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Critiques de Scholastique Mukasonga (323)
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Notre-Dame du Nil

Rwanda, isolé dans la montagne près des sources du Nil, un lycée pour jeunes filles accueille les filles de l’élite du pays, majoritairement d’origine Hutu, et quelques Tutsis tolérées ou méprisées, pour répondre aux quotas imposés.



Au fil de l’année scolaire, on assiste au gré des discussions entre lycéennes à une sorte de huis-clos où la haine s’insinue, reflet sans doute de la société rwandaise dont les fissures menacent d’exploser.



Avec beaucoup de délicatesse mais de vérité aussi, l’auteure fait ressortir tous les non-dit, les rancoeurs, les envies de vengeance, la sensation de pouvoir et d’impunité de certaines face aux sentiments d’acceptation ou de résignation des autres, mais également l’amitié, la vie.



La politique est aussi largement évoquée, qu’elle soit interne au pays ou en lien avec l’Europe, en un constat édifiant d’incapacité.



L’attente monte, l’épilogue malheureux que l’on sent venir, inéluctable, se produit bien, et on garde le goût amer et peu d’espoir en achevant la lecture, l’impression que la roue tourne parfois mais revient plus souvent au pire de l’être humain.



Evoquant les prémisses d’un génocide à travers un moment d’histoire, Scholastique Mukasonga écrit là un livre très actuel, sans fioriture, juste tout simplement, qui ne pourra que toucher.
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Ce que murmurent les collines : Nouvelles r..

6 nouvelles, partiellement autobiographique,Mukasonga nous enchante avec les contes de sa mère, l'histoire de Cyprien le Pygmee rejeté de presque tous, l'histoire d'Anonciata qui porte malheur....et tant d'autres belles histoires à découvrir ...
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La femme aux pieds nus

Superbe histoire. Scholastique Mukasonga nous raconte sa jeunesse au Rwanda, durant la période du génocide des Tutsi. Le livre nous place dans un monde que nous ne connaissons pas, la vie de tous les jours chez ses réfugiés, leurs usages, leurs traditions, leurs façons de vivre. C'est une partie de la vie de l'écrivain que nous découvrons.
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Notre-Dame du Nil

Au Rwanda, le lycée Notre-Dame du Nil forme l'élite féminine du pays. Une élite majoritairement Hutu, avec un petit quota pour les Tutsis. Deux pour vingt. Et l'année entière pour que grandisse la haine...



Le début du livre s'ouvre sur l'origine de ce lycée et sa fonction. Un lycée pour les filles uniquement "c'est pour les filles qu'on a construit le lycée bien haut, bien loin, pour les éloigner, les protéger du mal, des tentations de la grande ville", pendant que les garçons restent en bas, dans la capitale. Perché sur la montagne, à 2500 mètres près de la source du Nil, d'où son nom, il s'agit de faire en sorte que ces demoiselles acquièrent une bonne éducation et fasse un beau mariage. "Les pensionnaires du lycée sont filles de ministres, de militaires haut gradés, d'hommes d'affaires, de riches commerçants. Le mariage de leurs filles, c'est de la politique." Mais il y a aussi quelques jeunes filles -une minorité- qui ne doivent leur présence qu'à leurs bons résultats scolaires. Le lycée est l'occasion de leur inculquer à toutes les bonnes manières, mais aussi et surtout d'appréhender un mode de vie à l'occidentale, qui sera indispensable à leur vie future, quand elles seront mariées. La nourriture, si différente de celle de leurs mères, le fait de ne pouvoir dormir à plusieurs dans le même lit comme elles le feraient chez elles, tout est source de chamboulements des repères.



Quant aux adultes qui entourent les jeunes filles, ils ne sont pas toujours très respectables, malgré les apparences. Le père Herménégilde, par exemple. Dans son discours de bienvenue, à la rentrée, il se vante d'avoir inspiré les idées du Manifeste des Bahutu (rédigé en 1957 par neuf intellectuels hutus, fortement chrétiens). Il exprime des idées anti-tutsis, même si ce n'est pas toujours de façon très explicite. Mais aussi et surtout, son attitude envers les jeunes filles est loin d'être celui qui convient à un homme d'Eglise. L'auteur dénonce, par ce personnage, des pratiques inacceptables.



