AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Simonetta Greggio (361)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Elsa mon amour

Elsa Morante est née à Rome en 1912. Elle est reconnue par le mari de sa mère, mais son vrai père est l’amant de celle-ci. Très jeune, Elsa Morante écrit des nouvelles et des fables, et elle vivra dans le dénuement, se privant souvent de repas, jusqu’à son mariage en 1941 avec le déjà célèbre Alberto Moravia.



Elsa évoque ses amours, ses amitiés, mais aussi, son ressenti sur la nature, les animaux -elle adore les chats et les considère comme nos anges gardiens-, la mer et le soleil sur sa peau… elle s’attarde longuement sur ces impressions. Elle nous livre également des souvenirs plus intimes. Elsa raconte ainsi comment elle a choisi -ou plutôt elle n’a pas choisi mais a attendu qu’il soit trop tard- de ne pas avoir d’enfant, à cause, dit-elle, « d’un âpre besoin de solitude ». Et puis, son long mariage avec Moravia, avec qui elle ne fut jamais heureuse. Et enfin, l’écriture, centrale dans sa vie.



Toutes sortes de personnages mythiques de la littérature, de la peinture et du cinéma italiens traversent ces pages : Anna Magnani, Malaparte, Pasolini, Leonor Fini, Visconti et bien sûr Moravia. Et c’est sans doute ces évocations qui m’ont le plus intéressées dans le roman.



Il y a certes de très belles pages dans cette autobiographie romancée, mais l’ensemble m’a paru un peu confus. Des chapitres très courts qui se succèdent et sont entrecoupés d’informations, de lettres dont on ne sait pas de qui elles émanent : ainsi « RTM » dont on apprend dans les notes finales qu’il s’agit d’un amant non-identifié d’Elsa. A la lecture, J’ai sans doute perdu de vue le fait qu’il s’agit d’un roman et non d’une biographie, et que par conséquent, les éléments biographiques servent seulement de fil conducteur. J’aurais aimé disposer de davantage d’informations, de faits peut-être, pour comprendre Elsa Morante, personnage certes complexe, mais que je ne suis pas parvenue à cerner et pour laquelle je n’ai éprouvé aucune empathie.



Ce qui m’a également gênée est l’emploi de la première personne, et c’est peut-être, à la réflexion, ce qui m’a empêchée d’entrer dans le roman. Je n’ai jamais « cru » que c’était Elsa qui parlait. De fait, certaines allusions, particulièrement au début du roman, m’ont paru hermétiques et j’ai gardé par la suite une distance avec « Elsa mon amour ».



On ressent pourtant très nettement la passion que Simonetta Greggio éprouve pour Elsa Morante, mais celle-ci n’a pas été communicative en ce qui me concerne. Les critiques sur « Elsa mon amour » sont dans l’ensemble très positives, donc je vous conseille de vous faire votre avis en lisant notamment les billets des autres participants à cette lecture commune. A cet égard, Martine est particulièrement enthousiaste pour ce roman qu’elle a beaucoup aimé.



J’avais quant à moi beaucoup apprécié les deux longs romans d’Elsa Morante,« La storia » et « Mensonges et sortilèges », lus en français, lorsque j’ai commencé à apprendre l’italien et à me passionner pour la littérature italienne. La lecture de « Elsa mon amour » n’est pas une rencontre tout à fait ratée puisqu’elle m’aura vraiment donné envie de relire ces œuvres.
Lien : https://lelivredapres.wordpr..
Commenter  J’apprécie          30
Les mains nues

L'importance des mains l'emporte sur l'histoire sulfureuse qui est au centre du livre. Cette histoire tabou passe au deuxième plan selon moi. Car la grande thématique du livre et toute sa beauté ceux sont les mains. Les mains du vétérinaire donc celle d'Emma. Elle vit à la campagne, elle a quarante-trois ans.

elle effectue un métier pas facile, et pour soigner les bêtes ses mains sont précieuses.

"Je suis fière de mes mains. Elles sont dures et lisses comme du cuir, les ongles coupés ras, les tendons saillants. Jamais je ne mets de gants, la délivrance, j'ai besoin de la toucher. Je vois cela comme un héritage de maman : si elle n'a pas réussi à faire de moi une musicienne, elle m'a tout de même légué sa poigne puissante et sensible. Des mains comme de bons outils, faites pour plonger a cœur de la vie"p169 J'aime beaucoup se passage car il résume parfaitement selon moi le livre, tout ait dit !

Un jour elle voit débarquer chez elle Giovanni, un adolescent de quatorze ans et elle a 43 ans. Les mains sensuelles de la relation amoureuse, sont présente aussi et bien là. elle a bien connu les parents de Gio, Micol et Raphaël. Elle a eut une liaison avec Raphaë quand Emma avait 25 ans, «que quand on tient quelqu'un on n'ouvre pas la main»... Gio a fugué, elle le renvoie à ses parents mais il revient, comme aimanté. Ils partagent cet été-là. Seuls dans la maison en pleine nature, il est fasciné par la liberté d'Emma. Mais, elle est solitaire, elle a des regrets . Elle l'évoque très bien le temps qui passe avec ses joies et ses regrets, le passage à la vieillesse " Le premier cheveu blanc, l'on arrache." Elle a tenu dans ses bras Giovanni à sa naissance.La relation entre eux est pas loin d'un inceste cela est immoral, elle sera jugé, car c'est tabou !

" Je n'ai jamais été une sainte, je ne le suis ps maintenant et je ne l'étais pas non plus à ce moment là. "Dans la solitude autarcique , rien ne me manquait que les mains d'un homme sur mon corps , et encore, pas si souvent que ça."Ce n'est pas moralisateur, racoleur, c'est un livre pudique, la vision de Simonetta Greggio est juste . Le paysage de cette campagne accompagne de façon délicate cet écriture. C'est un livre sur l'amitié, l'amour filial, l'amour pour les hommes, l'amour pour les animaux, écrit dans un style précis et simple, sans fioriture et qui va droit au but: «J'aurais traversé ma vie les paumes ouvertes et laissé couler le temps comme de l'eau, comme du sable, sans rien garder.» une écriture d'une très grande sensualité du certainement à ses origines italienne. Un beau livre une belle ambiance, je découvre je n'ai rien lu d'elle auparavant.

Commenter  J’apprécie          00
Elsa mon amour

Dans "Elsa mon amour", Simonetta Greggio nous fait vivre les moments forts de la vie d’Elsa jusqu’à sa mort en 1985. C'est toute la magie de son roman qui nous révèle au creux de l’oreille l’enfance, les souvenirs, la vie d’Elsa Morante. Cette vie qui aura toujours comme fil rouge l’écriture, oxygène indispensable à sa survie.

