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Critiques de Scholastique Mukasonga (323)
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Ce que murmurent les collines : Nouvelles r..

Le Rwanda. Le pays aux mille collines. La source du Nil. Le pays d'Afrique continentale le plus densément peuplé. Avril 1994 : plus de 800 000 humains exterminés. Le 4e génocide du 20e siècle.

L'apocalypse de c'est pas abattu tout à coup, par hasard sur ce peuple. Le mal s'est infiltré peu à peu. Un mal ancien a gangréné, infecté son équilibre social. Pays colonisé . 1885, le traité de Berlin, l'Afrique est, découpée en morceaux, mettant en charpies nombre de cultures, d'alliances, de relations communautaires. L'église catholique va « missionner » sa parole lézardant, sapant l'édifice spirituel de ces populations. Le Rwanda deviendra colonie allemande, puis belge, jusqu’à son indépendance le 1er juillet 1962.

Les colons vont inventer un concept totalement inconnu pour cette population : La notion d'ethnie, de race.

La société rwandaise était établie sur des critères sociaux économiques qui architecturaient le rapport de ses pouvoirs politiques, religieux et militaires. Le clan des éleveurs, les Hutu, le clan des cultivateurs les Ttusi, le clan des cueilleurs , les Twa ( peuple premier du Rwanda) . une répartition donc par clans, par castes. Une répartition mouvante, flexible.

Puisque les mariages permettaient à la femme originaire d'un des clans d'intégrer le clan auquel était originaire son époux. Le rattachement au clan était donc établi par naissance pour l'homme, par alliance pour la femme. Mais n'était pas pour la communauté immuable. Plusieurs clans, mais une même langue, un même dieu l'Imana.

L'administration coloniale sans aucune connaissance de cette culture, de son histoire, de ses croyances, de toutes les bases de sa spiritualité a procédé un classement pseudo ethnique ahurissant de la population en se basant sur des critères aberrants de nuances de pigmentation de la peau, de taille, de considération pseudo anthropologique, échafaudant ainsi une fausse théorie des races rwandaises aboutissant ainsi à une classification « qualitative » de la population Selon les besoins politiques , économiques , les colonisateurs ont fait évoluer leurs appuis politiques vers l'une ou l'autre de ces deux pseudo ethnies qu'ils avaient artificiellement et arbitrairement ordonnées, hiérarchisées, classifiées, établies. Et ceci durant la période coloniale mais également post coloniale. La politique « africaine » de la France venant elle même peu à peu surenchérir le désordre politique et social du pays.

S'en suivra la guerre civile de 1957, les massacres de 1963, de 1972, les livraisons régulières à partir de 1987 d’équipements militaires vers le Rwanda par la France, pour en arriver à un génocide qui débuta le 07 avril 1994 et qui prit fin en juillet 1994, provocant la mort de 800 000 à un million de personnes, Tutsi et Hutu opposants au régime gouvernemental en place.

Ce que murmurent les collines, recueil de nouvelles de l'écrivaine rwandaise, Scholastique Mukasonga, nous fait entendre l'âme rwandaise. La réalité de ses couleurs qui sont celles de sa terre, de ses collines, de son ciel, de ses légendes, de ses rivières, de ses traditions, de sa mémoire. Les couleurs incroyables de sa musique. Il nous fait comprendre la méconnaissance totale et souvent absurde d'une culture coloniale occidentale, qui a piétiné, utilisé, instrumentalisé, malmené, déformé, d' une population entière pour assouvir ses propre besoins, selon ses propres critères, ses lois, l'échelle de ses valeurs, faisant table rase de la complexité, de la pluralité d'un continent entier. Ce que murmurent les collines est un magnifique recueil.

Je ne peux que nous conseiller également de voir le film «  Quelques jours en avril » ( sometimes in April) de Raoul Peck, afin de nous apprendre ou de mieux nous faire comprendre, ou nous rappeler ce qu'une effrayante et terrifiante notion de race, et plus largement toute notion de classification identitaire ; peut engendrer comme immense péril pour toute l'humanité, et cela quelque soit la colline où elle voit le jour.

