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Critiques de Savinien de Cyrano de Bergerac (39)
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Du fabuleux voyage sur la lune que fit Cyra..

Par delà de personnage de Rostand, Cyrano de Bergerac était un auteur bien réel qui publiait de la science-fiction... au 17e siècle.



Bon, je vous entends : "ce n'est pas VRAIMENT de la science-fiction parce que c'est plutôt des contes philosophiques".



Alors, oui et non. Il tente bien d'utiliser la rencontre avec les habitants de la lune et du soleil (aouch) pour promouvoir une pensée plutôt libertaire/libertine. Mais il tente aussi de donner de la crédibilité à son texte en utilisant réellement certaines connaissances scientifiques de son époque.



Et puis, parenthèse chauvine : Le protagoniste réussit son décollage vers la lune après avoir fêté la St-Jean-Baptiste au Québec! (C'est notre fête nationale.)
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Voyage dans la lune

Bigre, j’ai eu du mal avec ce livre. La faute, peut-être, à un mauvais timing.

Je m’attendais en effet à lire un récit comique du genre Le voyage extraordinaire du Baron de Munchhausen, mais ce n’est pas ce que j’ai trouvé. C’est loin d’être aussi léger qu’attendu. Une « bonne » lecture aurait nécessité de la réflexion, or j’étais en vacances et je n’avais pas envie de me prendre la tête.



Le récit est pourtant d’apparence comique, où Cyrano de Bergerac déploie un imaginaire fécond. Après un essai infructueux de propulsion par des fioles emplies de rosée qui l’emporte jusqu’au Canada – je suppose que le narrateur est l’auteur lui-même –, il s’envole sur la Lune qui s’avère être effectivement un Autre Monde. Il y trouve le Paradis Terrestre, le prophète Élie, puis les étonnants habitants qui marchent à quatre pattes, paient en sonnets et débattent à coup de musique.

Objectivement, les débats évoqués sont intéressants. Il y a ceux auxquels je suis plus sensible, qui justifient le système héliocentrique et moquent Ptolémée. Et il y a des choses plus hors sol qui contredisent les fondamentaux des comportements et lois en vigueur en Europe au XVIIe siècle. Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas considérer qu’il est plus sensé de se faire gouverner, jusqu’en sa maison, par le jeune en pleine possession de ses sens plutôt que par le vieillard décrépi ? Pourquoi ne pas admettre que, si on éprouve de l’empathie pour le cochon que l’on va abattre pour le manger, on puisse extrapoler et avoir de l’empathie pour le chou que le cochon s’apprête à manger ? Pourquoi ne pas faire la guerre en définissant des règles d’égalité parfaite, nombre et capacités, entre combattants au lieu d’employer tous les moyens, même les plus retors, pour vaincre ? (ce thème m’a un peu surpris de la part du « soldat » Cyrano, mais je suis sûrement trop sous l’influence du personnage d’Edmond Rostand).



Mais ces envolées explicatives ont été beaucoup trop longues à mon goût. Il suffisait au narrateur de lancer une phrase pour que le Lunaire (Lunatique ?) soit lancé dans une explication de plusieurs pages, anticipant les objections du narrateur pour y répondre aussitôt. Ces déclamations s’enchainaient sans cesse ad nauseam. J’en suis venu à sauter des paragraphes entiers.



Je mets trois étoiles parce que je crois être quand même passé à côté d’un texte qui vaut le détour. Je suis gentil hein ?

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Voyage dans la lune

Bien loin du récit scientifique, le Voyage dans la Lune n'est qu'un prétexte pour exposer des philosophies subversives, critiquer des idées jugées paradoxales, ou bien de montrer certains travers du monde, dans des grands débats classiques où les idées s'opposent. La langue employée est parfois complexe, mais une drôlerie générale point entre les lignes, par exemple, le peuple de la Lune ne marche qu'à quatre pattes, et prend le narrateur, qui marche debout pour un oiseau, qu'il tente de capturer et de faire se reproduire avec un autre Terrien afin "d'avoir de la race de ces petits animaux".
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

Parfois la fiction nous fait prendre des vessies pour des lanternes. Parfois, c’est le contraire. Ainsi, je m’étais toujours imaginé que le Cyrano de Rostand n’était sorti que de l’imagination du romancier, à l’image de Jean Valjean, David Copperfield ou Julien Sorel.

Pourtant Savinien de Cyrano de Bergerac a réellement existé, mort en 1655 à l’âge de 36 ans.

Ecrivain, poète mais aussi féru de sciences dans un siècle où l’on cherchait à découvrir le sens des choses, d’y voir plus clair dans l’ombre de la matière ou encore comment tout cela était organisé. A une époque où la science balbutiante était encore impuissante à expliquer, à démontrer par l’expérience, il ne fallait compter que sur la seule raison pour expliquer quelques phénomènes majeurs. L’ombre de Descartes plane sur le roman.