Mais c'est surtout autour des personnages de quelques lycéennes que se construit le récit de Notre-Dame du Nil. Godelive, Immaculée, Goretti, Frida, Modesta, partagée entre sa double identité à la fois hutue et tutsie ; Véronica, qui jouera Isis pour le vieux fou de Fontenaille et Virginia, dont le nom signifie "ne la faîtes pas pleurer". Mais aussi Gloriosa, l'impitoyable, "celle de la houe". Farouchement anti-tutsi, elle milite pour la cause du "Peuple Majoritaire" au sein du lycée, répandant auprès de ses camarades tout le fiel et la méchanceté dont elle est capable. Elle va jouer un rôle crucial dans le basculement des événements, quand va se profiler le drame.



Scholastique Mukasonga continue, à travers ce roman, d'explorer les entrailles du génocide. Ce sont ici les prémices auxquels nous assistons, à sa construction lente mais méthodique, à son caractère implacable. Ce qui s'est passé a pris sa source ici, dans les coeurs et les têtes quelques vingt ans plus tôt, comme un terreau longtemps entretenu. Comme dans La femme aux pieds nus, qu'elle avait écrit pour rendre hommage à sa mère tuée durant le génocide, l'auteur découpe son roman en chapitres consacrés à une certaine thématique, tout en continuant son cheminement narratif. Le rôle de la pluie dans la culture rwandaise ; les gorilles, qui divise rwandais et Blancs ; la place des femmes, la responsabilité des Belges dans la scission du pays sont des thèmes abordés en filigrane, avec une grande justesse. Nous y apprenons beaucoup de la culture, des croyances, du mode de vie des rwandais.



Quand j'ai rencontré l'auteure à Saint-Malo pour le festival Étonnants Voyageurs, je lui ai dit que je n'avais appris l'existence du génocide qu'au lycée, à dix-huit ans. C'était en 2004, dix ans après. Et que j'étais choquée de voir à quel point peu de jeunes savent encore aujourd'hui ce qu'il s'est passé. Elle m'a dit : "c'est très fort ce que vous venez de dire, ça me touche beaucoup ; ça prouve qu'on doit continuer d'en parler." Alors voilà, j'ai tenu ma promesse, Madame Mukasonga, j'en ai parlé, même si c'est bien peu de choses, voilà qui est fait.



De mon côté, j'espère que vous continuerez longtemps à éveiller les consciences et les cœurs de vos lecteurs avec des livres aussi nécessaires que celui-ci.



http://manouselivre.com/notre-dame-du-nil/
Lien : http://manouselivre.com
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Notre-Dame du Nil

Au Rwanda, non loin de la source du Nil, se situe l'internat Notre-Dame du Nil, établissement huppé réservé aux jeunes filles de l'élite d'un pays qui vient juste d'accéder à l'indépendance. D'une poigne de fer dans un gant de velours, les religieuses et l'aumônier, le père Herménégilde, veillent à ce que ces demoiselles poursuivent de bonnes études, arrivent vierges au mariage et représentent des modèles d'émancipation féminine. Mais les difficultés pour y parvenir ne manquent pas. L'une des élèves, séduite par un diplomate zaïrois, se retrouve enceinte de ses oeuvres. Une autre pose comme modèle pour un planteur blanc assez dérangé qui s'imagine que les Tutsis sont les descendants des pharaons et les restes d'une des tribus perdues d'Israël. Quand la visite de la reine Fabiola est annoncée, une véritable frénésie s'empare de l'établissement. Mais c'est encore bien pire quand Gloriosa, la fille d'un politicien extrémiste hutu, organise une sorte de pogrom avant l'heure de ses camarades tutsi. Un avant goût des horreurs à venir car cette histoire est datée de la fin des années soixante.

Le lecteur passe un agréable et instructif moment dans cette ambiance lycéenne un peu particulière très bien rendue par Scholastique Mukasonga. Il apprend énormément de choses sur la société rwandaise écartelée et empoisonnée par cette haine entre Hutus et Tutsis qui semble remonter à la nuit des temps. Bien que plus léger et plus social, « Notre-Dame du Nil » peut se lire en pendant avec le terrible « Une saison de machettes », les deux ouvrages s'éclairant l'un l'autre. Ces jeunes filles en fleurs sont attachantes, touchantes et émouvantes, même si certaines se laissent aller aux plus mauvais penchants de l'humanité, le racisme, l'exclusion, la discrimination, la négation de l'autre et au bout du compte la violence la plus sauvage. Déjà récompensé par un prix, ce livre mérite qu'on s'y intéresse pour la qualité du témoignage et la description d'une réalité locale qui sent le vécu même si son style reste un peu approximatif et ne peut en aucun cas passer pour un modèle d'élégance ou de virtuosité littéraire.

