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Critiques de Sigridur Hagalin Björnsdottir (101)
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L'île

Quand l'enfer est pavé de bonnes intentions…



L'île…simplicité d'un titre maintes et maintes fois utilisé…pouvant être aux trésors, mystérieuse…l'île…celle des gauchers, des âmes, des oubliés, des chasseurs d'oiseaux, du diable, du docteur Moreau, ou encore celle du jour d'avant…l'île de Robert Merle, celle de Vincent Villeminot, de Michael Fenris…Et celle de Sigridur Hagalin Björnsdottir dont il s'agit du premier roman, paru en 2018. L'île ici c'est l'Islande. Trouvé chez un bouquiniste j'ai été immédiatement attirée par la superbe couverture et le nom de cette auteure à la consonance toute islandaise. Sans en savoir plus, sans même lire la quatrième de couverture, je me suis donc embarquée sur cette île.



Première surprise L'île est un roman d'anticipation islandais, qui plus est un roman choral.

Le récit pose la question des conséquences et des capacités d'adaptation d'un pays coupé totalement du monde extérieur. En effet, du jour au lendemain, l'Islande est coupée du reste du monde, sans plus aucune connexion internet, plus aucun contact possible avec l'étranger. Aucun moyen de transport n'arrive de l'extérieur de l'île et les moyens de transport qui s'aventurent à l'étranger ne reviennent pas. Les causes de cet isolement ne sont pas connues, seules quelques hypothèses sont émises (problèmes de câbles sous-marins, incident nucléaire à l'extérieur de l'île, acte terroriste…). Nous ne savons même pas si le monde extérieur existe encore.

Mais au-delà des causes, ce livre va se focaliser sur les conséquences d'un tel isolement, conséquences multiples tant politiques, qu'économiques, ou sociétales…Comment réussir à nourrir toute la population, quelles cultures et élevages privilégiés, comment inciter la population à devenir agriculteurs ou pêcheurs, quel système économique adopté lorsque la monnaie ne vaut plus rien ? Comment se décide le destin d'une Nation ? Une poignée de personnes peut-elle décider d'un nouveau contrat social ? Multiples questions qui toutes se résument à la capacité d'adaptation du pays, nécessaire et vitale par le développement d'un mode de vie plus proche de la nature et le retour aux savoir-faire ancestraux.



La Première ministre prend le rôle de Présidente, le Président islandais étant alors en déplacement à l'étranger au moment de la survenue de l'isolement, et avec quelques politiciens met tout en place pour rassurer la population via des articles de journaux au ton calme vantant le retour à un mode de vie basé sur la sobriété et la débrouille, notamment en s'associant avec Hjalti, journaliste, qui va s'employer à présenter d'une certaine façon les faits et les décisions politiques à la population, d'une façon propice à l'acceptation…il va assurer une communication de propagande en réalité. Restrictions de nourriture et d'essence, résurgence des modes de vie anciens, développement d'un fort sentiment national, en voulant faire bien le gouvernement dérive peu à peu vers le fascisme et le rejet des étrangers, y compris des touristes alors coincés sur l'île. Hjalti découvre à la fin du livre l'envers du décor et le rôle qu'il a joué dans cette montée du nationalisme, découvre comment le pouvoir a su utiliser les médias, a su l'utiliser. Dans cette situation difficile, la solidarité lui semblait indispensable et donc la critique négative délétère, bien conscient que la moindre étincelle pouvait suffire pour que tout s'enflamme. Il a été en réalité l'objet d'un gouvernement utilisant des méthodes fascistes.



« Il ne comprend pas comment il est possible que les gens cultivés et intelligents qu'il fréquente quotidiennement, ces gens avec lesquels il assiste à toutes ces réunions et dont il partage les repas à la cantine, puissent être à l'origine de telles horreurs, d'un tel enfer, de cette violence sans limites, de cette famine et de cette merde ».



Le livre est ponctué d'articles de journaux mettant en valeur une certaine froideur et une neutralité dans les faits relatés dans le but de rassurer la population, ainsi que d'articles scientifiques qui convoquent l'histoire, celle avec un grand H, notamment l'histoire des civilisations, ainsi que quelques projections étayées de données chiffrées, des graphes, cynisme des statistiques lorsque le monde en réalité tombe peu à peu en déliquescence.



« Puis peu à peu, de menues choses se mettent à dérailler, une dent qui se brise dans l'un des rouages, un bitoniau se casse sans qu'on le remplace, le processus s'enraye et les chaînes de fabrication s'arrêtent. Les professeurs enseignent et les médecins soignent tandis que les magasins vide licencient leur personnel, les écrans de la Bourse sont désespérément muets, les agences de publicité et les cafés végètent, silencieux, dans ce désert. Nous assistons à la monté des prix des denrées de première nécessité et même si personne ne doit aller faire ses courses avec une brouette chargée de billets, nous en croyons à peine nos yeux quand nous voyons le prix affiché par le terminal de paiement pour un litre de lait, un pain ou un filet de pommes de terre. Nous tapons notre code secret les doigts tremblants, nous allons voir le comptable de l'entreprise qui nous emploie, il hausse les épaules et nous accorde une augmentation, les montant n'ont plus aucune importance, la couronne flotte en apesanteur (…) Peu à peu chacun se replie sur soi et sur les siens, nous offrons une douzaine d'oeufs ou un livre d'huile au gériatre, au policier, à la sage-femme qui accueille un nouveau-né».



Au-delà du processus décrit, le livre donne la parole tour à tour à plusieurs protagonistes dont Hjalti donc, mais aussi à Maria son ex-compagne d'origine espagnole qui tente de survivre avec ses deux enfants Elias et Margret et enfin à un homme mystérieux dont on lit les écrits, sorte de survivant à Svangi, fjord éloigné et hostile où il semble avoir trouvé refuge. Ces gens tentent de survivre dans ce monde devenu anormal. le fait de lier ces destinées faites d'espoirs, d'angoisses, d'erreurs et cette catastrophe rend le récit réaliste. Leurs voix alternées permettent d'enchaîner les chapitres, relativement courts ; quant à l'écriture, elle est fluide et agréable même si je l'aurais aimé plus poétique, du moins plus travaillée peut-être.



