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Critiques de Sabrina Calvo (205)
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Hacker la peau

Une bande dessinée cyberpunk queer qui reflète bien le style foutraque de Sabrina Calvo et ses thématiques habituelles, mais qui peine malheureusement à les mettre en valeur.



Sans rien enlever à la qualité des illustrations de Jul Maroh, j’ai l’impression que l’œuvre serait mieux passée en roman qu’en BD. Là, on a peine à suivre le fil de pensées des personnages, au point qu’on a du mal à s’y attacher et que leurs atermoiements finissent par nous perdre, voire nous agacer.



Dommage, parce que le fond m’intéressait beaucoup !
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Kaarib, tome 1 : La dernière vague

Des monstres, des jambes de bois, un œil de verre, le fantôme de Barbe Noire, des perroquets oracles, une grande prêtresse, une sirène pirate, un gamin qui répare ses blessures, des vagues géantes, des restes d'Atlantide, l'imaginaire est au galop dans ces pages ! Le duo Calvo / Krassinsky se plie en quatre pour nous offrir un grand divertissement et l'ensemble tient fichtrement la route et se rapproche de grandes sagas telles que Azimut ou La Nef des fous.



Cependant, contrairement à Zidrou et Turf, la gouaille de Calvo n'est pas au rendez-vous (difficile d'extraire une citation croustillante), ça manque vraiment de tournures jubilatoires, d'une écriture personnelle et créative. Les intrigues sont assez brouillonnes (mais le premier tome d'une saga connaît souvent ces soucis, désireux de poser les bases de l'histoire). Calvo jongle avec les styles, le fantastique côtoie l'historique, les créatures imaginaires se mêlent à des communautés secrètes.



C'est riche, généreux et attractif. Il manque cependant un petit quelque chose pour que la mayonnaise ne prenne goulûment dans ce premier volet, pour totalement convaincre. Un dialoguiste de talent, peut-être ?
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La clef d'argent des contrées du rêve

Belle idée que de consacrer un recueil de nouvelles aux Contrées du Rêve. La Clé d’Argent des Contrées du Rêve (Mnémos 2017) poursuit de la sorte le travail important déjà effectué sur ce sujet avec la traduction de Davis Camus (Les Contrées du Rêve), le guide de Kadath et le recueil de Brian Lumley (Légendes des Contrées du Rêve). L’ouvrage s’ouvre sur une introduction fort intéressante de Frédéric Weill, montrant toute l’originalité de cette création de Lovecraft. Le recueil comprend 11 nouvelles, et comme d’habitude, il y a du bon et du moins bon, du téléphoné et quelques petites perles.

J’ai classé mes notules par ordre d’intérêt croissant (de 1 à 10), ce qui est évidemment totalement subjectif et n’engage que moi !



3 – David Calvo nous parle dans Mkraow des chats d’Ulthar, de façon certes poétique, mais sans aucune trame.



4 – Avec Urjöntaggur, Fabien Clavel nous entraîne sur les traces du Lieutenant A. Desplagnes, militaire à la « coloniale », mais aussi explorateur à ses heures perdues. Il est hanté par des rêves récurrents dans lesquels il voit une tombe gigantesque remplis de cadavres « noirs », une cité inconnue et un rocher rouge. Les médecins sont incapables de le débarrasser de ces songes qui lui pourrissent la vie. Mais l’un d’entre eux croit reconnaître dans sa description du rocher l’Ayers Rock qui se trouve au centre de l’Australie. Et de monter une expédition qui ne fera qu’accroître ladite maladie. Il tombera en transe au pied de la formation rocheuse en tenant des propos incohérents (Kadath, le château d’Onyx, Shantaks) et en affirmant avoir rencontré le Grand Ancien Urjöntaggur qui lui demande de le libérer de Nyarlathotep. La chute sera un peu confuse, et le Lieutenant reviendra en métropole à moitié fou avant de se faire tuer sur le front près de Charleroi.



Livres :

° Le Plateau central nigérien, A. Desplagnes

° Les mystères de l’Australie, id



4 – Dans Caprae Ovum, le rêveur erre dans une cité décrépie et découvre dans une barge pourrie un mystérieux cartulaire qui lui donne une idée de la géographie des lieux. Il retrouve une émanation de sa maison dans le monde de la réalité, mais n’y entre pas car elle semble maléfique. Il pénètre dans une crypte où était célébré le Culte de la Chèvre puis suit un groupe de pèlerins qui se dirigent vers un pic dans lequel est creusé une caverne. C’est le nouveau sanctuaire du Culte, et il va enfin pouvoir contempler la statue de la divinité avec son… œuf. Manifestement le but de sa quête, afin de le ramener dans le monde normal où il pourra éclore. Le texte est accompagné d’une illustration qui renforce notre éclat de rire !



Livre :

° Le Cartulaire encyclopédique des hautes et basses terres du rêve.



5 – C’est sous forme d’un long poème que Thimothée Rey nous conte l’aventure de Ylia de Hlanith. Une jeune fille recluse chez ses parents, commerçants dans les Contrées. Elle rencontre un jour une créature diaphane, un nouvel arrivant dans le monde des rêves. Elle accepte de répondre à ses questions. Il lui dit s’appeler Howard, et muni d’une Clé d’Argent, il est à la recherche de son Archétype Suprême. La jeune fille lui subtilisera la clé, pensant pouvoir ouvrir la porte qui la ramènera au monde de l’éveil. Mais elle ne fera que libérer les Grands Anciens qui patientaient de l’Autre Côté pour envahir les Contrées.



6 – Nos amis Ward & Miller nous font rencontrer, dans Le Rêveur de la Cathédrale, Kevin, un jeune guide de la Basilique de Saint-Denis. Dans une arrière crypte de l’édifice, il trouvera une vieille clef alors qu’une forme nébuleuse qui lui dit s’appeler Randolph Carter lui demande de le délivrer. Au sortir de la cathédrale, il se retrouve… dans Kadath. Il sera transporté au Château d’Onyx par des « maigres bêtes de la nuit », plongera dans les souterrains et, grâce à la clef, libérera Randolph Carter, prisonnier de Nyarlathotep. Il reprendra conscience dans la crypte de la cathédrale où il ne sera pas reconnu par les gardiens de nuit. Il est devenu un vieillard du nom de … Randolph Carter.



7 – Morgane Caussarieu nous apporte un peu d’humour félin avec Les Chats qui rêvent. On suit les aventures d’un petit chaton, prisonnier avec ses congénères d’un Vieil Homme morbide qui les martyrise Ce dernier passe son temps à étudier un ouvrage ancien en psalmodiant des invocations incompréhensibles. La maman chat parle à son rejeton de la magnifique cité d’Ulthar, qu’elle visite régulièrement en rêve. Le chaton arrivera à s’échapper pour rejoindre le paradis des chats mais sera attaqué par des créatures immondes qui l’enverront au paradis tout court !



8 – Belle petite pièce que De Kadath à la Lune de Raphaël Granier de Cassagnac. Le héros s’embarque avec le capitaine Omen au Port du Bout du Monde, à la recherche de sa belle. Ils croiseront Serranie, la Cité des Nuages où Kuranès leur remettra une carte des Contrées, Dylath-Leen, Ulthar ; ils rencontreront un dieu clochard et un sculpteur de rêves puis partiront pour la Lune sur les indications de certains prêtres. Le héros sera attaqué par des crapauds immondes et se retrouvera sur le plateau de Leng dont il sera expulsé par l’Innomé. Il poursuivra sa recherche à Paris où il se réveille et retrouvera une ombre qui a son propre visage. « Jamais je n’aurais dû quitter Kadath ! ». On croirait lire du Lovecraft ! Bravo.



8 – Bien ficelé également Le Tabularium de Laurent Poujois qui nous présente la caste des Arpenteurs, chargée d’établir la Carte des Marcheurs du Rêve. Nous sommes invités à participer à l’exploration d’un secteur fort mal connu des Contrées, le Dédale, dont personne ne semble être revenu vivant. En compagnie d’un marchand qui laisse pourtant entendre qu’il connaît le secteur, les Arpenteurs découvrent un gouffre au fond duquel se déploie une somptueuse cité d’albâtre. Le marchand s’écrie « enfin » avant de se réveiller dans le monde réel où il sera conduit dans un asile psychiatrique.