(Jury "Prix Océans")
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Notre-Dame du Nil

La littérature africaine francophone, riche en talents, a connu l'année dernière un coup de projecteur salutaire grâce l'écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, sacré du Prix Goncourt 2021 pour « La plus secrète mémoire des hommes ». Pour autant, il est important de rappeler que - déjà en 2012 - « Notre Dame du Nil », premier roman de l'auteure rwandaise Scholastique Mukasonga, avait été primé du prix Renaudot, avant d'être adapté au cinéma par Atiq Rahimi, lui-même lauréat du Goncourt en 2008.



Au début des années 1970, dans un prestigieux institut catholique pour jeunes filles de bonnes familles du Rwanda, perché sur une colline près des sources du Nil, les tensions entre Tutsis et Hutus sous-tendent la vie quotidienne et les soucis de ces adolescentes qui étudient pour devenir l'élite du pays. En passe d'obtenir leur diplôme, elles partagent le même dortoir, les mêmes rêves… mais pas les mêmes problématiques selon leurs origines.



On assiste à une montée en tension dans ce huis-clos qui anticipe le génocide de 1994. Les premières pages sont plutôt d'un ton léger, l'écrivaine s'attache à raconter le quotidien de cette institution « Notre-Dame du Nil » réservée à l'élite, tenue par des enseignants français et des religieuses belges. S'y pressent des filles de notables, de commerçants, de militaires et de politiques hutu. Ainsi que le « quota » de 10 % de Tutsi, dont Veronica et Virginia, contraintes d'être plus intelligentes que les autres pour obtenir un diplôme.



Au fil des jours, les adolescentes se confient, partagent les provisions préparées par leurs mères, rêvent d'une vie en Europe. Elles décorent leur coin de dortoir avec les photos de Nana Mouskouri, Brigitte Bardot ou de Johnny Hallyday, étudient les mérites comparés des crèmes blanchissantes, tirent la langue sur les cours d'anglais et de géographie. Puis, au fil des pages, l'ambiance se fait de plus en plus pensante, et les étudiantes se retrouvent à pleurer ensemble Frida, leur camarade morte d'une fausse couche. le lecteur prend conscience que la vie à Notre-Dame du Nil n'est pas un long fleuve tranquille…



Lentement Gloriosa, fille de ministre et commandante dans l'âme, distille sa haine des Tutsi. Jusqu'à ce que le sang coule sous le regard vaguement gêné des Blancs, en une sorte d'abominable prélude aux tueries de 1994.



Au-delà d'annoncer le génocide de 1994, ce roman s'intéresse surtout aux suites de la décolonisation du Rwanda. de ce point de vue, « Notre-Dame du Ni » revêt une importance particulière, pointant la responsabilité des colons belges, et de l'Église, par l'introduction de caractères raciaux dans une société qui n'en avait pas.



Reste à préciser que « Notre-Dame du Nil » n'est pas un roman avec une intrigue sous-tendant le livre du début à la fin. C'est plus une chronique de la vie quotidienne dans ce lycée, apparemment bien loin de tout et pourtant, contaminée par les germes qui incubent dans tout le pays et vont, un jour, le mettre à mal. Chaque chapitre est le récit d'une scène de vie, soit dans l'enceinte du lycée, soit aux alentours, et l'on sent, à chaque page, les tensions s'accroître en se demandant quand la violence va finir par se déchaîner...



En définitive, un livre faussement léger – construit sous forme d'anecdotes et scènes quotidiennes dans un internat - qui aborde avec grande justesse les fractures du Rwanda des années 70. Rarement menaçant ou insoutenable, malgré une tension croissante et palpable, ce roman parvient à restituer l'horreur qu'a eu à connaître ce pays et à pointer des responsabilités jusqu'alors ignorées. Dans la même veine que « Petit Pays » de Gaël Faye.
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Ce que murmurent les collines : Nouvelles r..



D'habitude, je n'aime pas trop le format nouvelles. Parce que je suis souvent frustrée par un goût de trop peu, le sentiment de ne pas avoir pris le temps d'aller au fond d'un sujet.

Ce ne fut pas le cas ici.



Entre souvenirs d'enfance et légendes rwandaises, chaque nouvelle est une histoire complète en soi. Il faut dire que l'autrice excelle dans le genre, ce qui lui a d'ailleurs valu un prix pour cet ouvrage. Le revers de la médaille étant que dans son roman Notre Dame du Nil, j'avais parfois l'impression que les chapitres étaient accolés les uns aux autres sans réel fil conducteur fort. Et ma lecture de ce recueil me donne un éclairage sur ce sentiment: Scholastique Mukasonga est vraiment forte pour conter avec densité, en peu de pages, toute une intrigue, y apportant couleurs et émotions.



