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Critiques de Sébastien Spitzer (554)
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La Revanche des orages



Reste de la lecture de La revanche des orages une légère déception. J'ai été transporté par le roman de Sébastien Spitzer Ces rêves qu'on piétine , alliage de réalité historique et de fiction émotionnelle. les deux romans étaient du même acabit , La Fièvre et Le cœur battant du monde.

Le cœur battant du monde , un titre qui dit tout des livres de Sébastien Spitzer : un événement historique , au plus prés des hommes et des femmes avec une empathie pour ces personnages.

La revanche des orages ne devait pas être d'un autre alliage.

La vie de Claude Eatherly , pilote qui a participé au bombardement d'Hiroshima en 1945.

Il revient en héros aux Etats- Unis. Mais pas lui. Il se replie dans son mutisme , entend des voix.

Sa famille se désintègre tout comme son mental.

C'est cette descente aux enfers que nous raconte Sébastien Spitzer et la magie n'opère pas.

Dans très peu de moments je me suis senti touché par ce pilote et sa famille. Le désastre nucléaire a aussi eu raison de ma sensibilité !

Il y a néanmoins des moments de grâce avec Hanae, rescapée d'Hiroshima, voix de ce monde détruit.

Reste une lecture agréable , historique et qui donne à réfléchir sur la faiblesse humaine et ses innombrables conséquences.




Lien : http://auxventsdesmots.fr
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Le coeur battant du monde

Décidément, Sébastien Spitzer semble fasciné par les relations filiales compliquées. Son premier roman, Ces rêves qu'on piétine mettait en lumière la terrifiante situation de Magda Goebbels, épouse d'un haut responsable nazi et fille honteuse de Richard Friedländer, juif, qu'elle refusera de sauver du destin promis par le régime qu'elle soutient. Cette fois, le ressort sur lequel s'appuie l'auteur est également un fait réel : Karl Marx, réfugié à Londres dans les années 1860 a eu un fils bâtard, écarté secrètement à la naissance. Secret très bien gardé, comme l'explique la postface, notamment par l'Union soviétique très désireuse de préserver l'image de son grand homme. Matière idéale pour le romancier qui s'en empare ici avec un plaisir perceptible au fil des pages. Car le sujet ne suffit pas à faire un bon roman. Il faut du souffle, l'envie de tisser des histoires, de l'amour pour ses personnages, de l'empathie aussi. C'est ce que l'on trouve dès les premières lignes qui vous emportent immédiatement. C'est parti pour une immersion haletante, pleine de fureur et de tendresse !



Il y a d'abord ce Londres de 1860, capitale de l'Empire le plus puissant du monde où se côtoient la réussite et la misère la plus totale, à l'image du pays tout entier. La révolution industrielle bat son plein, les règles du capitalisme amplifient les inégalités. Les irlandais fuient la famine et luttent contre le joug anglais. Charlotte fait partie de ceux-là. Elle débarque à Londres sans un sou, enceinte et la tête rasée après avoir vendu ses cheveux, son dernier bien. Un formidable concours de circonstances va la mettre sur la route d'un médecin plutôt arrangeant qui jouera un rôle primordial dans ce qui conduira à l'adoption du petit Freddy, issu des amours adultères de Marx. Carambolage de destins, non sans une bonne dose d'ironie. Le personnage de Marx que nous présente l'auteur n'a pas grand-chose pour plaire. Incapable de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, il dépend entièrement de sa femme et d'Engels. Hautain, imbu de lui-même, il vit surtout en contradiction totale avec les idéaux qu'il prêche et pour lesquels il est pour l'heure condamné à l'exil et à la clandestinité. Bientôt, la crise économique couve dans le pays, l'industrie textile souffre de la pénurie de coton liée à la guerre de Sécession aux Etats-Unis, les esprits et les corps s'échauffent...



Voilà pour le contexte. A partir de là, Sébastien Spitzer compose un formidable roman, totalement addictif, qui nous plonge avec une étonnante facilité dans cette Angleterre victorienne à l'atmosphère palpable que ne renierait pas une Anne Perry. Le souffle romanesque transcende la trame historique, attache le lecteur à chaque personnage, à commencer par la courageuse Charlotte, sans oublier tous les seconds rôles qui contribuent aux couleurs de la fresque. J'ai une tendresse particulière pour les deux femmes qui partagent la maison d'Engels, mais... je n'en dis pas plus. Par contre, ce dont il faut parler, c'est la force, la colère qui couve entre les lignes face au système, à la dictature de l'argent qui écrase et tue les plus faibles. Chaque plongée dans l'Histoire est toujours utile pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons ; le rôle de l'Angleterre à l'époque était considérable et cela m'a toujours fascinée. J'aime lire les romanciers britanniques, du 19ème siècle et les plus contemporains et j'avoue que je suis assez bluffée par l'exercice de Sébastien. J'ai lu à quelques jours d'intervalle son roman et celui de Jonathan Coe, Le cœur de l'Angleterre (amusant ces deux cœurs, non ?) et j'ai trouvé captivantes et troublantes ces immersions anglaises qui se font écho à bien des égards à 150 ans de distance.