Cette nouvelle ne demande qu’à se transformer en jeu de rôle.



9 – Avec Le Corps du Rêve, Neil Jomunsi nous fait rencontrer une petite famille de 6 enfants, réfugiés dans les Contrées suite à une catastrophe (guerre ?) dans le monde de l’éveil. Ils vivent dans une grande demeure que l’aînée a façonnée à partir de ses souvenirs. Mais ils sont sans cesse menacés par des attaques du Rêve, les contraignant à se calfeutrer et à se cacher dans les sous-sols de la demeure. Une dernière attaque particulièrement violente détruira une partie de la maison…. que le Rêve reconstruira selon les canon architecturaux des Contrées et non de l’Éveil. Émouvant.



9 – Vincent Tassy, dans Le Baiser du Chaos Rampant, nous fait partager la quête d’une jeune femme, mal dans sa peau, qui se réfugie dans les Contrées pour rencontrer Nyarlathotep dont elle est éperdument amoureuse. Un périple haut en couleurs, comme il se doit, avec une petite incursion dans le monde du dessous, infesté de goules dont une lui ressemble étrangement. Elle finira par rejoindre le château du Prince Noir qui, entre deux étreintes, lui révélera sa véritable nature. Elle est la fille d’un écrivain fantasque, Howard, et de son épouse Sonia qui lui avait caché sa grossesse, comprenant bien que son mari n’était pas fait pour vivre en ce monde. On l’aura compris, Lovecraft est désormais une goule dans le monde du dessous.



10 – Mon coup de cœur pour Les Fragments du Carnet de Voyage Onirique de Randoph Carter qui se présente comme un document inédit mystérieusement récupéré par l’éditeur. Mnémos aime bien les « vrai-faux » lovecraftiens… et moi aussi ! La première partie qui nous est présentée ici, et qui sent bon la plume de Davis Camus, est un Fragments d’Atlas des Contrées du Rêve. Un document original, présenté sous forme d’encyclopédie, et qui, pour chaque entrée, reprend ce que Lovecraft en a dit. Fallait le faire, et c’est fait !

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La clef d'argent des contrées du rêve

J’ai passé de bons (voire très bons) moments de lecture avec cet ouvrage. J’ai aimé découvrir le monde de Lovecraft et la façon dont les différents auteurs se le réappropriaient. Étant néophyte de cet univers littéraire (j’ai à peine lu Les Contrées du Rêve), j’ai pu apprécier la plupart des nouvelles sans problème de compréhension. J’ai cependant regretté l’inégalité dans la longueur des nouvelles. Je l’ai surtout ressentie, je pense, parce que je me limitais à une nouvelle par semaine, mais avoir des nouvelles de 3 ou 5 pages me semblait vraiment trop court pour entrer dans l’univers et découvrir le style de l’auteur.



(Chaque nouvelle est chroniquée séparément sur le blog dans le rendez-vous "Livres et Gourmandises" )
Lien : https://livraisonslitteraire..
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La clef d'argent des contrées du rêve

MNÉMOS RÊVE







Dans la très, très riche actualité lovecraftienne francophone de ces derniers mois, chez les Indés de l’Imaginaire mais aussi ailleurs, La Clé d’argent des Contrées du Rêve se distingue peut-être, d’abord parce que l’on fait cette fois dans la fiction, ensuite parce que c’est en usant d’un cadre lovecraftien pas si pratiqué ou mis en avant : les Contrées du Rêve, donc.







Maintenant, il est vrai que Mnémos semble entretenir une relation particulière avec les Contrées – relation qui remonte au moins à la nouvelle traduction par David Camus, sous le titre donc Les Contrées du Rêve, de l’ensemble des nouvelles « dunsaniennes » de Lovecraft, incluant Démons et Merveilles, soit le « cycle de Randolph Carter », auquel le titre de la présente anthologie fait clairement allusion, mais aussi toutes les autres nouvelles « oniriques » : « Polaris », « La Malédiction de Sarnath », « Les Chats d’Ulthar », « Les Autres Dieux », et j’en passe.







Exactement au même moment, l’éditeur avait publié le très beau Kadath : le guide de la cité inconnue, superbement illustré par Nicolas Fructus (dans son édition originale : la reprise ultérieure se passe de la dimension graphique, ce qui me laisse assez sceptique…), avec des textes de David Camus donc, Mélanie Fazi aussi (surtout ?), Raphaël Granier de Cassagnac et Laurent Poujois. De la bonne came, ces deux bouquins…







Plus récemment, cependant, on a (re)trouvé chez Mnémos des choses… nettement moins bonnes, avec deux gros volumes pseudo-lovecrafto-oniriques de l’inqualifiable Brian Lumley. Ce qui, peut-être, fausse un peu mon jugement concernant la présente anthologie ? C’est dommage, mais…







ONIRIQUE… ET PÉRILLEUX







Cela dit, ce n’est clairement pas la plus évidente des matières, les « Contrées du Rêve »… C’est même assez franchement périlleux, et à plus d’un titre.







Dont un, bizarrement, ne ressort pas du tout ici – et notamment de l’introduction de Frédéric Weil : à l’exception de « Polaris », si l’on en croit Lovecraft lui-même, ces récits sont à certains égards des sortes de pastiches – de l’immense Lord Dunsany, donc. Les Dieux de Pegāna, Le Temps et les Dieux, L’Épée de Welleran, Contes d’un rêveur (parmi lesquels « Jours oisifs sur le Yann », nouvelle séminale en la matière), Le Livre des merveilles, Le Dernier Livre des merveilles… Autant de splendides petits recueils qui ont fourni, sinon la base ou le substrat, du moins des modèles pour que Lovecraft développe son propre univers onirique et baroque, au lexique chatoyant. Dès lors, pasticher Lovecraft dans les « Contrées du Rêve » peut revenir, indirectement, à pasticher Dunsany via les propres pastiches de Lovecraft ?







En théorie. Car, et ce n’est pas la moindre surprise de cette anthologie, aucun des auteurs ici présents (hors cas « ambigu » de « Randolph Carter », j’y reviendrai…) ne joue vraiment de cette carte merveilleuse. Laurent Poujois s’en approche timidement par endroits, Alex Nikolavitch et Vincent Tassy peut-être, avec moins de réussite, les autres n’essayent même pas ; il n’est pas dit qu’on puisse vraiment leur en vouloir, ni que ce soit forcément problématique…







Les « Contrées du Rêve », après tout, peuvent avoir d’autres couleurs – et la fantasy lovecraftienne, souvent, conserve quelque chose de l’horreur du Monde de l’Éveil ; cette fois, quelques auteurs s’en souviennent, mais somme toute assez peu, ou sans guère de réussite en tout cas.







Or ces différents registres ont leurs risques propres – et contribuent à rendre périlleux l’exercice d’équilibriste de Lovecraft, dont nombre des récits « dunsaniens » sont sur la corde raide : un faux pas et l’on tombe, ce qui charme et fascine s’avérant en fin de compte seulement grotesque au mauvais sens du terme, autant dire ridicule. Les auteurs se montrant prudents, ici, voire timorés, ils évitent pour l’essentiel cet écueil… sauf Sylvie Miller et Philippe Ward d’une part, et Vincent Tassy de l’autre, qui, chacun à sa manière, sautent à pieds joints dessus (et se cassent la gueule, comme de juste).







Autre ambiguïté du registre : la dimension proprement onirique de ces Contrées. Contre leur dénomination même, elle est en fait parfois discutable… Christophe Thill, dans un article figurant dans Lovecraft : au cœur du cauchemar, y insiste, à bon droit sans doute, même si je n’irais probablement pas jusqu’à me montrer aussi catégorique. Mais il y a bien une autre ambiguïté à cet égard, qu’il faut relever : ces Contrées sont peut-être oniriques (car on rêve beaucoup dans ces textes de Lovecraft, dont la célèbre citation est reprise ici en mot d’ordre : « Tout ce que j’ai écrit, je l’ai d’abord rêvé. »), ou peut-être pas, plutôt antédiluviennes ; ou alors les deux tout à la fois… Pourquoi pas, après tout ?







Cela a son importance, qui fait le partage entre une fantasy « classique », limite avec carte à l’appui, et quelque chose de bien moins organisé. La plupart des auteurs, ici, me semblent appuyer sur la dimension onirique, même en en évacuant le merveilleux – et souvent en faisant explicitement l’aller-retour entre Contrées du Rêve et Monde de l’Éveil ; ce qui paraît couler de source, alors qu’au fond, si l’on veut bien s’y arrêter un instant, ça n’a rien de si évident : en fait, cela introduit bel et bien un biais.