A lire également « Congo » d'Eric Vuillard qui témoigne d'un holocauste oublié qui fit 10 millions de morts en vingt ans, sous le règne de de Leopold II, «  le coupeur de mains », roi des Belges.



Astrid Shriqui Garain



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Inyenzi ou les Cafards

Les cafards doivent être éradiqués, c'est à ce titre que les tutsi furent massacrés.

Inyenzi ou les cafards est le premier titre écrit par Scholastique Mukasonga. C’est un livre témoignage, hommage à ses morts, 37 membres de sa famille (père, mère, frère, sœurs, beaux-frères, belle-sœur, neveux et nièces) ayant été massacrés en 1994 au Rwanda, pour le seul motif qu’ils étaient tutsi dans un pays dominé par les hutu. Ils avaient une volonté d’éradication systématique des tutsi, au même titre que les cafards.



Enfant, adolescente, jeune femme, Scholastique Mukasonga a toujours connu les suspicions, la fuite et la crainte pour des raisons ethniques. Jusqu’à sa fuite au Burundi avec son frère, laissant le reste de sa famille sur place. Son père voulait que ses enfants s’en sortent par le haut, par les études, c’est pourquoi son frère et elle vont alternativement poursuivre leurs études, et partir à l’étranger. Son frère au Sénégal, et elle, en France, en suivant son mari rencontré au Burundi.



Le massacre de sa famille, elle le vit dans la terreur, à distance, depuis la France, et il lui a fallut dix ans pour avoir la force de revenir sur les lieux du drame avec son mari et ses deux fils.



Alors pour ne pas que les morts sans sépulture tombent dans l’oubli, elle écrit, mémoire de sa famille comme le souhaitaient ses parents. Elle a été choisie pour survivre.



Ce livre est un témoignage bouleversant, qui mêle le regard de l’adulte,( le temps de l’écriture), et le vécu de l’enfance (le temps de la narration), avec une opinion avisée sur ce qui s’est passé dans son pays. Ce tableau du Rwanda de la fin des années 1950 au massacre de 1994 dresse en négatif l’impact de la politique coloniale belge, et le rôle, ou plutôt le non-rôle des institutions internationales (l’ONU en particulier) pendant ce génocide.

A lire, à faire lire, pour ne pas que cela se reproduise.



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Notre-Dame du Nil

Ce livre est une pure merveille pour ceux qui aime l'histoire et particulièrement l'histoire de ce collège où beaucoup de choses se passent et se disent.

Imprégner de l'histoire de chaque ethnies et de leur passé et décolonisation, cela ouvre un peu plus et de façon plus romancé ces périodes difficiles entre chacune d'entre elles.

Toutes ces jeunes filles au passé touchant et à leurs avenirs déjà tout tracé et une coutume bien connue.

Ce lycée les formera à être des jeunes filles correctes et à rester vierges pour faire de grands mariages et riches mais leur passé et là et des personnalités comme Immaculée et autres seront des personnages fort de ce récit.

A lire comme un roman mais en apprenant beaucoup de l'histoire de ce peuple d'Afrique, de leurs souffrances et de leurs séparations forcées, par qui?

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Notre-Dame du Nil

"Le Rwanda est un pays de mort"

Au lycée Notre dame du Nil viennent s'extérioriser tous les conflits concentrés dans ce petit pays. Religions, croyances traditionnelles, Hutu, Tutsi, Français, Belges, confiances, trahisons, mensonges et vérités. Ici se résument les aspects les plus sombres de la société rwandaise.

Ce livre m'avait été recommandé par une lectrice Babelio, alors que nous discutions de "Petit Pays" de Gaël Faye, livre qui m'avait coupé le souffle.