Elsa la brune à la chevelure indomptée est née pauvre en 1912 à Rome, ville où elle habitera jusqu’à sa mort. Adoptée comme ses frères par son beau-père, elle devient alors Morante. Toute petite déjà, elle écrit des nouvelles que sa mère va vendre dans les rédactions.

Nous la suivons de son enfance pas toujours facile à sa vie de femme. Vers 1930, elle abandonne ses études, vivotant en écrivant et en donnant des cours. Puis elle épouse Alberto Moravia en 1941. Elsa aura vécu cinquante ans mariée à Moravia, 23 ans ensemble puis 27 ans séparés mais toujours mariés. Moravia jaloux ? Sans doute pas, mais résigné. Moravia a toujours su qu’il était un écrivain mais que sa femme avait beaucoup plus de talent et de génie que lui.



L'auteur nous entraine avec bonheur et nostalgie dans la vie d'Elsa...



Lire la suite de la chronique sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2018/09/28/elsa-mon-amour-simonetta-greggio/
Lien : https://domiclire.wordpress...
Commenter  J’apprécie          30
Elsa mon amour



La Feuille Volante n° 1290

Elsa mon amour – Simonetta Greggio – Flammarion.



Elsa Morante (1912-1985), écrivain (et non pas écrivaine) de grand talent, de nos jours injustement oubliée, a été l'épouse, à partir de 1941 et durant toute sa vie d'Alberto Moravia (1907-1990) également écrivain et ce malgré leur séparation et ses nombreuses maîtresses. Elle l'a suivi dans son exil provoqué en 1943 et 1944 par le fascisme. Ce roman est l'histoire de la vie d'Elsa, mais pas vraiment une biographie au sens habituel malgré les nombreux biographèmes égrenés dans ce livre, mais plutôt un récit où le rêve, l'illusion prennent un peu, l'espace d'un instant, la place du réel, en modifie les apparences. Cela donne un récit acerbe et un peu désabusé et Simonetta Greggio précise elle-même qu'il s'agit d'une fiction où elle se glisse dans la peau d'une Elsa qui prend la parole en refaisant le chemin à l'envers. Elle n'échappe pas à la règle commune à chacun d'entre nous qui, parce que notre vie ne ressemble pas à ce dont nous avions rêvé, à ce que nous avons cru qu'elle nous réservait au point de l'ériger en promesses, se laisse aller à son désarroi et la repeint en couleurs vives, mais ce badigeon s'écaille au fils du temps. Nous avons beau rejouer cette comédie en faisant semblant d'y croire, de nous réfugier dans la beauté, la perfection ou l'imaginaire, nous dire que tout peut arriver, au bout du compte il nous reste les regrets, les remords, la culpabilité peut-être de n'avoir pas fait ce qu'il fallait ou nous incriminons la malchance... Ainsi, sous la plume de l'auteure de « La douceur des hommes », Elsa Morante fait, dans un texte rédigé à la première personne, directement au lecteur la confidence de sa vie, de son parcours, jusqu'aux détails les plus intimes. Avant de rencontrer Moravia, elle avait connu des ruptures avec sa famille, des années de galère financière, n'était qu'un écrivain en devenir, avec pour soutien des amours de passage et surtout cette envie d'écrire qui sera sa passion toute sa vie, qui sera sans doute comme un exorcisme à ses illusions, à ses peines, à son absence de bonheur et d'amour. Quand elle croise Moravia, ils sont à peu près du même âge et lui est déjà couronné par la succès de ses romans. En outre ce qui les rapproche est sans doute leur demi-judéité commune et sûrement aussi le désir (« Nous avons cela en commun, Moravia et moi. Nous ne lambinons pas avec le désir ». Ce fut peut-être de sa part à elle, un amour sincère mais elle nos confie qu'Alberto était à la fois « passionnel et infidèle, indéchiffrable » à la fois amoureux fou de ses conquêtes de passage et homosexuel non assumé. Elle qui n'avait pas connu le bonheur avec ses parents n'aura pas non plus un mariage heureux mais, malgré leur séparation, refusera le divorce, par principe (elle était l'épouse d'Alberto Moravia et le restera) ou pour des raisons religieuses. Ainsi l'histoire de cette longue liaison (49 ans), consacrée par le mariage ne fut pas un long chemin tranquille avec au début la fuite à cause des rafles de juifs, la peur d'être dénoncé et d'être déporté et plus tard, la paix revenue, un quotidien houleux où elle a été malheureuse de trop vouloir être aimée et d'avoir gauchement tout fait pour être détestée. La symbolique de la pluie, l'univers énigmatique des chats accompagnent cette ambiance un peu délétère tissée par l'indifférence de son mari devenu aussi un rival, l'abandon, la fuite ou la mort de ses amants successifs.

Nous ne sommes qu’usufruitiers de cette vie qui nous est confiée avec la mission non écrite et quelque peu hasardeuse d'en faire quelque chose. La sienne Elsa l'a dédiée à l'écriture, à l'amour par passion, à la patience, à la souffrance aussi, sans pour autant l'avoir voulue,mais qui est, elle aussi, un élan vers les mots. C'est avec ces mêmes mots qu'elle parle des maîtresses de son mari, de son inconstance mais aussi de la période noire de Mussolini qui endeuilla l'Italie. Elle ne résiste pas non plus à nous confier des anecdotes sur ses contemporains plus ou moins liés au fascisme, à la mafia, à la culture, peut-être pour tromper son ennui et surtout sa solitude. Elle les meublera en tombant à son tour amoureuse d'autres hommes, parfois des homosexuels mais reviendra toujours vers Moravia et surtout vers l'écriture. Elle devint un écrivain majeur de la littérature italienne..

Il y a des détails biographiques très précis, des citations qui témoignent d'un travail de documentation très poussé, des envolées poétiques émouvantes et même envoûtantes, le tout ressemblant à un tableau composé par petites touches d'où la personnalité et la sensibilité de Simonetta Greggio ne sont sans doute pas absentes. Parfois j'ai même eu l'impression que, derrière Elsa qui est censée s'exprimer à la première personne, c'est carrément elle qui parle au cours de ce bel hommage.



J'apprécie depuis longtemps l'écriture de Simonetta Greggio, sa sensibilité littéraire, ses choix et la qualité de ses romans, mais aussi sans doute parce que elle, Italienne, choisit d'écrire directement en français, ce que je prends comme un hommage à notre si belle langue.

© Hervé Gautier – Novembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
Commenter  J’apprécie          40
Elsa mon amour

Si je connais de nom Elsa Morante, je n'ai rien lu d'elle. Cette biographie me sert donc d'introduction et je me promets de lire au moins la Storia très prochainement. Cette biographie est-elle désinvolte, amicale ou commérage?