Et il y en a peut-être encore un dernier, pas forcément si inattendu que cela chez Mnémos, au vu de l’origine même de l’éditeur : la dimension rôlistique. Je crois qu’elle a laissé son empreinte (« mythique », si l’on y tient), et que les « Contrées du Rêve » ici arpentées doivent beaucoup à Sandy Petersen et compagnie, au projet préalable à L’Appel de Cthulhu – jeu dérivé de l’idée d’un supplément sur « Les Contrées du Rêve » pour Runequest… Pourtant sans insister sur la fantasy. Ce qui n’est pas forcément un problème, là non plus – mais conserver cette idée derrière l’oreille peut faire sens en cours de lecture, ai-je l’impression.







(Note : depuis cette chronique, au passage, j'ai eu l'occasion de causer des Contrées du Rêve rôlistiques, rééditées chez Sans-Détour.)







Y CROIRE ?







Reste que, si cette anthologie souffre avant tout d’un problème, il est tout autre… et bien autrement gênant. J’ai l’impression en effet d’un livre conçu sans y croire, d’une anthologie où les auteurs, au fond, et en tout cas la direction d’ouvrage, ne se sont pas « impliqués ». Même auprès des auteurs les plus sensibles à la dimension lovecraftienne, notamment pour en avoir déjà fait usage ailleurs, éventuellement de manière frontale, demeure ici l’impression vaguement ennuyeuse d’une commande. Le tout manque d’application et de cohérence, du coup… mais aussi et surtout d’enthousiasme ?







Sur le format relativement court de l’anthologie, c’est pour le moins frappant – et ça ne l’est que davantage, quand le dernier et le plus long texte du recueil et de loin, les « Fragments du carnet de voyage onirique de Randolph Carter », se contente sur une cinquantaine de pages de citer expressément Lovecraft, et/ou de broder sur ses descriptions « oniriques » sans même s’embarrasser d’une narration ! Or cet ultime texte confirme que les auteurs des nouvelles précédentes n’ont en fait même pas essayé de jouer de la carte baroque et chatoyante… Et il a d’autres connotations regrettables, sur lesquelles je reviendrai en temps utile.







Et, décidément, même en jouant au bon public dans la mesure de mes capacités (non négligeables) pour ce faire, je ne peux certes pas accorder une bonne note à cette anthologie ; on dit parfois « ni fait ni à faire », et c’est une expression hélas appropriée au contenu de cette anthologie …







Ma chronique pour Bifrost synthétise et « rassemble » les textes. Ayant davantage de souplesse rédactionnelle sur ce blog autorisant des développements bien plus amples, je vais tâcher de dire quelques mots de chacun de ces textes, dans l’ordre de présentation.



URJÖNTAGGUR







On commence avec « Urjöntaggur », nouvelle signée Fabien Clavel – un auteur que je n’ai à vrai dire jamais « pratiqué » (le bien grand mot…) que dans ce registre de la « plus ou moins commande », ce qui peut influer sur mon jugement. Mais le fait est que ce texte m’a paru sonner faux…







C’est d’autant plus regrettable qu’il contient des bonnes choses – avec un potentiel graphique et onirique marqué, des clins d’œil plutôt amusants aussi… Et, bien sûr, la dimension épistolaire, très adéquate.







Sauf que je n’ai donc pas l’impression d’un auteur qui « croit » en ce qu’il écrit – et j’ai bien au contraire la conviction qu’il ne fait finalement rien pour que le lecteur, au moins, y croie. Dimension rôlistique, avançais-je plus haut ? Peut-être, mais de manière ratée… La nouvelle m’a immanquablement évoqué un « scénario » conçu sur le pouce, pour une séance imprévue, en jetant au dernier moment les dés pour bâtir fissa quelque chose sur la base de tables aléatoires. Il y en a de bonnes, et cette méthode peut donner des choses très amusantes – mais à condition d’y travailler un peu plus, ne serait-ce que pour bétonner l’agencement. Sinon, ce ne sont que des cases dans des tableaux – des fragments qui au fond ne conduisent à rien ; et, au bout de la partie comme au bout de cette nouvelle, j’ai passé le temps, oui, mais sans vraiment m’amuser, et je n’en retiendrai rien.







Les gimmicks « stylistiques » de l’auteur ne font en fait que renforcer cette impression. La dimension épistolaire pouvait donner quelque chose d’intéressant, mais Fabien Clavel fait dans le gratuit (anglicismes, fautes d’accord), dans une vaine tentative, mais d’autant plus voyante, de conférer de la personnalité à ses protagonistes ; c’est au fond parfaitement raté, au mieux inutile. Et l’artifice n’en ressort que davantage.







Ce n’est même pas forcément que ce texte est « mauvais » : d’une certaine manière, il n’existe pas…







Hélas, il n’est pas le seul dans ce cas, ici.







LE RÊVEUR DE LA CATHÉDRALE







Suivent Sylvie Miller et Philippe Ward, pour « Le Rêveur de la cathédrale ». Le Noir Duo a pu, occasionnellement, livrer des choses tout à fait correctes, souvent dans un registre populaire, léger et divertissant, « Lasser » ou pas, mais pas que. Bien sûr, quelqu’un qui se fait appeler Philippe Ward n’a guère besoin de mettre en avant d’autres arguments pour témoigner de son goût pour Lovecraft…







Reste que cette nouvelle est un échec total – et qui, bizarrement, aurait sans doute gagné à se débarrasser de ses oripeaux guère seyants de lovecrafterie. Sur la base d’un cadre narratif qui aurait pu être intéressant (la basilique de Saint-Denis) mais qui s’avère bien vite inexploité, et d’ici à une conclusion tellement convenue que c’en est gênant, elle nous inflige un Nyarlathotep parfaitement grotesque, et un Randolph Carter qui l’est à peu près autant (outre qu’il est tout sauf sympathique – ce qui aurait pu constituer un bon point, je suppose, mais dans encore un autre univers parallèle) ; j’ose espérer que c’était délibéré de la part des auteurs, d’une certaine manière, mais sans en être totalement certain…







Et au final ? Là encore, une nouvelle « qui n’existe pas ».







DE KADATH À LA LUNE







Raphaël Granier de Cassagnac, pour sa contribution intitulée « De Kadath à la Lune », fait dans l’autoréférence, en brodant façon bref spin-off sur son texte dans Kadath : le guide de la cité inconnue, il y a de cela quelques années déjà. L’idée n’était pas mauvaise, même si tout cela est bien lointain pour moi… Mais cela a pu susciter quelques « flashs » occasionnels – cependant, plutôt dans son évocation du segment dû à l’époque à Mélanie Fazi, avec le personnage d’Aliénor. Eh…







Ce que Raphaël Granier de Cassagnac avait conçu dans ce cadre avec son « Innomé » était plutôt réussi, pourtant, et ne manquait pas d’à-propos, en fournissant au lecteur un guide de choix pour arpenter Kadath. En dehors de ce contexte, par contre, et avec cette seule anthologie pour référence, ça ne fonctionne hélas pas… et cela aboutit à un nouveau texte « inexistant ». Dommage…







CAPRAE OVUM







« Caprae Ovum » est une nouvelle d’Alex Nikolavitch, que je n’avais longtemps pratiqué qu’en tant qu’essayiste et traducteur (de BD notamment), sauf erreur, mais qui a publié assez récemment son premier roman, Eschatôn, aux Moutons Électriques – un roman, d’ailleurs, non dénué d’aspects lovecraftiens, et l’éditeur avait mis cette dimension en avant ; un roman, hélas, qui ne m’avait pas convaincu… mais pour de tout autres raisons (ses aspects lovecraftiens sont assez réussis, objectivement).







Avec la présente nouvelle, il nous livre un périple onirique adapté à la logique des rêves et/ou des cauchemars. Idée qui fait sens, sans doute… à ceci près que le résultat est d’un ennui mortel. Dans cette anthologie, c’est probablement la première nouvelle à tenter d’approcher véritablement la matière lovecraftienne onirique, ce qui est tout à son honneur – et je suppose qu’il y a notamment de « La Clé d’argent » là-dedans. Pas forcément le plus palpitant des récits lovecraftiens, je vous l’accorde… Mais là, c’est encore une autre étape : un somnifère radical.