La plupart des nouvelles murmurées par la colline se déroule dans l'enfance de l'autrice, une période durant laquelle les missionnaires blancs occupaient la place, où les Hutus et les Tutsis se haïssaient déjà (existe-t-il un temps où ce ne fut pas le cas?), où les congolais, bras armés des belges, semaient la crainte dans les collines. A travers ses récits, Scholastique Mukasonga fait revivre certaines croyances, leur redonnant parfois du sens, et teinte le tout d'une couche de nostalgie sans amertume.



J'ai particulièrement bien appréciée la nouvelle Malheur qui donne la voix à plusieurs femmes sur l'origine supposé de la malchance qui semble poursuivre l'une d'entre elle. Et à travers la dernière nouvelle, un pygmée à l'école, nous découvrons que le racisme a toujours été tapi au cœur de toute les civilisations et qu'il s'exprime toujours par les même voies.

Le personnage principal reste le Rwanda, cette terre maudite, aux portes d'un Burundi qui effraie, dans une Afrique qui manque de luxuriance.



Un recueil de nouvelles bien intéressant pour entrer dans la culture rwandaise, sans démagogie, juste par le bout des sentiments.
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Notre-Dame du Nil

Notre Dame du Nil reçoit la future élire féminine du Rwanda. Les rapports hiérarchiques y sont les mêmes que dans le pays : la fille d'un ministre sera plus écoutée qu'une fille d'ambassadeur. Mais au bas de l'échelle il y a les tutsies qui ne sont pas de la majorité et sont, à ce titre , à peine tolérées. Les échanges entre les jeunes filles préfigurent la tragédie à venir.

Un texte riche d'ambiances ou chaque protagoniste est intéressante pour sa particularité, se débat entre l'héritage colonial et la culture et les croyances qu'elle porte au sein d'un monde dans lequel elle compte bien prendre sa place.

Prix Renaunod 2012, l'auteure est rescapée du génocide.
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Inyenzi ou les Cafards

Inyenzi ou les cafards est un témoignage et une grande claque. Comment appeler autrement le récit de la lente descente aux enfers des Tusti, les déportations, les représailles successives, les meurtres, les viols, puis le génocide de 1994?

Ce qui frappe le plus, c'est la durée de l'horreur, et l'apathie totale du reste du monde. Ce livre couvre plus de trente ans, trente ans pendant lesquels les Tustis ont été des citoyens de seconde zone, en danger à chaque instant, avant le bain de sang final, et la communauté internationale n'a rien su empêcher.

Ce qui frappe aussi, c'est cette fin, le voyage que fait l'auteur sur les lieux détruits de son enfance, et la réaction de tout le monde face à ses questions. Personne n'était là, personne ne reconnaît rien, et les tueurs vivent en paix. Et pour elle et son frère, les seuls survivants de la fratrie, reste le lourd fardeau d'être ceux qui survivent.
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Notre-Dame du Nil

Pour ma part, j’ai aimé ce récit qui replace dans un contexte inspiré les prémices d’une actualité qui, allait alimenter les journaux télévisés plus que ma réflexion personnelle. Semblant lointaine et sans contact direct avec ma petite vie tranquille d’intellectuel (théoriquement) ouvert sur le Monde, cette info m’avait semblé bonne à capter … et à classer, au plus vite, pour mémoire dans les cartons d’une politique qui m’était étrangère… Jusqu’au jour où j’ai été brutalement confronté à cette réalité. Une élève, jeune rwandaise, expulsée du cours par un professeur ne supportant plus son manque d’investissement dans le travail, débarque dans mon bureau de direction et me dit qu’elle sait qu’elle est en tort. « Mais, je pense tout le temps à ça ! », me dit-elle… et elle me raconte son vécu, les viols de sa maman, de ses sœurs, et le sien… La fuite, la survie, l’arrivée en terre étrangère bien plus qu’en terre d’asile où, de surcroît, la guerre clanique perdure, la discrimination ethnique

Dans ce livre Notre-Dame du Nil de Scholastique MUKASONGA (Ed. : Folio, 2014 ; première édition chez Gallimard, en 2012 et Prix Renaudot), j’ai retrouvé cette envie, cette nécessité de faire mémoire. Faire revivre en nous, pour les interroger, ces mécanismes qui, s’appuyant sur des pseudos-valeurs d’une classe dominante, stigmatisent la différence, transforment l’altérité en objet de combat, valident la puissance de l’un, la négation et la mise à mort de l’autre. Ce livre, presque un huis clos, raconte la vie d’une école pour jeunes filles rwandaises, élites du peuple… Dans un microcosme, perdues en altitude et semblant complètement retirées du monde, ces filles vont vivre toutes les turpitudes qui fomentent le quotidien d’une société gangrènée par la soif de pouvoir, le déni de l’autre, les basses compromissions et les étouffements de la conscience. Tout y est dit, dans la simplicité presqu’anodine du seul récit, appris, formaté par l’opinion dominante, que peut faire une jeune fille marquée du sceau de la couleur de sa peau, de son ethnie non dominante et de son statut (qui n’en est même pas un) de femme.