De nombreux personnages, écrivains ou cinéastes,  apparaissent dans ce roman. Parfois furtivement, parfois ils ont droit à tout un chapitre et même plusieurs. Moravia, son mari est plutôt décrit comme compagnon d'écriture et de travail que comme amant ou mari. A la fin :  longue citation du Mépris, tel que Godard l'a filmé. Portrait vachard comme celui de Malaparte sous un jour peu flatteur.  Personnages mondains comme les  Agnelli, Virginia et Eduardo du temps du fascisme - personnages influents dans l'Italie d'alors. Avec beaucoup plus de tendresse : Anna Magnani,  Pasolini qui traverse le roman à nombreuses reprises. Très belle évocation de Leonor Fini. Plus équivoque, le personnage de Visconti avec qui Elsa a entretenu une relation plutôt univoque. Fellini, Pavese...combien d'autres? Toute une période de la vie intellectuelle italienne. Un peu "people" quand même. L'auteure a-t-elle évité l'écueil du commérage?



Histoire d'amour avec sa ville de Rome  où j'ai eu plaisir à y retourner :



On peut aussi faire une lecture historique, s'intéresser au rapport entre les intellectuels et les puissants au fascisme, s'intéresser à la façon dont deux écrivains juifs (à moitié mais les Allemands ne faisaient pas dans la nuance) ont traversé la période de la guerre.



Bizarre! je me suis plus attachée aux comparses qu'à Elsa elle-même. Peut être parce que ces amis faisaient partie de sa personnalité?



elle écrit aussi



"Pourquoi croit-on que les écrivains écrivent, si ce n'est pour prêter leur voix à ceux qui n'en ont pas - qui n'en n'ont plus?"



Comme si l'évocation de ses amis étaient l'essentiel de sa vie? Il faut vraiment que je lise dans le texte!








Lien : http://miriampanigel.blog.le..
Commenter  J’apprécie          10
Elsa mon amour

« Un vrai roman est toujours réaliste, fût-ce le plus fabuleux ! Et tant pis pour les médiocres qui ne savent pas reconnaître sa réalité. » Elsa Morante



Elsa mon amour pour un amour de livre. Comme une sensation de remonter le temps, celui que l’on connait que par la littérature et le cinéma. Quand ces deux formes d’art se rencontrent, s’unissent, c’est comme Elsa Morante : prodigieux.



Romancière, poète, traductrice, Elsa Morante a été éclipsée par son époux Alberto Moravia. Un mépris peut-être… Pourtant, sa trace est indélébile, tant pour sa « Storia » que pour son tempérament et caractère de feu ; l’Italie et ses belles lettres, l’Italie et ses amours tumultueuses, l’Italie dans toute sa grandeur mais pas que celle de la « dolce vita ».



Simonetta Greggio relate avec dextérité ce personnage hors-norme, le roman d’une vie mais avec la réalité d’un destin. Elsa Morante c’est déjà une naissance mystérieuse, différente. Un père géniteur qui lui donnera des frères et sœurs mais qui ne les reconnaîtra jamais, un autre homme le fera à sa place. Avec sa mère, c’est un peu « je t’aime moi non plus » comme ce le sera avec ses amours successives : son mari, Alberto Moravia, et ses amants, Luchino Visconti et Bill Morrow, entre autres. Le seul amour qui restera unique et sans faille sera celui pour les animaux : « nos animaux familiers sont des anges déguisés venus sur terre pour nous apprendre la douceur. »



Elsa, c’est aussi un portrait de femme, de femme libre qui veut vivre comme elle l’entend et quelle que soit sa situation financière ; de pauvre elle deviendra riche avant de terminer dans la déchéance. Elle aura connu les privations, l’exil, le luxe, le désespoir d’une fin de vie. Mais jamais elle reniera ses convictions.

A travers cette figure de la littérature, c’est l’histoire d’un pays que l’on feuillette, entre son foisonnement artistique et sa misère politique. Et soudain penser que le passé est terriblement d’actualité… En rien un mensonge, ni un sortilège…



Pour paraphraser son auteure, je dirai qu’Elsa mon amour et une stellaire lecture qui nous fait dieux… comme l’écoute d’un concerto de Mozart.


Lien : https://squirelito.blogspot...
Commenter  J’apprécie          30
Les nouveaux monstres 1978-2014

À l’enterrement de don Emanuele, neuvième prince de Valfonda et quatorzième comte de Palmieri, un homme déambule, seul, la tête courbée. Saverio est un prêtre jésuite et le demi-frère illégitime du défunt, qui l’a choisi pour héritier. C’est à cette occasion qu’il rencontre Aria, l’une des nièces du prince. Ou plutôt, elle croit le rencontrer. Car lui la connait plus qu’elle ne l’imagine. Il a même été un intime de ses parents, Viola et Santo. Il fut leur ami, le témoin de leur passion et plus encore. Mais Aria l’ignore. Comme bien d’autres choses…



La jeune femme est journaliste et éprise de vérité. Tout ce sur quoi elle s’interroge, enquête, questionne, elle l’écrit dans le journal qu’elle a fondé avec des associés, Lo Specchio Verde. Ses thèmes de prédilection ? La collusion entre la mafia et l’état, l’argent du Vatican, les assassinats commandités. Mais aussi de manière plus générale, le « linge sale » de son pays ; le refus de laisser mourir dans la dignité, les meurtres non élucidés du monstre de Florence, les disparitions… De temps à autre, pour divertir son lectorat hébété par tant de drames, elle ose quelques feuilles sur les actrices, telle Ornella Muti. La narration fait alterner correspondance entre Aria et Saverio au présent, passages narratifs qui évoquent le passé des personnages et des articles du journal d’Aria.



Si je ne suis pas de ceux qui assimile uniquement l’Italie aux pizzas, aux pastas et aux gondoles, je dois avouer que j’ignorais tout ou presque des années de plomb ou des histoires d’argent sale du Vatican et de l’IOR. Or Les nouveaux monstres (1978-2004) parle de tout cela. Des attentats contre le civils perpétrés par l’extrême-gauche et l’extrême-droite, tous aussi sanglants les uns que les autres. De la mafia, du cortège de morts qu’elle charrie derrière et devant elle. Des morts si raffinées, si douces, que vous en serez tout chose : à coup de pendaison forcée, de défenestration, de charges explosives, d’enlèvements, de séquestrations… Du sang, des larmes. Et des dossiers de justice dont l’épaisseur n’a d’égal que le vide des condamnations. Il s’agit de juges qui meurent dès qu’ils s’approchent un peu trop près de la vérité, dès que des noms sortent, dès que des réseaux sont mis au jour. De pool anti-mafia trop efficaces, d’hommes qui paient leur courage de leur vie. De Falcone à Borsellino, et ce malgré leurs protections rapprochées. Les journalistes ne sont pas en reste, eux aussi périssent de vouloir écrire ou dire la vérité, car elle dérange trop de monde, de la mafia aux politiciens corrompus, des grandes entreprises qui se servent au passage, à l’état qui ne dit mot mais consent. Alors oui, même si cette lecture fut particulièrement démoralisante, je peux affirmer que j’ai appris beaucoup grâce à elle. Ce livre est un hommage à tous ceux qui se sont battus, qui se battent encore, pour qu’un jour l’Italie soit débarrassée du système mafieux. Pour qu’enfin elle tourne la page de la violence, qui a pris d’autres formes aujourd’hui, mais n’est pas moins présente.