Les empires du soleil et de la lune, c’est Jules Verne trois siècles plus tôt, mais c’est surtout le prétexte d’une critique sans concession de la société d’alors, encore engluée dans les superstitions religieuses ou païennes.

Visionnaire à plus d’un titre, ce voyage interstellaire s’appuie sur de vraies constantes physiques, à partir desquelles la poésie et l’imagination peut alors prendre le relais. On découvre un monde où l’on parle en musique en ce qui concerne la haute société ou, plus simplement, par gestes et mimiques. Un monde où on se contente de se nourrir de fumets et vapeurs en guise d’aliments : c’est plus sain et aussi nourrissant. On flirte avec le burlesque lorsque, à la chasse aux pigeons, ceux-ci tombent à la fois rôtis et assaisonnés grâce à l’emploi de fusils révolutionnaires.

Cyrano, par le biais de ses personnages lunaires ou solaires, permet le changement de point de vue qui met en perspective nos us et coutumes, jusqu’à parler de végétarisme et remettre en question la déférence que l’on doit aux ainés lors d’une thèse bien sentie sur ce que l’on doit plutôt à nos enfants.

Récréatif et jubilatoire lorsqu’il décrit ces empires où la seule monnaie se réduit à payer en vers (Rostand s’en serait-il inspiré pour son personnage de Ragueneau?).

Cyrano serait-il le tout premier écologiste?

En revanche, on rencontre quelques lourdeurs quand les théories s’embourbent dans de trop longues explications.



Enfin, bien que la langue du XVIIème ait été modernisée pour faciliter la compréhension (ce n’est pas le cas de l’appendice sur les lois de la physique et quiconque y jettera un œil comprendra de quoi je parle), les mots ont été conservés et c’est un bonheur et un ravissement pour tous les amateurs d’étymologie et amoureux des mots.

On se rend alors compte qu’ils évoluent au fil des siècles comme un visage change en prenant de l’âge. Ainsi les émotions étaient plus géographiques à l’époque et indiquaient un déplacement bien réel… on peut faire le rapprochement avec le mot Transport qui désigne sensiblement la même chose actuellement mais qui, à l’époque et jusqu’au XIXème, indiquait des changements d’humeur (l’émotion). Joli exemple de chassé croisé.

Juste retour des choses et prix à payer : le texte est ainsi truffé de notes, ralentissant d’autant la lecture.

Bien entendu le roman est inachevé : on ne croisera donc pas Descartes, une rencontre ratée qui laissait pourtant présager de grands moments philosophiques.

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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

j'ai lu ce roman dans le cadre de mon cours de littérature en philosophie. même ressenti qu'après avoir lu du Diderot ou du Voltaire, je me sens tout simplement "remplie" d'une vision nouvelle. de fait, ce roman est absolument passionnant. mes moments préférés sont ceux où le protagoniste converse avec les habitants des différentes planètes qu'il visite. comme le résumé l'indique, le fonctionnement de ces sociétés fictives permet de questionner la notre et de la mettre en perspective. j'en suis sortie avec des étoiles dans les yeux.



"L'Autre Monde" est divisé en deux : d'un côté "Les États et Empires de la Lune" et de l'autre "Les États et Empires du Soleil". j'ai particulièrement aimé le premier.



j'ai aussi relevé de nombreuses métaphores très percutantes : le style de l'auteur m'a bien plu. d'ailleurs, écrit au XVIIème siècle, je me demande si Voltaire ne s'en serait pas inspiré pour ses propres oeuvres. j'avais appris en étudiant Cyrano de Bergerac (je parle bien de l'auteur et non pas du personnage de Rostand !) que son oeuvre est oubliée du plus grand nombre. alors, si vous vous intéressez aux oeuvres des Lumières, n'hésitez pas à découvrir ce roman qui annonce déjà les interrogations du XVIIIème siècle !



(issu de mon compte Instagram @l.iris.me)
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

C'est en digne philosophe du mouvement des libertins érudits que Cyrano de Bergerac nous offre cette œuvre majeure, autrement appelée l'Autre Monde (L’Autre monde ou Les États et Empires de la lune et du soleil ou encore Histoire comique des États et Empires de la Lune et du Soleil), œuvre que les philosophes renvoient volontiers à la littérature, d'où l'habitude prise d'y déceler un soi-disant proto-roman d'anticipation. Alors que dire de Tchouang Tseu ne sachant plus s'il rêvait qu'il était un papillon ou un papillon rêvant qu'il était lui-même, y verrait-on de la science fiction ? Il n'y a pas plus d'anticipation ici que dans les utopies de Thomas More et de Campanella.