J'ai trouvé très intéressant le processus par lequel tout se délite et comment l'ile revient à un état originel, sans société, une île sur laquelle les hommes sont uniquement guidés par leurs instincts, leur nature originelle, sans plus de règles, plus d'éducation. Une île sur laquelle seul un retour aux sources permet d'espérer un avenir possible.



Plusieurs références me sont venues à l'esprit à la lecture de ce livre, des références éloignées pourtant mais qui toutes ont un lien avec cette idée d'un territoire coupé du reste du monde. J'ai pensé tout d'abord au livre autrichien le mur invisible de Marlène Haushofer, où un territoire est subitement isolé par un mur invisible et une femme se retrouve alors totalement seule, ne pouvant pas aller au-delà d'une certaine limite, se cognant littéralement à un mur invisible. Nous assistons à sa survie et à sa solitude. Mais là où de nombreux livres mettent en avant un seul personnage, ou une poignée de gens, coupés du reste du monde (sur une île ou pas), ici l'originalité tient au fait que c'est un pays dans son ensemble qui est totalement isolé. J'ai pensé également de façon surprenante au livre de Saramago le radeau de pierre dans lequel la péninsule ibérique se détache du continent européen, là encore en une métaphore de l'isolement… pour ensuite rejoindre l'Afrique il est vrai.



Nous pourrions parler de dystopie pour qualifier ce livre, mais selon moi ce n'est pas une dystopie, j'y vois plutôt une fable. Une fable politique sur les conséquences de l'isolement d'une part, mais aussi une fable qui nous montre que tout système peut changer, changement qui se fait souvent au prix de violence, d'abus de pouvoir, d'exclusion. Un livre qui fait réfléchir. Cette fable de l'isolement en ces temps de retour aux nationalismes, cette fable du changement total en ces temps de menace climatique imposant un changement radical qui ne viendra que lorsque nous n'aurons plus le choix, m'a troublée et beaucoup fait réfléchir…C'est certain L'île de Sigridur Hagalin Björnsdottir n'est pas une île où passer un bon moment de détente et de farniente, mais bien une fable qui fait réfléchir plus précisément à la disparition des civilisations par manque d'adaptation et qui donne envie de creuser le sujet.

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L'île

C'est par hasard que j'ai choisi ce roman islandais dans les nouveautés dernièrement arrivées chez mon libraire préféré. Et je ne le regrette absolument pas. Ce roman est une pure merveille que j'ai lu d'une traite. Impossible de m'extraire de cette dystopie du bout du monde. Imaginez que l'Islande soit coupée du monde extérieur et doive revenir à l'autarcie. Nous ne saurons jamais les causes de cet isolement, ni même si le monde extérieur existe encore. La société va devoir s'adapter et revenir à un mode vie plus proche de la nature. On image aisément, que ce bouleversement ne va pas se faire sans heurts et que tout le monde n'y survivra pas. Seul, un retour aux sources permettra d'espérer un avenir possible.

L'écriture est fluide, le rythme soutenu mais pas trop, les chapitres sont courts, entrecoupés d'articles de journaux pour mieux suivre l'évolution générale de la situation, parallèlement à l'histoire personnelle des différents protagonistes. Le tout savamment dosé pour rendre l'action vraiment très efficace.

De plus, pour ceux qui connaissent un peu ce pays, on retrouve dans les descriptions, les paysages sauvages et la nature omniprésente, sans oublier les rues du centre de Reykjavik.

Ce premier roman est une véritable pépite que je recommande vivement.
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L'île

Livre masse critique de janvier qui a mis un peu de temps à me parvenir. Merci aux éditions Gaïa et à Babelio.

Du jour au lendemain l'Islande se retrouve isolée du reste du monde. D'ailleurs y-a-t-il un reste du monde ? Toutes les communications sont coupées aussi bien entrantes que sortantes. Aucun transport n'y parvient que soit bateaux, avions ou autres. Les missions d'exploration pour aller aux nouvelles ne rentrent pas.

Un groupe de pilotage est organisé afin de parer au plus urgent mais de jour en jour la situation se dégrade. L'Islande manque de beaucoup de chose pour s'autosuffire : elle ne peut prétendre faire vivre les quelques 320 000 habitants, plus quelques touristes. Les intellectuels, les artistes, sont contraints de retourner à la terre, de petits groupes de pilleurs se forment.

Mais de plus en plus de disfonctionnements apparaissent.

J'ai eu beaucoup de mal à me faire à l'idée du concept de départ.

L'histoire se divise en plusieurs et nous suivons surtout celle de Maria et de Hjalti en pleine séparation lors du début de l'ouvrage. Une fois admis les faits, je dois reconnaitre que le scénario tient bien la route mais c'est surtout lorsque la fille de Maria prend la tangente que j'ai littéralement été absorbé, lisant les dernières pages à la volée.

C'est un roman agréable à lire, le seul reproche est qu'il met beaucoup trop de temps à démarrer.

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La lectrice disparue

Traduit de l'islandais par Eric Boury



Ce livre était sur l'étagère des nouveautés à la bibliothèque. Mon oeil fut immédiatement attiré par la couverture, magnifique avec ce ciel étoilé en miroir. la petite fille, plantée devant une serrure trop haute pour elle m'a fait penser à "Alice au pays des merveilles". Quand j'ai vu le titre avec le mot magique "lectrice", je l'ai aussitôt emprunté sans même lire la quatrième de couverture.

Edda et Einar sont frère et soeur, enfin presque...

Et aussi différents que possible.

Edda est une enfant précoce, qui a appris à lire seule, atteinte d'hyperlexie, qui n'a pas d'ami, qui est vraisemblablement autiste.

Einar a de grosses difficultés d'apprentissage de la lecture, il est dyslexique, il déteste l'école, il a plein d'amis.

Soudain, tout change.

Edda devient une "adolescente normale", puis elle devient une influenceuse reconnue, puis elle se marie, puis elle a un enfant, puis elle disparaît. Pourquoi ? Tout le monde se pose la question.

Einar quitte l'école pour partir retrouver son père, puis part pêcher en mer, puis, à la demande de la famille part à la recherche d'Edda.

Le roman policier bascule peu à peu vers l'ésotérisme.

Un très agréable moment de lecture.



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L'île

Aujourd'hui, Maria vit sur ce rocher perdu aux confins de l'Atlantique Nord, dans une ville qui est peut-être la dernière ville du monde, Maria distribue à Elias et Margrèt assez de nourriture pour tenir jusqu'à la fin de la semaine.