En revanche, je suis plus dubitative sur la manière employée par l’auteure pour mener à bien son projet. J’ai trouvé qu’il y avait un décalage trop important entre les parties narratives et les articles du journal fictif. Le va et vient n’a pas fonctionné pour moi, essentiellement parce que j’ai trouvé que Simonetta Greggio était bien meilleure écrivaine que journaliste. C’est à dire que les passages narrés sont de meilleure facture que quand elle prend la plume d’Aria. Si l’on est pas italien, si l’on ne s’est pas intéressé à l’histoire du pays, il est parfois pénible de suivre le propos de la journaliste. Je me suis franchement ennuyée à certains moments. Si j’ai entrepris de nombreuses recherches pour comprendre ce que je lisais (et dans l’optique de rédiger ma critique), je doute que tous les lecteurs posent leur livre toutes les cinq minutes pour aller sur Google (ou autre). Certes, les cinquante dernières pages du livre sont consacrées à des notices biographiques, à un lexique des sigles et acronymes. Mais j’ai déploré malgré tout un manque de pédagogie dans la manière de raconter les faits historiques, un manque de fluidité qui dessert le roman. Il aurait peut-être fallu en dire moins, mais mieux. Ou choisir entre la non-fiction et le roman. C’est d’autant plus dommage que la langue est belle quand elle évoque les sentiments de Viola et Santo, ou de Saverio et Aria. J’ai été émue, touchée par ces personnages humains qui s’aiment, se déchirent, aspirent à la justice. La ténacité d’Aria est à l’image de nombre d’hommes et de femmes qui se sont battus pour faire avancer l’Italie vers plus de lumière, moins de corruption, d’argent sale et d’inégalité.



Parce qu’il hésite trop, à mon sens, entre document et fiction, Les Nouveaux monstres (1978-2004) n’a pas rempli toutes mes attentes. Si l’auteure réussit à faire vibrer son lecteur et à l’intéresser à son pays, l’amoncellement des sujets abordés risque de lui tourner la tête et le laisser soulagé de reposer le livre, enfin achevé.


Lien : http://manouselivre.com/les-..
Commenter  J’apprécie          10
Elsa mon amour

J’avais entendu parler d’Elsa Morante avant de découvrir ce roman biographique de Simonetta Greggio et effectivement, plus que l’œuvre littéraire, c’était la figure exceptionnelle de cette femme qui m’avait incité à m’intéresser à elle. J’avais alors acheté à ce moment là une biographie dont je vous parlerai plus tard (quand je l’aurais terminé !) mais comme j’ai découvert ce livre avec la rentrée littéraire, j’ai finalement opté pour la lecture de celui-ci en premier lieu, par fainéantise : il était beaucoup plus rapide à lire !



Mais je n’ai aucun regret, ce roman m’a enchanté ! Il fait d’ailleurs partie de mes coups de cœur de la rentrée littéraire. C’est vrai que les premiers chapitres m’ont un peu décontenancé car j’avais un peu du mal à suivre les pensées d’Elsa, d’autant plus que je ne connaissais rien de son histoire. Mais très rapidement? on reprend pied et la suivre devient addictif.



Car rien n’est commun dans la vie de cette femme, ni sa naissance (d’un père qui n’ait pas celui qui l’élève et dont elle ne porte pas le nom), ses relations compliquées et passionnelles avec sa mère, sa sauvagerie, sa précocité et son exceptionnel esprit d’indépendance, sa foi en son destin d’auteur et cette nécessité de s’accomplir malgré les difficultés. Tout comme ses amitiés et ses amours, son engagement populaire et sa philosophie de l’Histoire, son amour des animaux qu’elle préfère aux hommes, cette maternité inassouvie, en font une femme attachante malgré sa dureté. Mais pouvait-il en être autrement à cette époque lorsqu’on était une femme qui voulait exister ? Et de surcroît dans une société aussi patriarcale que celle où elle est née ? Car l’histoire d’Elsa Morante, c’est aussi celle d’une certaine Italie, celle de la seconde guerre mondiale, du fascisme, des années Fellinienne, des années d’or de la famille Agnelli (Fiat) et de la Cosa Nostra, on y croise Pasolini, Visconti, la Callas… mais on y meurt aussi facilement et tragiquement.

Simonetta Greggio nous livre un beau roman à la fois vibrant, passionnant, touchant, visuel et très poétique qui n’est pas une biographie mais une porte d’entrée sur la véritable intimité d’Elsa Morante, lui redonnant voix pour éviter qu’elle ne tombe dans l’oubli. Car Elsa Morante n’est pas seulement l’un des plus grands écrivains du monde mais c’est aussi une femme exceptionnelle, une femme qui n’a jamais renoncé et qui a vécu intensément toute sa vie.

La suite à lire sur mon blog LIVRESALIRE.COM
Lien : http://livresalire.com/elsa-..
Commenter  J’apprécie          40
Nina

Je n'ai pas tellement aimé le début de ce livre, cette lettre à rallonge qu'Adrien écrit à Nina m'a paru longue, mais loonnngue .... et pourtant je me suis parfois laissée emporter par la nostalgie des étés italiens d'Adrien.



J'ai plutôt bien aimé le milieu de ce roman, avec des personnages attachants, de beaux sentiments, de la tendresse,de l'amour.



J'ai détesté la fin, très facile, improbable, je n'y ai pas cru du tout. J'ai même lu les 50 dernières pages légèrement en diagonale.



Je m'attendais à mieux d'un auteur que j'aime bien et je ne pense pas que mon avis vous donne très envie de le lire...



PS : un extrait qui m'a parlé, un éditeur qui parle à une petite jeune qui travaille pour lui "Ensuite, et c'est la chose principale, donne ton avis; est-ce que ça te plaît ? Est-ce que ça te touche ? Est-ce que tu aurais envie de lire ce livre, une fois le travail d'écriture abouti ? C'est ton sentiment que je veux. C'est ça qui compte pour moi." p.182
Lien : https://pagesdelecturedesand..
Commenter  J’apprécie          10
Elsa mon amour

Les lieux se mélangent, les dates varient. D’un souffle, Elsa se livre. Femme abîmée, belle insolente, petite fille, amante, magnifique, pauvre, riche, à Rome, ailleurs, ici. Une plume, un soupir. Les ans s’égrènent sur ses rencontres, ses amours, ses passions. Elle s’abandonne.



