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Citations de Ryûnosuke Akutagawa (114)


Il arrive parfois qu'un homme consacre sa vie entière à un désir qu'il ne pourra peut être jamais réaliser. Celui qui se moque d'une telle illusion ne connait rien à la vie. (Gruau d'ignames)
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Tout en regardant le renard laper le gruau, Goi se ressouvenait avec nostalgie de ce qu'il avait été avant de venir ici, lui, l'objet des railleries des officiers, ses compagnons, lui à qui les enfants de la capitale eux-mêmes avaient lancé ce quolibet " Eh ! Nez rouges " lui qui, tel un caniche égaré, misérable et solitaire, avait rôdé dans l'avenue Suzaku vêtu d'une cotte fanée et d'une culotte, mais qui avait jalousement gardé pour lui seul cet heureux rêve de gruau d'ignames...
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Je levais les yeux vers la haute voûte du ciel pour mieux m'imaginer combien la terre était minuscule dans le scintillement de milliers d'étoiles - combien j'étais moi même minuscule.
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- Aujourd’hui, j’ai passé la moitié de la journée en voiture.
- Vous aviez des affaires à régler ?
Le menton appuyé dans le creux de la main, son interlocuteur lui répondit avec la plus grande nonchalance du monde :
- Pas du tout. J’en avais envie, c’est tout.
Ces paroles lui ouvrirent les portes d’un royaume inconnu – le royaume de l’ego si proche de celui des dieux.
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Je vis à présent dans le plus malheureux des bonheurs. Mais, aussi étrange qu'il puisse paraître, je ne regrette rien. Je plains seulement ceux qui ont eu le mauvais mari, le mauvais fils, le mauvais père que je suis. Alors adieu. Dans ce manuscrit, je ne pense pas avoir, du moins consciemment, plaidé ma cause.
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Après cet incident, la fille de Yoshihidé et ce petit singe devinrent bons amis. Elle accrocha au cou de l’animal un petit grelot d’or suspendu à un très beau ruban que la jeune princesse lui avait donné. Le singe, de son côté, quittait rarement la jeune fille. Lorsqu’il arrivait que, légèrement enrhumée, elle gardât le lit, son petit compagnon, le visage attristé, semblait-il, assis demeure au chevet de la malade, s’occupait à ronger ses ongles.
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[...] ... CONFESSION D'UNE FEMME VENUE AU TEMPLE DE KIYOMIZU

Après m'avoir violentée, cet homme à la robe de chasse bleu foncé ricana sous les yeux de mon époux qui était ligoté. Oh ! comme mon mari a dû lui en vouloir ! Mais ses contorsions ne faisaient qu'enfoncer encore dans sa chair la corde qui le retenait. Instinctivement, j'ai couru, non, j'ai voulu courir de toutes mes forces vers mon mari. Le brigand, sans me laisser le temps de le faire, m'a donné un coup de pied et je suis tombée. A cet instant même, j'ai vu un étrange éclair passer dans les yeux de mon mari. Vraiment étrange ... Ce regard, maintenant encore, chaque fois que je me le rappelle, me fait tressaillir. Ne pouvant me dire le moindre mot, mon mari a enfermé dans son bref regard tout ce qu'il ressentait. Ce qui étincelait dans ses yeux, ce n'était ni de la colère, ni de la tristesse. Etait-ce autre chose qu'une lueur glaciale de mépris ? Frappée plus fortement par ce regard que par le coup de pied du malfaiteur, j'ai inconsciemment crié quelque chose et je me suis évanouie. ... [...]
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[...] ... Ainsi qu'il [le héros de la nouvelle, toujours dénommé soit "l'homme", soit "il"] l'avait entendu dire, les cadavres négligemment jetés jonchaient le sol. Mais, le champ de la lumière étant plus étroit qu'il ne l'avait imaginé, il n'arriva pas à en préciser le nombre. Il pouvait seulement distinguer, sous la faible lumière, des corps nus et d'autres encore vêtus. Il y avait des hommes et des femmes, semblait-il. Tous ces cadavres, sans exception, gisaient sur le plancher, à la manière de poupées en terre, bouches bées, bras allongés. Qui y reconnaîtrait des êtres vivants d'hier ! Certaines parties proéminentes de ces corps, comme les épaules ou la poitrine, éclairées par de vagues lueurs, rendaient le reste plus sombre encore. Ils étaient ainsi comme figés dans un mutisme implacable.

