Citations de Sigrid Undset (162)
- [...] On dépend toujours de ce que l'on aime ! Ne dépendez-vous pas de votre travail? Et si l'on tient à un autre être, dit-il doucement, ne dépend-on pas de lui pour de bon?
Elle réfléchit un peu.
- En ce cas, on a choisi soi-même, dit-elle rapidement. Je veux dire qu'on n'est pas esclave ; on se soumet volontairement à quelqu'un ou à quelque chose que l'on place au-dessus de soi-même.
J'accepte son offre de me payer une pension , mais la somme que tu indiques est plus qu'il ne me faut ; je connais ta situation et tu comprendras que je n'accepterais pas cette somme de toi. Bien entendu, je ne veux accepter ton aide que le temps de trouver un emploi, mais jusque là je l'accepte avec reconnaissance.
« Il vaut mieux n’avoir pas tout à fait assez de ce qui est nécessaire que de ne jamais pouvoir avoir trop de ce qui est inutile » .
N'avaient-ils pas vécu une heureuse vie, précisément parce qu'ils étaient restés crédules, confiants ?
En d’autres temps, un chef aurait pu prendre cet homme en main et l’utiliser. Mais en cet état du monde, chaque homme ne pouvait, la plupart du temps, s’en rapporter qu’à son propre jugement.
C'est malheureux que nous ne soyons plus assez naïves pour donner aux fleurs des pensées humaines.
Puis Leikny ajouta, quand la bourrasque s'apaisa un peu:
- Était-elle plus belle que moi, cette fille de Norvège ?
- Non, dit Ljot sans la regarder, non; la plupart te diraient plus belle.
- Etait-elle plus riche alors ? demanda encore Leikny
- Oh ! je pense que les biens d'équivalent, répondit Ljot de même.
- Mais dans tes pensées elle reste supérieure à moi. Leikny parlait avec humeur. En quoi m'était-elle donc supérieure ?
- En ce qu'elle posait moins de questions que toi peut-être, fit Ljot en riant cette fois.
Quel était mon but, en somme, s'écria-t-elle tout à coup. Je voulais vivre de telle sorte qu'il ne me faudrait jamais avoir honte d'aucun de mes actes ni comme être humain, ni comme artiste. Je voulais ne jamais commettre une action dont je ne fusse pas sûre qu'elle ne fût juste. Je voulais être honnête, énergique, et bonne, n'être jamais cause de la douleur d'un autre.
Et quelle a donc été ma faute initiale, celle qui a tout déclenché? Mon Dieu, j'avais soif d'amour, mais je n'aimais personne ! Etait-ce donc si extraordinaire d'avoir pensé lorsque Helge est venu à moi, que c'était lui que j'attendais. A la fin je l'ai cru pour tout de bon ; et ç'a été le commencement, le reste a suivi. Gunnar j'ai cru que je pouvais les rendre heureux, et je n'ai fait que du mal.
Il faut voir de ses propres yeux et penser par soi-même. Alors on se rend compte que tout dépend de soi-même : le profit que nous pouvons tirer de nos voyages, les choses que nous parvenons à voir et à comprendre, l'attitude que nous prenons, le choix que nous faisons de certaines influences. Oui, tout dépend de nous-mêmes. Et l'on apprend que nous sommes maîtres de tirer tel ou tel parti de notre vie. Évidemment, les circonstances jouent bien quelque rôle comme vous le disiez. Mais on découvre les forces personnelles qui permettent de vaincre ou de tourner les difficultés.
Elle croyait se voir elle-même, à une très longue distance, toute petite dans l'éloignement du temps et de l'espace, inondée de la clarté du soleil qui se glissait par le trou de fumée dans leur vieille maison à foyer, la maison d'hiver de son enfance. Ses parents se tenaient un peu à retrait dans l'ombre : ils prenaient les dimensions fantastiques qu'ils avaient à ses yeux quand elle était petite, et ils lui souriaient comme elle savait à présent que l'on sourit lorsque arrive un petit enfant qui chasse vos lourds et pénibles pensers.
De toute la journée, les heures qu'elle préférait étaient celles du petit matin. Elle sautait du lit dès que Charly se réveillait, habillait le petit et l'emmenait au jardin. Sa fatigue qui subsistait encore au lever se dissipait, à peine était-elle dehors. L'air était frais et saturé de l'odeur du fjord et de la terre fraîchement retournée. En allant au jardin, il lui semblait presque plonger dans l'eau froide et elle songeait avec une pointe de regret aux jours d'été d'autrefois, au miroitement du soleil sur l'eau, au rideau de buissons qui poussait dru autour de la baie, et à l'abri duquel elle s'était dévêtue. La brise et les chauds rayons du soleil la caressaient. Oh, barboter dans les petites vagues, s'en aller assez loin pour que leurs jeux de lumière sur le fond sablonneux se reflétassent le long de son corps..., et puis l'eau devenait assez profonde pour qu'on pût y nager et la sentir couler, douce et vivante, autour de soi. Les membres d'Ida-Elisabeth, raccourcis et verdâtres, prenaient un aspect cocasse. (page 52)
La tendresse maternelle est un don de la nature, elle n'offre pas matière à réflexion.