Elle croise Rossellini, Magnani, Pasolini et Fellini, s’amourache de Visconti, aime Bill Morrow, souffre, se perd en Moravia, sa passion, son naufrage. Elle aime. Entière, passionnée, écrit comme elle vit, comme elle respire. Elle sait que le succès est à sa porte, qu’elle est meilleure que lui, son mari écrivain, que les autres et sera récompensée.



L’Italie se traverse à son bras, sourire aux lèvres - heures flamboyantes ou disette - noyé parfois de larmes sous la plume poétique de Simonetta Greggio. Les pages se tournent et se savourent, se relisent. C’est doux tel un murmure. Une confidence que l’on reçoit, privilégié, avide d’en connaitre davantage. Encore un peu. Qui était-elle ?



Elsa Morante, j’ai entendu tes mots, j’ai respiré ton souffle, il ne me reste plus qu’à te lire.



Un écrit passionnant.
















Lien : http://aufildeslivresblogetc..
Commenter  J’apprécie          131
Elsa mon amour

Un amour éternel



Elsa Morante, la prodigieuse est le sous-titre révélateur du dernier roman de Simonetta Greggio, consacré à cet écrivain, comme toutes les deux aiment être définit et non des écrivaines. Cette adoration pour cette femme à la vie sulfureuse dans une Italie de la dolce Vita accouche d’un roman témoignage Elsa mon amour, ce petit bébé au frontière imaginaire, au cœur biographique à l’âme sensuelle.

Petite présentation de Simonetta Greggio, née le 21 avril 1961 à Padoue en Italie, est une romancière française, débutant comme journaliste dans des revues françaises puis son premier roman édité en 2005 sous le tire de La Douceur des hommes, paru chez Stock, puis d’autre romans parurent comme Dolce Vita 1959-1979, éditions Stock. Finaliste du prix Renaudot et du prix Interallié, en 2010, au total plus de 12 romans.

Elsa mon amour ressemble à une porte ouverte vers Elsa Morante à différents moment de sa vie, comme si nous étions invités à vivre ses émois avec elle, spectateur de ses états d’âmes et de sa vie qui de scènes en scènes, devient le théâtre de sa propre existence. Un de mes libraires lors de ma rencontre avec ce roman biographique, me disait que c’était une biographie à l’américaine, prendre un événement pour l’approfondir, comme si nous étions ce décors pour la vivre encore et encore, nous devenions en quelque sorte le regard du passé pour ce présent de lecture.

De prime à bord je ne connaissais pas du tout cet écrivain Elsa Morante, juste son époux Alberto Moravia, puis aussi Malaparte, mais depuis je suis parti chez mon libraire favori pour acheter La Storia pour me plonger dans cette œuvre majeur de Morante.

Il y a toujours une fascination lorsque l’auteur d’une biographie prend la voix de l’artiste qu’il met en scène, il y a toujours une double voix qui résonne dans ma tête comme un schizophrène, celle de l’auteur entremêlé avec le héros, un duo d’un son unique, celui de la prose du roman, ce refrain fredonné par l’auteur de la biographie. Elsa Morante se matérialise soudain comme une héroïne vivante du roman, elle nait devant nous, pour nous faire revivre sa vie.

Cette mélancolie de la pluie berce beaucoup cette biographie, comme les larmes de notre héroïne. Sa jeune vie embrasse celui de sa marraine la prenant sous son aile, avec un papa évaporant et son don incroyable pour l’écriture, de son plus jeune âge.

Chaque petit chapitre sème une petite graine de la vie de cette femme, avec un titre simple, J’étais jeune, Il pleut, L’enfant, J’étais une fois, Histoire d’une poupée, Printemps 1918, Visage d’ombre, La ragazza, Mes seins, Ma virginité, Ma marraine, Elsa debout, J’aimais jouer, Il pleut, Un lac, kintsugi- L’art de réparer, R.T.M, Il pleut, Moriavia, Il pleut, Karma, Malaparte, But i loved you, damned !, Un ange veille sur ma nuit, Via dell’Angelo, Le jour de mon mariage, Amour conjugal, La guerre, Le Mal, Tout devint calme, vide et paix, Mensonge et sortilège, Il pleut, Pasalini, 12 février 1945, Malghe Topli Uork, Il pleut, Leonor Fini, J’ai rêvé, Visconti, Il pleut, Quelqu’un m’a dit, L’Île d’Arturo, Bonjour et adieu, Le Mépris, Moon river, Main tenant, Il ne pleut pas, et son dernier paragraphe au titre révélateur Elle est moi Mais je ne suis pas elle Et elle n’est pas moi, conclut à merveille ce roman. Tous ces titres sont comme une petite chanson intime du cœur d’Elsa, avec cette pluie qui sans cesse tournoie son âme, sa vie ses amours.

Elsa Morante flotte comme un soupir dans ces mots empruntés par Simonetta Greggio, avec sa prose la vie d’Elsa étincelle de son esprit de son âme. Ce style direct du je, fait revivre cette grande dame de la littérature dans une roman plus personnel avec en substance ces avis sur le monde qui l’entoure, de ces amours, de ses amis, de ses émotions. Quel plaisir de pouvoir découvrir des personnes sous l’œil acides et critiques d’Elsa sous la plume de Simonetta Greggio, comme Malaparte, Pasolini, son mari Alberto Moravia, Visconti. Je lis avec beaucoup de plaisir les anecdotes choisies par Simonetta Greggio comme des petits tableaux de vie s’animant devant moi, certaines huiles peintes de mots d’Elsa elle-même, glanés ci et là par notre écrivain tinte en moi comme le son d’une cloche au début d’une messe, ce bruit reste en moi, ce son pénètre ma personne, je les ressent au fond de ma chair pour les savourer et me fondre dans cette époque et ce milieu inconnu. Voici quelques-unes pêle-mêle de ses anecdotes.

J’aime la dualité de cette femme, s’inventant sa première fois avec homme mature pour enjoliver son fantasme de jeune fille, un mensonge croustillant et le jouet qu’elle deviendra sous les mains de Visconti, cet homme homosexuel, de cette liaison pervers, la vie près de cet homme était pour elle, « andonte allegro », lui offrant son chat Arturo.

« Tomber amoureuse d’un homosexuel permet beaucoup de choses. DE rêver. D’implorer, de souffrir-et de ne pas tromper son conjoint. »



Son premier roman Mensonge et sortilège est le fruit des ténèbres, elle voulait une épopée, une tragédie, c’est en fait pour elle un opéra. Elle parlera de son bacille des ruines 20 ans plus tard dans son roman éponyme La Storia.