Moments de survie, les mots se résignent à l'image de Maria, qui a de plus en plus de difficultés à percevoir ce que sera demain.

Il n'y a plus de mots pour imaginer la suite inéluctable des jours dans ce décor qui raconte la fin d'un monde cerné par des volcans.





Sigridur Hagalin Björnsdottir, une jeune journaliste islandaise lance ces propos démesurés, son pays se trouve brusquement coupé du monde. Elin le premier Ministre a t-elle les moyens d'enrayer cette descente aux enfers.

Nous voilà donc devant le défi lancé par cet ouvrage, face à la collapsologie. L'homme a poussé si loin sa dépendance aux technologies, qu'un simple petit grain de sable est capable de mettre le pays à feu et à sang.

Avec les ordinateurs une minuscule erreur de manipulation peut bloquer une voiture, qui se trouve en rade, ou un avion, un car ou un train..., Comme il m'est arrivé de voir ma voiture toute récente tomber en panne pour une batterie défectueuse.





Après avoir fêté les capacités de résistance des citoyens islandais et les idées lancées pour trouver la parade technologique, des citoyens planchent sur ce qui vient de se passer. Imaginez la mise en place d'une cellule de crise pour lancer une sorte de sursaut national.

"En temps de famine, l'unique objectif de l'être humain est la survie. L'ensemble de ses autres préoccupations est remisé, ses rapports sociaux sont entièrement gouvernés par un seul instinct : se nourrir."





Ce sont de vrais gilets jaunes qui s'avancent alors, les manifestants accusent les autorités d'incompétence et réclame comme par magie des élections.

"Le cerveau fabrique une hormone, de l'ocytocine, qu'il fabrique également pendant l'acte sexuel et chez une mère qui allaite son enfant. Un amour de nature chimique. La tendresse pardonne et supporte tout, mais la bienveillance est-elle encore présente".



Le groupe de pilotage du gouvernement vit une l'illusion de pilotage. De pilotage, il n'y en a pas. Par contre c'est un attentat qui vient frapper ce qu'il y a de plus fondamental la culture. 67 personnes ont péri, la plupart, des membres de l'orchestre symphonique d'Islande, le plafond qui s'effondrait sous leurs yeux, Maria est blessée.

Une tuile, quand s'égraine une suite de petites catastrophes et la situation dérape.





Elin rit, ouvre grand ses bras, attrape la main de l'économiste et la lève bien haut, ensemble, nous en sommes capables ! Nous l'avons fait jadis.

Il faudra bien qu'ils redeviennent réalistes Sigridur Hagalin Björnsdottir, dicte à Elin le tri des Islandais , et le renvoi sur des bateaux de fortune, tout ce que le pays avait recueilli comme étranger, y compris Maria la violoncelliste.





Tout est prêt pour se sauver ensemble du cataclysme, comme tout est prêt pour s'effondrer devant l'impuissance des leaders à s'entendre.

Quoi de plus actuel que de proposer cette réflexion au monde littéraire d'aujourd'hui.



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L'île

Wouaw... juste wouaw.



Mais encore?



L'Islande est coupée du monde. Les câbles qui amène l'Internet, les communications, le reste du monde n'opèrent plus. Via satellite, pas davantage de réaction. Plus d'avions n'arrivent. Plus de bateaux non plus. Les avions qui décollent (sans instruments) ou les bateaux qui partent ne reviennent plus. Mais pas de panique, les Islandais sont un peuple civilisé, moderne, responsable. On attend. Les jours, les semaines passent. Rien ne revient. Ni le WWW, ni les communications, ni le téléphone international, ni le reste du monde.



Du moins, c'est la version officielle.



Ajoutons que cet aléa "technologique" est arrivé alors qu'une partie du gouvernement se trouvait à l'étranger, et on a tous les ingrédients d'une prise de pouvoir, avec un chouette vernis démocratique dessus. Puis pour éviter (légitimement, semble-t-il) la panique et la peur, on va décréter l'état d'urgence, mettre en place un comité de sages (scientifiques) triés sur le volet et qui vont donner une justification scientifique aux décisions gouvernementales.



Il apparaît vite que l'opposition est muselée, surtout quand elle réclame des élections qui n'arrivent pas. Les milices se créent avec l'aval du gouvernement. le gouvernement est dissous dans l'indifférence générale. Les étrangers (c-à-d toute personne n'ayant pas des racines islandaises remontant aux vikings) finissent par être mis au ban de la société et finalement "encouragés" à partir en bateau rejoindre "leur pays"...



Soyons bien clair que depuis le début du "problème", on n'a que l'information officiellement donnée par le gouvernement, dont les actes sont pour le moins douteux, même s'ils semblent cohérents et logiques... Par exemple, quand on décide de ne plus financer la culture, ou quand un rapport tenu secret considère qu'on ne pourra nourrir que 200.000 personnes, alors que l'Islande en compte 350.000...



Le lecteur va suivre tour à tour les pas de Maria (islandaise d'origine sud-américaine, mère de Margret et d'Elias), de Hjalti (ex de Maria, journaliste et flirtant avec le pouvoir et Elin, la 1ère ministre faisant fonction), de Lefuir (son frère), de Margret (13 ans, qui va intégrer une bande de jeunes voyous)... En contrepoint du lent délitement de la société islandaise, qui retourne à son état médiéval, on a les réflexions d'un homme (dont on devine assez vite le nom, mais chut...), qui vit isolé et essaie de survivre en se cachant... C'est lui qui nous raconte l'histoire...



Et on assiste à une lente et irrémédiable descente aux enfers. Attentat, xénophobie, compromission, mensonges d'état, manipulations de l'opinion publique, violences, viols, meurtres... C'est horrible... mais tellement réaliste.



L'Islande est un bon choix. Une île, un peuple assez "pur", ou qui a fait de sa pureté un argument de vente... Mais c'est un prétexte, bien sûr. Le propos de l'auteure est universel. Global. On a une charge féroce sur la perte de notre humanité, de nos valeurs. Et cela va vite, très vite. Je suis d'ailleurs fort étonné, dans les critiques que j'ai pu lire un peu partout sur le Net, les lecteurs limitent leur commentaire à la seule Islande, lisant cela comme un récit de SF déconnecté du réel... Eh, oh, on se réveille un peu ! On assiste partout en Europe -et dans le monde- à des murs, des lois de ségrégation (allocations refusées aux immigrés, par exemple), à des exclusions, des attitudes, à des réductions de budget subies par des associations indûment blacklistées, au rejet de la culture ou de la libre expression, à des agressions xéno- ou homophobes... Ce livre n'est vraiment pas de la SF... Vraiment pas. C'est une dénonciation, un appel à la vigilance.