Notre dame du Nil nous plonge dans un bain anthropologique, sociétal, politique et culturel.
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Notre-Dame du Nil

Au Rwanda, à 2500 mètres d'altitude on trouve les sources du Nil. Et, tout à côté de ces sources, une statue de la Vierge  a été érigée : Notre-Dame du Nil. Sa particularité: avoir à peau noire ! 



Non loin de cette statue et de la source, se trouve le lycée Notre-Dame du Nil, tenu par des religieuses très strictes. Y sont envoyées des jeunes filles de la bonne société de Kigali, qui viennent y préparer le diplôme des Humanités, mais pas toutes les jeunes filles, ni lees meilleures élèves du pays. 



Un quota est imposé limitant l'accès à ce lycée d'élite à seulement 10 % d'élèves d'origine Tutsi.



L'auteur nous décrit l'arrivée des nouvelles élèves, leur initiation aux choses de la vie, la cabane réservée au nettoyage et au séchage des serviettes hygiéniques, l'empreinte des rites sorciers, l'histoire des anciens dieux qui ont peu à peu fusionné dans les rites chrétiens. Du culte d'Isis à celui de la Vierge Marie, il n'y aurait qu'un pas.



Scholastique Mukasonga nous entraîne dans cet univers de jeunes filles et de religieux pas si propres, de religieuses qui ferment les yeux sur les pratiques du vieux planteur blanc, tout en s'émouvant de la longueur des cheveux des coopérants français ! 



Un roman qui nous plonge dans l'Afrique des années 70, bien avant que le génocide, dont on ressent les prémisses, ne brise les rêves de ces jeunes filles.



Un beau roman d'apprentissages dont j'aurais aimé qu'il existe une suite pour savoir ce que sont devenues toutes ces jeunes filles ... 



Une belle découverte. Un auteur dont je vais rechercher d'autres livres.
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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Notre-Dame du Nil

Le récit se déroule au début des années 70, quelques années après l’indépendance du Rwanda, dans un internat d’élite pour jeunes filles, isolé dans les montagnes près d’une supposée source du Nil. Les lycéennes sont majoritairement des Hutus mais en raison de quota, quelques-unes sont tutsies. C’est dans ce contexte d’huis-clos qu’a lieu une augmentation progressive des actes d’humiliation et de violence entre élèves des deux ethnies, actes annonciateurs du génocide de 1994. Ce n’est pas un chef-d’œuvre stylistique mais Mukasonga nous offre un roman fort et intelligent, une fiction fondée sur des éléments autobiographiques. Le lecteur assiste impuissant à la terreur qui se prépare, à l’inexorable montée des tensions entre lycéennes, reflet du déchirement de la société rwandaise postcoloniale et des luttes de pouvoir à l’extérieur du lycée. Comment vivre ensemble dans un contexte de rivalités ethniques ? Comment vivre après, entre bourreau et victime ? C’est un roman que je recommande pour tout ce qu’il peut nous enseigner.
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La femme aux pieds nus

J’ai vraiment apprécié ce livre à messages emboîtés. « La femme aux pieds nus », de Scholastique MUKANSONGA (lu en Ed. : Folio, n°5382) nous ouvre d’abord à la réalité de la vie rurale et ancestrale des Tutsis avant que ne commence leur exil forcé, au sein de leur propre pays. On est confronté à des pratiques agraires, culinaires qui nous semblent « tellement dépassées » … mais que nous serions incapables de reproduire nous-mêmes. On y découvre des techniques de construction, de gestion des espaces sociaux et les conventions qui les régissent. On y découvre la valeur du pain, de la voisine, du labeur, du partage des tâches. Et puis, on plonge au cœur des relations familiales, des croyances, fondées ou pas qui aident à vivre et des rôles tenus par ces mères-courage que représente cette femme aux pieds nus.