De Naples, Elsa Morante dira « Il faut avoir lu La Peau de Malaparte pour comprendre ce que c’était la ville. » De cet homme Malaparte aura une complicité trouble avec son mari, la complexité est diffuse dans cet être, comme ses écrits, j’ai à ma grande surprise acheté des romans de cet auteur et lu Le soleil est aveugle pour continuer l’histoire de ce roman, découvrir cette prose baroque surtout et nourrir mon appétit de lecture croissante, une véracité de plaisir.

Je finirais par le passage du film Le mépris avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, mise en scène de Jean-Luc Godard, d’après le roman d’Alberto Moravia, une petite éclaircit de l’éclat de ce film « ennuyeux et admirable » où Elsa reconnait dans ces mots les disputes passées avec son mari, comme écho profond et lourd traversant le temps pour perdurer l’amour maladroit entre ces deux amants mariés, puis séparé sans divorcer.

C’est un roman initiatique personnellement, il m’ouvre un univers peu connu celui de la littérature italienne de cette époque, de cette vie italienne, avec ce septième art comme refuge, pouvoir apprendre et aimer un monde nouveau, c’est de ce roman cette force, cet atout, la découverte. Simonetta Greggio s’identifie parfaitement à cette femme qu’elle encense depuis son enfance, c’est sa muse, son idéale, un miroir d’identité, ce roman est une déclaration d’amour pour cette grande dame de la littérature Italienne et je terminerai par cette phrase de Simone Weil.

« Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction ».

Commenter  J’apprécie          20
Étoiles

J’aime ce petit roman de Simonetta Greggio qui me transporte en Provence, celle de Pagnol où les cigales sont reines et nous assourdissent de leurs chants, comme si elles étaient enivrées par de multiples senteurs.

L’action se passe dans le petit village de Bijoux où Gaspard dépose son sac, fuyant une déception amoureuse et une célébrité encombrante et exigeante à la tête d’un restaurant étoilé.



Il reprend une auberge loin des sentiers battus, revient aux sources de la cuisine. Lui qui ne faisait plus que superviser son restaurant parisien, remet la main à la pâte, accommode les plats typiques de la région. Dans ce nouvel environnement surgit Stella, jeune fille frêle, anorexique dont il va tomber amoureux.



Autant dire que l’intérêt de l’histoire ne réside pas dans cette histoire d’amour

un tantinet cucul la praline, mais dans l’ambiance qui se dégage de ce retour aux sources.

On salive à la découverte de ce qui s’échappe de cette cuisine, des saveurs qui mettent l’eau à la bouche. On sent la truffe, le basilic et le romarin et l’on entend l’huile frissonner dans la sauteuse en attendant les filets de rouget.



Un roman léger et frais à savourer sans modération.



Commenter  J’apprécie          160
Elsa mon amour

Je ne sais pas qui est Simonetta Greggio, ce que je sais de cette jeune auteur(e), c'est qu'elle a un joli brin de plume et

sans doute une admiration peu commune pour Elsa Morante. Admiration qu'elle arrive à nous faire partager, l'épouse de Moravia- aussi auteur(e) de La Strada- n'étant pas un personnage qui peut laisser indifférent.

Une belle écriture, poétique et sensible, au service d'une Dame qui a été la contemporaine des Fellini, Pasolini, Visconti , la Callas....

Je regarderai plus attentivement les écrits de Simonetta Greggio, à l'écriture si délicate...
Commenter  J’apprécie          30
Elsa mon amour

Je n’avais jamais lu Elsa Morante. Je ne connaissais rien d’elle. Seulement qu’elle avait écrit La Storia. Après avoir refermé le livre de Simonetta Greggio, j’ai l’impression d’avoir vu Elsa Morante se métamorphoser en deux jours – le temps qu’il m’a fallu pour lire Elsa mon amour. Tout prend vie au travers des yeux d’Elsa, comme une sorte de récit en calque: chaque crainte avouée, chaque souvenir remémoré, chaque silence muré dit d’Elsa plus que n’importe quelles autres paroles rapportées. C’est une intimité en mouvement que s’attache à créer Simonetta Greggio. Un portrait dans toute son inconstance et ses failles. Une fulgurance d’une rare beauté.



« Que reste-t-il de l’enfance si ce n’est des instants figés comme des photos dans la mémoire. Le moment où l’on a cueilli une primevère, un printemps perdu d’il y a soixante ans, la curiosité répétée pour ce nid de roitelets qui obligea la mère oiseau à fuir, laissant mourir ses petits – et quelle honte en avait-on éprouvée –, la fois où, bras et jambes en croix, étendus sous cet arbre en fleur, on s’était dit : Je me souviendrai toujours de cet instant. Que reste-t-il de l’enfance, si ce n’est une passerelle magique jetée entre les deux rivages d’une vie, pour peu qu’on ait le courage d’imaginer qui on est, qui on veut être. Qui on a été.

L’enfance du début. L’enfance de la fin. »



Elsa Morante a vécu un parcours atypique fait de renoncements et de coups d’éclat. Elle avorte, fuit la guerre, veut bouleverser la société et surtout la littérature. On entre dans ses pensées de femme libre, cherchant à vivre de sa plume, à imposer son talent, on entre dans sa carrière, dans son Italie familière, mais on entre surtout dans son regard, celui qui nous raconte la vie tout simplement.



Simonetta Greggio prend la parole pour redonner voix à Elsa Morante. Et quelle voix ! D’un souffle ténu, elle époussette les contours de la vie de la romancière italienne pour la faire apparaître là, fragile, plus vivante que jamais. Un portrait d’une sensibilité folle, qui se construit par bribes. Elsa Morante se dévoile à nous en pudeur ; puis elle se fait plus furieuse et se sculpte dans toute sa provocation. C’est une véritable prouesse que nous livre ici Greggio : dès les premières pages du récit, sans même de préambule, on sent le texte tout entier se gonfler de la présence d’Elsa et chaque pensée, chaque ressenti, trahit sa présence. Dès le début c’est sa voix que l’on entend et qui ne nous quittera plus. C’est Elsa qui se raconte, Greggio disparaît. Elle ne refait surface que brièvement, avant certains chapitres, pour apporter une hauteur de vue sur la vie d’Elsa Morante. Pour replacer l’individu au centre de son époque, de son temps, elle qui avait toujours tendance à se désaxer pour fuir la vie et ses impératifs. On ne sait plus si on est face à l’écriture de Simonetta Greggio ou la voix d’Elsa Morante. Elsa mon amour est un portrait sculpté dans l’immédiateté des émotions, un portrait saisi là où la vie se fait volcan en fusion, impétueuse et changeante. La voix d’Elsa qui traverse tout le texte porte les stigmates des regrets et des désirs inavoués, des joies éphémères et celles qui semblent éternelles. Elle porte et transporte. Ce n’est pas de l’intimisme pour de l’intimisme, chaque ressenti personnel a vocation à être universel. A nous toucher dans ce que nous avons de plus dissemblable. Chaque paysage observé par Elsa est fait sien, chaque visage est refaçonné selon elle, chaque odeur, chaque rire, chaque frémissement du quotidien raisonne en elle puis en nous. Un effleurement du monde comme une caresse. L’écriture de Greggio est un frisson de joie qui parcourt le lecteur. Un frisson qui empoigne. Elle a su capter toute la fulgurance et le tumulte qu’une vie peut comporter. Elsa mon amour est une pulsation constante. Qui emporte les amitiés, l’amour et les pays dans son sillage. Une pulsation qui tranche, qui fait vibrer, qui raccommode. C’est peut-être la vie ou même la mort que l’on sent bruire derrière chacun des mots.