A l'odeur de pourriture, l'homme se boucha instinctivement le nez de sa main, qu'il laissa vite retomber. Car une sensation plus forte vint presque abolir son odorat.

C'est qu'à cet instant ses yeux venaient de discerner une forme accroupie au milieu des cadavres. ... [...]
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Décidément, la beauté de la laideur échappe aux peintres qui ne savent que barbouiller.
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Shinzô prit son verre et le porta à ses lèvres dans l’intention de le vider d’un trait. Dans le cercle scintillant de deux pouces environ que formait la bière à l’intérieur du verre, la lampe suspendue au plafond et la petite porte en roseaux miroitaient à la surface du liquide... Et, l’espace d’une seconde, le petit disque lumineux s’anima du reflet d’un visage inconnu. Plus exactement il conviendrait de dire que c’était un visage dont on n’aurait su affirmer s’il était humain ou non. Cela pouvait être tout aussi bien une tête d’oiseau, un fauve ou bien encore un serpent ou un crapaud. D’ailleurs ce visage n’était pas entier, c’était un fragment, plus particulièrement net des yeux jusqu’au nez, qui, en interceptant la clarté que diffusait la lampe, dessinait une ombre précise et regardait dans le verre de Shinzô par-dessus son épaule.
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[...] ... Combien de temps s'était écoulé, je ne saurais le dire, mais brusquement je fus tirée de mon sommeil. Et j'entendis nettement un bruit, comme si quelqu'un s'était levé et allumait une lampe. Me demandant si c'était une souris, un voleur ou tout simplement le lever du jour, je finis par entrouvrir timidement les yeux. Alors je découvris le profil de mon père, qui était assis à mon chevet, en vêtement de nuit. "C'était Papa !" pensai-je, ébahie. Mais il n'était pas seul à l'origine de ma stupeur. Devant lui s'alignaient les poupées, mes chères poupées que je n'avais pas eu l'occasion de revoir depuis la fête.

C'est sans doute dans de tels moments qu'on se demande si on est en train de rêver. Le souffle coupé, je contemplai le mystère. Dans le halo tamisé de la lampe, la tablette d'ivoire que tenait l'Empereur, les guirlandes de pierreries qui sertissaient le diadème de l'Impératrice resplendissaient. Rien ne manquait : le mandarinier à droite, le cerisier à gauche, le page portant une ombrelle au long manche, la dame d'honneur qui élevait à hauteur des yeux le plateau du repas, la coiffeuse et la commode miniatures en laque noire incrustée d'or, le petit paravent à motif de coquillages, la vaisselle, les lanternes décorées, la balle en fils de couleur, puis, encore, le profil de mon père ...

Ah, c'est dans ces instants qu'on se demande si on rêve ... Mais je l'ai déjà dit. Enfin, vraiment, les ai-je vues en rêve, les poupées ce soir-là ? Ou était-ce une vision forgée à mon insu par mon imagination, hallucination née de l'ardeur de mon désir ? Encore maintenant, je serais en peine de le dire.