J'ai adoré, mais vous vous en doutiez si vous m'avez lu jusqu'ici...
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L'île

L'ile, c'est l'Islande.

Du jour au lendemain l'Ile est coupée du monde. Plus de bateaux, plus d'avions, plus de communications internet. Plus rien n'arrive ni ne repart de l'Ile.

Qu'est-il arrivé au reste du monde ? Nul ne sait !

Le président islandais est parti à l'étranger avant ce grand silence. La première ministre le remplace. Elle s'assure les services de Hjalti , un journaliste afin de faire passer ses idées à la population, ( ça fleure la propagande). Des idées, il va en falloir pour trouver des solutions pour survivre !.

On commence par supprimer le budget culture, puis celui de quelques universités dites " superflues".

Il y a longtemps l'Islande a vécu en autarcie il faut donc revenir à la terre. Labourer, semer, récolter.

L'ile doit redevenir autosuffisante. Reste deux solutions :"régression et simplification ou extinction" !

Il faut tirer les leçons des expériences cambodgiennes, chinoises, et à la lumière de l'Histoire inventer de nouvelles règles pour résister.

"Nous n'avons pas peur.

Nous n'avons rien à craindre.

Nous vivons sur cette île depuis presque mille deux cent ans et nous nous sommes toujours suffit à nous même.... Nous nous serrons les coudes, nous nous acquittons des tâches nécessaires, nous faisons ce qu'il faut faire. Allez, l'Islande !"

Mais voilà l'Islande est surpeuplée par rapport à "avant". Il y a des étrangers, des touristes, c'est beaucoup de monde à nourrir. Ceux-là il faut les mettre à part. Des méthodes fascistes émergent, la police aidée par les" sauveteurs ", sorte de miliciens, va faire respecter l'ordre.

C'est un roman choral. On regarde ce désastre avec les yeux

de Hjalti, le journaliste,

de Maria son ex compagne espagnole et artiste,

de Leifur, un médecin,

d'Elin la ministre,

de Margaret, la fille rebelle de Maria,

d'un historien,

et du mystérieux Svangi qui se souvient du déroulement de toute cette histoire...

Un livre passionnant qui met en exergue la difficulté à vivre ensemble quand tout a "déraillé" dans une société jusqu'alors bien organisée.

Plus qu'un roman dystopique, c'est une bonne analyse des rapports humains. Comment ne pas être individualiste quand on commence à avoir peur, faim , à perdre ses repaires ?

J'ai aimé cette façon d'avancer dans une réflexion qui part de "on a tout" et qui arrive à "que faire quand il n'y a plus grand chose".

Écrit dans un style efficace.





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La lectrice disparue

C'est d'abord la page couverture qui a attiré mon oeil … Une petite Alice (au pays des merveilles) regardant une serrure dans un ciel étoilé. Ensuite le format était particulier. Plus large que d'habitude. Je croyais que ce livre avait une note fantastique …. mais, pas vraiment. Ce qui n'a pas empêché mon plaisir de lecture.



“La lectrice disparue” c'est Edda. Une jeune femme qui vient d'accoucher et quitte mari, bébé, mères, frère et pays … sans laisser de raisons à son départ … Une femme qui, enfant et adolescente, vivait dans et à travers ses livres. N'ayant pas de réels communications avec quiconque autre que son frère Einar. C'est donc lui qui ira à sa recherche … à New York chercher la clé pour la retrouver.



Un roman prenant et très particulier car … il se cache beaucoup de philosophie dans cette histoire. On se pose la question de l'importance de la lecture, de l'écriture, de ce que leurs avènement ont fait à l'homme, à son cerveau …. Ça semble indigeste mais pas du tout. L'auteure a su intégrer cela avec finesse. Je me dois de vous conseiller ce roman ... malgré une fin qui me paraît un peu précipitée.

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L'île

L'île, premier roman de la journaliste Sigridur Hagalin Björnsdottir, est une dystopie. Dont les thématiques paraîtront familières aux amateurs de fantastique et à ceux qui ont lu par exemple Le village évanoui de Bernard Quiriny ou vu l'excellent film autrichien Le mur invisible. Du jour au lendemain, un pays entier, L’Islande, se retrouve coupé du reste du monde. Aucun moyen de communication ne fonctionne vers l'extérieur. Les avions et les bateaux qui ont quitté le territoire ne donnent plus signe de vie. L'Islande est-elle désormais seule au monde après l'apocalypse ? Le roman n'en dira rien, l'intérêt de l'auteure est ailleurs, dans la façon dont toute une nation réagit, en état d'urgence, revenant à un mode de vie ancestrale, privée de matières premières et d'énergies importées. C'est en ce domaine que le roman est le plus passionnant, dans l'analyse politico-économique et sociale de la situation avec l'émergence d'une dictature, le rejet des populations étrangères (des milliers de touristes sont pris au piège), le retour de la famine et la fuite des villes vers les campagnes. Pour faire court, le chaos règne et les plus faibles et les moins organisés sont voués à la disparition. Le livre évoque quelques destins individuels, au milieu de cette géhenne. Cette partie-là est relativement décevante, ne serait-ce que par sa construction, guère fluide, et la présence de nombreuse ellipses qui rendent la psychologie des personnages assez peu logiques. L'île n'en reste pas moins un roman captivant qui plonge assez profondément, et sans concession, dans les racines et l'âme islandaises. Comme une véritable leçon géographique, historique et sociologique.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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La lectrice disparue

Magnifique roman, une belle surprise pour moi.

Einar part à la recherche de sa sœur, jeune maman et célébrité des réseaux sociaux. Cette enquête est un prétexte pour nous raconter leur enfance, la rencontre entre les deux mères et la place de la lecture et écriture dans leur vie.