À un deuxième niveau, on découvre combien les mouvements ethniques de déportation mettent à mal la stabilité de ces us et coutumes. Combien ce mode de vie est nié, écrasé, méprisé par les pouvoirs qui se mettent en place, parfois en connivence, pour chasser les Tutsis et les conduire à l’extermination génocidaire que l’on sait. Ce pouvoir, il est tenu par les blancs qui ne peuvent admettre que leur modèle de société n’est pas nécessairement adapté aux colonies, par les militaires qui règnent par les armes, la peur, les viols et les massacres qu’ils s’autorisent et dont ils se félicitent. Mais aussi, parfois, par la religion qui s’impose au lieu de se proposer et qui, tout en étant vecteur de modernité (pas nécessairement positive), allume les moteurs de la peur, de la culpabilité et le spectre du châtiment éternel.

Au-delà du documentaire et des questions qu’il pose sur les prises du pouvoir, ce livre ouvre le lecteur à une réflexion plus large sur la répétition de l’Histoire des peuples expulsés, déportés, meurtris et amputés de leurs racines. Malgré les « plus jamais ça ! » des après- guerres, il y a encore tant d’exactions dans notre monde. Un livre qui jamais n’appelle à la violence, à la vengeance mais qui rappelle qu’on doit prendre conscience, se souvenir, faire mémoire. Seul chemin d’accès à un avenir capable de pouvoir tendre une main vers l’autre, une main sans machette, sans gourdin, sans poignard, bombe ou roquette. Une vraie main humaine, désarmée, désarmante !
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Notre-Dame du Nil

Notre Dame du Nil est un lycée pour jeunes filles Rwandaises dirigées par des Belges et dont l'enseignement est assuré par des Français.



C'est l'histoire la vie scolaire de jeunes filles : l'éducation, la vie du lycée devrait les réunir mais ce n'est pas le cas.

En effet au Rwanda, il y a différentes tribus, celles qui ont tous les honneurs, et celles qui sont considérées comme des sous-catégories. C'est le cas des Tutsies. Deux jeunes filles Tutsies vont être la cible de toute cette haine qui va aller jusqu'à l'horreur.



Ce livre nous fait découvrir la vie africaine avec ses légendes et ses mœurs.



J'avoue ne pas avoir trop accroché au début, les mœurs africaines sont différentes des nôtres.

J'avoue avoir été choquée par la traque faite au Tusties, je savais qu'il y avait des ethnies mais de là à passer le pas vers une tuerie....



A lire.
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Notre-Dame du Nil

C’est un roman bouleversant.

Il se compose comme d’un ensemble de nouvelles mais c’est un tout. On est envoûté et fasciné par une ambiance qui combine la plus absolue beauté et les plus grandes violences qui sont ici d’une totale absurdité. C’est terrible et poétique à la fois.

On ne sort pas indemne de ce type de lecture.

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Ce que murmurent les collines : Nouvelles r..

C’est sur les rives de la Rukarara qu’est née Scholastique Mukasonga.

A partir d’une première nouvelle consacrée à cette rivière sacrée pour sa famille, l’auteur rwandaise se fait conteuse. Elle, dont les précédents écrits évoquaient le destin tragique de sa famille et des Tutsi les années précédents le génocide, renoue cette fois-ci avec la tradition orale des contes que lui murmurait sa mère Stéfania. Elle nous entraîne dans Afrique méconnue, entre rituels magiques, faits historiques et difficultés du quotidien.



La Rukarara, c’est cette rivière aux vertus magiques dont l’eau soigna sa blessure au crâne alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Titicarabi, c’est ce chien mystérieux à la parole envoûtante. «La Vache du roi Musinga» témoigne de l’amour des Tutsi pour leur bétail, et les rapports compliqués entre les potentats locaux et les colonisateurs belges. Toujours en sobriété, l’auteur sait également nous décrire un monde fait de contrastes : les leçons de catéchisme dispensées par les « bons pères » mêlées aux pratiques des rituels magiques ou bien encore des petits élèves Tutsi exilés par les Hutu et qui eux-mêmes rejettent Cyprien le petit Pygmée, « car on ne peut pas être tout à fait sûr qu’ils [les Batwa] soient vraiment des humains ».