« Il fait un temps de chien cette année-là, avant même le début de l’hiver, un temps à dissuader de sortir. Dans les rues de plus en plus sombres du centre-ville, une forêt de parapluies se lève et s’épanouit au rythme des averses qui durent parfois tout le jour. La pluie tombe droit. Elle ruisselle sur les façades noircies des immeubles sans les laver. Au contraire il semble qu’elle les barbouille davantage, mêlant sa grisaille à la suie. Elle crépite sur les trottoirs. Au-dessus des avenues, le ciel n’est plus le ciel. Il paraît couler lui aussi comme un fleuve à l’envers, par-dessus les toits, un fleuve gris de nuages uniformes et tumultueux, roulant les uns sur les autres et tonnant parfois comme s’ils s’entrechoquaient. »



D’une élégance folle et farouche, Elsa mon amour s’affirme comme le roman d’une vie. Celle que Simonetta Greggio a su insuffler pour qu’Elsa Morante se détache du papier. Celle qu’elle a su capter dans l’essence de tous les instants. La justesse de ton de Greggio permet toutes les nuances ; elle peut draper les existences de toisons fragiles comme elle peut trancher à vif dans la chair. Elsa mon amour est tumultueux comme une passion. Délicat comme une floraison. Merveilleux comme seuls peuvent l’être les romans qui ont su capter l’essentiel et se délester du reste.
Lien : https://eterneltransitoire.w..
Commenter  J’apprécie          50
Elsa mon amour

Simonetta Greggio m'a fait connaître et aimer Elsa Morrante une femme si belle et si libre. Je n'ai plus qu'une envie, découvrir son oeuvre, dès ma chronique finie je vais donc me rendre chez ma libraire préférée pour commander « La Storia ».



L'auteur laisse la parole à Elsa Morrante. Elle va nous raconter sa vie, ses rencontres, ses amours. Des rencontres qui donnent lieu à des portraits sans concession Visconti, Fellini, Rossellini, mais aussi des moments de tendresse infinie quand elle évoque Pasolini poète, écrivain et réalisateur maudit et Bill Morrow peintre, tous deux homosexuels, ses deux petits-frères de coeur.



Le style m'a tout de suite plu, et le fait qu'Elsa s'adresse directement au lecteur donne un ton intime et sensuel à ce récit. L'auteur nous dresse le portrait d'une fillette douce, sauvage, arrogante, menteuse, effrontée mais sensible. À six ans, les premiers romans lus en cachette, chipés dans la bibliothèque, la découverte de Zola.

« J'écris depuis que j'existe. Avant de savoir écrire, j'écrivais déjà. J'étais écrivain dans le ventre de ma mère. Avant de naître, j'étais écrivain. »



L'auteur sait parfaitement décrire les tourments de cette fillette, une mère et son amant, son vrai père et puis le mari de sa mère, son faux père. Les disputes à la maison, une mère qui hurle, un père qui se défile, une mère maquerelle qui va essayer de vendre les premières nouvelles écrites par sa fille de onze ans, une petite fille qui rêve de caresses de cette mère tyrannique. Comme souvent les débuts sont difficiles, elle met sa machine à écrire au clou tellement elle a faim.

« Me réveiller la nuit, la bouche aigre, dans un lit inconnu. Cela ne s'appelle pas de la prostitution. Cela s'appelle misère. »



Elsa est une femme atypique, prête à tout pour être publiée et lue. Elle veut vivre de son écriture, apprendre à voler de ses propres ailes.

« J'aurais pu tuer pour être reconnue à ce que j'estimais être ma valeur. »

Et puis voilà la rencontre avec Moravia, la situation financière s'améliore, l'auteur nous entraîne à la suite de ce couple où les séparations brutales alternent avec les retrouvailles passionnées, les amis qui apprennent à se faufiler entre leurs disputes. Cela n'est pas sans rappeler le couple Liz Taylor et Richard Burton.

« À la fin de la soirée, Moravia m'a serré la main pour prendre congé. J'en ai profité pour lui glisser la clef de mon studio. Nous avons cela en commun, Moravia et moi. Nous ne lambinons pas avec le désir. »



À chaque début de chapitre l'auteur a la bonne idée de replacer le parcours du couple dans l'Histoire mouvementée de l'Italie et de l'Europe, la guerre qui les rattrape, juifs à moitié ils doivent déguerpir, cachés par des amis, jusqu'à la fin du conflit. Ils rentrent à Rome, la vie reprend, Moravia continue de la tromper.

Et puis tout au long du récit il y a le souvenir obsessionnel de la mort de son ami et la hantise de la vieillesse. Par son écriture, faite de fines touches posées régulièrement, Simonetta Greggio nous fait bien percevoir les angoisses d'Elsa.

L'auteur tient à nous préciser qu'il s'agit bien d'une oeuvre de fiction, les fragments de journaux, de poèmes, de lettres d'Elsa qui illustrent le récit rendent ce portrait encore plus vrai. Je crois bien que je suis tombé amoureux d'Elsa, une femme si forte et si fragile à la fois, qui souhaite être protégée tout en étant voulant être indépendante.





Commenter  J’apprécie          271
Elsa mon amour

Il pleut.



Pourtant j’ai lu ce livre en plein soleil. Soleil de plomb.



La littérature est un art et cet ouvrage en est la preuve.



Ce livre est de la musique. Un rythme, une mélopée qui m’ont emportés loin. Chaque mot à sa place et n’importe où en même temps.



Ce livre fait du bruit. Un pacte que le lecteur passe avec son auteur dès les premières lignes. Simonetta Greggio semble nous inviter à ce voyage vers Elsa Morante, sans trompette ni tambour, non, mais avec perte et fracas. Une lecture que l’on prend comme un chemin vers la lumière. Un chemin escarpé, exigeant mais terriblement prenant.