C'est beau, fort, très bien écrit. je recommande chaudement.
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Éruptions, amour et autres cataclysmes



Deux raisons m’ont poussé à lire Éruptions, amour et autres cataclysmes : d’abord parce que dès que j’ai connaissance d’un roman islandais, j’essaie de me le procurer, ensuite parce que j’ai beaucoup aimé La lectrice disparue lu en poche et grâce auquel j’ai connu cette écrivaine.



Éruptions, amour et autres cataclysmes : au début presque zéro sur l’échelle de Richter

A celles et ceux qui ouvriraient ce roman et qui n’accrocheraient pas au début voire qui ressentiraient un certain ennui, je voudrais dire « je vous ai compris ! » mais surtout ne lâchez pas le livre pour autant (même si en général au bout de 50 pages, si je ne suis pas dedans, je le repose sans culpabilité).



Anna, le personnage principal d‘Eruptions, amour et autres cataclysmes, est une volcanologue réputée et le roman nous plonge dans son travail avec des explications assez détaillées et techniques sur les volcans et l’histoire géologique de l’Islande. J’avais du mal avec la géologie à l’école (et soyons clair avec toutes les sciences dures) alors j’ai trouvé le début assez aride pour moi (même si on sent le travail journalistique de l’écrivaine et que le but est que cela soit compréhensible même pour un néophyte). Le roman a commencé à m’intéresser réellement quand Sigríður Hagalín Björnsdóttir aborde des facettes plus intimes du personnage d’Anna : les relations avec son père et sa mère, comment elle a rencontré son mari et là pour la première fois, je me suis dit que j’allais lire le livre jusqu’au bout et que savoir ce qu’allait devenir Anna m’intéressait vraiment.



C’est à ce moment là que j’ai lu ces phrases prononcées par Tomas :



Sans la poésie, nous ne sommes que des animaux privés de raison sur une terre tremblante. C’est elle qui fait de nous des hommes, qui nous offre la transcendance. Elle nous offre la beauté du monde et nous permet de la consigner.



Tomas est le photographe qu’Anna rencontre lors d’une sortie d’observation en hélicoptère, celui qui l’exaspère et qui l’attire en même temps, celui qu’elle essaie par tous les moyens d’éloigner d’elle jusqu’à ce que :



J’avance la main, je lui touche le visage, il ferme les yeux, love sa joue au creux de ma paume, nous tremblons tous les deux, comme heurtés par le même onde de choc. Il rouvre les yeux, ses pupilles sont ardentes, le rire les a désertées, il attrape ma main et m’attire vers lui comme pour danser. Nos corps se touchent, nos joues, nos épaules, nos poitrines, nos ventres, nos cuisses, nous nous étreignons, nous nous enveloppons mutuellement pendant une fraction de seconde – l’éternité. Nos respirations s’accordent, nos coeurs battent au même rythme, une fois, deux fois, trois fois, puis je me détache de lui, je cours vers l’entrée où je trébuche sur les paires de chaussures, je tombe à genoux; […] Mon coeur bat la chamade, je suffoque, j’ai les joues inondées de larmes, je ne sais si je pleure de tristesse, de joie ou de terreur mais cela n’a aucune importance.



éruptions amour et autres cataclysmes,

Éruptions, amour et autres cataclysmes : l’onde de choc

Cela dit, Anna avait quand même tendance à m’agacer, en particulier face à son fils aîné. Elle croit savoir ce qui est vraiment bon pour lui, se moquant de ses projets professionnels qu’elle juge trop fantaisistes. Et puis Anna, moins rationnelle, émerge peu à peu (scène de la décoratrice d’intérieur très réussie !), elle perd le contrôle :



J’essaie de maîtriser la joie brûlante et angoissée qui se propage à l’ensemble de mon corps tels un virus. Elle sonne à toute volée dans ma tête, elle fourmille sur mes lèvres, elle me chauffe les joues à blanc et me martèle le coeur, une vague de chaleur m’envahit les doigts et le ventre.



Anna est amoureuse (pour la première fois ?) et c’est un véritable cataclysme dans sa vie :



Aimer signifie vivre dans une peur permanente.



Elle s’accroche à l’idée que tout est scientifique (elle a vécu son accouchement en puisant l’énergie de la terre), y compris son attirance pour Tomas (qu’elle tente de résumer à une histoire d’hormones ! tristesse !) mais les secousses dans sa vie ont commencé.



Elles résonnent avec la terre qui tremble de plus en plus en Islande, écroulements intimes et géologiques se font écho avec brio.



Pourquoi j’ai tremblé en lisant Éruptions, amour et autres cataclysmes

Je ne dévoilerai rien mais il est impossible de lâcher les 30 dernières pages du roman et la fin m’a scotché.

Le roman montre avec finesse les intérêts contradictoires des politiques et des scientifiques, l’incompatibilité entre intérêts économiques (et touristique) et principe de précaution.



L’intrigue dit l’arrogance des hommes qui pensent contrôler la nature grâce à leurs connaissances et leur intelligence.

Anna, cette femme admirée parce que rien ne semble l’ébranler, s’est protégée toute sa vie pour ne plus souffrir et on assiste à la naissance d’une autre femme qui accepte d’enlever son armure …elle en est d’autant plus attachante !



Au passage j’ai regardé à quoi ressemblent des scories (lave refroidie), des lapellis (petites pierres poreuses projetées par les volcans en éruption), les caldeiras et les gabbro (mais je suis quasi certaine que je ne saurais pas les reconnaitre).



J’ai aussi appris que le mot « oyat » désigne ces herbes qu’on trouve naturellement dans les dunes et que je dessine assez souvent (on parle d’espace psammophile, à savoir « qui aime le sable », ce mot non plus je ne le connaissais pas !). Saviez vous que les termes varech et goémon désignent la même chose, un ensemble d’algues rejetées par la mer ? On emploie le mot varech en Normandie et goémon en Bretagne. Cela m’a même amené à me renseigner sur ses différents usages à travers l’histoire (combustible, engrais, alimentation animale, gélifiant alimentaire) et comment il a inspiré les artistes (peinture et chanson, merci Wikipédia).



J’ai alors pensé au formidable travail de traduction d’Eric Boury qui a du s’amuser (ou pas) à plonger dans l’univers de la géologie et de la volcanologie pour ce roman que je pensais abandonner et que j’ai fini les larmes aux yeux.
Lien : https://www.chocoladdict.fr/..
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La lectrice disparue

Bravo !

Formidable !