En refermant ce roman, je me suis dit que Sébastien Spitzer avait réussi le même exploit que Pierre Lemaître avec Au revoir là-haut : une fresque foisonnante, aussi instructive que divertissante, qu'il serait fort réducteur de classer dans les romans historiques tant son propos est intemporel. Je ne peux que lui souhaiter le même destin...
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Ces rêves qu'on piétine

Nous sommes en avril 1945,la fin de la guerre est proche,les tortionnaires des camps de concentration sentant "le vent tourner",vont faire évacuer certains camps en obligeant les déportés à des marches forcées dont beaucoup ne reviendront pas,mourrant sur place d'épuisement ou tué de façon encore plus cruelle( je ne dévoile pas le roman).Dans une de ces colonnes,un homme tente de survivre , caché sous ses haillons,un rouleau en cuir serré par un lacet, contient plusieurs lettres roulées. Ces lettres recèlent entre autres témoignages de déportés un terrible secret. Ce rouleau en cuir passera de Aimé à Judah ,Fela et Ava ,sa petite fille frêle ,silencieuse ,qu'elle a eu au camp et pu cacher grâce à une sage -femme humaine et merveilleuse.

Mais le chemin est long et jonché de morts ,c'est Ava qui sera la dépositaire de cette mémoire en ne se séparant jamais de ce rouleau.

Avril 1945,Berlin est détruite. Les derniers hauts dignitaires du régime nazi,assistent à un ultime concert au Konzerthaus : le crépuscule des Dieux de Wagner .A la fin du concert,chacun reçoit une capsule de cyanure.

Au milieu d'eux la femme la plus puissante du III Reich : Magda Goebbels.

Tous se dirigent vers le bunker qu'Hitler à fait construire et a aménagé pour eux en cas de défaite.

Habilement ces deux histoires tragiques se rejoignent.

Un livre glaçant, basé sur un certain nombre de faits réels avec des zones d'ombre non encore élucidées. Un roman très fort que je n'ai pu lâcher, lu en apnée qui m'a incitée à faire des recherches et visionner des documents sur toute cette sombre et triste période. A recommander 🌟🌟🌟🌟🌟
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Ces rêves qu'on piétine

Exceptionnel ... par la force du sujet, le réalisme du contexte, une construction narrative soignée et une écriture intense.



L'Allemagne est vaincue,

Berlin bombardé,

Magda Goebbels, son mari, leurs sept enfants se cachent dans leur bunker avec Hitler, en attendant la mort.



Dehors, des femmes et des hommes survivants des camps de la mort déambulent hagards et vides vers l'espoir de vivre, être libres et entendus.

Il y a Aimé, Judah, puis Fela et sa fille Eva, âgée de 3 ans. Ils sont, chacun à leur tour, détenteurs d'un rouleau en cuir dissimulant des lettres, témoignages d'une vérité. Celle que l'Allemagne met sous fumée.

Parmi ces lettres, celles de Richard Friedläinder, juif déporté et père adoptif de Magda Goebbels. Les destins s'entremêlent.



Les faits sont réels et documentés. L'auteur s'en explique en fin d'ouvrage.



La lecture est douloureuse et déchirante. Tantôt bouleversée par ces femmes et ces hommes prisonniers, évadés incarnant une Histoire vivante. Et consternée par une femme et sa folie sans nom.



Au delà d'un roman, un ouvrage passeur d'Histoire.
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La fièvre

À peine son roman terminé, Sébastien Spitzer voyait la pandémie de COVID-19 s’installer dans le monde; comme quoi, la fiction rejoint parfois la réalité.

Le 4 juillet 1878, jour de la fête nationale américaine, les citoyens de Memphis s’apprêtent à célébrer dans les rues. Des vapeurs sillonnant le Mississippi tentent d’accoster au quai, mais un seul parvient à faire descendre quelques passagers avant de recevoir l’ordre de faire demi-tour en urgence. La fièvre jaune (autrement appelée Jack le Jaune, vomito negro ou coup de bambou) est de retour dans la ville après quelques années d’absence. On ne sait pas d’où elle origine ni quels sont ses moyens de transmission; un seul fait connu, sa virulence et son extrême contagion.

À travers des personnages typiques (la tenancière de bordel et ses filles, le journaliste ambitieux, l’adolescente métisse au père inconnu, le barbier milicien à ses heures, le docteur débordé, le maire impuissant) Spitzer revisite la gestion d’une épidémie à l’époque du télégraphe comme seul moyen de communication rapide.

Un roman qui s’adapterait très bien au cinéma mais qui ne relève pas de la grande littérature. J’ai beaucoup mieux apprécié Le cœur battant du monde du même auteur. Trois étoiles pour la recherche et pour un moment de lecture agréable.



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Le coeur battant du monde

Ce livre sur le fils caché de Karl Max m'a montré une facette de ce personnage que je ne connaissais pas.

A travers cette histoire l'auteur décrit une facette de la fin du 19 ème siècle en Angleterre. Il nous montre certaines conséquences que la guerre de sécession a eu en Angleterre, comme la crise dans les usines de textile et la révolte des ouvriers. Il évoque le retour des irlandais des Etats Unis et leur révolte.

Cela est toutefois très romancé, même si il s'appuie sur des faits et des personnages ayant réellement existé.

C'est un livre agréable à lire de bout en bout, avec des personnages que l'auteur sait rendre attachants.
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Ces rêves qu'on piétine

Plusieurs histoires se confrontent dans ce livre.





Il y a celle de Magda Goebbels qui sait qu’elle vit ses derniers moments. Elle décrit son ascension dans le IIIe Reich, motivée par son envie de s’élever. Pour cela, elle a renié toutes ses origines et son passé. Je l’ai trouvée glaçante de froideur et d’égoïsme. Elle en devient humaine que lorsqu’elle s’inquiète du sort de son premier fils.





Il y a celle de Richard Friedländer qui a été raflé parmi les premiers. Ce sont ses lettres qui sont le fil conducteur du récit. Cet homme a été renié par sa fille adoptive, Magda Goebbels. Il gênait son dessein. Sébastien Spitzer a imaginé ce qu’il aurait pu écrire à cette femme qui aurait pu le sauver.