Foisonnant panthéisme enchanté et singulier, à la fois roman d'aventure et conte philosophique, métamorphose permanente nous semant pantelants dans les marges, Cyrano de Bergerac dans ce livre nous mène par le bout de notre petit nez en nous dépouillant de nos habitudes chrétiennes et nous offre tout l'éventail de sa philosophie de libertin : monde immanent que dieu contient et qui contient Dieu, âme matérielle et mortelle, statut de l'homme soudain descendu de son piédestal chrétien pour apprendre l'enseignement de la Nature (le Deus seu Natura de Spinoza s'annonce à grands pas), altérité prise dans la diversité, questionnement du réel et de la vérité hors du religieux…



La course folle de son style, de ses inversions de valeurs et de ses prises de distance (planétaires donc intellectuelles) sont à l'image de son personnage et de sa vie : clair obscur, bouillonnant soleil et face cachée.

Jouant des distorsions, souvent initiatique, Cyrano de Bergerac se pose en observateur de son temps, de ses moeurs et de sa morale en travestissant le vrai dans la fiction et l'irréel dans la vérité, obsession que l'on retrouve chez tous les penseurs libertins érudits. Avec mille personnages, mille situations, mille métamorphoses, révisant la mythologie grecque et judéo chrétienne, le tout sur un ton poétique malicieux et renversant, ce cabinet de curiosités joue avec notre optique et nos points de vue pour penser autrement et proposer une alternative aux perspectives chrétiennes, ses illusions, ses vérités fictives, sa morale et ses artifices.



Présenter, à la suite de cette œuvre philosophique, une étude ardue de physique pure littéraire (inachevée) de Cyrano est plus que pertinent pour dire combien ce penseur est un enfant de son siècle, siècle pétri d'une passion pour penser le monde d'une façon matérielle et raisonnée, à cent lieues de l'étouffante scolastique des intellectuels religieux et des commentateurs platoniciens et aristotéliciens chrétiens. Il s'y interroge d'ailleurs sur les conditions de la connaissance et montre qu'il est un grand connaisseur des sciences de son époque. Cyrano de Bergerac annonce avec ses collègues libertins érudits tous déistes, ou fidéistes voire panthéistes comme lui, tous autant philosophes que scientifiques, l'avènement du grandiose péril spinoziste puis celui des Lumières.
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L'autre monde

Non, ce livre n'est pas accessible. Le Français est une langue vivante et a beaucoup évolué depuis les années 1600. Soit, que ce soit en terme de vocabulaire ou de formulations, de nombreuses divergences existent avec le Français que l'on pratique aujourd'hui. Certains mots présents dans le roman sont maintenant oubliés, d'autres orthographiés différemment. Quant aux phrases, elles sont souvent longues alors que l'on privilégierait actuellement les tournures courtes et directes. Un temps d'adaptation et une concentration maximales sont par conséquent nécessaires pour appréhender le bouquin.



Une fois l'obstacle de langue franchi, on découvre un univers fascinant. D'autant plus fascinant que cette œuvre est considérée comme l'un des tout premiers romans de science-fiction publiés. A travers ces deux voyages, Cyrano de Bergerac décrit deux mondes avec leurs propres modes de vie et de pensée (parfois différents du nôtre, parfois identiques). Avec humour, il interroge ainsi sur sa propre époque, tout en posant les bases d'un genre littéraire dont le succès ne cesse de se démontrer. En cela, je recommande cette lecture, à minima en tant que pièce historique.
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Voyage dans la lune

En avançant dans ma lecture, j'ai cru lire « Candide a marché sur la lune », dans la mesure où j'ai lu cette œuvre comme un conte philosophique de science-fiction.

Pour développer un peu, de la science-fiction oui – même si le terme est complétement anachronique, puisque le Narrateur invente un procédé pour se rendre sur la Lune, il fabrique même une fusée. Le mot n'apparaît pas néanmoins, le Narrateur parle de « machine » qui lui permet de décoller. Il est d'ailleurs amusant et révélateur de constater que sa première tentative le fait atterrir en Nouvelle-France, dans le Canada. C'est un territoire qui apparaît comme aussi lointain et différent de Paris que la lune pour un parisien du XVII ème...

Ensuite, l’œuvre est un conte philosophique qui m'a beaucoup fait penser à ceux du XVIIIème siècle, notamment ceux de Voltaire, Diderot ou Montesquieu, dans la mesure où l'auteur décrit une civilisation étrangère où les coutumes, les mœurs, la politique, les relations amoureuses, les guerres... sont différentes pour parler de la société qu'il connaît, la société parisienne d'Ancien Régime. En faisant rire, en choquant, en interpellant, il fait réfléchir sur son propre monde en diffusant certaines de ses idées. Ainsi, les vieux doivent respecter les jeunes, les femmes peuvent affirmer leurs désirs, l'homosexualité procure du plaisir...

C'est aussi une œuvre érudite, de la part de quelqu'un qui connaît les débats scientifiques, philosophiques et métaphysiques de son temps, et je reconnais que j'ai été un peu perdue dans les longues dissertations sur les théories de Descartes, l'héliocentrisme... En revanche, d'un point de vue historique, j'ai bien aimé le débat à la cour pour savoir si le Narrateur est un homme ou un animal : marchant sur deux pattes au lieu de quatre, peut-il être considéré comme une créature intelligente digne de raison ? J'y ai retrouvé – sans savoir si c'est une bonne interprétation – un écho à la Controverse de Valladolid un siècle auparavant, lorsque les religieux espagnols débattaient, au sens scolastique du terme, pour savoir si les Indiens d'Amérique étaient ou non dotés d'une âme, et devaient être considérés comme des êtres humains – et donc respectés en tant que tels.