Il y avait de l’idée – mais ça ne fonctionne pas vraiment, au mieux, et, une fois de plus, on n’en retient rien.







LES CHATS QUI RÊVENT







Avec « Les Chats qui rêvent », de Morgane Caussarieu, on en arrive – enfin ! – à un texte que l’on peut sans hésitation qualifier de « bon ». Pas un chef-d’œuvre, non, mais un « bon » texte. À vrai dire probablement le meilleur de cette anthologie autrement bien fade…







Je précise à tout hasard que je n’avais jusqu’alors (sauf erreur) jamais rien lu de la jeune auteure, dont des gens fiables ont cependant loué les romans, tout particulièrement Dans les veines – il faudra que je tente ça un de ces jours, quand même…







Mais revenons à nos moutons – ou plutôt, à nos chats… Ceux d’Ulthar, bien sûr ? Non : ceux qui aimeraient se trouver à Ulthar.







Parce qu’ils sont présentement en enfer.







Sur la base d’un titre pareil, je m’attendais à quelque chose dans le goût du très chouette « Rêve de mille chats » de Neil Gaiman – un épisode indépendant de la cultissime et fantabuleuse BD Sandman. Il y a peut-être un peu de ça, mais c’est finalement autre chose. Car ce texte n’est pas sans surprise, en fin de compte…







Notamment en ce qu’il évacue très vite tout ce qui pourrait être « naturellement kawaii » avec un postulat pareil. Chatons ou pas, cette nouvelle n’a rien de « mignon ». En fait, de l’ensemble de l’anthologie, elle est peut-être la seule (disons avec celle de Laurent Poujois, plus loin) où l’angoisse, voire la peur, voire la terreur, ont quelque chose de palpable – un aspect qui, quoi qu’on en dise, n’est pas absent des récits de Lovecraft consacrés aux « Contrées du Rêve ». Mieux encore si ça se trouve, la brève nouvelle de Morgane Caussarieu parvient à véhiculer quelque chose de presque… dépressif ? qui, là encore, contrairement aux idées reçues, peut faire partie intégrante de l’onirisme chatoyant de Lovecraft – car, dans ses textes dits dunsaniens, sous les tours d’ivoire et les minarets scintillants peut se dissimuler l’échec, le navrant, le pathétique ; peut-être surtout dans un second temps de sa production « fantaisiste », certes, mais c’en est une dimension importante.







Mais, en combinant tous ces aspects, Morgane Caussarieu livre donc un texte plus qu’honorable, à propos dans ce contexte, mais qui se tient aussi en lui-même. Une réussite, à son échelle, donc – et peut-être bien la réussite de cette anthologie. Oui : un texte qui existe, voyez-vous ça !







LE BAISER DU CHAOS RAMPANT





Encore un jeune auteur, avec Vincent Tassy – qui, dans « Le Baiser du Chaos Rampant », use d’une esthétique gogoth qu’on aurait pu être tenté d’associer à Morgane Caussarieu, sauf que non, en définitive.







Malgré sa lourdeur démonstrative et son emploi pas toujours très assuré d’un lexique rare et se voulant riche, la nouvelle parvient (presque) à faire illusion un certain temps. Il s’y passe des choses, et si la focalisation morbide et goulesque ne suscite pas les mêmes connotations que les tours et minarets des cités merveilleuses de Céléphaïs et compagnie, au moins l’auteur parvient à peu près à en tirer un semblant d’ambiance. Ce qui aurait donc pu donner quelque chose de correct, j’imagine – en étant bon prince, oui, mais…







Mais en fait non, en raison d’une conclusion parfaitement ridicule. Je ne suis pas certain d’avoir lu une lovecrafterie qui m’ait autant donné envie de bazarder violemment le bouquin contre un mur depuis la « Maudite Providence » de Li-Cam – enfin, une lovecrafterie francophone, j’ai (re !) lu du Brian Lumley entre temps…







Non, vraiment, fallait pas.



LE TABULARIUM







Laurent Poujois remonte le niveau avec « Le Tabularium » ; après avoir, il y a longtemps de cela, fourni des choses intéressantes pour le Kadath du même éditeur – mais, à la différence de son collègue Raphaël Granier de Cassagnac, il a choisi de livrer une nouvelle se tenant avant tout en elle-même : le bon choix, m’est avis.







Entendons-nous bien : « Le Tabularium » n’a absolument rien d’un chef-d’œuvre. Mais c’est un texte divertissant, et qui fonctionne. Oui, c’est aussi assez convenu, voire éculé, mais ça fonctionne. Et au regard de la concurrence dans cette anthologie, ben, du coup…







En fait, si je confierais donc la première place du podium à la nouvelle de Morgane Caussarieu évoquée plus haut, la deuxième me paraîtrait pouvoir être attribuée à ce récit faisant la bascule entre Monde de l’Éveil et Contrées du Rêve avec… professionnalisme, disons. Terme assez peu généreusement connoté le plus souvent il est vrai, mais pour le coup Laurent Poujois ne nous fait pas du Fabien Clavel. Son texte est bien construit, l’ambiance est là, qui oscille entre fascination et angoisse avec la nécessaire touche de démence qui va bien. Autrement dit, ça marche – et comme il ne faut pas espérer beaucoup plus dans ce recueil…







LE CORPS DU RÊVE







« Le Corps du Rêve », de Neil Jomunsi, ne s’en sort pas si mal, cela dit. Formellement, cette nouvelle me laisse assez sceptique, mais je lui reconnais néanmoins d’avoir un thème assez intéressant, relativement original, et plutôt bien développé.







En fait, c’est là l’atout de cette nouvelle, qui la classe effectivement au-dessus de la médiocrité globale de cette Clé d’argent des Contrées du Rêve fort peu goûtue dans l’ensemble : lesdites Contrées y sont questionnées, dans leurs implications, et donc dans le rapport ambigu que les Rêveurs peuvent entretenir avec elles. Il n’est certes pas dit que la réponse apportée à cette problématique par Neil Jomunsi aurait parlé à Tonton HPL, mais, au fond, ça n’est d’aucune importance.







La nouvelle est critiquable, bancale parfois, mais donc assez futée, au fond, et parvient à mettre en place une ambiance des plus correcte ; allez, troisième place sur le podium.







YLIA DE HLANITH







… Quand soudain déboule le… le texte qui invalide l’idée même d’un podium pour les siècles des siècles.







« Ylia de Hlanith » est un… poème… de 480 vers, des alexandrins à vue de nez, commis par Timothée Rey. Et je ne suis pas bien certain de ce que j’en pense.







Booooooooooooooooon, côté « virtuosité poétique » et « joliesse des images et émotions », disons-le, ça n’est paaaaaaaaaaaaaaaaaas tout à fait ça ; mais probablement de manière délibérée, en partie du moins – semble en témoigner le goût de l’auteur pour les rimes improbables, en -ec, en -oth, que sais-je ; avec de la musique derrière et beaucoup de clopes ou d’alcool, ça aurait pu être du Gainsbourg, si ça se trouve – du Gainsbourg pété comme un coing et qui rigole tout seul dans son coin (donc) de la mauvais blague à laquelle il se livre.







Disons-le : c’est moche comme tout et ça croule sous
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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La guerre civile mondiale

C'est une suite de brèves de vraie-fausse actualité ; on s'y croit. L'ambiance oppressante monte doucement. En parallèle le vécu d'un prisonnier "économique". Les dessins, les personnages et les lieux qui raisonnent avec notre réels rendent le tout réaliste ; notre monde est aussi fou que çà ! C'est étrange comme l'horreur sous la plume de l'auteur devient poétique... L'atmosphère m'a portée jusqu'à la fin. Terrible, si proche du réel ; un monde parallèle dans la tradition uchronique.
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La nuit des labyrinthes

Plus sombre que le premier tome sans doute moins que le dernier -, pas encore écrit,- mais toujours absurde -dans le bon sens du terme-. On suit les héros dans leurs tribulations échevelées dans Marseille ; on se laisse envahir par leur monde étrange. On est surpris à toutes les pages. La série la plus fantastique jamais écrite !