Mais à l'aube, j'ai pu observer mon père, le visage vieilli, perdu dans la contemplation des poupées. Cela au moins est certain. Et même si c'était un rêve, je n'en ressentirais pas pour autant la moindre déception. Car il m'a été donné de voir de mes yeux, cela au moins est certain, mon père, qui ne différait en rien de moi-même ... Oui, j'ai pu voir de mes yeux mon père, sensible et vulnérable, grave pourtant ... ... [...]
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[...] ... Shinzô, l'air épuisé, se mit debout à son tour. Au moment où ils s'apprêtaient à passer devant les chiens de granit pour rejoindre la rue déserte, les larmes montèrent brusquement aux yeux de la jeune fille. Sa nuque que la douleur faisait pencher apparut éclatante de blancheur dans la nuit et elle répéta : "Je voudrais être morte." C'est à ce moment qu'au pied du poteau télégraphique où s'étaient évanouis tout à l'heure les deux papillons noirs apparut confusément quelque chose qui ressemblait à un œil humain, énorme. C'était un œil sans cils, la pupille glauque, comme recouverte d'un voile bleu pâle, et il était impossible de déterminer dans quelle direction il regardait. Et il devait bien faire un mètre !

D'abord, les contours se dessinèrent avec la légèreté de l'écume, puis l'œil s'immobilisa quelque peu en retrait du sol et flotta un moment, mais bientôt la pupille couleur de suie se rapprocha obliquement de l'extrémité. Le plus étrange est que cet œil énorme, qui en se fondant dans les ténèbres mouvantes de la rue, prenait une couleur terne et fade, n'en causait pas moins une indéfinissable impression de malaise. Instinctivement, Shinzô serra les poings et, tenant Toshi serrée derrière lui pour la protéger, il resta les yeux fixés sur l'apparition fantastique, avec l'énergie du désespoir. En même temps, il eut l'impression que tous les poils de son corps étaient réellement soulevés par le vent, et un frisson lui parcourut le dos, si violent qu'il crut que sa respiration allait s'arrêter. Il paraît qu'il eut beau essayer de crier, nul son ne sortit de sa bouche. Heureusement, l'œil, qui pendant quelques instants avait dardé sa pupille chargée de haine sur les deux jeunes gens, s'estompa peu à peu et pour finir, la paupière tomba comme une écaille. Il ne resta plus que le poteau télégraphique, nulle forme suspecte. Toutefois, ils virent s'élever en voltigeant quelque chose qui ressemblait à des papillons noirs ... [...]
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Arrêtez! Je ne veux pas de ces pattes de cheval! D'abord, vous n'avez pas le droit de réparer mes jambes sans mon consentement
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Extrait de "La vie d'un idiot" :

Ils traversèrent épaule contre épaule la place envahie par la pénombre. C'était pour eux la première fois. Pour rester avec elle, il se sentais capable de tout abandonner.
Ils prirent un taxi; elle lui dit alors en le dévisageant d'un air grave : "Tu n'as pas de regret ? " Il répondit d'un ton ferme : "Je ne regrette rien". Elle pressa sa main : "Moi non plus, je ne regrette rien." A ce moment-là aussi, son visage semblait baigner dans le clair de lune.
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Toujours pareil, je me bourre de médicaments. rien que des somnifères, c'est tout un poème ! Véronal, Neuronal, Trional, Numal …(27)
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- Qu'est-ce qui se passe?
- Non, rien du tout.
Relevant enfin son visage, elle poursuivit avec un sourire forcé :
- Vraiment, rien du tout. Mais comme ça, tout d'un coup, j'ai eu comme le pressentiment que tu allais mourir...
Ce fut le moment le plus terrifiant de ma vie. - Je n'ai plus la force de continuer à écrire. Vivre dans ces conditions m'est devenu une souffrance intolérable. Ah! Si quelqu'un pouvait avoir le geste de m'étrangler tout doucement pendant mon sommeil...
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- Mais comment cela va-t-il ces temps-ci?
- Toujours les nerfs à vif, comme d'habitude.
- Aucun médicament ne pourra vous aider. Vous n'éprouvez pas l'envie de vous convertir?
- Si cela m'était au moins possible...
- Cela n'a vraiment rien de difficile. Il suffit seulement de croire en Dieu, de croire en Christ le Fils de Dieu, de croire dans les miracles qu'Il a accomplis...
- Ce que je peux, c'est croire au Diable!
- Alors, pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu? Si vous croyez en l'ombre, comment vous défendre de croire en la lumière?
- Mais il existe aussi des ténèbres sans lumière.
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[...] ... La recette [pour réduire le nez de l'Aumônier] était d'ailleurs très simple : elle consistait à faire bouillir le nez dans de l'eau chaude et à le faire piétiner.