Une œuvre étonnante, baroque à plus d'un titre, où il est amusant de trouver des traces du personnage Cyrano repris par Rostand. Dans la pièce, Cyrano parle lui aussi du voyage sur la lune, mais, peut-être surtout, dans cette oeuvre, Cyrano l'auteur parle des nez, des gros nez, pour en faire - toujours de façon inversée - un signe de respectabilité et d'honneur chez les habitants de la lune.
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

Considérées parfois comme relevant du genre de la science-fiction, ces "Histoires comiques" s'inscrivent plutôt dans la lignée du roman parodique baroque, initiée par Don Quichotte en 1605 et continuée en France par Sorel (Le Berger extravagant) ou Scarron (Le Roman comique). Quant au contenu, Cyrano reprend directement l'idée de L'Homme dans la Lune de Francis Godwin publié en 1638. Comme lui, ce voyage fantaisiste est l'occasion d'un décalage dans la fiction permettant de débattre librement des questions de physique et de philosophie qui pourraient être condamnées par l’Église (Galilée est condamné en 1633). Outre l’explication et la légitimation par la logique des thèses scientifiques de ses contemporains concernant l’astrologie (les mouvements des planètes, l’infini de l’espace, le vide…), la biologie et la physique (la nature des corps, les particules, les cinq éléments…), l’œuvre de Cyrano est avant tout de nature satirique et non réaliste, avec pour commencer cette parodie du Jardin d’Éden. En cela, Cyrano est clairement l'héritier des Histoires Vraies de Lucien de Samosate (IIe siècle) dont les voyages dans l'estomac d'une baleine, sur des îles merveilleuses ou dans l'espace, influencèrent Rabelais, Swift, Voltaire, Collodi (Pinocchio) ou encore Eiichiro Oda (One Piece). La rencontre avec des Séléniens civilisés habitant la Lune, vivant à quatre pattes et ayant des mœurs totalement contraires à celles des hommes, propose au lecteur un miroir inversé, changement de point de vue sur la civilisation, décentrement, relativisation des normes et des valeurs morales considérées alors comme universelles : l'autorité du père, la virginité et l'abstinence, la supériorité de l’homme sur l’animal, l’immortalité de l’âme… En luttant contre le dogmatisme de l'Église qui empêche les avancées de la connaissance et la recherche du bonheur, Cyrano se place dans la perspective épicurienne ou libertine de son maître Pierre Gassendi, et fait circuler des idées qui pouvaient paraître tout à fait extravagantes ou choquantes à ses contemporains alors qu'elles sont devenues l'objet de luttes sociales et idéologiques : les libertins du XVIIIe comme Sade ont milité pour la liberté sexuelle, les anarchistes remettent en question la domination masculine et paternelle, les anthropologues la domination d'une culture sur une autre, les décroissants de l'homme sur la nature...



L'authenticité du voyage dans le Soleil a parfois été contestée. C'est pourtant la suite logique. Après avoir mis à mal les repères de la raison dans Les États et Empires de la Lune, Cyrano développe en tout sens l'horizon de la connaissance humaine dont on pourrait disposer en osant libérer la parole scientifique et philosophique, et donc le potentiel de penser. La persécution dont son personnage Dyrcona est victime et qui l'oblige à fuir jusque dans le Soleil, rappelle les parcours de Giordano Bruno (brûlé par l'Église en 1600) et de Campanella (qui passe vingt-sept ans en prison et y écrit son utopie La Cité du Soleil). Le royaume des oiseaux où se déroule un nouveau procès s'inspire-t-il en quelque chose de La Conférence des Oiseaux du poète soufi Farid al-Din Attar ? Ces oiseaux qui jugent et condamnent le voyageur au nom de la civilisation à laquelle il appartient parce que celle-ci les persécute, et aussi en raison de son mode de vie, représenteraient aisément une culture voisine comme celle du monde musulman. Son sauvetage par un oiseau qu'il a aidé un jour fait penser à l'univers des contes mais montre aussi comme l'amitié et la tolérance devraient surpasser la communauté de croyance. En même temps, ces oiseaux revanchards symbolisent et dénoncent de manière totalement avant-gardiste le mauvais traitement que les hommes font subir aux animaux (Bruno s'était fait végétarien après Pythagore et Plutarque...) et cette nature qui pourrait bien être tentée de se venger... Le Soleil, élément divin représentant l'absolu, l'ultime élévation, le lieu d'un idéal comme chez Campanella, pourrait bien être interdit d'accès à des humains intolérants, fermés d'esprit, guerriers, avides...
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La mort d'Agrippine