Voici six contes qui nous présentent la vie d’autrefois au Rwanda, celle d’avant le génocide. De ses souvenirs d’enfance, Scholastique Mukasonga nous révèle une société rwandaise qui, malgré l’influence et le pouvoir des missionnaires, garde ses pratiques traditionnelles et reste méfiante vis-à-vis des colonisateurs. Le tout dans un style poétique, simple et touchant.

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Inyenzi ou les Cafards

Ce roman m'a beaucoup touché pour la force que la famille a dû déployer pour survivre, se déplacer et encore se déplacer.

Que les hommes sont cruels et bêtes parfois. J'ai reçu le témoignage de parents de tutsis établis en Belgique et partis rechercher les survivants. Quand je croiserai encore la jeune dame arrivée ici , ramenée par sa soeur, j'apprécierai plus la qualité de son sourire et j'admirerai encore plus son intégration parmi nous qu'elle a réussie grâce à sa famille belgo rwandaise.

Je ne m'imaginais pas l'horreur décrite par Scholastique Mukasonga et pourtant c'est écrit avec de beaux mots et avec force pudeur.
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Notre-Dame du Nil

Une année scolaire dans le lycée Notre Dame du Nil au Rwanda qui forme l'élite féminine du Rwanda

Une année pour comprendre les haines raciales Hutu / Tutsi

Une année pour s'imprégner des coutumes, croyances des habitants

Une année pour constater les dégâts du colonialisme des idées

Une année pour constater les dégâts du colonialisme aux mains de l'Eglise ( tant et tant d'ardeur au service du mal depuis de si nombreux siècles)

Une année pour bien se remémorer notre bassesse



Un beau livre sans beaucoup d'espoir
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Notre-Dame du Nil

Quelque part au Rwanda, à la source du Nil, à 2500 m d'altitude se trouve un collège pour jeunes filles. La majorité des élèves sont des hutus, mais il y a aussi quelques tutsis. On comprends très vite la différence de classe entre hutus et tutsis. Des faits historiques rendent l'histoire plus vraie comme la visite du roi et de la reine des Belges au Rwanda dans les années 70 , comme aussi une blanche qui s'occupe de l'étude des gorilles dans les montagnes. Un très bon roman dans un dépaysement total mais pas loin, dans le temps, d'un génocide qui se prépare.
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La femme aux pieds nus

Avril 1994, c’est le génocide des tutsis du Rwanda. Scholastique Mukasonga exilée en France avant le drame y a survécu mais 37 membres de sa famille seront massacrés dont sa mère Stéfania, la femme aux pieds nus. Au Rwanda une tradition veut que les enfants d’une défunte recouvrent son corps d’un pagne car personne ne doit voir le corps d’une mère ; c’est parce qu’elle n’a jamais pu recouvrir sa mère que Scholastique Mukasonga va écrire ce livre comme un pagne que l’on déploie. Pour honorer la mémoire de ces mères courages, c’est la vie qui est choisie dans ce récit. La description de la vie d’avant, pour faire revivre le rythme des saisons et des coutumes : la récolte du sorgho, la construction des cases, les magnifiques coiffures appelés imasunzu (dont je vous conseille d’aller voir les photos sur Internet) … c'est aussi un quotidien de peur car bien avant le drame les tutsis sont stigmatisés, ils sont les bêtes nuisibles, les cafards. Les signes de l’extermination à venir sont là, le mépris, la terreur, les viols, les meurtres sporadiques, les cases saccagés, les bêtes et les enclos brûlés, l’absence de justice. Au travers de ce récit, Scholastique décrit l’amour infini des mères pour leurs enfants, ces femmes inépuisables qui tentent coûte que coûte, malgré l’exil, la crainte de mourir, l’absence de projets possibles de maintenir vivantes les coutumes. Une vie faite de courage et de solidarité.
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Notre-Dame du Nil

Difficile de passer à côté de ce livre quand on se pique, comme moi, de s’intéresser aux littératures étrangères. Et pourtant il m’a fallu le défi de littérature africaine de cette année pour enfin me décider à l’ouvrir.