Dans un tel Monde, bien loin d’être révolu, tout est permis à qui prend l’ascendant sur les autres puisque la femme n’est que femme, la noire n’est que noire et le blanc n’est que bon puisque blanc. Missionnaire ou religieuse, politique ou financier, tous drapés dans une dignité apparente qui ne permet aucune remise en cause du bien-fondé de leur agir. Ce que met en évidence MUKASONGA, c’est que cette affirmation d’une supériorité raciale, ethnique, nous l’avons entendue plus d’une fois. On a laissé dire. On a peu, trop peu, combattu. Et ces mêmes idées, on les retrouve encore un peu partout dans le monde, dans les sociétés où le moteur premier est la rivalité plutôt que la coexistence, à défaut de coopération.

Dans toute institutions regroupant des adolescents, il y a un côté « guerre des boutons », affirmation de la bande, recherche de pouvoir du chef, brimades, moqueries et jugements manquant d’empathie… Mais quand le fonds de commerce de ces « enfants pas encore adultes » est la force de l’exemple venu d’en haut et le silence de l’autorité qui couvre la barbarie, les dérapages et la perte de toute raison, on doit s’interroger. C’est ce que fait ce livre. Il nous invite à réviser nos regards faussés sur l’histoire. Allons-nous, cette fois encore, traiter l’actualité mondiale comme passagère ou allons-nous nous poser les vraies questions sur ces mécanismes de gauchissement de la vérité que nous mettons trop facilement en place pour ne pas être bousculés par ce Monde manquant d’humanité ? Notre-Dame du Nil, à lire et réfléchir !
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Cœur tambour

Une plongée dans l'Afrique et sa musique dans un roman très bien écrit. J'ai eu du mal à comprendre l'enchâssement des esprits qui habitent l'héroïne, mais j'ai trouvé très intéressantes les légendes et coutumes décrites avec beaucoup de finesse. Une auteure à découvrir. (Critique détaillée sur le blog)
Lien : http://bibliblog.net/coeur-t..
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Notre-Dame du Nil

Un roman sur le Rwanda écrit par un auteur rwandais, une survivante du génocide, sur ce Rwanda, pays où, depuis la fin des années 50, la mort a pris le pouvoir, quand les Hutus, régulièrement, massacrent des Tutsis... En faisant d'un lycée catholique un microsome à l'image du pays, une éprouvette où incubent les haines, Mukasonga signe un roman violent et puissant pour appréhender ce pays complexe.
Lien : http://appuyezsurlatouchelec..
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Notre-Dame du Nil

La quatrième de couverture mentionne que l'auteur est une rescapée des massacres des Tutsis et j'espérais trouver dans ce livre les accents de vérité que donne une expérience vécue. Je n'y ai trouvé qu'un sujet traité de façon un peu simpliste avec beaucoup de clichés caricaturaux et finalement peu d'émotions. L'histoire, aussi émouvante soit t'elle, ne suffit pas à faire un bon roman.
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Notre-Dame du Nil

Voici un roman fort, qui m'a captivé. L'écriture, originale, est simple. Ici, pas de vocabulaire dignes des cours de français sur Rabelais. L'auteure arrive, sans description, a nous transporter au Rwanda.

L'histoire évolue tout en finesse et finit en apothéose: le quotidien d'un lycée de jeunes filles est petit à petit de plus en plus perturbé par les événements qui empoisonnent le Rwanda, pour finir avec les prémisses du génocide. L'auteure reste objective mais ne cache pas la part de responsabilité des Rwandais, des Belges, de l'église catholique mais aussi des Français. Ce livre m'a appris notamment que la décolonisation belge avait été aussi catastrophique que la décolonisation française, mettant un place des conflits qui ont couvé jusqu'à leur explosion qui a abouti au génocide rwandais. On apprend aussi que ce qui s'est passé au Rwanda n'est qu'un énième version de la haine de l'autre et m'a beaucoup fait pensé au génocide juif pendant la seconde guerre mondiale, mais aussi aux actions des talibans contre les bouddhistes, et, plus récemment, dans une moindre mesure (quoique...) la haine déversée contre les homosexuels.