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La nuit des labyrinthes

Après avoir enchantée de sa plume volubile la rentrée de la fantasy française en 2019 avec Délius, une chanson d'été, Sabrina Calvo est de nouveau à l'honneur chez Mnémos.



En effet, avec La Nuit des Labyrinthes, l'autrice signe une nouvelle enquête menée par son improbable duo d'apprentis détectives. Huit ans après leur dernière investigation menée à Londres et même outre-Manche pour mettre la main sur un poète-tueur, Bertrand Lacejambe et son secrétaire Fenby reprennent donc du service. Dans ce nouvel opus, on les rencontre à Marseille où ils sont conviés à une soirée mondaine pour le réveillon de Noël. Peu amateur de ces réjouissances, le botaniste s'y rend de mauvaise grâce mais retrouve tout son intérêt quand on le charge d'élucider l'étrange disparition de la plus commune des fleurs. Voilà de quoi pimenter sa soirée qui s'annonçait de prime abord si assommante...



Dans ce roman, on retrouve les personnages de Sabrina Calvo quelque peu changés. En effet, Bertrand Lacejambe est ressorti meurtri de sa dernière enquête. Il est, de fait, beaucoup moins fantasque et nettement plus sombre. La perte tragique de cet innocent l'a profondément transformé. Sa dépression et sa tristesse colorent donc ce nouveau récit d'une certaine morosité. Néanmoins, ce nouveau mystère lui donne le coup de fouet dont il avait tant besoin pour sortir de cette spirale infernale. Fenby est lui aussi bien différent. Il n'est plus vraiment humain depuis la dernière fois mais se rapproche davantage des êtres féeriques qu'il a rencontré lors de leur dernière aventure. Mais rassurez-vous, ils forment toujours une paire insolite de héros qui nous entraîne dans une succession d'événements aussi ahurissants que renversants.



En effet, l'autrice utilise les mêmes éléments qui font le charme de ses récits. Ainsi l'absurde côtoie toujours la beauté, notamment celle de la nature et des fleurs car le merveilleux est floral chez Sabrina Calvo. Ce maelstrom de fleurs enivre et enchante autant ses personnages que ses lecteurs.



Avec La Nuit des Labyrinthes, l'autrice mêle à sa fantasy de l'uchronie. Originaire de Marseille, elle a souhaité mettre la cité phocéenne au cœur de son intrigue. Elle multiplie donc les clins d’œil à des épisodes marquants de son Histoire comme la peste de 1720 qui a décimé la moitié de sa population ou encore la Commune de Marseille qui a été réprimée dans le sang dans la nuit du 4 au 5 avril 1871 par le général versaillais Henri Espivent de la Villesboisnet. Ainsi, au fil de ses recherches, le botaniste est lui-même hanté par son passé car de douloureux souvenirs remontent à la surface, notamment l'assassinat de ses parents lors de cette fameuse nuit sanglante d'avril et l'incarcération plus tard de son meilleur ami. Or, aussi insensé que cela puisse lui paraître, tout semble le ramener à son passé mais pourra-t-il vraiment en accepter toutes les conséquences ?



La Nuit des Labyrinthes est un roman qui part finalement dans tous les sens. Tantôt on remonte le fil des souvenirs d'un homme marqué par le regret, tantôt on flirte avec les sociétés théosophique et franc-maçonnique qui œuvrent dans l'ombre des rues de Marseille ou dans l'intimité des salons mondains pour étendre leur joug sur toute la communauté.



Sabrina Calvo a épicé son texte d'un soupçon de diablerie, d'occulte et de secrets pour nous dépeindre un merveilleux surprenant, mais non moins poétique... suite sur Fantasy à la Carte.
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La nuit des labyrinthes

Second volet de la trilogie de Sabrina Calvo, La nuit des labyrinthes est… un labyrinthe géant.



On retrouve les personnages Lacejambe et Fenby de Delius… 8 ans après les événements qui s'y sont déroulés. Nous sommes à Marseille, en 1905. Lors d'une grande soirée donnée à l'occasion de l'inauguration du pont Transbordeur, Lacejambe doit enquêter sur la disparition d'une petite fleur, pourtant commune. Mais cette disparition cache une conspiration plus vaste, plus profonde, qui va remuer les entrailles de la ville…



Très difficile de noter cette œuvre, car je l'ai trouvée époustouflante sur certains plans, carrément géniale même. Elle recèle évidemment quelques défauts, qui découlent paradoxalement des qualités qui la constituent (je l'ai dit, c'est labyrinthique). Et puis cette œuvre m'a beaucoup atteinte, par sa noirceur. j'ai trouvé cette œuvre géniale, mais je n'aurais pas dû la lire maintenant.



Œuvre à mon sens géniale, donc, par ce labyrinthe (j'aime les labyrinthes). Le récit est labyrinthique, les personnages le sont tout autant, l'intrigue aussi. C'est un dédale, majestueusement rendu. Mais… mais peut-être un peu trop. Tellement sinueux, tellement de chemins, tellement de sens… que je me suis perdue. Je ne suis pas certaine d'avoir tout saisi. C'est peut-être le risque, d'aller trop loin, atteindre un point de non-retour, là où un certain nombre de lecteurs peuvent se perdre définitivement. Le risque est de lâcher cette œuvre qui peut paraître absconse. Pour ma part, j'ai continué, car j'ai vraiment trouvé ça époustouflant, même si je suis passée à côté de certaines choses.



Par ailleurs, le récit est imprégné d'absurde. Mélancolie, incompréhension, résignation, abattement… autant de postures et d'états par lesquels passent les personnages devant ce monde qui change, et qu'ils ne comprennent pas. Les événements sont un non sens complet.

Alors parfois, on en rit : images, situations, personnages, dialogues… sont teintés d'un humour les rendant cocasses. Mais ce volet est beaucoup plus sombre que le premier, et la noirceur qui s'en dégage est étouffante. Le roman est sombre, violent même, avec des scènes d'horreur que j'ai trouvées difficiles. Ca m'a pesé de lire un tel sentiment d'impuissance, de solitude et de chagrin enfoui. Lire ça maintenant était difficile pour moi.



Alors, j'aimerais le relire, car je pense que c'est un roman qui se découvre en plusieurs fois, et qui à chaque lecture se révèle un peu plus. Mais là, je ne pourrai pas. Il faut de la force pour lire une telle noirceur, et la tête bien accrochée pour s'extirper de ce labyrinthe crasseux et collant que Sabrina Calvo a créé.






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La nuit des labyrinthes

Étrange roman que celui-ci, qui commence comme une banale enquête un soir de réveillon et se termine en fantasmagorie échevelée où se mêlent folie et ésotérisme.

Nous retrouvons Lacejambe et Fenby, huit ans après les événements de Délius, une chanson d’été. Profondément traumatisés par leur rencontre avec le fleuriste et tout ce qui en a découlé, ils vivent en reclus mais se sont pour un soir décidés à répondre à une invitation. Au chevet d’une vieille connaissance, Lacejambe se voit investi d’une mission qui pourrait soit lui rappeler l’homme qu’il était autrefois, soit le perdre définitivement. À la poursuite d’une fleur, nos compères nous entraînent dans un nouvel imbroglio hallucinatoire dans les rues de Marseille.

On rencontre entre ces pages des personnages historiques, des francs-maçons, des anarchistes et des fleurs, bien sûr. Mais qui est qui ? Vous retrouverez dans ce roman la même ambiance onirique que dans Délius, peut-être bien un peu plus dense encore.



La suite sur mon blog...
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La nuit des labyrinthes

Dans Délius, une chanson d’été, j’avais déjà soulevé le fait que Sabrina Calvo versait dans l’absurde et le surréalisme. Là, je dirais que ce second volume a dépassé un stade. Le stade du pensable. Et l’impression bizarre, soudaine, étrangère, de devoir penser autrement, réfléchir inconsciemment, un peu à l’instar de ce que Vita Nostra des Diatchenko chez l’Atalante avait pu me procurer comme sensation. Cette impression de perdre tous ses repères, de devoir laisser derrière moi tout ce que je tenais pour acquis, l’immobilisme des objets, le mutisme des lampadaires et des soupes. Parce que dans ce volume, la soupe peut parler. Pour de vrai. Et les hommes peuvent devenir des boules étranges et rebondissantes, et les lampions attaquer, et la mer se teindre de sang.