Scholastique Mukasonga, rescapée du génocide de 1994, a choisi pour évoquer son pays et ses difficultés (un bel euphémisme de ma part) à faire nation de placer son texte dans un lieu et un temps qui semble de prime abord éloigné de ses préoccupations.

Le lieu, c’est le pensionnat pour jeunes filles fortunées de Notre-Dame du Nil, dans les collines verdoyantes du Rwanda, pas loin de l’une des sources du grand fleuve ; le temps, c’est une année scolaire un peu particulière, une dizaine d’années après l’indépendance et alors que la politique pro-Hutu se durcit et donne lieu notamment à une dé-Tutsisation des établissements scolaires. Les personnages, ce sont bien sûr les jeunes filles scolarisées dans cet établissement, principalement des Hutus socialement connectées aux hautes sphères du pouvoir et de l’argent qui se préparent à faire un beau mariage, et quelques Tutsis pour respecter le quota, sélectionnées elles par concours. Il y a aussi le personnel de l’école : des religieuses, un prêtre pas très net, des professeurs belges, des objecteurs de conscience français, et puis il ne faut pas oublier de mentionner le voisin, un vieux colon belge propriétaire d’une plantation de café.

Avec cette panoplie de personnages, ce n’est pas vraiment un roman que Scholastique Mukasonga écrit, mais plutôt une série de scènes qui présentent une unité de lieu et de temps. Et avec ces scènes, Sholastique Mukasonga évoque les différentes facettes du pays. La plus évidente : la rivalité devenue haine qui sépare Hutus et Tutsis ; la plus dérangeante : la fascination des Européens pour les Tutsis et leurs relectures fantasques mais mortifères de la mythologie égyptienne ou de l’Ancien Testament ; la moins questionnée : l’exclusion systématique des Batwas ; etc. Le portrait que Scholastique Mukasonga fait de son pays est multiple et complexe et elle montre, sans le dire, comment cette complexité a abouti vingt ans plus tard au génocide que l’on connaît. Car toute la rhétorique était déjà en place, pas seulement une discrimination ouverte, mais aussi tout un discours de rabaissement et d’appel à l’extermination. Comme un relent de : « on ne peut pas dire qu’on ne savait pas ».



Une lecture qui se déroule assez facilement grâce au style sans inutile fioriture de l’autrice, mais qui fait beaucoup réfléchir. C’était, j’imagine, un pari risqué de parler du génocide sans un parler. Ce pari est réussi, et en plus dans un livre accessible qui pourra plaire à de nombreux lecteurs, que demander de plus ?
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Notre-Dame du Nil

Une écriture toute en finesse et en images au service de ce livre qui se situe dans les années 1970, presque vingt ans avant le génocide au Rwanda, et qui nous en montre les racines profondes, à travers les projections de certains Européens sur les Tutsis comme peuple élu, la lâcheté et la complicité de puissances étrangères comme la Belgique et la France, mais aussi le sort des femmes, les dominées des dominés.



Un roman féministe, mais pas seulement!

Un texte passionné, passionnant ...

Un beau moment de littérature récompensé par le RENAUDOT 2012.

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Notre-Dame du Nil



C'est une histoire d'école pas comme les autres, qui se déroule à la fin des années 1970 dans un lycée niché dans les montagnes du Rwanda, près de la source du Nil ('On est si près du ciel, murmure Mère Supérieure , joignant les mains'), où les élèves, filles de riches, apprennent un peu de Dieu et beaucoup sur la façon de maintenir le statu quo.

