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Critiques de Siri Hustvedt (497)
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Tout ce que j'aimais

Deux couples, Léo (le narrateur) et Erica d’un côté, Bill et Violet de l’autre vivent une amitié sans nuages, mais plusieurs évènements dramatiques viennent bouleverser leurs existences.

Siri Hustvedt nous offre une plongée dans le New York artistique et intellectuel dans les années soixante dix.

L’amitié, le désir, le deuil, le mensonge, la maladie, l’addiction mais aussi l’art contemporain et ces dérives. Il faut accepter de se perdre dans cette histoire tant l’écriture est dense, exigeante. D‘une grande sensibilité aussi.

Mais « Tout ce que j’aimais » est aussi un roman extrêmement pessimiste. Siri Hustvedt offre une réflexion sur le temps qui passe inévitablement douloureux. Elle le fait avec un talent et une finesse psychologique remarquables. Une belle découverte même si son livre m’a donné le blues. Préparez vos mouchoirs.



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Souvenirs de l'avenir

L'un de mes coups de coeur de cette rentrée!



C’est un roman intimiste, une sorte de huis clos entre la narratrice, une femme de soixante-ans et elle-même qu’elle convoque à la faveur des pages de son journal tenu lorsqu’elle avait une vingtaine d’années.



La jeune fille qui doit son surnom à ses origines, Minesotta , connaît les bonheurs et les écueils d’une vie d’étudiante à New-York : amitiés, amours, émulation, mais aussi pauvreté, faim, violences urbaines. Tout cela est conté avec beaucoup de sincérité, mais pourrait rester un simple récit de souvenirs.



Or Siri Hustvedt va beaucoup plus loin, et s’interroge sur les méandres de la mémoire, qui déforme, trie, occulte, même devant un écrit dont l’authenticité est difficile à contester. Et cet étrange fonctionnement renvoie en miroir les difficultés de sa mère âgée, dont les lacunes sont beaucoup plus considérables.



On a donc plusieurs niveaux de récit, entre le journal de la jeune femme, les réflexions actuelles (Trump en prend pour son grade) et les feuillets d’un roman ébauché à l’adolescence. C’est clairement différencié et les allers-retours entre les différentes périodes de vie ne sont pas un obstacle à une lecture fluide.



Un personnage important apporte un étayage à la narration : la voisine dont les soliloques sont à l’origine de bien des hypothèses : folie, complot, théâtre? Lucy B saura préserver une part de son mystère.



On se pose bien sûr la question de identité de la narratrice, qui se cache derrière des initiales troublantes S.H. et vient du Minnesota, Même si son mari se nomme Walter, bien des analogies existent entre l’auteure et la narratrice.





Lorsque la littérature new-yorkaise est portée par la plume d’une femme, et qu’en plus il s’agit de Siri Hustvedt, mes désirs de lectrice sont comblés.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Un été sans les hommes

La Pause, c'est ainsi que Mia, fraichement délaissée par son mari, a surnommé la maîtresse et collègue de ce dernier. Une femme, évidemment plus jeune qu'elle, peut-être plus belle, aura eu raison de ces trente années passées ensemble. Ayant très mal vécu cette séparation momentanée, elle sombrera quelque temps dans la dépression. Internée, elle reprendra pied gentiment. Ne pouvant plus supporter l'appartement de Brooklyn tant chaque recoin lui rappelait Boris, elle décide alors de retourner vivre chez elle, pour l'été, dans le Minnesota, là où elle a grandi et où vit en ce moment sa maman. Le docteur était d'accord, des rendez-vous téléphoniques étant fixés toutes les semaines. Sa fille Daisy et sa sœur ont déjà prévu de lui rendre visite. Poétesse auréolée d'un prix et enseignante à l'université, elle compte enseigner la poésie aux jeunes dans le cadre du Cercle artistique local. Entre les adolescentes à la recherche d'elles-mêmes, les vieilles de la maison de retraite à qui elle rend visite, les confidences de sa maman, la voisine délaissée et un peu paumée qu'elle tente de consoler et les lettres de Boris qu'elle reçoit, Mia scrute le monde qui l'entoure et les personnes qui l'animent et qui lui permettent de rester debout...



Siri Hustvedt décrit avec subtilité, tendresse, émotions et poésie ces instants volés à cette femme, ces instants où elle se livre et pose un regard empli de douceur sur ce qui l'entoure. L'on survole presque ces quelques pages, presque gêné de cette intimité, cette pudeur malgré tout exposée et l'on ne peut pour cela s'empêcher d'y entrevoir une certaine part intime de l'auteur. Elle-même poète, ayant connu des périodes de dépression et vivant parfois dans l'ombre de son mari Paul Auster, elle ressemble à Mia. Décrivant le portrait d'une femme à la fois forte et fragile, déboussolée, en proie à certains doutes et blessée au plus profond d'elle-même. L'écriture est d'une grande finesse, poétique, empli d'une tendre douceur et extrêmement maîtrisée. L'on pourra malgré tout regretter parfois la complexité de la trame, rendant cette lecture plus complexe qu'elle ne paraît.



Un été sans les hommes...un automne dans leurs bras...



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Un été sans les hommes

Et si on faisait une Pause ? Voilà ce que lui sortit un soir Boris. Après 30 ans de bons et loyaux services, 30 années à lui mitonner sa lunch box, à lui repasser ses chemises, à lui chouchouter sa fille chérie, voilà que ce bon vieux Boris veut faire une Pause, un Interlude. Nul doute que cette Pause a vingt ans de moins avec des seins qui tiennent la forme.