Tout ça pour une fleur. Parce que bien sûr les qualités et compétences de notre cher botaniste ne sont pas en reste et il lui faut dénouer un nouveau mystère. L’envie, pourtant, semble l’avoir déserté, le plaisir aussi, et petit à petit notre illuminé aux cheveux changeants se met à déprimer, lentement, mais inexorablement. Il y a une certaine noirceur dans ce second tome qu’il n’y avait pas avant, une noirceur qui emprisonne tout, la conscience, la vérité, la poésie. Tout semble dégouliner d’horreur et de panique alors que le passé et le présent se mêle, alors que le sang versé pendant la Commune, semble également se déverser aujourd’hui. Mais cela reste pour une fleur ridicule, misérable, puisant dans la misère et la crasse de cette ville pour pousser, la Massalia. Celle qu’on lui demande de chercher et qui semble avoir disparu. Un lien ténu avec son passé. Qu’est ce qu’il poursuit finalement ? Le mystère de cette fleur disparue ? L’aventure qui le sort enfin de sa dépression ? L’aube qui chassera les ténèbres ? Les lueurs de son passé ? On ne sait pas, et à notre joyeux duo d’enquêteurs qui semble pourtant bien mal portant, tous les deux souffrant en silence de leur éloignement suite aux événements du premier volume (et au fait que Fenby se soit changé pour partie en plante, ça n’aide pas), s’ajoutent différents personnages.



Je dois dire que je n’ai pas trouvé ces personnages très intéressants, arrivant un peu tardivement dans l’histoire et puis surtout comme sortis de nulle part. Je n’ai pas réussi à m’attacher à eux, trouvant le personnage que l’on voit le plus souvent, Noriko, une jeune chanteuse japonaise, particulièrement irritante et les autres pas assez marquants.



Celui-ci m’a semblé davantage fouilli que le premier avec quelques rares moments de réalisme souvent liés d’ailleurs aux émotions des personnages qui semblaient presque plus tangibles que le monde qui les entourait. Je dois avouer aussi avoir souri, voire ri à plusieurs reprises devant l’improbabilité de certaines situations et les réactions de nos personnages entre stupéfaction et fatalisme : un homme qui roule en boule ? ok. Une soupe qui parle ? Bon c’est quand même bizarre. Des gens qui demandent partout où est Lou quelque soit l’endroit où on les croise ? Faut avouer que c’est chelou mais bon ce Lou doit bien exister quelque part…



En résumé



La Nuit des Labyrinthes de Sabrina Calvo est aussi déroutant et hypnotisant que l’était Délius, une chanson d’été. On retrouve avec plaisir notre duo d’enquêteurs, changés et en même temps inchangés, dans une enquête complètement absurde : retrouver une fleur disparue. Au service d’une intrigue loufoque et surréaliste, la plume de l’autrice vient surprendre, caresser l’imaginaire, et nous offrir une infinité de possibilités loin de nos idées préconçues. Alors si une soupe vous parle les ami.e.s, ne soyez pas surpris.e 😉
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La nuit des labyrinthes

J’avais lu et adoré Délius, une chanson d’été l’an passé et il me tardait de découvrir ce que l’avenir réservait à notre duo de choc. C’est Cindy Canévet qui est une nouvelle fois aux commandes pour l’illustration de couverture, et elle a réalisé travail sublime, élégant et délicat, aux tons chauds automnaux et aux notes florales. On retrouve nos protagonistes atypiques 8 ans après la fin de l’enquête qui bouleversa leurs existences.



Que s’est-il passé pendant ces 8 années ? Et bien, pas grand chose : la dépression a gagné notre botaniste qui a décidé de se terrer chez lui, et Fenby, son fidèle assistant, affirme être une fleur. Le soir de Noël, poussé par Fenby qui veut voir du monde, Lacejambe se laisse entrainer contre son gré dans une soirée mondaine. L’hôtesse Engandine est ravie de le revoir, mais c’est son mari Ours-Antoine qui va raviver la curiosité du botaniste en lui confiant une étrange mission : trouver la meilleure Marina de la ville afin qu’il puisse gouter un souvenir de son enfance avant de mourir. Un problème se pose cependant : la fleur qui pousse habituellement partout semble avoir disparu… Voilà un mystère à résoudre pour notre botaniste et son assistant fleur/elficologue !



On part ensuite aux côtés de Lacejambe et Fenby pour une aventure des plus improbables et des plus folles. J’ai adoré les escorter dans les rues de Marseille, suivant des pistes douteuses, qui les menaient toujours plus proches de la folie, entre souvenirs du passé et présent insensé. On a l’impression de suivre Alice Liddel dans une de ces fantasques épopées au pays des merveilles, allant de non-sens en non-sens sans s’en étonner le moins du monde, sauf que notre duo plonge dans les profondeurs d’une Marseille à un doigt de l’implosion.



Alors que le premier tome était plutôt léger et féérique, celui-ci est bien plus sombre ; tout comme les cheveux du botaniste qui ont arrêtés de changer de couleur pour se maintenir d’une teinte noire. On y retrouve cette beauté, cette poésie, cet onirisme, cette charmante magie enfantine, mais elle finit toujours par se teindre de noirceur, d’occulte et de sang. Encore une fois, on se demande si on est bien dans la réalité ou dans un monde fantasmé, reflet de la psyché personnelle en détresse du botaniste.



Bien que la nuit soit à la fête, les catastrophes s’enchainent, Lacejambe assiste à chaque fois aux désastres, spectateur impuissant (voire insensible) qui tente de coller les pièces de puzzle ensemble alors que le monde et son monde s’écroulent autour de lui. En quête d’une simple fleur, c’est finalement un complot impliquant toute la ville qu’il va tenter de débusquer. Au cœur de ce labyrinthe, une voix le guide. En tant que lecteur, nous l’entendons nous parler, elle semble habiter les éléments du décor, les animer. Qui est au final ce mystérieux Vivaux que Lacejambe semble bien connaître ?



Ce roman, d’une richesse incroyable, porte aussi un message écologique : il a été prédit que la disparition de la Marina serait le signe de la fin. Les hommes ont usé les ressources de la ville jusqu’à la lie, l’encombrant de déchets, d’immondices jusqu’au débordement, et finalement elle se venge. Le diadème est discret dans ce tome, bien qu’il fasse encore son apparition. Sa présence n’a pas fini de nous hanter. On en saura peut-être plus dans le prochain tome : « Laocoon, hymne d’hiver ».



Un second tome plus sombre que le précédent : l’autrice reprend son duo de protagonistes atypiques et nous propose, au départ d’une simple mission, de partir dans les directions les plus improbables, et de finalement enquêter sur un mystère bien plus grand. Un roman d’une richesse incroyable, passant de l’absurde à la folie, de la magie au cauchemar, du funeste passé au présent insensé. Une lecture irrationnelle, débridée et empreinte de mélancolie, de poésie et de folie comme je les adore !
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La nuit des labyrinthes

La suite d'une aventure policière à Marseille au début d'un 20eme siècle et dans laquelle la ville devient presque un personnage. Un excellent roman à l'ambiance particulière propre aux livres de Calvo avec ce basculement de la réalité à... autre chose entre l'onirique, féerique et toujours empreint de poésie.
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Les AK, tome 1 : Misère

De drôles de petites créatures sans bras et sans cervelle nous parlent du pouvoir dans notre société.