Il y a aussi celles de Judah, Aimé, Fela et la petite Ava. Ils sont dépositaires de l’Histoire, victimes de la barbarie nazie.



J’ai vécu ma lecture en deux temps. Au début, j’ai eu du mal à me laisser aller. J’étais perdue par le nombre de personnages et l’écriture me tenait à distance. De plus, c’était une succession de faits atroces. Je pense que j’avais besoin d’un peu d’humanité et de sentiments au milieu de l’horreur. Puis, l’histoire a fini par m’emporter. J’ai été particulièrement touchée par Richard. Je remarque que je suis particulièrement émue quand les auteurs partent d’une histoire vraie, en prenant certaines libertés. Lorsque je suis entrée dans le livre, j’alternais entre des moments pendant lesquels mon cœur s’émouvait et d’autres pendant lesquels il se glaçait lorsque le récit concernait les hauts dignitaires nazis.





Je n’ai pas réussi à écrire de chronique sur ce livre. Je n’arrive pas à me faire d’avis tranché. Il faut dire que j’avais beaucoup d’attentes au sujet de ce livre. Cela a été une lecture difficile au départ, puis qui m’a beaucoup plu. Je n’ai pas eu de coup de cœur, mais je ne peux pas dire qu’il ne m’a pas provoqué de sentiments : colère, révolte, émotions et attendrissement. Cela fait plusieurs jours que je cherche la manière d’en parler et je n’y arrive pas. Et pourtant, Les rêves qu’on piétine est un roman que je recommande.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/
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Ces rêves qu'on piétine

Nous connaissons tous le nom de Joseph Goebbels – mais rares sont ceux qui savent que derrière cet homme-là se cachait une femme, puissante et ambitieuse, qui tenait le IIIème Reich dans sa main comme elle tenait Hitler contre sa poitrine. Magda Goebbels, enfant illégitime née d’une mère boniche, a réussi à se hisser au sommet, avant de connaître une chute sans précédent. C’est cette chute que raconte ici Sébastien Spitzer, la descente aux enfers de Magda, enfermée dans le bunker où les dignitaires nazis vivent leurs derniers instants, où Hitler se mariera et se fera sauter la cervelle, et où son mari la battra froid après avoir découvert ses origines…



Toute la tension romanesque de ce livre repose justement sur ce paradoxe incroyable, une de ces incohérence de l’Histoire qui mérite d’être racontée : Magda Goebbels, épouse du Ministre de la Propagande du Reich, nazie convaincue, a été élevée par un père juif. Un père juif et aimant qui, dans l’imagination de l’auteur, continue à lui écrire des lettres depuis le camp de Buchenwald où il finit incarcéré. A une vérité historique inédite, Sébastien Spitzer a accolé un récit saisissant de réalisme, violent de détails sur les camps et la guerre, un récit glaçant qu’on ne peut pas ne pas croire.



L’existence de ces lettres permet l’invention d’une seconde histoire, celle d’une petite fille, Ava, née dans les camps, protégée par sa mère, découvrant finalement la liberté après s’être évadée de la grange où les soldats allemands tentent dans un dernier sursaut de sadisme de brûler vifs l’ensemble des juifs sortis des camps avec l’avancée des russes. Cette enfant déjà si vieille émeut, créé en nous, lecteurs, un élan de tendresse, une envie de protéger cette petite fille qui n’en a jamais vraiment été une. Le décalage entre cette enfant crottée, incapable de dormir dans un lit, et la première dame du Reich, tuant le temps en se recoiffant dans son bunker, est saisissant. L’histoire de l’une semble inextricablement liée à l’autre – la position de Magda lui aurait permis d’en sauver quelques uns, d’altérer le cours de l’histoire. Mais elle n’a rien fait, elle n’a pas levé le petit doigt, cette femme présentée ici comme tellement puissante – elle a laissé son père et tous les siens se faire massacrer – par ambition, tout simplement.



Sébastien Spitzer nous sert ici un premier roman très fort, engagé et engageant, où la richesse historique s’allie à la virtuosité du style pour restituer au mieux l’angoisse et l’espoir de cette période unique dans l’Histoire du monde.
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Ces rêves qu'on piétine

J'avoue, j'ai un peu rechigné du genou avant de commencer cette lecture chaudement recommandée par une amie (qui avait déjà eu le bon goût de me conseiller le roman Plonger, de Christophe Ono-dit-Biot). La faute à une sensation d'overdose d'histoires en lien avec la seconde guerre mondiale, avec l'impression parallèle de passer à côté de beaucoup d'autres œuvres sur des périodes ou des pays moins connus mais qui valent tout autant le détour.



Je suis fort heureuse d'avoir mis fin à cette procrastination et cette lassitude littéraires, car ce premier roman de Sébastien Spitzer a su me happer par sa construction narrative adroite et des choix de points de vue originaux. Il faut dire que, soit par l'effet du hasard, soit parce que nos librairies et nos bibliothèques en sont de plus en plus fournies, je multiplie les lectures qui me glissent dans l'effrayante intimité des bourreaux nazis.



Ces rêves qu'on piétine trace les derniers jours de Magda Goebbels, femme du bras droit d'Hitler, alors qu'elle s'est terrée dans un bunker à Berlin avec les proches du fürher. Tout comme ce dernier est nommé simplement Adolf tout au long du roman, l'intimité de la première dame du troisième Reich est dépiautée et révèle sa fascination pour le nazisme alors qu'elle a été paradoxalement élevée par un beau-père juif. Finis donc les portraits froids et factuels des méchants de l'Histoire : la chair et l'âme semblent encore vivantes - quoique glaçantes - à travers le vocabulaire riche mais accessible utilisé par l'auteur.