L'école fait théoriquement partie des efforts du gouvernement pour promouvoir l'éducation des femmes au Rwanda, mais dans certaines limites : le lycée est une intrusion blanche en Afrique, construite sous la direction de 'surveillants blancs qui ne faisaient que regarder de grandes feuilles de papier qu'ils déroulaient comme des rouleaux de tissu de la boutique pakistanaise, et qui devenaient fous de rage quand ils appelaient les contremaîtres noirs, comme s'ils crachaient du feu'. Les filles doivent être les locomotives du changement, tout en respectant strictement les règles : elles doivent parler français – le swahili est interdit – et on leur apprend que « l'Histoire signifiait l'Europe, et la Géographie, l'Afrique. L'Afrique n'avait pas d'histoire… ce sont les Européens qui avaient découvert l'Afrique et l'avaient entraînée dans l'histoire.

Le conflit ethnique est d'abord traité de façon comique et satirique, le roman se concentre sur différentes filles, leurs histoires individuelles mais liées, clignotantes comme les écailles d'un poisson. Elles ont de grandes personnalités, forgées dès leurs débuts privilégiés dans la vie, avec Gloriosa la plus grande de toutes, adepte des manières de gouverner le monde, de manipuler les autres : 'Ce n'est pas des mensonges, c'est de la politique', dit-elle, quand elle feint d'avoir été attaquée par la milice pour se tirer d'affaire le temps d'une escapade: 'Je suis sûre qu'ils voulaient nous violer, probablement même nous tuer'.

Notre-Dame du Nil est animée de tensions. Parfois, c'est drôle, comme lorsque les filles se disputent la meilleure recette de bananes - ou lorsque les enseignants se battent contre les élèves pour des affiches de personnalités de la culture pop telles que Brigitte Bardot et Johnny Hallyday. 'Satan, prévient l'aumônier de l'école, prend toutes les apparences disponibles'.

Mais bouillonne la division ethnique entre Hutu et Tutsi, qui a conduit en 1994 au massacre près d'un million de Tutsi en trois mois, mais la merveille de Notre-Dame du Nil réside dans sa touche lumineuse et légère.

Le conflit ethnique est d'abord traité de façon comique – Gloriosa, une Hutu, veut détruire le nez de la statue de la Vierge de l'école parce que ses traits blancs la font ressembler à une Tutsi – et satirique : on apprend aux filles qu'à l'école, 'c'est comme si vous n'étiez plus Hutu ou Tutsi [mais] ce que les Belges appelaient autrefois civilisées'. Mais les haines anciennes ne se taisent pas : les deux filles tutsi du lycée, Virginia et Veronica, sont 'notre quota ', dit Gloriosa, parmi les 'vraies filles rwandaises'.

Le drame qui clôt le livre, lorsque la menace de 'dé-tutsifier nos écoles' se réalise, est un présage de violence à venir. On entend le grondement de ce que Mukasonga dans ses mémoires, Cafards, appelle 'la machinerie du génocide'.

Grâce à Mukasonga nous en entendons encore tous les échos.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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La femme aux pieds nus

Le tendre hymne à la maternité et à la communauté de Scholastique Mukasonga explore l'exil qui prive les gens de leurs traditions et de leur identité.

Née au Rwanda en 1956, Mukasonga a connu très tôt le conflit ethnique qui a marqué son pays. En 1960, sa famille tutsi est exilée dans la « plaine sèche et poussiéreuse du Bugesera », près de la frontière burundaise. Ils ont laissé derrière eux leurs montagnes bien-aimées et les vaches qu'ils avaient autrefois fièrement gardées, forcés de vivre de la culture du sorgho, des haricots et des légumes.

Mukasonga rend hommage à sa mère, Stefania, et aux femmes des villages de réfugiés qui les ont tous « nourris, protégés, conseillés et consolés ». L'auteur se souvient des rituels qui ont façonné ses années de formation et nourri sa famille. L'arrangement des mariages, la consommation de bière de sorgho, la récompense du pain et l'amour des femmes pour la pipe, tout cela est magnifiquement représenté. Tout comme la menace d'une violence soudaine de la part des soldats hutus, omniprésente.

Malheureusement, Mukasonga a dû quitter son école à Butare et fuir au Burundi. Elle s'est installée en France en 1992, deux ans avant le génocide des Tutsi ; 37 membres de sa famille ont été massacrés.