L'écriture tourbillonnante de Sigridur Hagalin Björnsdottir m'a happé dans un récit peuplé d' êtres étranges, pressés de creuser leur existence dans un monde changeant.

Edda, la soeur; Einar, le frère, ont deux mères et un géniteur, pas un père, un semeur de sperme. Les jeunes femmes assurent ensemble, couveuses de deux enfants, unis comme les deux faces d'une même pièce.

Nous suivons Einar et Edda, fil rouge d'un roman allégorique, tramé de poésie et de réalisme magique. Cette élégance de style ne dispense pas de réflexions sur l'avenir digitalisé et sur la pérennité de la lecture et de l'écriture.

Le ton singulier détonne. L'auteure laboure ou bine de nombreux champs : psychologie, intimité fraternelle, autisme, neurosciences, linguistique, courage féminin, lâcheté masculine, prospective. Elle réussit le tour de force de concilier habileté narrative (construction sur trois époques) et questionnements contemporains en conservant une langue fluide et directe, à l'inverse de Siri Hustvedt, trop intellectuelle.

Ce livre de grande facture offre également une place de choix à la nature, grise ou bleue, décrite en accord majeur d'un périple mémorable et émouvant.

Dire que j'ai aimé, c' est peu dire.



P.S. Sigríður & son mari, Jón Kalman Stefánsson (dont j'ai lu le magnifique Lumière d'été, puis vient la nuit viennent de publier un livre le même jour. De belles joies en perspective pour le couple d'écrivains.
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La lectrice disparue

Un roman au titre alléchant qui prend comme personnages principaux une hyperlexique et un dyslexique.

Et qui nous annonce la mort du livre et la disparition de l'écrit.

Impossible de résister à ce défi.



La première partie du roman, très réussie, nous présente une famille atypique : un père absent et superficiel, deux mères et deux enfants qui partagent la même maison et fonctionnent de manière fusionnelle.

Edda se passionne très tôt pour la lecture, et memorise tout ce qu'elle lit. Elle joue le rôle de raconteuse d'histoires pour Einar, son demi- frère dyslexique. L'auteure pointe ici l'emprise de l'écrit : une passion dévorante pour l'hypelexique et un handicap pour le dyslexique.

A l'adolescence, Edda abandonne subitement la lecture et change de personnalité pour devenir une influenceuse des réseaux sociaux. Einar se tourne vers la nature et prend son indépendance.

Les relations entre les deux mères et les deux enfants sonnent très justes et donnent une chronique familiale intéressante.

L'auteure réussit à rendre crédible le passage à l'adolescence, avec le renoncement d'Edda à la lecture comme obstacle à sa vie sociale et la découverte du sexe comme produit de substitution.



La deuxième partie du roman qui mêle thriller policier et dystopie est moins aboutie, mais aurait mérité d'être approfondie. Edda a disparu peu après son accouchement et Julia somme Einar de la retrouver à New York.

A partir d'indices peu convaincants, il découvre que sa disparition est liée à une théorie partagée par quelques intellectuels :

" La lecture est en recul que ça nous plaise ou non. Nous sommes témoins de la plus importante révolution intellectuelle depuis l’invention de l’imprimerie qui a permis aux gens du commun il y a presque six siècles d’accéder à l’écrit."

A partir de l'idée que l'humanité, pour pouvoir évoluer, doit desapprendre à lire et retrouver l'oralite, l'auteur se perd dans sa réflexion et gâche le potentiel de son histoire.
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La lectrice disparue

Ce roman fait alterner des narrations sur plusieurs époques : au présent un frère qui recherche sa sœur, au passé l’histoire de leurs parents, et il y a même des courriers. Le début du roman raconte la rencontre de Julia avec un homme plus âgé, peu mature, volage. Julia tombe enceinte puis découvre qu’il y a une deuxième femme, Ragneidur, dans la vie de cet homme, et enceinte elle-aussi. Elles organisent alors leur vie ensemble, seules avec leurs deux enfants, formant une sorte de famille inhabituelle. Il ne s’agit pas d’un couple au sens ordinaire, mais plutôt d’une communauté de vie entre deux femmes très différentes dans leurs goûts et leurs caractères. Elles élèvent ensemble leurs deux enfants pour qui elles sont deux mamans. Les enfants sont encore plus dissemblables : Edda, hyperlexique, est mal à l’aise avec les autres jusqu’à ce qu’elle découvre les réseaux sociaux et devienne une star du web, et Einar, dyslexique, si mal à l’aise avec les mots qu’il s’est réfugié dans la nature où il peut travailler sans recourir à l’écrit. Dans leur enfance Einar vivait avec les histoires racontées ou lues par sa sœur, tandis que celle-ci vivait dans les histoires qu’elle lisait. C’est peu dire que la lecture est au centre du roman. La première partie, dans laquelle on fait connaissance avec ces protagonistes et leur histoire est très agréable à lire, la naissance de cette drôle de famille est très intéressante à suivre. Par contre avec la suite, quand Edda disparaît et que son frère part à sa recherche en suivant les maigres indices qu’elle a semés, j’ai un peu décroché. Il trouve les indices de façon trop facile, à New-York il n’a aucune difficulté alors qu’il est improbable qu’il se débrouille en anglais. J’ai été intéressé par la réflexion sur le rôle et le poids de l’écrit, tant à travers l’histoire que dans les évolutions récentes. Mais je n’ai pas trouvé cela très abouti et affirmer que l’écriture commence actuellement à s'effacer au profit de la parole (enceinte connectée) ou du pictogramme (emoji), c’est oublier les SMS qui sont l’effacement de l’appel téléphonique. Quand à l’idée soutenue par un des personnages que l'écrit va disparaître d’ici un demi siècle et que ce sera un bienfait, parce que nous serons plus proches des autres et de la nature, ça fait un peu utopie de bisounours. En bref, un roman qui m’a bien plu pendant la lecture, mais dont la fin, un peu trop plate, m’a déçue.
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La lectrice disparue

L’Islande, un pays où « l’économie de marché fera de vous des hommes libres jusqu’à ce que les crises, les inégalités et le changement climatique aient raison de votre euphorie ».

Il y a des dyslexiques et des hyperlexiques (1). Il y a Einar et Edda.

Une vie hors du commun où à travers deux niveaux de narration nous allons reconstituer l’histoire de ces deux personnages complémentaires et indispensables l’un à l’autre.