Un livre coup de poing que je conseille fortement !
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Notre-Dame du Nil

Le roman s’ouvre sur la rentrée des classes du lycée pour jeunes filles de Notre Dame du Nil, qui accueille en son sein l’élite rwandaise (Hutu), cette élite ayant nouvellement accédé aux plus hautes sphères du pouvoir. Le lycée tenu de main de maître par des religieuses et le père Hermenegilde (loin d’être de douces brebis), surplombe la mythique source du Nil. Au sein de ce microcosme, les tensions et les rancœurs vont atteindre leur paroxysme dans cet univers cloisonné de femmes, qu’un rien suffit à embraser. En effet, le lycée accueille une minorité Tutsi, l'ancienne élite dirigeante sous l’ère coloniale (et donc perçue comme une ethnie traître), de plus en plus contestée et rejetée par la majorité Hutu. Ces haines ancestrales entre Hutus et Tutsis, fruits de frustration, de jalousies et de luttes de pouvoir, vont insidieusement troubler le paisible quotidien du lycée.



Ce qui est frappant dans ce roman est le talent de conteuse de Scholastique Mukasonga. Elle sait parfaitement rendre palpable cette atmosphère de tensions dont on sait qu’elle finira par aboutir sur quelque chose d’irréversible. Tout au long des pages j’ai comme retenu mon souffle, intimement persuadée de l’imminence d’une catastrophe.



Mais le roman est également et avant tout un roman historique qui nous offre à découvrir un pan méconnu de l’histoire rwandaise. Il met en lumière les origines de cette rivalité ethnique ayant conduit en 1994 au massacre d’un million de Tutsis en seulement cent jours. La famille de Scholastique Mukasonga, dont la mère de l’auteure, a d’ailleurs été profondément touchée par ce génocide.



Le roman réussit le tour de force de livrer sans étalage de violence gratuite, avec sobriété même, l’émergence d’une haine viscérale muée en conflit social et politique. En filigrane Scholastique Mukasonga en profite pour dénoncer la responsabilité des colonisateurs belges qui en tirant profit de cette rivalité ancestrale, ont conduit à l’irréparable. A travers ce roman,c'est la dure question de l’accès à l’indépendance des anciennes colonies qui est soulevée. Bref, inutile de vous dire que ce livre est un témoignage puissant, un hymne à la tolérance et un profond réquisitoire contre la haine raciale et la discrimination. C’est à lire d’urgence !


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Notre-Dame du Nil

Le lycée Notre Dame du Nil accueille les jeunes filles "de bonne famille" pour en faire l'élite féminine de la nation rwandaise, selon sa fière devise. Mais dans les années 70, les conflits ethniques sont déjà bien là: les Belges viennent de se retirer, et dans ce pays à l'indépendance toute neuve, les hutus dominent, et tolèrent les tutsis. Le lycée ne fait pas exception: le quota de tutsi est respecté, les jeunes filles sont acceptées, mais stigmatisées. A la suite d'un mensonge d'adolescentes , le drame éclate, précurseur des massacres qui seront perpétrés une génération plus tard.

Un roman court (3 heures environ), une prose vigoureuse et des personnages forts: une lecture facile, et un livre qui restera en mémoire. Ce n'est pas un documentaire, ni un travail de journaliste, mais bien une fiction.

Lu dans le cadre du livre du mois 02/13 .
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Sister Deborah

Voici un nouveau livre qui s’inscrit dans ma découverte de romans de la Rentrée littéraire (même si on s’en écarte peu à peu, désormais ce sont les romances de Noël qui apparaissent déjà !), d’autant plus intéressant que l’autrice, que je n’avais encore jamais lue, est rwandaise, un pays que je n’avais encore jamais visité en littérature !

Un pays, aussi, qui est intimement lié à la Belgique… Pour ceux qui découvriraient ma prose à travers ce commentaire précis : je suis donc belge, d’origine européenne – je le précise car ça a sans doute sa petite importance dans ma perception de ce livre.

Au passage, je remercie une fois encore Lirtuel, la bibliothèque virtuelle belge francophone, de mettre d'aussi bons titres à disposition de ses lecteurs !