On est dans un univers régressif avec des peluches, pas trop mignonnes mais un peu quand même, elles vivent dans leur cabane en carton et récup'. Il leur arrive des événements aussi tragiques qu'absurdes. C'est parodique, c'est drôle et totalement inhabituel dans le paysage BD actuel.
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Maraude

Sous le signe du combat toujours recommencé, du bonheur de vivre différemment et de l’utopie radicale, une vigilante et joyeuse dérive à deux par les rues et les places de la Commune imaginaire de Belleville.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/05/note-de-lecture-maraudes-dilem-bri/



Retour à la Commune de Belleville, que l’on avait connu pleine de bruit et de fureur, au milieu des combats de rue, des menées souterraines, des vengeances et de la vindicte ordo-capitaliste, dans « Melmoth furieux » (2021). Avec ce « Maraude(s) », publié à La Volte en octobre 2022, concocté à deux voix par Sabrina Calvo (Bri) avec le poète urbain Dilem, nous voici conviés sur le même terrain à un périple en apparence plus apaisé, quasiment bucolique, par places et ruelles connaissant une forme de répit armé et toujours vigilant face à la domination qui rôde aux alentours. Parcours allègre d’un périmètre de défense (on verra à la lecture que Elsa Dorlin et son « Se défendre » ne sont pas être si loin), occasions de convivialité authentique glanées au fil du fortuit (mais qui sont d’autant plus significatives qu’elles émanent volontiers d’une lutte aux objectifs majoritairement partagés – malgré les ou grâce aux différences d’appréciation de la situation par toutes les composantes de la Commune), dérive placée d’emblée ou presque sous le signe debordien de la psychogéographie appliquée (les cercles concentriques et les pénétrantes tracées par le Iain Sinclair de « London Orbital », « London Overground » et « Quitter Londres » proposent bien ici leurs échos) : « Maraude(s) » – dont le titre renvoie aussi, naturellement, à cet élément permanent du paysage contemporain affligé que sont désormais les rondes conduites par les associations pour offrir leurs services de première nécessité aux sans domicile fixe, aux migrants, aux travailleuses et travailleurs du sexe, et à tout que la Cité capitaliste rejette et déclasse si volontiers à ses marges – nous offre tout cela. Mais cette novella le fait à sa manière bien personnelle, inscrivant dans la marche même parmi les paysages urbains des XIXème et XXème arrondissements parisiens ses traits d’humour noir, ses formules-chocs, ses pas de côté inattendus et ses slogans joyeusement multivoques.



Dans une échappée d’écriture devenue relativement rare dans la fiction contemporaine (on retiendra parmi les heureuses exceptions des textes d’Alain Damasio ou de Kim Stanley Robinson, d’Ursula K. Le Guin ou de Doris Lessing), « Maraude(s) » accepte, voire recherche le triple choc de la théorie, de la discussion et de la praxis, se refusant ainsi à céder sans résistance à la doxa du show don’t tell, mécanique littéraire si souvent dominatrice même lorsque la « règle » gagnerait à être mise de côté.



Dans cette collection Eutopia de La Volte qui s’efforce depuis maintenant quelques années de nous proposer des textes à la fois courts et roboratifs, contribuant à redonner du souffle utopique à nos principes espérance en jachère, à l’image du « Résolution » de Li-Cam, du « Collisions par temps calme » de Stéphane Beauverger ou même du « Un souvenir de Loti » de Philippe Curval (d’une tout autre manière), « Maraude(s) » se signale aussi par plusieurs phrases révélatrices (citons par exemple « Nous avons besoin d’un but, pas simplement de résister : l’imaginaire des cabanes ne suffit plus » ou « Comment inventer l’avenir si le passé nous échappe ? ») qui la placent résolument, davantage encore sans doute que « Toxoplasma » et « Melmoth furieux », du côté de cette utopie radicale qu’appelle de ses vœux Alice Carabédian dans son récent essai tonique, du même nom. Et cette convergence combative des imaginations littéraires et politiques à bien de quoi nous réjouir.


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Maraude

Maraude(s) est la quatrième parution dans la collection dite Eutopia des éditions La Volte, néologisme voulant dire « bon lieu » ou « lieu du bon/du bien ». Dans ce court texte, ce bon lieu se situe à Belleville, soit à Paris, dans le XX° arrondissement, et précisément, dans la Commune de Belleville, avec un grand C, puisqu’on est bel et bien dans les pas historiques, dans un hommage, dans une inspiration, de la Commune de Paris, soit, un projet politique où l’organisation – prise au sens large - ne se fait pas par la représentation, mais par la démocratie directe.



Maraude(s) est une promenade, une dérive urbaine où découvrir comment résister à ce monde infernal, étatisé, administré.



Courir les rues, les arpenter, pour retrouver des ami-es, visiter des lieux, échapper aux flics ou aux adversaires de la Commune, tromper la surveillance généralisée (« peste de l’image » p.15), voire la supprimer, prendre la mesure des alternatives qui se créent, ou dénoncer la Mesure, une autre mesure, celle de l’obsession chiffrée, une « horreur » (p. 9).

Nous avançons, on glisse, on se faufile, nous marchons, nous prenons, nous passons, nous remontons, on redescend, on trace, on passe, on traverse, nous débouchons… les verbes utilisés dans le texte disent la quête, le mouvement, car au-delà des menaces et de la peur (« Nous avons toujours peur que quelque part l’Empire se reforme, qu’un état survive finalement, qu’une multinationale s’invente une dystopie efficace, qu’une révolution trahie tourne en dictature, que la mer finisse par nous engloutir, que le soleil ne se lève pas… » p.43), les auteurs - « on fait partie de la Team Foi » (p. 9) – croient à ce changement  : « de cette cité nouvelle, régénérée, recomposée. Nous avons vu l’intime de son fonctionnement, de la possibilité de son existence – au coeur du péril. Nous y croyons » (p. 55).



Et cette foi, elle fait plaisir : vous lisez un petit passage et vous croisez, Jusepe, Tessa, Zoé, Pierre, Laura. Vous les croisez, qui sur une barricade, qui dans un parc, qui dans un atelier située dans la rue Piat, ou sur la place des fêtes, vers la rue des Pyrénées, et vous êtes en route vers ce « bon lieu ».



Maraude(s) n’est pas tout à fait une fiction. Mais, quelques personnages sont plus marquants, comme la voyante, ou Heli, une vieille camarade, porteuse d’une mémoire révolutionnaire, référente et inspiratrice.

Sur un mode documentaire, qui n’exclut pas les envolées stylistiques et poétiques, on part pour un parcours urbain au fil des rues de Belleville dans une Commune Imaginaire.

On y voit la cohabitation de différentes communautés qui chacune « crée un monde, une langue, des traditions, des habitudes, des styles, sa forme de vie » (p. 37), communautés qui s’aident, commercent etc.

D’où l’importance des lieux qui incarnent ce nouveau monde : « ...nous voilà devant le Sans-Emploi, cantine et jardin solidaires aménagés dans l’ancienne antenne du Pôle » (p. 15) ; « on redescend par la rue du docteur Potain, on passe devant le DOC – espace squatté pour cleaner les fringues, lire des livres qui sentent l’assouplissant, faire de la boxe thaï ou s’organiser pour une grève » (p. 21) ; le gymnase des Pyrénées où « les camarades viennent pour pour le sauna, les AG, jouer aux échecs ou s’engueuler » (p.30) ; des ateliers d’éducation populaire, le port des marchandises (p. 34) qui permet les échanges, des fermes tenues par des Antifa etc. Soit des lieux de convivialité, de rencontres, de cultures et simplement de production : « si on veut pouvoir tenir un territoire autonome assiégé, en pleine ville, alors on doit rester aussi indépendant que possible. Ici, c’est une usine où l’on produit tout » (p. 39).



Mais les auteurs ne cachent pas les doutes et les périls qui menacent : pas d’idéalisme, ni de béatitude, les querelles internes, la violence (on s’entraîne au combat dans les parcs), la fragilité car les moyens sont limités, sont abordées : « nous avons besoin d’un but, pas simplement de résister… Nous devons améliorer la logistique. Le marché noir ne nous permet pas tout » (p.41).

Car comme ils le disent avec humour, il ne suffit pas de se promener ! Comment articuler toutes ces inventions sociales ? Comment déjà trouver un moyen « de se parler, sans dire (p. 56) »  ?

On le sent, si le texte est court, au détour de nombreuses phrases, avec une langue inventive, les auteurs disent l’écho des interrogations, des doutes, des espoirs, qui agitent aujourd’hui toute personne ayant l’amour de la liberté.



L’essentiel n’est-il pas de les rendre jaloux, ces ennemis de la Commune ? Leur démontrer que d’autres modes de vie existent. Cette Commune n’est pas un lieu d’idéologie, chacun-e y invente selon ses envies, et c’est bien pour cela qu’elle n’est pas un modèle à copier : chaque alternative est et sera différente, adaptée à son territoire. La multiplicité face à l’uniformité.

Heli, libérée, enlevée de son hôpital mortifère, c’est déjà une fête. Et puis, il y a la fête qui s’improvise dans le chapitre final du livre, où tout s’arrête, parce que la vie déborde !



ps : terminons en soulignant, la présence récurrente des arbres dans le récit, phares bienveillants, végétaux réconfortants, au milieu des machines de surveillance de la smart city !
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Maraude

Extrait de ma chronique :



"Evidemment, toutes ces ambiguïtés ne constituent pas le coeur de Maraude(s), mais elles sont, sans doute, ce qui lui permet de battre haut et fort (au moins tout autant, sinon plus, que Les Furtifs de Damasio, un livre tout aussi "VNR / DTR" (page 39) que Maraude(s), mais sans doute (paradoxalement ?) plus utopique.