Les deux temporalités nous replacent dans le temps, celui d’avant où la lecture avait toute sa place et celui d’aujourd’hui où les réseaux sociaux occupent une place grandissante.

Avec ces peintures de nos sociétés nous sommes invités à réfléchir à avant l’avant …. Quand l’oralité était la règle et que l’écrit semblait dangereux pour notre avenir de citoyen.

De quoi sera fait demain, retournerons nous aux temps anciens où il était souhaitable de savoir raconter des histoires, s’inventer des mondes imaginaires ?

Une très belle écriture pour ce roman qui sort des sentiers battus.



(1)

L'hyperlexie se caractérise par une capacité exceptionnelle à lire bien au-delà du niveau attendu pour l'âge de l'enfant, souvent démontrée avant l'âge de cinq ans. Bien qu'elle puisse ressembler à une capacité de lecture précoce, l'hyperlexie se distingue par les problèmes de langage et de communication sociale qu'elle entraîne. Les critères de diagnostic comprennent une fascination précoce et intense pour les lettres, les chiffres et le matériel écrit, ainsi que des difficultés à comprendre et à utiliser le langage parlé.

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L'île

Imaginons une ile éloignée de tout autres terres habitables, plantée au milieu d'un océan, peuplée de quelques 300 000 habitants, et un peu plus, frappée par les vents, la pluie, le froid, la neige, mais aussi animée par les aurores boréales et chauffée par géothermie.

Imaginons cette ile, au peuplement et à la culture millénaire, brutalement plongée dans un isolement absolu.

Ce scénario d'anticipation, écrit en 2016, publié en France en 2018, nous semble aujourd'hui, en 2022, assez proche du possible.

L'accroche est finement pensée et posée. Le personnage principal, Hjatli, vit isolé au fond d'un fjord, dans sa ferme, Svangi, où il élève tant bien que mal, une douzaine de brebis, accompagné de sa chienne Tyra. Il s'adresse au lecteur comme un témoin de sa vie, de son passé...

Les chapitres suivants sont les retours en arrière sur ce qu'aura vécu Hjalti, duranT les derniers mois. Apparaissent les personnages secondaires : sa compagne, son ex-compagne, Maria, violoniste, ses enfants, une relation Elin, ministre, politicienne ambitieuse.

Les chapitres sont consacrés alternativement à ces personnages, on ajoute Margret, la fille de Maria, qui prend une importance au fur et à mesure.

Autour de la problématique : l'autarcie est-elle réalisable et vivable ? Comment vivre en étant coupé totalement du monde, et pour une durée indéterminée ?

J'ai débuté la lecture avec une curiosité positive, comme si une énigme était à résoudre. Impatiente de découvrir la multiplicité des actions/réactions des différents personnages, comme un thriller, suspendue aux réponses que ne manquerait pas de m'apporter l'auteure.

Je suis restée suspendue. Les personnages sont touchants.

L'écriture est soignée et propre, malgré l'absence de repères pour les dialogues. Mode ? Facilité ? Et quelques répétitions.

Suspendue à espérer autre chose que des attendus stéréotypés. Sans dévoiler toutes les facettes des situations et des personnages, voici les clichés décevants :

- Les ados, junkies, drogués, alcoolisés, accros au sexe, au jeu, à la bagarre, égoïstes, autocentrés, rejetant tout mais ne construisant rien ,

- Sauf l'une qui aura une attitude salvatrice, bienfaitrice, purificatrice, pour elle-même et pour de jeunes enfants,

- le journaliste corrompu qui gravite autour du pouvoir puis part connaître la rudesse de la vie en solitaire, la survie, elle aussi salvatrice ;

- La journaliste intègre qui perd son emploi ;

- La négation de la culture (via la musique, via la compagne du journaliste qui se corrompt) ;

- Un gouvernement incompétent, menteur, hors sol, corrompu et corrupteur, mais résolument optimiste.

- Qui cache son incompétence en mettant en place un comité d'experts chargé de résoudre les problèmes techniques à l'aide de statistiques optimistes ;

- Et des experts convaincus que la haute technologie sauvera leur monde ;

- Des milices et des contre-milices ou des gardiens de l'ordre auto-proclamés qui tuent et s'entretuent ;

- Des petits malins profiteurs

- des utopistes, crédules, qui se font exterminer, trop naïfs !

- des gourous abusant des précédents ;

- un petit monde débarrassé des étrangers (ceux qui mangent notre pain et respirent notre air) ;

- tout cela baigné dans un patriotisme, un nationalisme exacerbé, pavé de haines….

Enfin, l'auteure n'apporte pas – à mes yeux – de réponses sauf à constater que l'état n'a plus ni pouvoir, ni autorité, que la solution individuelle (ni collective, ni étatique, ni même sociétale) serait une issue. Mais quelle issue ? Coincé au fond d'un fjord, dans une ferme introuvable.

C'est avec ce message apocalyptique, noir, sombre, désespéré, sans une particule de lumière que j'ai refermé ce livre, soulagée d'en avoir fini.

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L'île

Du jour au lendemain, l'Islande se trouve coupée du reste du monde : plus de communication internationale, plus d'avions, plus de bateaux, rien...

Une autarcie forcée. Pourquoi ? Comment ? Que s'est-il passé ? Le reste du monde existe-t-il encore ?

Tant de questions qui resteront sans réponse...

Le gouvernement va organiser la survie. Des milices sont créées, le modèle islandais des ancêtres remis au goût du jour, les étrangers conspués...

Une étrange impression de déjà vu...



Cette dystopie tient vraiment en haleine. On cherche à comprendre, on espère pour ces personnages qu'ils prennent conscience, qu'ils s'éveillent...

Le style est plutôt fluide, un petit bémol sur les dialogues qui sont complètement perdu dans le récit, ce qui m'a parfois fait perdre le fil de la lecture.

Néanmoins, le récit est captivant et bien amené.
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Éruptions, amour et autres cataclysmes

Anna est une volcanologue de renom. Comme son père avant elle, elle a tout le respect de ses pairs. Alors, lorsque des tremblements de terre secouent la péninsule de Reykjanes et y réveillent des volcans endormis, il est normal qu'elle fasse partie des experts. Là, elle se heurte à la bêtise politico-économique, au cirque médiatique et à une déflagration impossible à anticiper, la passion pour le photographe Tómas Adler.