L’histoire tient en assez peu de choses : la jeune Ikirezi, jeune femme d’origine rwandaise, qui s’exprime à la 1re personne du singulier à travers tout le livre, est thésarde en études africaines dans une université des États-Unis (d’Amérique) et a décidé de centrer sa thèse sur les mouvements religieux en Afrique de l’Est dans les années 1930. C’est alors qu’elle se souvient de sa propre enfance : elle était la petite fille toujours malade et chétive dans une fratrie de forces de la nature, les médecines traditionnelles n’avaient que peu d’effet et ses parents se méfiaient des médecines des « padri » (les pères blancs), si bien que sa mère avait fini par l’amener auprès d’une prophétesse et thaumaturge qui faisait grand bruit dans le voisinage, une certaine « Sister Deborah ». Ikirezi, devenue la chercheuse Miss Jewels, part ainsi à la recherche de l’histoire de cette femme, en commençant par les souvenirs de sa propre enfance, pour en arriver à une espèce de biographie de cette Noire américaine, qui était venue au Rwanda (après bien des détours), guidée soi-disant par l’Esprit-Saint.



D’emblée, l’autrice n’est pas tendre envers les pères blancs qui sévissaient alors en Afrique, et certainement au Rwanda. Ainsi, j’ai d’abord craint qu’on parte vers un africanisme débridé qui, s’il a sans doute bien des raisons d’être, finit parfois par lasser. La suite prouvera très vite que l’autrice a largement réussi à éviter cet écueil, malgré quelques piques envers « les Belges », acerbes mais jamais enflammées cependant, et de toute façon, sans aucun doute, très justifiées.

Pourquoi alors me suis-je quand même sentie gênée quand elle écrit un moment que « Les pasteurs avaient suivi les askaris de la Schutztruppe dans leur retraite lorsque les Belges avaient envahi le Rwanda. » ? Tout simplement parce que, à côté de tant de petits éléments bien réels et (en grande partie) regrettables de la présence belge au Rwanda, les Belges n’ont jamais « envahi » ce pays ! en tout cas pas au sens premier et le plus largement accepté du terme. Il se trouve que le Rwanda faisait partie de l’Empire colonial allemand depuis la fin du XIXe siècle, empire qui a été redistribué, si l’on peut dire, sous l'égide de la Société des Nations (vous savez ? cet ancêtre de l’ONU) à la fin de la Première Guerre mondiale – comme dit Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_allemand), que je cite car en plus ils indiquent une référence – dans un but bien précis, aussi discutable qu’il soit : « Il s'agit pour les puissances victorieuses d'agrandir leurs empires coloniaux aux dépens de l'Allemagne mais aussi de punir moralement l'Allemagne. L'Allemagne, responsable de la guerre, a fait acte de barbarie et, en ce sens, elle est incapable d'assumer la mission « civilisatrice » que les contemporains attachent au colonialisme. » La Belgique a ainsi reçu le Rwanda-Urundi comme on les appelait alors (comme la France, par exemple, a reçu le Cameroun, qui s’écrivait jusque-là Kamerun).

Alors, on est bien d’accord que, du point de vue des populations indigènes, ces subtilités politiques européennes avaient sans doute un effet qui pouvait ressembler à un envahissement, notamment à travers le fait de devoir changer de langue du jour au lendemain. Cependant, c’est maladroit d’utiliser un terme aussi ambigu du point de vue historique, dans un livre qui se veut quand même quelque peu érudit.



Ce détail étant posé, le reste n’a été qu’enchantement ! L’autrice écrit son livre à la façon d’un conte africain – du moins, à la façon dont on perçoit ce que peut être un conte africain depuis l’Europe. C’est un récit à tiroirs, où la biographie de cette fameuse Sister Deborah n’est racontée qu’à travers bien des circonvolutions, des anecdotes, etc. En outre, comme je disais plus haut, on a commencé par l’enfance de la narratrice et sa vision de Sister Deborah, si bien qu’il y a d’inévitables redondances quand on revient à la vie de cette femme à partir de ses débuts en Amérique, mais le point de vue et la façon de conter ces passages-là sont tellement différents, avec en même temps un effet de rappel au lecteur, que ce n’est pas du tout gênant, au contraire : on a même tout à coup l’impression d’être complice d’Ikirezi dans son étude !



Comme je laissais entendre plus haut, aussi, Scholastique Mukasonga dénonce à travers ce livre tous les excès de la religion, quelle qu’elle soit : j’ai parlé des pères blancs, mais les autres en prennent pour leur grade aussi ! Cela va de la méfiance envers ces pasteurs américains (qui ne parlent donc ni le français devenu obligatoire, ni le kinyrwanda local), qui en plus sont Noirs eux aussi ! et parlent des mêmes concepts que les fameux « padri », mais d’une façon différente et même parfois opposée – on comprend très vite qu’ils ne s’entendent pas entre eux, et accepter le baptême proposé par le pasteur protestant qui accompagne Sister Deborah, c’est s’attirer les foudres des pères blancs – jusqu’aux dérives sectaires desdits pasteurs protestants, qui promettent monts et merveilles dans un avenir proche, avec en plus l’idée que le Rwanda serait la nouvelle Jérusalem, et le Messie une Femme Noire ! Pourquoi pas après tout ?...