Dans les bains du temple, l'eau était toujours à chauffer sur le feu. Le disciple rapporta sur le champ, dans un seau, de l'eau chaude si brûlante qu'on pouvait à peine y tremper un doigt. Aussi, en plongeant son nez, Zenchi risquait-il d'avoir la face brûlée par la vapeur. On mit donc sur le seau un couvercle de bois au milieu duquel était percé un trou pour le passage du nez. Le nez de l'Aumônier était d'ailleurs tout-à-fait insensible à la chaleur. Au bout d'un certain temps, le disciple demanda :

- "Il doit être bien bouilli, maintenant ?"

Zenchi eut un rire forcé.

- "En entendant ces paroles, qui eût pu se douter qu'il s'agissait du nez d'un homme ?" pensa-t-il.

Le nez plongé dans l'eau chaude lui donnait un prurit semblable à celui que cause la piqûre d'une puce.

Lorsque le moine eut tiré du trou son nez fumant, le disciple se mit à le piétiner de toutes ses forces. Zenchi, étendu sur le côté, le nez posé à plat sur le plancher, regardait les pieds de son disciple le marteler. ... [...]
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[...] ... A ces mots de Paravent des Figures Infernales, il me semble que l'aspect terrifiant de cette peinture s'impose immédiatement. Des scènes de l'Enfer, il en est d'autres. Mais les toiles de Yoshihidé différaient par leur composition de celles de ses collègues. Les Dix Rois et leur suites étaient relégués, rapetissés, dans un coin du Paravent, et dans tout l'espace libre tourbillonnaient des flammes puissantes au point de roussir le Mont des Glaives et les Arbres hérissés de sabres. De sorte que, hormis les robes jaunes et bleues à la chinoise des suppôts de l'Enfer çà et là dispersés, les langues de feu impétueuses remplissaient tout l'espace dans lequel dansaient avec furie, en forme de swastika, des fumées noires tracées en éclaboussures d'encre et des étincelles de feu projetées en poudre dorée.

Cela seul, par sa puissance évocatrice, aurait suffi à frapper les yeux. Enfin, il n'y avait pas un damné à se contorsionner dans cette géhenne qui eût rien de commun avec ceux des habituelles Figures Infernales. La raison en est qu'en ces multitudes de damnés, Yoshihidé avait représenté des hommes de toutes conditions depuis les courtisans jusqu'aux mendiants, jusqu'aux réprouvés : grands officiers de la Cour, dans leurs impeccables robes de cérémonie, séduisantes dames d'honneur dans leurs robes à cinq plis, récitants avec leurs chapelets au cou, jeunes guerriers à hautes chaussures en bois, fillettes minces dans leur longue robe, devins portant la bandelette sacrée à la main ... il n'est pas possible de les énumérer tous. ... [...]
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"La vie d'un idiot"_

Les fous étaient tous vêtus d'un même vêtement gris. La grande salle déjà déprimante en soi ne l'en était que davantage.
Installé à l'orgue, l'un des fous jouait avec ferveur un cantique. Au milieu de la pièce, un autre dansait, ou plus exactement se démenait en tous sens.
Il observait ce spectacle en compagnie d'un médecin au teint vermeil.
Sa propre mère, dix ans plus tôt, ne différait en rien de ces êtres. En rien...
Dans leur puanteur, il retrouvait parfaitement celle de sa mère.
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