Cet épisode biographique est d'autant plus saisissant qu'il est dépeint en contraste avec une autre histoire, celle des rescapés du massacre de la grange de Gardegalen, dans laquelle les troupes SS ont rassemblé pour les brûler un millier de personnes évacuées des camps de concentration. Des fragments de leur vie nous sont révélés à travers le cheminement d'un rouleau de cuir qui passe de main en main, contenant des lettres, notamment celles d'un certain Richard Friedländer - le beau-père de Magda...



Le devoir de mémoire est donc loin d'être terminé, et on en redemande encore quand il est facilité par des œuvres telles que Ces rêves qu'on piétine, excellent premier roman qui noue habilement des destins singuliers dans l'atmosphère particulière de la fin de la seconde guerre mondiale.
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Ces rêves qu'on piétine

Sébastien Spitzer nous convie à une plongée historique dans la seconde guerre mondiale. La structure de la narration est maligne : le récit alterne entre deux situations bien différente la veille de la capitulation allemande. D’un côté, les déportés déplacés en urgence et dans la violence, dont font partie Feya et Ava, qui transportent un mystérieux paquet de lettres. Lettres adressées par un père juif à sa fille qui l’a abandonné à son triste sort. De l’autre, Magda. Madga, c’est Madga Goebbels, autour de laquelle tourne tous les récits entremêlés. On l’accompagne lors de ses derniers jours, dans le bunker, vers l’indicible et l’incompréhensible. On l’accompagne à travers les lettres écrites par son père, à qui elle a tourné le dos, et on l’accompagne également dans son passé, lors de sa jeunesse puis sa rencontre avec Goebbels, qui deviendra ministre de la propagande sous le régime nazi.

L’écriture de Sébastien Spitzer possède une force d’évocation saisissante, notamment lors des chapitres pendant lesquels nous accompagnons la grande marche des déportés. Il n’est pas trop explicatif, ce qui, pour quelqu’un comme moi qui ne lit pas beaucoup au sujet de la guerre rend son roman particulièrement bien construit : ni trop, ni trop peu, suscitant l’envie d’en savoir plus que ce que j’ai pu retenir de mes lointains souvenirs lycéens. Et ce livre m’a permis de découvrir tout un pan de littérature associé à la période de la seconde guerre mondiale à travers les critiques d’autres lecteurs Babélio.



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La Revanche des orages

Un curieux livre, dans la lignée de ce qu'a pu déjà écrire l'auteur, qui mélange la "grande" histoire (les bombes atomiques sur le Japon), un personnage réel et ce qu'on a su de lui (le pilote du bombardier qui a "choisi" Hiroshima), et les rêves et cauchemars qu'il a ou aurait pu faire, rêves d'une des 25 vierges d'Hiroshima. C'est glaçant, superbement écrit, c'est un livre profond, difficile parfois, âpre. On voit tout le désespoir, toute la folie d'un homme dépassé par ce qu'il a vécu, et ce qu'il vit. Le personnage de sa femme est tout aussi bouleversant. Je conseille vivement cette lecture, mais n'en attendez pas un moment de détente.
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Le coeur battant du monde

Londres, XIXe siècle, ma période préférée (pas pour y vivre ou y bosser). Londres, immense cœur battant du monde, mais immonde cloaque aussi.



Londres, la ville aux multiples visages, la ville où les ouvrières (et ouvriers) trimaient comme des forçats et où la semaine des "35 heures" se faisait en trois jours.



Le résumé était alléchant et il me tardait d’entamer ce roman qui me promettait beaucoup. Ma rencontre avec Charlotte fut un plaisir, je sentais bien que j’allais l’apprécier, elle, tout comme le docteur Malte (qu’on perdra de vue ensuite).



Puis, un autre personnage a fait son entrée, un certain monsieur Engels et, à ma toute grande honte, je n’ai pas tilté de suite, pourtant, je l’ai étudié à l’école, ce mec. Puis, lorsque mon shilling est tombé, j’ai compris aussi qui était "Le Maure" dont on parlait : un type que j’avais aussi étudié à l’école aussi et dont le portrait brossé dans le roman n’était guère flatteur.



Mais quelle faignasse, le Marx ! Dépensier, incapable d’aller bosser, se faisant entretenir par Engels (qui aurait dû aller s’acheter une paire de "cojones", soit dit en passant) et qui, lorsqu’il touchera enfin son héritage, ira louer une maison bourgeoise, jouant les bourgeois lui-même, tout en continuant de se faire entretenir comme une maîtresse par Engels et en gagnant un peu d’argent en boursicotant !



Si j’étais mesquine, je dirais que le patient zéro de la gauche caviar, ce fut lui ! L’homme n’était pas exempt de contradictions, tout comme Engels (comme tout le monde, sauf qu’eux, ils cumulent).



Ce roman est une mine d’information en tout genre pour la période concernée : de 1850 à 1867. Bien des sujets vont être abordés, notamment la famine des Irlandais, la guerre de Sécession, le blocus des ports, le coton qui n’arrive pas, les faillites des usines de filature, les conditions de travail déplorables, la misère, l’opium, la crasse, les grèves, l’Internationale qui commence, la lutte des classes, les Fenians,…



L’auteur s’est fortement documenté et tout respire le réalisme. De ce point de vue là, je n’ai pas à me plaindre. Par contre, le récit manquait de flamboyance, d’émotions, de vie, tout simplement. Il était trop clinique, trop rigide.



Cela a commencé après que Charlotte a recueilli le petit Freddy : le récit passe du gamin qui vient de naître à ses 12 ans. L’ellipse est grande, trop grande. Le personnage de Charlotte a changé, sans doute à cause des sacrifices qu’elle a dû faire pour élever seule un enfant.