Ce bain de sang hante et propulse le récit. Au début, Mukasonga écrit : "Maman, je n'étais pas là pour couvrir ton corps et il ne me reste que des mots... encore et encore, mes phrases tissent un linceul pour ton corps disparu."

Dans sa conclusion déchirante, elle décrit le cauchemar de ceux qu'elle a laissés derrière elle. L'ombre de son amie Candida lui demande sans cesse: "As-tu un pagne assez grand pour les couvrir tous, chacun d'eux... chacun... chacun ?"

Ce livre, comme tous ceux de Scholastique sont des hommage hors du commun à cette Mère Courage ,

aussi un rappel bouleversant des dégâts de la guerres.



Souvenons-nous que pendant que les Tutsis se faisaient découper à la machette, les chefs d'états et les casques bleus, à quelques kilomètres du lieu des massacres, regardaient...



Paisiblement ?

Ou quelques remords sont-ils venus tourmenter leurs nuits douillettes?
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Notre-Dame du Nil



Nous sommes au début des 70, le Rwanda a déjà connu des soulèvements, il en connaîtra encore. Le pays au mille collines s'est libéré du joug des colonisateurs il y a une dizaine d'années, renversant les jeux de pouvoirs et plaçant à sa tête un gouvernement pro-hutu. Virginia et Veronica représentent le quota tutsie du lycée Notre Dame du Nil. Un lycée destiné à l'élite féminine rwandaise, pas la plus intelligente ou la plus prometteuse, mais la plus nantie, la plus politiquement correcte...



L'autrice nous propose de passer une année scolaire dans un lycée pour jeunes filles, pas très loin de l'endroit où le Nil prend sa source. Chaque chapitre s'apparente à une chronique de la vie scolaire. En toile de fond, on sent déjà tous les relents putrides qui conduiront le pays, 20 ans plus tard, au génocides des Tutsis. La discrimination est partout dans le lycée. Ca commence avec les jeunes tutsies qui ne peuvent manger qu'une fois que leurs camarades se sont rassasiées, devant se contenter des restes. Ca se poursuit à travers la polémique sur le nez de la Vierge Noire qui domine la source du Nil; c'est dans toutes ces petites choses du quotidien, entre brimades et mauvais coups, entre croyances et jalousie.



J'ai trouvé que l'autrice rendait bien le contexte de l'époque et permettait d'apporter un éclairage sur ce qu'il s'est passé en 1994. Comme une conclusion prévisible d'un contexte politique exacerbé, au point de pourrir les relations entre élèves vingt ans plus tôt. Et le tout sous l'œil indifférent, quand il n'était pas encourageant, de l'encadrement religieux; blanc, évidemment.



J'ai été beaucoup moins séduite par le style de Scholastique Mukasonga qui se résume bien souvent à des phrases courtes "sujet-verbe-complément". A la limite, si tout le roman avait été écrit comme les premières pages où il n'y a finalement pas de virgule ça aurait pu donner un certain rythme ou du moins apporter une dimension complémentaire au récit. Mais finalement il n'en est rien. les phrases se sont allongées, les virgules sont apparues, et bien que la structure "sujet-verbe-complément" soit restée la norme, ce souffle rythmique attendu n'a pas pris.
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Notre-Dame du Nil

L'histoire se passe en 1970, dans un lycée rwandais pour la future “élite” féminine.

On y découvre la haine des Hutus pour les Tutsis, ainsi que les fantasmes des Blancs à propos de ces derniers. Dans ce microcosme, la violence est prête à se déchainer.

L'autrice nous montre les prémisses du génocide, toute la beauté et les déchirures du Rwanda.

C'est vraiment très bien, et facile à lire. Je vous le conseille chaleureusement !

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Comment s'appellent le frère et la soeur de Callum ?

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Thème : Entre chiens et loups, tome 1 de Malorie BlackmanCréer un quiz sur cet auteur

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