Le printemps doux et fort du dehors la fit pleurer de chagrin sur toute la détresse qu'elle sentait autour d'elle.
Cette année-là, le mois de novembre fut extraordinairement beau. Le matin, quand Torkild se rendait au bureau, le givre poudrait le bois d'un léger nuage gris et le soleil montait rouge derrière la brume. Dans la journée, le temps s'éclaircissait en général, les routes, saisies par le gel le matin, devenaient noires et boueuses, et, au soleil, des gouttes glissaient, tombaient et étincelaient dans les bois éclaircis, où les arbres et les arbustes gardaient quelques dernières feuilles jaunes, quelques baies et quelques fruits d'églantiers pourpres. Après le coucher du soleil, le gel reprenait et, le long de la rivière, le brouillard s'étendait comme une vapeur blanche et légère sur les prés. Quand il rentrait, vers le soir, la lumière des fenêtres de la cuisine et de la salle à manger perçait le brouillard comme les gros faisceaux d'un projecteur.
C'est vrai. On arrive à souhaiter quelque chose de violent, de brutal...qui puisse vous arracher à cette espèce de nostalgie vague et blanche qui vous entoure comme de fils invisibles, qui vous happe par des milliers de tentacules et qui vous suce le sang...
Ce jour où je suis sortie, chez nous, je ne pouvais imaginer que quelque chose pût avoir tant de prise sur l'âme des hommes qu'ils en oublient la crainte du péché, mais maintenant j'ai vu tant de choses que, s'il n'y a pas de rémission pour les péchés que le désir ou la colère font commettre, alors le ciel sera vide.
- Oh Kristin, I know I've come to you much too late...
- But the two of us still own much that can be ruined, Erlend!
Olav avait le tête en feu. Le dernier enfant d'Ingunn ! Elle l'aimait comme elle ne l'avait jamais aimé, lui ; si elle le perdait, il est probable que tout serait fini... Il sauverait, il fallait qu'il sauvât l'enfant ; dût-il donner sa vie, il le fallait... !
Elle avait accepté comme sa destinée – destinée qu’elle devait supporter patiemment et sans fléchir – que cela reposât sur elle. De même, elle s’était efforcée d’être patiente et d’accepter sans faiblir les conditions de sa vie chaque fois qu’elle avait senti qu’elle portait un nouvel enfant dans ses entrailles – toujours et toujours. À chaque fils qui augmentait la petite bande, elle avait senti qu’elle était de plus en plus responsable de l’aisance et de la sécurité de la famille. Elle se rendit compte ce soir que sa faculté de tout surveiller, sa vigilance avaient aussi augmenté à chaque nouvel enfant qu’elle avait à élever. Jamais elle n’avait vu aussi clairement que ce soir ce que le destin avait exigé d’elle et ce qu’il lui avait offert avec ses sept fils. Sans cesse la joie qu’ils lui donnaient avait revivifié les pulsations de son cœur, comme les angoisses à leur sujet l’avaient déchirée. Ils étaient ses enfants, ces grands garçons aux corps maigres et anguleux, comme ils l’avaient été lorsqu’ils étaient si petits et potelés qu’ils pouvaient difficilement se faire mal en culbutant dans leurs voyages entre le banc et ses genoux. Ils étaient à elle comme à l’époque où elle les prenait dans leur berceau pour leur donner le sein et où elle devait soutenir leur tête qui pendant à leur cou frêle comme une campanule bleue pend à sa tige. Que deviendraient-ils en ce monde, où s’en iraient-ils, oublieux de leur mère ? Il lui semblait que leur vie serait pour elle un mouvement de sa propre vie ; ils ne feraient qu’un avec elle comme cela avait été lorsque, seule sur terre, elle avait conscience de la vie nouvelle dissimulée en elle, qui buvait son sang et à qui elle devait la pâleur de ses joues. Toujours elle avait éprouvé l’angoisse qui consume et qui baigne de sueur, lorsqu’elle avait senti que de nouveau l’heure était proche où elle allait être engloutie par la lame de fond de l’enfantement… jusqu’au moment où elle remonterait à la surface avec un nouvel enfant dans les bras, combien plus riche, plus forte et plus courageuse après chaque naissance, cela, elle le comprenait ce soir pour la première fois.
(p. 655-656, Chapitre 4, Partie 3, “Erlend Nikulaussoen” Tome 2, “La maîtresse de Husaby”).
Il y a des gens qui s'interrogent eux-mêmes sur leur amour pendant si longtemps qu'ils finissent par croire qu'ils n'aiment plus. C'est comme ma belle-mère : si elle reste sans pouvoir dormir pendant une heure, elle ne cesse de penser à cette insomnie, et elle finit par s'imaginer qu'elle ne dort plus depuis trois mois. Et elle dort, en réalité, à poings fermés presque toute la nuit.