Le récit ne donnera que des bribes, me laissant un goût de trop peu. Non pas que je voulais faire du voyeurisme sur leur misère, mais j’aurais aimé en apprendre plus sur ses sacrifices et non pas me contenter de miettes, alors que pour d’autres sujets, j’ai eu des détails dont je me serais bien passée (une opération).



Les personnages de Charlotte et Freddy ont perdu du corps dans cette ellipse, de la profondeur et pire, du réalisme ! Alors que les autres personnages étaient bien ancrés, eux, je les ai vus partir à la dérive et Charlotte finira en personnage laborieux.



Et puis, il est difficile de savoir quel personnage est mis à l’honneur dans ces pages, puisque le récit suivra aussi bien Charlotte et Freddy, que Marx et Engels. Sur la fin, au moment où l’on abordera les révoltes des Fenians, j’avais décroché.



Un récit plus concentré sur Freddy et Charlotte m’aurait mieux convenu, une écriture plus ramassée dans certains passages aurait donné de l’oxygène au roman, et rallumé la flamme, même si ces détails étaient utiles pour ancrer le tout dans le réalisme (les lecteurs ne sont jamais contents, je sais et nous ne manquons pas de contradictions non plus).



Dans l’ensemble, cette lecture ne fut pas un fiasco, le côté historique était très bien rendu, même si une narration au passé lui aurait rendu service, ainsi qu’une écriture moins clinique. L’histoire manquait d’émotions brutes, alors que nous sommes dans l’East End, dans la misère, avec des gens qui bossent dans les usines 13 à 15h par jour, pour un salaire de misère.



Un roman dont j’attendais beaucoup et où un récit au ton assez froid m’a fait perdre une partie de mon intérêt pour cette histoire, où certains personnages ont manqué de cohérence, de profondeur, d’étoffe qui fait les grands personnages marquants dans une lecture.



Et pourtant, sa partie historique était bien réussie, m’a appris beaucoup de choses, m’a immergé dans l’époque à tel point que je ne peux pas dire que tout était foiré et que je n’ai pas pris du plaisir à certains moments.


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Ces rêves qu'on piétine

Tout, tout, tout… (excusez cette sortie si inconvenante vu le sujet du livre) je pensais tout découvrir sur Magda Goebbels mais à la fin de ma lecture, elle est restée un mystère. Vous vous étonnerez peut-être que j’ai pu envisager de ‘comprendre’ une telle figure du nazisme, mais oui, quelque part, je pensais que ce livre allait me fournir les clés de Magda Goebbels et qu’en découvrant davantage son histoire personnelle à travers ce roman, j’allais lui trouver des circonstances atténuantes pour le meurtre de ses enfants, pour avoir soutenu Hitler et être devenue une icône du nazisme. Mais dans ce roman, elle était encore pire que ce que j’imaginais. Je l’imaginais fanatique à la cervelle complètement lavée persuadée de sauver ses enfants mais elle est présentée ici comme une simple opportuniste aux dents longues, qui méprisait son mari comme Hitler, une mère idéale de façade uniquement, une lâche. Une traitresse même envers son peuple s’il est vrai que son père était en réalité un juif qu’elle aurait laissé envoyer aux camps de la mort. ^



Quant au livre lui-même, j’en attendais beaucoup vu l’enthousiasme autour de ce livre et j’avoue avoir été un peu déçue. Déjà parce que je pensais que la base romancée serait basée sur des faits avérés et donc cela m’a un peu gênée qu’on ne soit pas sûr que son père était juif. Je sais bien que c’est le cas de nombreux romans historiques, qui sont après tout des romans mais là une grande partie du récit s’éloigne de Magda Goebbels et de ces derniers jours dans le bunker pour justement se concentrer sur le voyage des lettres de ce père et d’autres déportés au moment des marches de la mort et de la libération des camps par des troupes américaines. Moi qui pensais rester avec Magda Goebbels, suivre une reporter américaine à la recherche du cliché qui fera la couverture et sa renommée n’était pas ce que j’attendais.



Bref, c’est un excellent roman historique bien écrit et bien documenté mais qui m’a déçue parce que je m’étais fait une fausse idée du roman.

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La fièvre

A l’abris de rien

Je préfère m’immerger à la fin 19ième siècle avec l’histoire de cette épidémie de fièvre jaune qui survient à Menphis. Concernant le corona virus les événements sont proches de notre réalité. Je lirais des histoires relatives à cette saleté plus tard.



Sébastien Spitzer m’a emmené avec lui. Sa tragique histoire ou il n’invente que peu de chose comme il le souligne à la fin de son ouvrage, est une question de rythme. Tous les événements s’enchaînent vite. Sébastien Spitzer déroule son texte avec des passages descriptifs et des phrases qui n’en sont pas, absence de verbe parfois. C’est un peu déroutant, je m’y suis habitué.

J’apprécie la finesse avec laquelle il traite ces personnages principaux. D’abord Anne Cook une combattante de la vie et tenancière d’un bordel pour qui toutes les vérités ne sont pas nécessaires à entendre et à savoir, ensuite Keathing un homme qui réussit avec son journal local mais que la solitude achève petit à petit. Il reprend espoir au bras d’Anne qui sait aussi être voluptueuse et tendre. Sur Emma tout s’abat, cette horreur de fièvre lui fait perdre ses parents, elle trouve refuge auprès des sœurs du couvent. Elles ne sauront être de véritables héroïnes pour cette enfant.