Comme son titre l'indique, Maraude(s) se structure avant tout autour de 8 tournées d'"inspection militaire" (page 11), servant à vérifier le bon fonctionnement des barricades protégeant la Commune de Belleville, mais aussi, par la bande, à circonscrire, un peu à la manière de la ritournelle de Deleuze & Guattari, un espace partagé, opposable à celui occupé par les nostalgiques de "l'Empire" (pages 27, 36, 43), aka "les fascistes" (page 11)."
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Maraude

Les utopies réalistes, c’est un peu ma came. On les couple avec un peu de science-fiction (mais pas trop, parce que les utopies réalistes peuvent débarquées demain) et c’est bon, le moi-lecteur est content ! MARAUDE(S), y’a de tout ça et c’est vraiment chouette.



Sabrina Calvo, elle traine dans ma pile à lire depuis un petit moment avec Melmoth Furieux – lui aussi une utopie réaliste. Lire MARAUDE(S) est pour moi une entrée douce jusqu’au roman car tous les deux se passent dans le quartier de Belleville, commune où on vit en liberté, loin des forces facho du reste du monde.

Et vous savez quoi ? Ça fait un bien fou de lire une petite nouvelle pareille ! Le monde de Dilem et Bri n’est pas idyllique, ce serait pas réaliste sinon. Les forces armées se pressent contre les barricades, il y a toujours la maladie qui rode, le vieillissement des icônes ou tout simplement les affres de la vie en société. Les deux narrateurs nous emmènent en maraude dans les quartiers de cette Commune, iels nous présentent ses piliers, son fonctionnement, ses défauts aussi.



C’est une nouvelle pleine d’espoir, rafraichissante même si elle nous décrit qu’un éclairci au milieu de la tempête de changement. Je craignais ne pas tout comprendre, n’ayant pas (encore) lu Melmoth Furieux, mais c’est bien tout le contraire ! Je veux en lire plus, je veux lire l’histoire de la Commune de Belleville, je veux en rêver, m’en inspirer.



Sabrina Calvo a réussi ce tour de main de nous faire rêver d’une cité eutopiste avec ces soixante pages de pérégrinations, sans perdre celles et ceux qui n’ont pas lu l’ouvrage premier. C’est une nouvelle que je vais conseiller à tous mes ami-es rêveureuses !
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Maraude

Merci à Babelio et sa formidable opération "Mass Critique" pour m'avoir permis de découvrir ce livre.



Maraude, ce n'est pas le style de livre que je lis habituellement. Pourtant, bien que sorti de ma zone de confort, je suis convaincu et presque conquis.



Même si je n'ai pas lu Melmoth furieux (j'ai cru comprendre que le livre étant en lien avec Maraude, qui pose les bases de Belleville, cette commune imaginaire), je n'ai pas été largué outre mesure. Sans doute n'ai-je pas compris les références qui s'y trouvaient.



Maraude, c'est l'histoire de (8) courtes balades dans la commune imaginaire de Belleville. Chaque promenade part de la place Henri Krasucki (Paris). N'habitant pas dans la capitale, j'avoue être allé plusieurs fois sur Google Maps. Et je ne peux que vous conseiller de faire pareil : cela donne encore plus de relief et de réalité aux promenades dans lesquelles Sabrina Calvo nous emmène.



Le livre est très court (peut être trop court ?). Je n'aurai pas été contre 1 ou 2 chapitres de plus, faire encore 1 ou 2 balades...



Quoi qu'il en soit, il en ressort une jolie impression de lecture / promenade. Le pari est réussi puisque j'ai envie de livre Melmoth Furieux !



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Maraude

Dans Melmoth furieux, Sabrina Calvo dessinait les contours de la Commune de Belleville : ses habitants, son architecture, ses (non)-règles de vie. Une utopie faite de bric et de broc, portée par des désirs de liberté et de respect de l’autre. Mais toujours sur le fil du rasoir car entourée, cernée par des forces armées hostiles à ce mode de vie, à ce non-respect de la norme établie. Dans Maraude(s), Dilem & Bri nous font faire le tour de cette enclave fragile mais précieuse.



Place Krasucki (que de souvenirs à l’évocation de ce nom !), point de départ des maraudes de ce petit opuscule. Je suis navré d’utiliser Google Maps tant cela va à l’encontre de tout ce que véhicule l’ouvrage, mais n’habitant pas Paris ni sa proche banlieue, et désirant tout de même mettre des images sur ces lieux, je saute le pas. Le petit bonhomme jaune me transporte sur une place construite autour d’un arbre au feuillage accueillant : « le Micocoulier – increvable et déjà centenaire ». Ça met tout de suite dans l’ambiance. Et nous partons pour une promenade. Je laisse de côté la carte électronique pour me plonger dans les mots. Maintenant que j’ai une image de départ, je reviendrai aux pixels après ma lecture complète de Maraude(s).



Huit courtes balades à travers cette commune, morceau de Paris sorti de son carcan rigide et mortifère, empli d’yeux espions et de groupes armés. Point de départ, à chaque fois (ou presque), la place Krazu. Et les auteurs nous convient à un parcours au fil des rues, des cours, des immeubles. Entre ceux qui sont libérés, ouverts à l’échange, à la réflexion, à l’expérimentation. Et ceux qui se cloîtrent, fermés sur eux, avec des murailles faites de grilles et de codes, enclaves dans l’enclave. Promenade parmi des gens différents, parfois en désaccord, mais toujours prêts à discuter, à échanger, pour améliorer le quotidien dans le respect de l’autre.



Face à eux, le reste du monde. Et les relations ne sont pas au beau fixe. « Car c’est une guerre. » Guerre interne et externe. Comme je le disais plus haut, certains « riches » n’ont pas quitté Belleville et se recroquevillent dans leur propriété, enfermés, protégés par des barrières. Ils militent pour tenter de bloquer les changements impulsés par la Commune en proposant leur propre vision du monde, à base de « bouts de métal anti-clodo sur les bancs publics. » (Brassens doit se retourner dans sa tombe). Les contrôleurs de la CAF se sont regroupés et effectuent des contrôles sans raison. Traces anciennes de la vie d’avant qui n’ont pas réussi à passer à autre chose. Et les joggers continuent à courir, en régiments, en « véritables cyborgs mercenaires ». Heureusement, certains ont mis leur besoin au service de la Commune, produisant de l’électricité.



Mais le danger rôde, car la guerre externe avec la « cité connectée » n’est pas terminée. Loin de là. Toujours plane « la menace policière ». Les barricades sont dressées et tiennent. Enfin, pour la plupart. Et les militants affûtent leurs armes. Certains vont jusqu’à fabriquer des explosifs. Une guerre, je vous dis. D’autant que des espions tentent sans cesse de pénétrer la Commune et d’y disposer ses « yeux » : les « bubons-caméras ». Observer pour mieux détruire. Mais ils auront du travail, à vouloir cartographier et organiser ce labyrinthe tortueux et varié.



Cette Commune est foutraque (plus encore que le monde des Flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert), pleine de différences et d’oppositions. Mais elle est vivante. On y retrouve des gens passionnés par ce qu’ils réalisent. Et c’est merveilleux. Par exemple, comme dans Melmoth furieux, le tissu est encore et toujours là : les copines couturières tissent et cousent des « manteaux impossibles ». Et quand l’une d’entre elles est embarqué hors de cette zone de liberté, on organise un commando pour la récupérer. Au nez et à la barbe des « normies », des forces de l’ordre, de ces représentants d’un Empire guerrier et violent.



J’ai fini de lire Maraude(s) et, la tête pleine d’images, je vais les confronter à celles, pixellisées, de Google. Prolongement finalement bienvenu, qui me permet d’ancrer ce monde dans le monde réel. De comprendre que cette lutte décrite n’est pas que de papier et d’encre mais également de béton et de sang, de chair et de bitume. De donner encore davantage de vie à une Commune dont on ne peut qu’espérer qu’elle va continuer à résister.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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