Pour découvrir Cyrano de Bergerac l'auteur, j'ai suivi les conseils de 5Arabella qui me recommandait la Mort d'Agripinne. J'ai y trouvé une tragédie pleine de bruits et de fureur, de mensonges, de trahisons, de haines et de vengeance. Quasiment tous les personnages conspirent contre l'Empereur Tibère et veulent le tuer pour se venger et s'emparer eux-mêmes du pouvoir, et, pour cela, sont prêts à se servir les uns des autres par la dissimulation et la manipulation. Les personnages principaux feintent, s'échangent des vœux d'amour et des promesses de mariage, se complimentent en face à face, et, dans leurs monologues ou dans leurs échanges avec leurs proches, ils avouent avoir menti et se servir de l'autre. J'ai ainsi douté : Agripinne aime-t'elle Séjanus ? Elle le lui dit, mais affirme ensuite à son amie ne vouloir que se servir de lui pour assassiner Tibère, responsable selon elle de la mort de son mari, un des héros de Rome, Germanicus. Elle promet la fidélité à son époux mort, tout en désirant - avec la connotation physique du mot - semble-t-il accueillir Séjanus dans sa couche. Mais, surtout, elle veut qu'il l'aide à devenir impératrice. Elle souhaite le pouvoir pour elle-même, elle le revendique, en mettant en avant ses qualités : elle commande aux armées par le pouvoir du nom de son mari, elle a donné un héritier mâle à Germanicus - son fils, elle est d'aussi bonne lignée que Tibère puisqu'elle descend elle-aussi d'Auguste. C'est donc un personnage fascinant, prêt à tout. J'ai beaucoup aimé son dialogue central avec Tibère, d'un rythme très rapide grâce à la succession de répliques d'un seul vers qui montrent toute la tension et la violence des sentiments entre eux : ils se détestent, ils veulent la mort l'un de l'autre, mais en apparence ils se complimentent et se font des cadeaux.

La grandeur d'Agripinne vient aussi de ses faiblesses, de ses failles : ce n'est pas un personnage uniquement de monstre féminin comme Médée ou Rodogune par exemple chez Corneille. Ainsi, elle fait des cauchemars, rêvant du retour accusateur de Germanicus qui lui demande de hâter sa vengeance.

Tibère, lui, est moins marquant - moins présent, moins intelligent aussi semble-t-il puisqu'il ne déjoue pas seul les complots, il a besoin d'une dénonciation. Non, c'est Séjanus l'autre figure marquante de la pièce. D'abord, selon moi, parce qu'il représente une volonté d'ascension sociale : lui n'est pas fils, neveu, gendre, époux... d'Empereur, il ne descend pas d'Auguste. Mais il veut conquérir le pouvoir suprême ; après tout, il est homme lui aussi, Tibère n'a rien de plus que lui. Et c'est sa deuxième caractéristique : il ne croit pas au surnaturel et aux interventions divines. Il ne veut donc pas respecter l'Empereur parce qu'il serait le représentant des dieux. Il n'interprète pas les oracles et les présages - la scène est d'ailleurs presque drôle avec notre regard contemporain beaucoup moins religieux : pour Séjanus, ce n'est pas dans la météo ou dans les entrailles des animaux sacrifiés qu'on peut connaître ou non la réussite d'un projet... Séjanus rejette donc l'influence des dieux sur la vie des hommes, et par là-même, il rejette l'influence de l'Empereur sur ses sujets. Il rejette donc toute forme d'autorité supérieure, et meurt en homme libre, fidèle à ses convictions.
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Le Pédant Joué

Ou quand le personnage de fiction – le Cyrano de Rostand – est un plus grand poète que son modèle historique du XVII ème siècle, l'auteur de cette pièce... Cyrano est tellement une pièce que j'admire, qui me fait rire et pleurer à chaque fois, qu'il fallait que je découvre l'écrivain dans l'ombre du personange.

Et je suis plutôt déçue de cette pièce, que je n'ai pas trouvé facile à lire... Comme un mauvais croisement entre Molière, la commedia dell'arte et Corneille : un vieux père qui veut épouser la maîtresse de son fils, et donc deux couples de jeunes aux amours contrariées, du théâtre dans le théâtre, des bastonnades, un valet rusé, des paysans qui parlent le patois – je n'ai compris aucune tirade de ce personnage, des citations latines déformées pour faire rire, des Turcs, une galère, un personnage bouffon de Capitan, ce soldat vantard en paroles mais poltron et mauvais combattant ; on est loin une nouvelle fois de Cyrano et des cadets de Gascogne ! Oui, j'ai eu l'impression d'avoir déjà lu tout ça, mais en moins bien.