Une atmosphère d’apocalypse règne, les morts s’entassent, on manque de tout et de bois pour les cercueils, les pillards rôdent la nuit, tous fuient Menphis sans savoir où aller. Keathing, lui, ose des rapprochements inattendus presque heureux. La rigueur de l’hiver chasse les moustiques qui véhiculent ce mal. Reste cinq milles morts.



Un récit déchirant, émouvant, et une très belle découverte. Je note quatre étoiles et vous conseille cette lecture qui précise un parallèle avec notre époque entre confinement et espoir qui nous sauverons peut-être.
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La fièvre

La fièvre de Sébastien Spitzer



Ancien journaliste, l’auteur est bien connu pour romancer des faits réels.

Dans son nouveau roman, celui-ci nous embarque à Memphis , en 1878.



Lorsqu’un homme blanc, nue, délirant, s’effondre dans la rue et meurt.

Personne ne se doute qu’une épidémie meurtrière est derrière tout ça.

Les cas de fièvre jaune se suivent, bien que ce n’est pas la première fois, la panique règne.

3 personnages: Emmy, Métisse de 13 ans

Mr Keathing, directeur du journal local, proche du K.K.K.

Anne Cooper, tenancière d’un bordel.

Tout les trois sont très différents, avec leurs idées, leurs morales, pour certain discutable. Comment vont-ils vivre cette crise? Comment la ville va survivre à ça?

Spitzer, de sa plume, fait passer les salauds d’hier, pour les héros d’aujourd’hui.

Digne d’un documentaire, mais à mon regret, trop court.

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La fièvre

"La peur se nourrit de l’ignorance".

On n’a beau avoir acquis au fil du temps des connaissances scientifiques, cet adage continuera toujours à se vérifier devant les épidémies.



Sébastien Spitzer nous téléporte dans la touffeur du Sud des États Unis, où une épidémie de fièvre jaune dévaste la ville de Memphis après la guerre de Sécession. Il s’explique dans sa postface sur le fait historique vérifié et la surprenante simultanéité de l’écriture de ce livre, avec la situation sanitaire vécue par notre époque.



Autre temps mêmes effets. La fièvre rode, les morts s’accumulent et paniquent toute une population: édiles, bourgeois, révérends, religieuses, culs-terreux, forces de police, sans oublier ces dames du bordel. C’est la débandade et l’incurie. L’isolement de toute une ville révèle la pire ou la meilleure humanité, sur fond de ségrégation raciale et d’impact de la presse écrite dans l’information.



Un livre qui se lit fort agréablement avec une distance romanesque qui donne au livre une réelle densité documentaire. Des images historiques très réalistes se dessinent, avec des personnages autant héros ordinaires que misérables salauds.



Après ces deux précédents livres très appréciés, cette lecture confirme que Sébastian Spitzer est un auteur incontournable

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Le coeur battant du monde

« Son existence a été cachée jusqu'au milieu des années 1960. Il a été l'un des secrets les mieux gardés de l'Union soviétique et de tous les gardiens du temple marxiste. »

Freddy Evans (1851-1929), fils naturel de Karl Marx et d'une employée de maison, habite ce roman historique brillamment écrit et construit. Autour de lui évoluent Friedrich Engels, à la tête d'une filature de coton familiale à Manchester, et Karl Marx, réfugié en Grande-Bretagne avec sa femme et ses quatre enfants, tous deux portés par un but commun : la création d'une Internationale regroupant les travailleurs du monde capitaliste. Au coeur battant du monde, « Ici, à Londres, capitale de l'empire le puis puissant de l'histoire », Sébastien Spitzer nous propulse aux premières heures de la création du Capital, oeuvre majeure de K. Marx et nous révèle les ressorts et pensées de ces philosophes aux actions parfois contradictoires qui voulaient transformer les conditions de travail des prolétaires.

Avec une prose éloquente et sans fioritures, Spitzer restitue avec brio la sauvagerie et les dérives du capitalisme du milieu du XIXe siècle, évoquant la guerre de Sécession aux États-Unis, la révolte des Fenians venant d'Irlande, les grèves ouvrières et les tensions entre les classes sociales très typées de Grande-Bretagne. Un auteur à découvrir sans tarder!
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Le coeur battant du monde

"La femme d'un charbonnier est plus respectable que la maîtresse d'un prince."...Jean-Jacques Rousseau l'a écrit, Sébastien Spitzer me le confirme.

Je l'avais découvert, et il m'avait séduit, comme beaucoup sans doute, dans "Ces rêves qu'on piétine" dans lequel il nous présentait une femme proche du pouvoir nazi, une femme puissante, Magda Goebbels. Épouse d'un prince nazi, on ne pouvait que la détester.

Il prend le contre-pied de cette femme en nous présentant dans "Le cœur battant du monde" Charlotte, une pauvre fille, une irlandaise enceinte, arrivant en 1851 à Londres pour fuir la famine. Charlotte va se prostituer pour manger, chercher du travail. Elle a déjà vendu ses cheveux à un perruquier du centre ville pour avoir de quoi manger.

Un homme la prend en otage afin de dévaliser l'agence où elle s'est présentée. Blessée au ventre elle est soignée par Markos Malte, un faux médecin, qui l'avorte et lui fournit les pilules de sa fabrication pour la requinquer.

À la demande d'Engels, le médecin récupère un enfant illégitime et demande à Charlotte qu'il soigne et héberge d'élever ce bébé.

Un bébé, enfant illégitime du Maure, ami d'Engels et de sa bonne.

"Son vrai nom c’est Karl Marx. Mais depuis des années tout le monde l’appelle le Maure. Ce surnom, il le doit à sa carnation particulière. Elle est hâlée, brun foncé. Ses cheveux sont d’un noir d’encre. Les poils lui recouvrent l’essentiel du visage."