Les seuls qui s’en sortent à peu près bien, finalement, sont les sorciers et plus encore les sorcières attachées aux religions traditionnelles africaines, avec une très belle image d’une mère nourricière qui ne peut que séduire, bien davantage que le dieu sévère barbu des pères blancs ou la femme noire messianique. De plus, même si Ikirezi choisit également de s’en détacher, cette espèce de déesse-mère ne reçoit pas le même traitement quelque peu acide que les padri ou les pasteurs protestants sectaristes.



Inutile de dire que, si la critique avérée passe aussi bien, c’est parce qu’elle est teintée d’un humour, certes discret, mais bien présent, dans cette façon de conter une histoire aussi improbable, avec grand talent, un choix des mots (presque) toujours opportun, et une musicalité évidente dans la langue, que j’ai beaucoup appréciée. Je pense que je lirai avec plaisir (quand ma gigantesque PAL aura un peu baissé, toutefois) un autre livre de l’autrice !

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Cœur tambour

La grande chanteuse Kitami est morte de façon bien étrange, accident ? suicide ? meurtre ?

Alors que tous s’interrogent l’auteur nous dévoile l’histoire qui va mener jusqu’à ce drame dans ce livre en deux parties.

Dans la première elle nous fait découvrir les hommes d’origines diverses (Afrique, Caraïbes) qui accompagneront Kitami au tambour.

Dans la seconde, elle nous raconte l’histoire de cette petite fille rwandaise d’origine tutsi que tous nomment Prisca et qui va devenir la grande chanteuse Kitami.

Alors qui est responsable de la mort de Kitami, et pourquoi ne serait-ce pas Ruguina ce tambour aux pouvoirs magiques qui accompagne la Reine Kitami depuis des siècles ?

Un très joli livre qui nous transporte d’un coté à l’autre de l’Atlantique et qui fait le lien entre croyances et culture africaine traditionnelle et cultures créole et rastafari de ces hommes et femmes descendants d’esclaves arrachés à l’Afrique.

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Notre-Dame du Nil

Dans un souffle de poussière ocre, nous voilà projetés en haut de la colline qui domine Kigali sur laquelle a été édifié le lycée Notre Dame du Nil. A quoi peut ressembler la vie d'une pensionnaire de ce lycée destiné à former les futures élites du pays ? C'est ce que nous dévoile l'auteure au fil des pages que l'on tourne sans s'en apercevoir grâce à la justesse et au réalisme du récit. Elle se glisse dans la peau des adolescentes pour nous raconter leur quotidien, un quotidien qu'elle a elle-même vécu comme ancienne pensionnaire.



C'est un plaisir pour le lecteur de se plonger dans cet univers féminin plein de vivacité et de malice mais aussi de mélancolie et d'incertitude. Le lycée semble être une forteresse pour ces filles de grands hommes dont la plupart ne font qu'attendre un bon parti. La forteresse ne résistera pourtant pas aux tensions politiques qui montent et annoncent le génocide à venir.

La politique et l'idéologie auront raison des mythes et légendes locaux et de l'insouciance de l'enfance, elles s'immiscent avec violence à l'école laissant présager d'un sombre futur.



Un très joli roman qui confronte violence de l'Histoire à venir aux joies et peines quotidiennes des lycéennes avec une écriture sobre et juste.
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La femme aux pieds nus

La femme aux pieds nus, c'est Stefania, la mère de l'auteur. Stefania et toute sa famille ont été déplacés, cantonnés dans une région du Rwanda, et quelques années après, seule l'auteur et un de ses frères survivront au génocide. Ceci, l'auteur l'a déjà raconté, (même si oui, cela ne peut jamais être trop raconté, en espérant aussi que cela serve de leçon à l'avenir), et ici, elle dessine surtout le portrait de sa mère, le portrait de toutes les Mères-courage du Rwanda, pour reprendre son expression, et de leur peur, hélas si réaliste; de leurs efforts désespérés pour tenter de bâtir une vie à leurs enfants dans cette région inconnue, en repartant de rien dans le plus grand dénuement.

Il y a dans ce livre une immense tristesse et une immense tendresse et nul n'en ressort indemne.
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