Et les personnages ne m'ont pas intéressée : les jeunes amantes sont quasiment inexistantes – je n'ai d'ailleurs pas compris l'intérêt d'une double intrigue avec un deuxième couple, je me suis perdue dans les personnages qui entourent le Pédant, valets, courtisans... Les longues tirades du paysan et du Capitan me semblaient peu accessibles, le Capitan ne parlant qu'en périphrases, qu'en références mythologiques. On est loin de la poésie de Cyrano. Quant au pédant, c'est, si j'ai bien compris, un professeur - il y a plusieurs mentions d'une université, en tout cas quelqu'un qui enseigne, dont le savoir est reconnu. Mais le sens évolue justement au XVII ème siècle pour renvoyer à quelqu'un qui étale ses connaissances, sans comprendre tout ce qu'il raconte. On peut penser au Maître de philosophie ou aux docteurs de Molière. Là, ce personnage ridicule ne m'a pas fait rire, parce que je ne comprenais pas du tout toutes les allusions dans ses phrases puisqu'il mélange références mythologiques, scientifiques, scolastiques, rhétoriques... Ce n'est pas clair, trop compliqué pour faire rire aujourd'hui.

Un auteur qui n'est pas ici à la hauteur du personnage de légende qu'il est devenu au XIX ème siècle.
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Voyage dans la lune

L’oeuvre la plus connue de l’auteur, elle n’est parue qu’en 1657 deux ans après la mort de Cyrano de Bergerac, et dans une versions modifiée par Lebret, pour éviter des ennuis avec la censure. Des manuscrits conservés ont toutefois permis une reconstruction de l’ouvrage original. L'auteur va écrire une suite, inachevée, L'Histoire comique des états et empires du Soleil.



Présenté comme une Histoire comique, genre littéraire peu codifié, c’est le récit d’un étrange voyage, dans lequel les aventures et péripéties comptent moins que les digressions, et développement philosophiques. Cyrano de Bergerac peut en effet être placé dans le courant de ce qu’on appelle le libertinage érudit, un mouvement de pensée qui se libère de dogmes, en particulier religieux. S’appuyant sur la culture antique, et tout spécialement sur la philosophie, atomiste et épicurienne, il privilégie le doute, met en avant la relativité des savoirs humains. L’esprit critique est mis à l’honneur.



Le narrateur de L’autre monde, dans lequel certains ont vu l’auteur lui-même, lors d’une promenade nocturne avec des amis émet l’idée que la Lune est un monde, tout comme la Terre. Devant les réactions peu convaincues de ses compagnons-, il décide de tenter l’aventure de s’y rendre , pour leur démontrer qu’il a raison. Il imagine de voyager grâce à des fioles remplies de rosée. Même si son procédé lui permet de « décoller » il n’arrivera finalement qu’au Canada, ce qui lui permettra déjà de démontrer que la Terre tourne bien, et de relativiser un certain nombre de certitudes. Mais c’est finalement grâce à un heureux hasard qu’il arrivera jusque dans la Lune, et pour commencer au Paradis. Il y est accueilli par le prophète Elie, qui lui explique l’histoire du lieu. Mais notre narrateur ne peut s’empêcher de faire du mauvais esprit, et il est chassé. Il est très vite capturé par les habitants de la Lune, qui le prennent pour un animal, car il marche sur deux pattes, au lieu de le faire sur quatre, comme ils le font eux-même. Il rencontre un personnage originaire du Soleil, mais qui a vécu sur Terre, où il a été le démon de Socrate, qui lui permet de rejoindre la cour où vit un Espagnol, considéré comme le petit animal de la reine. Notre astucieux narrateur se met à maîtriser le langage parlée sur la Lune, et un grand débat s’engage pour savoir s’il est un animal ou un être pensant. Les religieux s’opposent férocement à cette idée, et notre homme se voit refuser la qualité d’être humain, à cause de certaines positions philosophique communément admises sur Terre, Aristote en particulier lui sera fatal. Il finira par revenir sur Terre, amené par le démon.



Comme le montre ce petit résumé, le texte peut paraître assez décousu, sans véritable structure narrative ni progression. La Lune est au final un monde à l’opposé du nôtre, qui est considéré comme une Lune et non pas un monde véritable par les Sélénites. Qui marchent sur quatre pattes, qui considère que les vieux doivent respect et obéissance aux jeunes etc. Cyrano met en doute tout ce qui est considéré comme allant de soi, comme évident. Les plus grandes autorités terrestres paraissent risibles aux habitants de la Lune. L’auteur instille le doute, tout en exposant un certain nombre de théories scientifiques, qui nous paraissent aller de soi maintenant (le mouvement de la Terre, l’héliocentrisme, etc) mais qui à l’époque, non seulement n’étaient pas forcément admises, mais pouvait valoir de sérieux ennuis aux personnes qui les professaient. Et avant tout, le texte est drôle, souvent férocement, mais incontestablement drôle.



A découvrir.
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

Bravo à Jacques Prévot. C'est très rare qu'un éditeur réussi aussi bien avec ses outils (introduction, dossier et notes) à éclaircir un ouvrage qui est très difficile pour le lecteur qui n'est pas un spécialiste dans l'époque. Je recommande fortement à les membres de GR le lire d'édition de Prévot plutôt qu'une autre. Dans mon cas, il a mis en lumière bien choses que je n'avais pas vues il y a quarante-cinq ans quand j'étais au premier cycle.