Nous entrons dans la petite histoire de la Grande Histoire en suivant Freddy, ce gamin élevé par Charlotte, ce gamin caché aux yeux du monde par Engels ami de Marx..deux personnages presque de second plan, que nous suivons.

Marx époux de Johanna von Westphalen , une noble allemande, peine à diffuser ses idées, ses écrits et à faire vivre sa famille dans cette ville, Londres où il est réfugié...Pourtant il en noircit des pages, toutes aussi indigestes, soporifiques et difficiles à lire, les unes que les autres.

Engels son ami l'aide à diffuser ses idées. Lui n'a pas de soucis financiers; il gère et est associé dans une filature de coton, et passe une partie de ses loisirs dans des chasses à courre au renard.

On s'attache peu à eux deux. Seule l'Histoire en fera des personnages dont elle retiendra les noms.

Ils ne servent que de fils conducteurs au tableau de cette époque et de Londres que l'auteur nous trace, tableau de l'industrie anglaise des filatures de coton, de ces pauvres filles s'épuisant sur des métiers à tisser, y laissant parfois une main, et presque toujours la santé, respirant ces fibres de coton dans le bruit de ces ateliers, dans la chaleur et la moiteur de l'air. Les accidents de travail sont nombreux, qu'importe, les mains arrachées sont vite remplacées par d'autres mains. Les handicapés sont jetés au rebut de la société. Les horaires privent les ouvriers et ouvrières de toute vie, de tout loisir. Très tôt cependant, ces ouvrières auront leurs gamins à leurs côtés, leurs gamins embauchés très jeunes, handicapés ou mourant eux aussi à la suite d'accidents.

Elles travaillent le coton venu d'Amérique, cultivé grâce à la sueur des esclaves nègres...on ne parlait pas de Noirs alors. Des pauvres et des pauvres de part et d'autre de l'océan, indispensables pour que des riches dont Engels puissent chasser, s'enrichir et payer l'édition des titres de Marx...La guerre de Sécession priva un temps les usines du coton indispensable...

Sans travail on se serra la ceinture de plusieurs crans.

Pendant ce temps les Irlandais s'agitaient, revendiquant par des actes violents, par des attentats leur indépendance. Arrêtés et jugés, ils étaient pendus.

Ces personnages secondaires aux yeux de l'Histoire, qui n'en retiendra pas les noms, sont tous les personnages attachants du livre.

Œuvre de fiction ?

Sébastien Spitzer nous répond en fin d'ouvrage en pages de remerciements" :

"Dans ce livre, tout est vrai, ou presque. Marx et sa faute ontologique. Engels et ses loisirs. Tussy, le garçon manqué. Mais pour Freddy et Charlotte, je me suis plongé dans la zone grise d’une histoire balisée. Son existence a été cachée jusqu’au milieu des années 1960. Il a été un des secrets les mieux gardés de l’Union soviétique et de tous les gardiens du temple marxiste."

et cite de nombreux ouvrages qui l'ont documenté.

Merci pour cette lecture et ces heures de dépaysement
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Le coeur battant du monde

Sébastien Spitzer se penche ici sur le destin du fils caché que Karl Marx a eu dans les années 1850 avec sa bonne, avec un style mêlant habilement l'Histoire "vraie" avec le feuilletonesque dépourvu cependant de lyrisme. Les phrases sont sèches et minimales, l'écriture sans fioritures. Nous découvrons un Karl Marx ambigu, enflé de paradoxes, et monstrueux dans sa lâcheté. La part belle est donnée aux femmes, celle qui a enfanté, celle qui a donné de l'amour à ce fils non désiré.
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Ces rêves qu'on piétine

Il y a l'Histoire que l'on apprend à l'école : les dates, les événements, les noms des hommes illustres et puis celle que l'on découvre plus tard lorsqu'un roman décide de la rendre vivante, d'incarner ces femmes et ces hommes qui ont fait l'Histoire, d'imaginer leurs pensées, leurs doutes, leurs souffrances et c'est précisément cela que Sébastien Spitzer réussit à merveille dans son premier roman : Ces rêves qu'on piétine.

Les premières pages s'ouvrent sur une longue marche, une parmi tant d'autres, une marche de la mort… Terrible fin de guerre, la Seconde… « Des cohortes de guenilles maculées de mois de crasse, tiraillées par le manque. La faim, la soif, les proches, l'avenir. Des cadavres en mouvement. »

Aimé marche. Il vient de Stöcken (Hanovre). Il porte un rouleau de cuir caché dans sa veste : « La mémoire des camps. Témoin écrit de leurs vies effacées. » Ce rouleau qui renferme des lettres et des témoignages sera le fil conducteur du roman, transformant les différents protagonistes en maillons d'une chaîne, chacun se relayant pour que la vérité soit sue et que rien ne soit oublié. Au bout de cette chaîne humaine, il y a une femme à qui sont destinées ces lettres, pauvres missives d'un père juif désespéré à sa fille qui jamais ne s'autorise à penser à lui. Cette fille se nomme Magda. Nom de famille : Goebbels.

1945, c'est la fin de la guerre, Berlin est assiégée et les hauts dignitaires nazis se planquent au sein de leur bunker dans les jardins de la chancellerie du Reich. Ils ont compris que c'était fini : Magda et Joseph Goebbels sont là avec leurs six enfants Helga, Hildegarde, Helmut, Holdine, Hedwig, Heidrun. Sont présents aussi Eva Braun, Adolph Hitler, son secrétaire particulier Martin Bormann, un chargé des communications téléphoniques Rochus Misch, un médecin, le docteur Stumpfegger, du personnel administratif, des militaires, des cuisiniers et la chienne d'Hitler, Blondi… Enterrés sous une épaisse couche de béton…

Sur les routes, les survivants des camps par milliers continuent d'avancer. Les nazis souhaiteraient les faire disparaître au plus vite afin que personne ne puisse témoigner... Certains tombent d'épuisement, d'autres sont fusillés ou brûlés dans des granges. Les corps sont au plus vite jetés dans des charniers. L'horreur des camps se poursuit sur les routes...

