que toute communication humaine - la télé, les films, les livres... - avait pour origine le désir de raconter une histoire. Ce besoin de raconter, de se brancher sur une prise universelle, compte parmi nos désirs les plus essentiels. Et le besoin d'écouter des histoires, de se glisser dans d'autres vie, ne serait-ce qu'un instant, est la clé du monde magique qui naît avec nous.
C'était un petit singe, tout en bras et en jambes, qui crachotait de colère pendant que le Révérend, dont la voix couvrait même celles des ''Californicateurs.'' Danse ! Danse sur ta musique !
Lucier, qui était resté enfermé Dieu sait combien de temps dans sa boîte, n'avait pas l'air d'apprécier. Il sifflait et ses dents se refermaient dans le vide. Sa queue battait l'air comme un fouet de fourrure grise.
Allez, Lucifer, Danse ! criait le Révérend, en secouant l'animal dans tous ses sens, au bout de sa longe.
Debout dans l'allée, un groupe de gens applaudissaient en se contorsionnant. Une grosse dame à la bedaine plus rebondie que les coussins de notre canapé s'était dressée sur les deux petits troncs qui lui servaient de jambes et titubait de-ci, de-là, en sanglotant. ''Jésus... Jésus...'' geignait-elle. On aurait cru qu'elle appelait un petit chien qu'elle avait perdu.
''Danse, danse !'' criait le Révérend.
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Je ne pouvais pas me représenter le paradis. Comment un endroit peut-il être "merveilleux" si on ne peut rien y faire de ce qu'on aime ? Pas de BD, pas de films de monstres, pas de vélos ni de routes de campagne pour s'y balader. Pas de piscine, pas de glaces, pas d'été, pas de barbecue du 4 juillet, pas d'orages, pas de vérandas où s'asseoir en les regardant arriver... Le paradis m'avait l'air d'une sorte de bibliothèque où on devrait passer des éternités d'éternités à lire toujours le même livre. Qu'est-ce que c'était, un Ciel sans boîte magique, sans papier machine ?
C'était un véritable enfer - voilà.
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(P 474-475 Éditions Albin Michel de 2007)
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Je n'ai jamais eu peur d'eux, ils étaient à mes ordres. Je dormais parmi eux dans le noir, et ils ne dépassaient jamais les limites de leur royaume. Ce n'étaient pas eux qui avaient demandé à venir au monde avec ces boulons derrière leur tête, ces ailes couvertes d'écailles, ces veines assoiffées de sang frais ou ces figures difformes qui faisaient reculer les belles d'effroi. Mes monstres n'étaient pas habités par le mal - ils s'efforçaient simplement de survivre dans un univers impitoyable. Ils me ressemblaient, à moi et aux copains : minables, maladroits, vaincus - mais soumis, jamais ! C'étaient simplement des solitaires en quête de refuge, dans la maelström des torches, des amulettes des crucifix dressés, des balles d'argent, des bombes atomiques, des lance-flammes et des avions de combat lancés à leurs trousses. Ils n'étaient pas parfaits, certes, mais dans leur malheur, c'étaient des vrais héros.
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(P184-185 Editions Albin Michel de 2007)
En me débrouillant bien, j'arrivais à convaincre mes parents de me laisser veiller jusqu'à vingt-trois heures, et j'allais m'asseoir dans la cour, où je regardais s'éteindre les lumières de ma ville. Quand il n'en restait plus que quelques-unes, les étoiles brillaient plus fort. On pouvait glisser un oeil dans le coeur de l'univers et voir scintiller leurs volutes. Une petite brise se levait, répandant le doux parfum de la terre. Sur son passage, les arbres s'agitaient d'un léger frisson.
P 196
Et la magie a un cœur solide, très solide.
Personne, murmura-t-elle, personne ne grandit jamais vraiment.
(...)
Ils paraissent grands, continua-t-elle. Mais c'est un leurre. Ce n'est que le masque du temps. Au fond de leur coeur, les adultes sont toujours des enfants. Ils voudraient continuer à sauter partout, à jouer, mais ce lourd masque leur pèse sur les épaules. Ils voudraient se débarrasser des chaînes que le monde leur a passées, arracher leurs montres, leurs cravates et leurs chaussures cirées pour aller s'ébattre tout nus - ne serait-ce qu'une journée - dans le ruisseau où ils allaient autrefois se baigner. Ils voudraient retrouver le goût de la liberté, avoir des parents à la maison qui s'occupent de tout et les aiment quoi qu'il arrive. Même derrière les yeux du plus méchant des hommes, on devine un petit garçon effrayé, qui essaie de se cacher dans un coin où le mal ne pourra pas l'atteindre.
Et il y avait la lune.
Le loup la voyait tout autre que l'humain. L'astre de la nuit était comme une flaque d'argent pur dans la prairie sombre du ciel, parfois couronnée d'un bleu violent, parfois d'un pourpre profond, et en quelques occasions d'une couleur au-delà de toute description. La clarté lunaire tombait sur la forêt comme une pluie de flèches argentées, et les arbres se muaient alors en cathédrales. C'était un spectacle à nul autre pareil, et devant cette beauté presque terrifiante les loups s'assemblaient sur un promontoire rocheux pour saluer la déesse nocturne. Leur chant racontait les joies et les peines de leur double nature, la mélancolie du banni et l'exaltation du miraculé.
Comme tout un chacun, je connaissais bien le sens du rituel. La Dame avait servi au vieux Moïse son banquet annuel. Par contre, j'ignorais de quand datait la cérémonie — elle devait être bien antérieure à ma naissance.
On peut penser, comme le Révérend Blessett de la Fredom Baptist Church, que le maire et le conseil municipal auraient dû interdire cette coutume païenne, inspirée par Satan. Mais une proportion suffisante de la communauté blanche croyait au Vieux Moïse pour désamorcer les protestations du prêcheur.
Ça revenait à se promener avec une patte de lapin, ou à jeter du sel par-dessus son épaule — toutes ces croyances qui s'enra-cinent dans le grain même de la vie. Mieux vaut s'acquitter, au cas où les voies de Dieu seraient encore plus impénétrables que ne peuvent le supposer nos esprits chrétiens...
Aucune maudite sorcière, aucun sorcier, aucun âme aux sabots fourchus ne détruira Fount Royal tant qu'il me restera une goutte de sang dans le corps. Je vous en fais le serment !
- Permettez-moi de faire écho à votre voeu, monsieur, ajouta Paine. Aucune femme ne me fera fuir, même si elle lèche les fesses du diable.
- Je crois qu'elle suçait sa bite, pour être exact, précisa le médecin. (Il avait un peu de mal à articuler, indiquant que le vin et le rhum avaient commencé à produire leur effet.) N'est-ce pas Élias ?
L'attention du juge et de son clerc se porta sur Garrick, dont le visage tanné avait adopté une nuance brique.
- Oui, monsieur, c'est ça, reconnut le fermier. J'ai vu la sorcière à genoux, s'occuper de son maître de cette façon.
J'ai fait de mon mieux pour ne pas vieillir. C'est un sacré boulot. Je ne parle pas de l'accumulation des années, qui est tout à fait honorable, mais de l'attitude.
Ces gargouilles, sculptées dans les années vingt, étaient, paraît-il, des portraits de généraux confédérés ; autant dire des anges déchus.