D'abord, Prévot situe "Les états et empires de la Lune" et "Les états e empires du Soleil" dans le mouvement libertin. Ensuite il annonce que sa thèse est que les deux volumes constituent un seul roman épistémologique; c'est-à-dire qu'ils présentent le récit d'une quête de savoir. Prévot nous montre comment Bergerac critique toute les grandes autorités de la connaissance de son époque. Il commence avec Aristote, les pré-Socrates et Socrate. Il attaque aussi l'Église Romaine Catholique. Finalement, il vise les grands penseurs de la première moitié du XVIIe siècle particulièrement Gassendi et Campanella. Les cibles changent rapidement. Heureusement, grâce au bon travail de Prévot, le lecteur n'est jamais perdu.



Je suis pourtant en désaccord avec Prévot quand il dit que les deux romans ne sont pas de la science-fiction. Il aurait dû dire que tout bon roman de science-fiction est forcément épistémologique
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Histoire comique des états et empires de la L..

Écrit vers 1650, ce livre est considéré comme le premier de science-fiction française, voire mondiale. De proto-science-fiction, devrais-je dire, puisque le genre science-fiction n’existait évidemment pas à l’époque.

J’ai trouvé le récit assez confus, et le vieux français n’aide pas vraiment à la fluidité de lecture.

L’auteur raconte un voyage extraordinaire qu’il a fait par la voie des airs jusqu’à la Lune, où il rencontre des habitants qui ont des coutumes assez proches de celle de la Terre, mais en plus « moderne ». Par l’entremise de son conte imaginaire, il en profite pour faire une satire de son époque, notamment avec des propos subversifs, contraires aux pensées établies et religieuses de son temps.

Ses moyens d’envol sont des plus farfelus : des fioles remplies de rosée, puisque la rosée est attirée par le soleil, ou encore une machine à fusées et de la moelle de bœuf…

En conclusion, la lecture est ardue, mais n’est pas dénuée d’intérêt par l’aperçu qu’elle donne sur les débats et les connaissances scientifiques, certes très approximatives, de l’époque.

À lire plutôt pour sa culture générale, comme le précurseur ultime, mais en ce qui concerne l’intérêt littéraire ou romanesque, bof, passer votre chemin.
Lien : https://www.pascific.fr/1657..
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

Un livre certes très novateur pour l'époque malheureusement, je me suis ennuyée dès les premières pages. Quelle déception !



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Voyage dans la lune

L'édition de 1970 de Garnier Flammarion de Voyage dans la Lune de Cyrano de Bergerac comprend le présent texte dont l'intitulé complet est L'Autre Monde ou Les États et Empires de la Lune couvrant quatre-vingt-cinq pages et est augmenté de lettres diverses d'une cinquantaine de pages.



Le Voyage dans la Lune est le théâtre de situations burlesques où toutes les échelles de valeurs sont renversées. Paru en 1657, le périple en lui-même n'est qu'anecdotique et les moyens entrepris pour l'accomplir farfelus. Il s'agit plutôt d'un prétexte à de longues controverses à prétention philosophique. Cyrano fait profession de matérialiste, adopte parfois un panthéisme iconoclaste et tend vers l'athéisme. Le style et la phraséologie sont agréablement archaïques mais les arguments qui soutiennent la philosophie de l'auteur sont abscons. On se doute qu'il se plaît à badiner, c'est lui faire insulte de prendre toutes ces fantaisies et billevesées trop au sérieux.



En revanche le présent volume tire tout son sel des lettres diverses qui complètent le Voyag. Savinien de Cyrano de Bergerac était un redoutable bretteur mais sa plume était plus à craindre encore, c'était un polémiste accompli. Dans ses libelles il pousse des pointes acérées contre ceux qui ont encouru son déplaisir, il les rudoie, les ridiculise et les marque au fer rouge de la honte.



Pris dans son ensemble ce livre est l'occasion idéale de découvrir l'oeuvre d'un auteur qui, bien qu'immortalisé par la pièce d'Edmond Rostand, avait déjà su construire sa légende de son vivant.
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Les États et Empires de la Lune et du Soleil

On découvre de multiples facettes de la Lune et du Soleil à travers les yeux de Dyrcona, tantôt guidé par le démon de Socrate, tantôt par Campanella jusqu'au Pays des Philosophes. Cyrano dresse la cartographie d'autres mondes, et l'espace sert l'allégorie comme dans le Songe de Poliphile. Certaines visions sont étonnantes, certaines moeurs étranges ; ici règne la Nature (les arbres ont le don de la parole comme les animaux et tout n'est qu'esprit subtil dans l'Autre Monde et tout semble ethéré) ; ici s'appliquent les lois de la Physique élémentaire, aussi retrouve-t-on dans le texte des principes de vie comme des processus alchimiques mais ce qui crée l'alchimie dans le texte, c'est surtout l'humour de Cyrano qui compose une Histoire comique qui singe les hommes d'église et les pédants qui tentèrent avant lui d'expliquer le monde et les grands principes de la Physique par des fables.