Ce livre n’est pas une biographie d’Elsa Morante. Ce livre est Elsa Morante.

Par petites touches, par grands traits de mots tous plus beaux les uns que les autres. Oui, ce livre est un tableau. Une fresque où chaque ligne vit, vibre, emporte.



Ce livre est une chanson. Un air que l’on garde en tête, sans rimes ni raison. Comme un vieux tube, entendu à la radio, et qui s’incruste dans la mémoire. Pour longtemps.



Ce livre n’est pas un livre. Il va bien au-delà.



Lisez-le comme une rencontre. Comme quelque chose de beau même si on n’en possède pas toutes les clefs. Ce qui le rend encore plus fort. Encore plus tentant.



Lisez-le comme on ne lit plus.

En fermant les yeux.
Commenter  J’apprécie          7610
Elsa mon amour

« Le monde se divise en deux : ceux qui idolâtrent Elsa Morante, et ceux qui ne la connaissent pas » c'est un peu ce que semble vouloir nous dire Simonetta Greggio. Pour nous en convaincre elle a sorti sa plus belle plume bien loin de toutes mièvreries sirupeuses et des biographies linéaire, c'est un brûlot à l'écriture tendue et au rythme nerveux qui se lit avec avidité. J'avoue avoir découvert cette auteur et cette femme et avoir été séduite par le personnage irascible et sans concession ! Pour lui rendre un hommage digne de ce nom il fallait une autre femme à la forte personnalité ce qui donne parfois un effet miroir qui se lit entre les lignes. Cette femme « aux humeurs d'équinoxe » était aussi une amoureuse passionnée et un être complexe et magnétique qui a occupé l'adolescente Simonetta. Elle confesse volontiers « Ces mois, ces années … Elsa mon amour » à la femme autant qu'à l'auteur . Loin d'être un livre anecdotique c'est l'histoire d'une Italie sortie de la guerre meurtrie et d'une jeunesse qui veut vivre sans entrave. C'est l'histoire d'une petite souillon qui va se battre pour avoir sa place dans un monde littéraire masculin et c'est surtout l'histoire d'une femme mal aimante, libre, possessive qui semble ne vouloir que l'impossible. On croise des monstres d'égoïsme comme Visconti, des génies comme Pasolini et toujours cette Italie faite de violence et de fierté qui déteint sur ses femmes en lutte permanente. Elsa retrouve vie et nulle autre que Simonetta n'aurait su lui rendre la grâce sensuelle qui l'accompagnait. Une fois le livre fermé il faut immédiatement lire, relire et se délecter de cette poétesse que nul n'a encore dépassé surtout dans le cœur de Simonetta qui comme elle n'a jamais pratiqué la langue de bois.
Commenter  J’apprécie          50
Elsa mon amour

Il y a Elsa Morante, Moravia, Pavese, Visconti, Pasolini.

Il y a l’Italie, la littérature, le cinéma.

Il y a l’amour, la passion, la destruction.

Il y a l’écriture superbe de Simonetta Greggio.

Mais il n’y aura pas eu de rencontre entre ce livre et moi.

Difficile de vous expliquer pourquoi. Je pense ne pas le savoir moi même. Peut-être trop intime, trop saccadé. Peut-être que la construction en courts chapitres sans chronologie m’a perdu. Peut-être n’était-ce pas le bon moment tout simplement.

En tout cas et à mon grand regret, je suis passée à côté.
Commenter  J’apprécie          113
Elsa mon amour

Pour m’être délectée de ses histoires un tantinet sulfureuses (dans les années 60 en tout cas), Alberto Moravia a été un auteur incontournable de mon adolescence.

Je garde un souvenir vivace de quelques-uns de ses romans, notamment « Le mépris » magnifié sous la caméra de Jean-Luc Godard par Brigitte Bardot au summum de sa beauté.

D’Elsa Morante, j’avoue ne connaître que le nom de son plus célèbre roman « La Storia ».

Simonetta Greggio, je la lis régulièrement avec énormément de plaisir, aussi,

lorsque Babelio m’a proposé « Elsa mon amour », son dernier opus, je me suis empressée d’accepter tant j’étais curieuse de lire sous la plume de l’auteure l’histoire de deux géants de la littérature.



Dès les premières pages, l’écriture est superbe : « Il pleut, les orangers et les citronniers sont en boutons, blanches dragées de mariée. »

J’aime cette poésie qui enveloppe l’histoire.



En se glissant dans la tête de la romancière, c’est un morceau de l’histoire italienne que Simonette Greggio nous donne à lire. Au fil des lignes nous découvrons des grands noms de la littérature et du cinéma italien qui furent ses amis : Pasolini, Fellini et Anna Magnani.



Mais le compagnon est bien sûr Moravia dont elle accepte les infidélités, il est et restera son mari, et tant pis pour sa rivale qu’elle qualifie de serpent à sonnette qui a du poil au menton.

« Sa robe de mariée, elle peut toujours l’attendre, celle-là.

La fureur d’une femme trahie ne se brise que sur la dalle du cimetière ».



A travers ce roman parfaitement documenté, Simonetta Greggio nous offre un vibrant et bel hommage à Elsa Morante.

Il ne me reste plus qu’à découvrir « La Storia ».



Un grand merci à Babelio et aux Editions Flammarion.

Commenter  J’apprécie          242
Elsa mon amour

Dans ce court roman, Simonetta Greggio donne la parole à Elsa Morante qui fut l’épouse de Moravia (l’auteur du mépris, qui pour moi est davantage synonyme d’une très belle musique de film et d'une ou deux répliques cultes, que d’un livre).



Sur la forme, Simonetta Greggio combine à la fois, Elsa qui se raconte sur le mode du "JE", et en italique quelque lignes pour relater un épisode de la vie du personnage.



J’ai assez peu apprécié ce roman ; si je lui reproche, entre autres choses d’être trop court pour de la biographie, je lui suis pourtant gré d’être court et donc vite lu !!!



Je n’ai pas non plus aimé la construction. En outre, j’ai trouvé l’ouvrage trop succinct, trop survolé (pour qui aurait pu être passionné par Elsa Morante).



Mais ce qui m’a le plus "rebuté" c’est le personnage central du roman ; personnage que je ne connaissais pas, mais qui ne m’a pas vraiment intéressé.

Enfin, pour étant étiqueté comme roman, j’ai trouvé que tout cela manquait cruellement de souffle romanesque, et d’ambition.
Lien : https://leblogdemimipinson.b..
Commenter  J’apprécie          91




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Simonetta Greggio (1420)Voir plus

Quiz Voir plus

Eragon tomes 1, 2, 3 & 4

Qui est Eragon?

Un paysan
Un dragon
Un nain
Le roi du pays

25 questions
27 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}