Dans ce récit grinçant, Sigrídur Hagalín Björnsdóttir arrive à nous fasciner avec un suspense scientifique de grande qualité. Elle dresse aussi le portrait d'une femme qui, en interrogeant son rapport aux autres, nous oblige à (re)penser notre place dans la société et nos priorités. "Éruptions, amour et autres cataclysmes" est un roman déconcertant et quotidien qui donnerait presque envie d'apprendre l'islandais et de devenir volcanologue (moi, j'ai la flemme, je vais juste aller écouter Sólstafir).
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La lectrice disparue

Le titre couplé à l'illustration de la couverture m'a poussée à supposer qu'il s'agissait là d'un thriller, une enquête, avec une forme de suspens.



Ce n'est pourtant pas ainsi que débute ce roman islandais, très agréable et fluide. Deux époques vont alterner, les retours dans le passé des années 1990 permettant classiquement d'éclairer les évènements présents.



Edda, blogueuse hyper connectée, vivant à Reykjavik, mariée et visiblement heureuse en couple, s'avère être cette lectrice qui va se volatiliser, laissant sa famille à sa consternation et son inquiétude car elle laisse derrière elle un nourrisson de trois jours.

À partir de cet événement, vont se relayer deux récits, l'un contemporain narrant la recherche d'Edda par son frère Einar, suivant sa piste jusqu'au Etats-Unis; l'autre visitant le passé de cette famille atypique.



J'ai très clairement préféré la première partie de ce roman, nous rapportant la rencontre de la jeune Júlía avec un Orlygur plus âgé, "fils à papa" entretenu, irresponsable et volage, exerçant ses "talents" dans le cinéma, et accomplissant l'exploit de laisser derrière lui deux femmes enceintes, dont Júlía. La seconde, Ragneiður, désespérée, finira par trouver refuge auprès de Júlía. Portant les deux enfants d'un même homme, Edda et Einar donc, elles organisent une vie familiale autour de ce gynécée.



J'ai pris plaisir à entrer dans la vie de ces personnages, les voir trouver un équilibre au-delà d'une situation hasardeuse et inhabituelle, apprécier l'amitié se nouant entre les deux mères. Les caractères des deux mamans sont très différents et même s'il ne s'agit pas d'une histoire d'amour au sens classique, l'auteur sait retracer avec finesse la naissance d'un "couple", d'une association de deux mamans avec ses déséquilibres, ses frustrations, tissage de ressentiments parfois mais aussi de solidarité et de complicité.



C'est dans cette cellule féminine que grandiront Edda et Einar. Là aussi, j'ai suivi l'auteur qui met en exergue deux personnalités bien différentes voire antagonistes. Einar est un petit bonhomme très dépendant de sa sœur (demi-soeur si vous avez bien suivi !), complexé par sa dyslexie et donc évoluant au début sous la coupe de sa sœur, puis avec l'âge s'épanouissant dans les jeux d'extérieur et son rapport aux autres. Edda, petite fille plutôt introvertie s'entoure, elle, de livres et trouve une forme de bonheur dans la lecture compulsive, atteinte à l'inverse de son frère d'hyperlexie. Elle maintient un lien étroit avec ce dernier à travers les mots : ceux des histoires qu'elle lui invente ou lui lit, lui qui est privé de ce plaisir.

Leur chemin finiront par se séparer, du fait d'événements respectifs qui constitueront des blessures intimes et obligeront chacun à trouver des voies de résilience.



Voilà le moment de bascule du roman. Si j'ai beaucoup apprécié la narration relative aux vies de ces personnages, j'ai bien moins adhéré à la tournure que prend le récit suite à la disparition d'Edda.

Dans un premier temps, il y a quelques incohérences ou facilités qui tranchent avec le début du roman. Einar trouve avec une aisance éhontée les indices le mettant sur la piste d'Edda. Il se retrouve dans un New York survolté mais n'est nullement gêné par la pratique de l'anglais, lui, Islandais travaillant dans la nature, qui avait donc de grosses difficultés scolaires !



Si la première partie du roman est empreinte de réalisme, la seconde s'apparente à un conte naïf... Quant à la cause du départ d'Edda, sans trop en dévoiler (car on est censé là aborder le noeud de cette "enquête"), si le thème du rôle de l'écrit dans notre société, (s'opposant ici à l'oralité), est passionnant, il est traité trop légèrement. Il y avait là matière à creuser et investir un peu plus ce sujet, en s'appuyant sur des recherches solides. Citer Platon, Socrate et Lévi-Strauss ne sauvera pas un suspens écorné.



Sigríður Hagalín Björnsdóttir a, pour moi, posé les bases d'un très joli roman, empreint de délicatesse et de finesse et a décidé de changer de registre, pensant conférer du suspens à un thriller qui n'en est pas un. C'est un soufflé qui tombe à plat.
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La lectrice disparue

Cette lectrice disparue, c'est Edda, dévoreuse de livres, mais aussi empêtrée dans tout ce qu'elle lit et ne parvient pas à oublier. Edda , qui peinant à établir des relations avec les autres, est soudain devenue une influence mettant en scène sa vie sur les réseaux sociaux avant que de s'enfuir aux États-Unis, plantant là son mari et son fils nouveau-né.

Son frère, Einar est plus habitué à pister le gibier qu'à rechercher des humains, mais il se lance à la poursuite de sa sœur, ce qui n'est pas une mince affaire pour ce dyslexique dont la sœur palliait souvent les difficultés avec l'écrit.

Un père, deux mères, deux enfants ayant chacun un rapport à la lecture très différent, tel est le schéma de ce roman à la croisée de plusieurs genres: roman familial, roman d'anticipation (qui semble juste très très proche), fable et  roman policier avec cette lectrice disparue qui donne son titre au roman.

Titre français qui résonne d'un double sens , mais cela on ne le comprendra qu'à la fin du récit, récit qui se déroule en partie  dans un pays , l’Islande ,où le livre est roi.

Ce roman est donc  aussi une réflexion sur la lecture et l'écriture et son autrice n'hésite pas comme dans L'île à susciter le malaise, confrontant ses personnages, et ses lecteur par la même occasion,à des situations extrêmement dérangeantes.

Il n'en reste pas moins que le style, la composition , les personnages et les thèmes choisis font de ce roman une lecture forte et addictive.
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