Ava, née en camp au block 24-A, et sa mère luttent, elles n'en peuvent plus…

Le récit de Sébastien Spitzer passe d'un groupe à l'autre : d'un côté les assassins, les bourreaux qui sentent que leur heure est venue, qu'elle est imminente et qui imaginent déjà la forme que cette mort va revêtir, de l'autre, une lutte de chaque seconde pour survivre. Triste contraste. Des deux côtés, pour des raisons évidemment bien différentes et non comparables, pauvre humanité...

Dans le bunker, l'auteur s'intéresse surtout au personnage de Magda Goebbels dont il retrace l'existence. On la découvre alors qu'elle assiste au dernier concert du philharmonique organisé par son vieil ami Speer  et écoute le Crépuscule des dieux. Elle est rapidement conduite dans le bunker. La situation est incompréhensible pour elle. La fin du Reich : simplement impossible. Ce serait la fin d'un monde dont elle est la première dame, une reine « puissante et respectée », au fait de sa gloire, au paroxysme de son ascension sociale. Elle se croit au contraire « loin des croche-pieds du sort ». Quelque chose va se produire, la situation de l'Allemagne va s'inverser, forcément… Enfermée entre ses quatre murs de béton, elle pense à son destin que le lecteur découvre alors que cette femme fait le point sur sa vie.

On n'imagine pas forcément qu'elle est née de la liaison d'une petite employée de maison avec son patron et qu'elle fut placée à Vilvorde dans un pensionnat religieux où étaient éduquées des jeunes filles de bonne famille. Déjà, dans ses pensées, on sent qu'elle en veut : « Chaque soir, dans ses prières, elle se jurait qu'elle serait différente, qu'elle porterait de beaux souliers, puis de belles robes, que son mari ferait la pluie et le beau temps, que des jardiniers passeraient le râteau chez elle et qu'elle n'aurait plus jamais à partager sa chambre, qu'il n'y aurait plus de promiscuité, de pensionnaires... »

Une ambition démesurée, un goût du pouvoir sans limites, une volonté de se hisser au plus haut rang de la société, voilà ce qui caractérise Magda Goebbels. Coûte que coûte, quels que soient les moyens d'y parvenir, elle y arrivera. Rien ne pourra l'arrêter.

Lorsque sa mère vient la voir au pensionnat, elle lui présente son nouveau compagnon, Monsieur Richard Friedländer, un riche commerçant juif qui l'élèvera comme sa fille.

Après avoir eu une relation amoureuse avec Victor Arlosoroff, un jeune sioniste, frère d'une de ses amies, elle épousera Gunther Quandt, un riche industriel allemand dont elle aura un fils Harald. Mais elle divorcera une dizaine d'années plus tard.

Puissamment attirée par le pouvoir et tout ce qui tourne autour, elle s'inscrit au Parti national-socialiste où elle rencontre Joseph Goebbels dont l'aura la fascine : « Il n'y avait plus d'orchestre, plus de micro sur l'estrade, qu'un vague murmure éteint, un contentement de foule dont la masse auparavant compacte se déchirait en lambeaux dans les gradins, aux étages, derrière et devant elle. Ils avaient aimé ça. Ils avaient aimé cette puissance. Le pouvoir d'un seul homme. Au-dessus. Au-dessus des autres. C'était sexuel. Absurde, aussi. Magda avait bien observé cet homme. Elle l'avait même envisagé. Pas lui. Mais ce qu'il incarnait. Celui qui restait droit quand les autres le buvaient. Celui qui faisait crier. Sa place à elle était là-haut. Au-dessus. Elle méritait l'estrade, la droite du chef. Elle aimait qu'on la regarde. Bientôt ce serait son tour… Qu'il était laid, sans la foule. Mais il y avait la foule. »

Terrible portrait que celui de cette femme prête à se donner corps et âme à l'homme que l'Allemagne admire…

Sur les routes, c'est la tragédie d'Aimé, de Judah, d'Ava et de sa mère Fela que nous suivons : la lutte de tous les instants pour échapper au pire, à la grange où ils sont parqués et que l'on brûle, à la course contre la mort, à la nécessité de vivre cachés, aux coups de feu que les paysans tirent par peur d'être attaqués et volés, à l'épuisement qui les guette. Peu de mots pour exprimer une telle souffrance… Fela porte un sac dont elle ne se séparerait pour rien au monde et qui contient des lettres...

C'est avec beaucoup d'adresse et un immense travail de recherche que Sébastien Spitzer a su rendre vivants tous ces personnages de l'Histoire, les mettre en scène, nous permettant d'une certaine façon de mieux les approcher, de mieux les voir, à défaut de les comprendre - certains actes resteront à jamais incompréhensibles.

J'ai dévoré ce texte, en ai apprécié l'écriture très rythmée et une construction assez habile créant de saisissants effets de contraste. J'ai bien sûr découvert des éléments historiques que je ne connaissais pas et qui m'ont littéralement stupéfiée. D'ailleurs, la puissance d'évocation de certaines scènes est telle que je ne les oublierai jamais.

Terrible Histoire, terribles histoires, destins gâchés, rêves piétinés… Mais j'arrête là et vous laisse découvrir ce premier roman dont on va certainement beaucoup entendre parler...

A lire absolument !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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