Selma Lagerlöf

Qu'il ne fût qu'un fou lui était égal. Il n'en était pas moins un être humain, et vivant.

Un homme comme moi a besoin de sentir un archet sous ses doigts, dans le chagrin comme dans la joie.

"Comment s'appelle donc cette contrée, où ne pousse que le fer ?"
Une vieille chouette, installée dans une cabane abandonnée, se réveilla alors. Elle avança sa tête ronde et cria de sa voix terrible :
"Hou! Hou! Hou! cette contrée s'appelle Bergslagerna, ou les districts miniers. Si l'on n'y avait découvert le fer, elle serait restée la demeure des chouettes et des ours jusqu'au jour d'aujourd'hui."

Mais peut-être était-il bénéfique qu'il vît ce qu'il vit. Car il ne lui était pas donné de voir le voile vert de la culture croissant sur ses propres terres, il ne lui était pas donné d'attendre l'extinction du charbon ardent dans sa propre cheminée, ni d'avoir une femme aimante à ses côtés.

Dans le royaume de l'effroi, dans le grand désert, une fleur avait néanmoins poussé, qui l'avait consolé de son parfum et de sa beauté. Maintenant, il sentait à quel point cet amour était durable. la plante sauvage du désert s'était laissé emmener dans l'éden de la vie, où elle s'enracinait, poussait, s'épanouissait. et quand il sentit cela il sut qu'il était sauvé, que l'obscurité avait trouvé son maître.

Car de même qu’il n’est rien de plus pesant que de rester inactif et immobile quand on entend parler des malheurs des autres, le plus grand bonheur et un calme paisible sont donnés à tous ceux qui, fût-ce avec peu, essaient de leur porter assistance. 

C’était en automne, et le soleil était couché depuis bien longtemps, mais ils ne marchaient pas pour autant dans le noir car l’air était limpide et la lune à son plein. Tout était beauté. Le lac, en bas du presbytère, était lisse comme un miroir et traversé par un chemin d’argent, et sur les champs chaque brin était orné d’une goutte de rosée, véritable perle blanche au clair de lune. L’obscurité ne se refermait sur eux que quand leur route traversait des bosquets. L’automne n’étant pas très avancé, les feuilles demeuraient sur les arbres et les frondaisons s’incurvaient au-dessus de leurs têtes telles des voûtes noires et profondes.

Il faut reconnaître qu'en Scanie, l'homme a érigé de nombreux bâtiments magnifiques, mais jamais il n'a reussi d'aussi belles murailles que les rochers de Kullaberg.

Il est peu de louanges aussi agréables que celles des gens intelligents et capables : jamais Nils ne s'était senti aussi heureux.

Si seulement les hommes savaient, dit Georges, à quel point il est facile d'aider à franchir la frontière ceux qui ont terminé leur labeur, qui ont rempli leur mission et qui ont déjà quasiment coupé les liens, mais combien il est difficile de libérer celui qui n'a encore rien accompli, qui abandonne un travail en suspens et laisse derrière lui tous ceux qu'il aime, alors ils s'efforceraient peut être de faciliter le travail au cocher.

Eh bien s’il fallait penser sans cesse à ceux qui souffrent, on n’aurait pas beaucoup de moments de joie dans la vie… (p.14)

"Rien n'est plus sûr et certain que le fait que le soleil adore les esplanades dégagées qui s'étendent devant les petites églises de campagne. Y en aurait-il qui n'auraient pas remarqué qu'on ne voit jamais autant de soleil que durant l'office du dimanche devant une petite église toute blanche? Nulle part les rayons ne tissent un réseau aussi dense de lumière, nulle part l'air ne demeure dans une telle immobilité emprunte de respect. C'est comme si le soleil était là pour veiller à ce que les gens ne restent pas sur le parvis à discuter. Il tient à ce que tous soient docilement assis dans l'église pour écouter le sermon, et c'est pour cette raison qu'il inonde à profusion de ses rayons les murs de l'église." (Babel - p.37)

On voit à mon air que les cadeaux reçus ne me satisfont pas pleinement, et tous trouvent sans doute qu'ils m'ont joué un bon tour.

Pleurer er expier avec des regrets et des soupirs, ce n'est point mon affaire. Toute la pénitence dont je sois capable, c'est de donner de la joie aux pauvres.

La nostalgie retire à la rose son parfum et à la lune son éclat.

Sven Elversson monta la colline surplombant le port de pêche, et de là il regarda longuement la mer.
-Si mon malheur pouvait faire que les gens se mettent à penser qu'un être vivant est inattaquable, dit-il, qu'il ne doit pas être dépouillé de sa vie, ni mis hors d'état d'en profiter, alors quelque chose de bon aura quand même germé des semailles amères de mes tourments.

L'espace d'un instant, elle n'eut en pensée que l'idée qu'en ce moment elle découvrait un miracle du Seigneur. Elle faisait véritablement connaissance avec la mer. Jamais auparavant elle n'avait soupçonné ce que pouvait signifier la proximité avec cet élément, en sentir la respiration murmurer à l'oreille, contempler son visage changeant, s'installer paisiblement dans ses bras et se laisser bercer.

Je serais plutôt tenté de penser que ce fils, Sven, est comme ces galets de la côte que les vagues bousculent d'un côté puis de l'autre. Il devient tellement poli et lisse par tous les coups qu'il reçoit qu'il n'aura bientôt plus la moindre aspérité.

On a raison de dire que la glace est toujours perfide et traîtresse. Au milieu de la nuit, la croûte de glace flottante se déplaça sur le lac de Vomb et vint toucher la rive. Or il advint que Smirre le renard, qui à cette époque demeurait à l'est du lac dans le parc du cloître d'Oved, s'en rendit compte au cours de sa chasse nocturne. Le soir déjà, Smirre avait aperçu les oies sauvages, mais il n'avait pas espéré pouvoir en attraper une. Il s'avança donc sans tarder sur la glace.

Selma Lagerlöf nous offre un conte fantastique des pays du nord. On prend plaisir à l'histoire elle-même, à ses rebondissements, à son suspens. On aime frissonner de peur lorsque le fantôme apparaît. On pénètre dans l'atmosphère chaleureuse et tranquille d'un groupe de paysans devant un feu de cheminée, ou bien dans celle, angoissante, de ces mêmes personnes en attente d'un jugement "de Dieu" qui devra forcément conclure à une peine capitale, sans preuves.
Après m'être laissée bercer par ces pages, une fois le livre refermé, je me suis demandé s'il s'agit seulement d'une peinture des temps anciens et de leurs superstitions abolies, ou bien si finalement les êtres humains de notre siècle ne continuent pas à se comporter de la même manière, appât du gain menant parfois à la violence, croyances, attirance irraisonnée pour ceux qui ont un certain pouvoir, même s'ils ne se conduisent pas d'une manière très claire.
Entre le conte merveilleux et le roman réaliste, n'y aurait-il qu'une différence de style littéraire ?