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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

En voilà un livre qui défie les catégories littéraires ! Les voyages intersidéraux de Cyrano de Bergerac sont parfois considérés comme précurseurs de la science-fiction. Mais s'il y a là effectivement de la fiction fondée sur la science, on trouve au moins autant de merveilleux, de vulgarisation scientifique, de parodie, de débats philosophiques, etc. Tout d'abord, c'est avec la plus grande rigueur démonstrative que le narrateur nous explique les moyens farfelus qu'il met en oeuvre pour tenter de marcher sur la Lune dès le XVIIème siècle (flacons de rosée censés l'entraîner dans leur évaporation, machine volante… Rostand s'en souviendra et en ajoutera d'autres dans la scène 13 de l'acte III de sa fameuse pièce inspirée de la vie de l’auteur). Et comme de bien entendu, ces techniques impossibles sont couronnées de succès … quoique pas toujours exactement comme prévu ! Ces envolées merveilleuses amènent le narrateur dans des univers bien loin des cratères blanchâtres et désolés de la Lune ou de la fournaise du Soleil tels que nous les connaissons. Il visite des mondes régis par l'imagination, théâtres de dialogues insolites et souvent iconoclastes avec des extraterrestres très divers, parfois directement issus de la planète bleue (donc pas si extraterrestres). Dans ces longues traversées théoriques globalement compréhensibles mais pas toujours très digestes (à ne pas lire en janvier en période de galette… oups, ce fut mon cas…), on passe en revue les connaissances scientifiques les plus avancées de 1650 (de Galilée à Descartes), mais on les mêle à des paradigmes dépassés de la Grèce antique. Un fourre-tout contradictoire qui rend le narrateur d'abord confus et passif (sur la Lune), puis sceptique et soupçonneux (sur le Soleil), si bien que le lecteur est naturellement invité à prendre du recul vis à vis des dogmes.



L'une des principales idéologies victime de cette distance ironique s'avère être l'anthropocentrisme. Cyrano intente littéralement un procès à cette vision du monde, puisque chez certains habitants de l'Autre monde, le simple fait d'être un homme constitue un crime capital. Pour l'utopie, on repassera ! Les préjugés et l'aversion pour la différence demeurent, même au-delà de la Terre. L'alter ego de Cyrano est indifféremment condamné d'un monde à l'autre, tant sa posture de libre-penseur dérange ici et là-haut.



La première rencontre avec l'un des habitants de la Lune est une déclaration d'intention éloquente, puisqu'il « a l'impudence de railler sur les choses saintes » en discutant avec le prophète biblique Hélie au sein d'un paradis terrestre reconstitué. Sans surprise, ce passage fut censuré dans la publication originelle. Ainsi la fiction reflète-t-elle la posture de Cyrano dans un monde où la monarchie (bientôt absolue) tolère mal des hurluberlus tels que lui. Étranger dans son pays comme dans les autres mondes, l'avatar littéraire de Cyrano est livré à l'entropie. Le savoir est incertain. Il suppose une adaptation permanente, une remise en cause des raisonnements faussés par l'étroitesse de l'entendement humain.



J'ai préféré dans l'ensemble le voyage vers le Soleil, qui délaisse quelque peu la vulgarisation scientifique pour renforcer les références aux mythes antiques et les images poétiques, composant une véritable géographie allégorique où le mouvement est primordial : mouvement des âmes attirées par le soleil, métamorphoses et envol de ses habitants, et épanchement des fleuves primordiaux de la Mémoire, de l'Imagination et du Jugement autour du lac du sommeil et des fontaines des cinq sens. On est loin de la construction un peu guindée de beaucoup d’utopies fondées sur la vertu, la régulation des passions, etc. Cyrano crée un monde bien à lui, où l'instabilité, la sérendipité restituent les aléas du réel et permettent de moquer les auteurs et les idéologies ayant prétendu tout expliquer et tout englober en leur pensée, tels Descartes, dont l'apparition attendue sera finalement snobée par l'auteur, qui achève donc son texte en queue de poisson. Cela mériterait-il un procès ?



PS : cette idée de lecture m'est venue d'une (L)utopie contemporaine, que je remercie)
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Les Etats et Empires de la Lune ; Les Etats..

J'espérais adorer ce livre et c'est une déception. C'est un roman qui mélange le burlesque, la science et la théologie. Seul point positif sa critique de l'église du 17e siècle et de l'Inquisition. En conclusion, je me suis ennuyée et je n'ai pas réellement compris où l'auteur voulait en venir.
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Voyage dans la lune

Il y a une erreur dans le résumé du livre, il s'agit de la société du XVIIe siècle et non pas du XVIIIe siècle.
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