Se retrouver seule la soixantaine approchante à en devenir folle. Hystérique même et follement dépressive à s’en faire interner quelques temps, histoire de se reposer, de retrouver ses moyens, et de pouvoir avancer de nouveau un pas devant l’autre. Boris, tranquille lui, à froufrouter avec sa nouvelle brune sans cheveux blancs, au cul plus ferme. Mais elle… Retour dans le Minnesota pour y rejoindre sa mère, dans une institution pour les encore plus vieux, derrière étape digne avant le mouroir. Là-bas est l’occasion de renouer des liens avec sa vieille mère, de repenser aux premiers émois sexuels (pendant que Boris doit réinventer certaines figures du Kâma-Sûtra avec son Interlude français), de revoir ces premières rencontres parce que Boris elle l’aime encore (malgré sa Pause française). Se reconstruire en faisant le point sur son passé et son présent, et lire sur la terrasse ombragée pendant que le saule pleureur chante sa mélopée à travers la brise du vent. Elle est poétesse, alors la lecture, ça l’émoustille (et pas qu’elle, d’ailleurs).



Elle donne des cours dans un collège à de très jeunes filles, à douze ans la poésie n’intéresse pas vraiment les gars. Une bouffée d’oxygène que de se confronter à cette jeunesse, fraiche et presqu’innocente. Mais n’est-ce pas également un moyen de retrouver la sienne aussi, de se redescendre un petit peu quelques années en arrière, et qu’en même temps de leur prodiguer des ateliers de poésie, n’en profite-t-elle pas pour imager des cours de la vie, au début de l’ère passionnelle, celle où les garçons commencent à rentrer dans le champ de vision de ces demoiselles.



Siri Hustvedt m’énerve à un point inimaginable. Et ça elle ne le sait pas encore. Mais déjà que j’admire en plus haut point son mari, grand maître incontesté de mes lectures et de ma vie passionnante de lecture et de lecteur passionné. Et voilà qu’elle aussi s’y met, à captiver mon attention, à aviver mon intérêt pour cette femme de soixante ans – et le pauvre Boris. Un couple uni avec autant de talent littéraire réuni, cela frôle l’indécence. Le pire, c’est que « un été sans les hommes » est clairement destiné à un public féminin, et pourtant je suis happé par ses pensées ses souvenirs ses relations avec sa mère avec son Boris avec ses élèves. Le pire, c’est que « un été sans les hommes » ne présente aucune scène lesbienne – la raison principale qui m’a valu d’ouvrir se livre en espérant y égarer ma main pas absolument indispensable pour tenir le format d’Actes Sud.



« Lire est une activité privée, souvent exercée derrière les portes fermées. Une jeune dame pourrait se retirer avec un livre, l’emporter dans son boudoir et là, étendue sur ses draps de soie, tandis qu’elle s’imbibe des passions et frissons manufacturés par la plume d’un écrivain polisson, l’une de ses mains, pas absolument indispensable pour tenir le petit volume, pourrait s’égarer. »



N’empêche que j’aimerai bien voir le cul de cette Pause, sacré Boris.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Tout ce que j'aimais

"Étrange, la façon dont la vie fonctionne, dont elle change de forme et de cap, dont une chose en devient une autre "

Cette citation extraite du roman de Siri Hustvedt : Tout ce que j'aimais est la phrase qui me paraît contenir le plus précisément l'essence de ce récit.Elle aborde ce qui a été, ce qui fut d'une manière on ne peut plus juste, à mon sens.

Je n'avais jamais lu de romans de Siri Hustvedt, je savais juste qu'elle était la deuxième femme de Paul Auster et qu'elle écrivait aussi.

J'ai trouvé une résonnance extraordinaire , un lien indéfectible entre ces deux écrivains. Leur écriture se complète, une interférence choisie, des mots qui portent une nostalgie, une intelligence sensible qui me les rend encore plus cher à lire.

Siri Hustvedt aborde dans ce roman, de nombreux thèmes passionnants à travers la filiation, l'amour, l'art , la folie, la duplicité qui nous font parcourir ces quelques cinq cent pages comme une météorite.Son écriture empreinte de douceur, de nostalgie à travers le personnage central: Léo, l'historien d'art, celui qui nous raconte, celui qui nous délivre l'histoire de ces deux couples et celle d'une femme: Lucile.

J'ai été captivée de bout en bout par l'évocation de ce New York du milieu des années 70, bouleversée par le drame total et effroyable de la perte d'un enfant et la vie brisée de ces deux parents.

L'incommunicabilité, le désarroi de parents face à un enfant : Mark dont personne n'arrive à comprendre cette personnalité qui se dédouble et meurtri son entourage.

L'écriture de ce récit prend parfois la tournure d'un bon polar et permet d'insuffler un nouveau souffle au récit.



J'ai été littéralement fascinée par ce récit, par ces échos qui résonnent forcément un peu en chacun de nous, par cette écriture teintée de mélancolie amoureuse, d'amour filial intense.





Si vous ne connaissez pas Siri Hustvedt, alors, il est temps de sauter le pas avec cet excellent : Tout ce que j'aimais.
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Un été sans les hommes

Tact, tendresse, humour, dérision : voilà Siri Hustvedt dans « Un été sans les hommes ». C’est peu dire que j’ai adoré !



La narratrice nous raconte quelques petites semaines passées en célibataire...Son mari lui a demandé en effet une pause, ce qu’elle-même a transformé en la Pause, incarnée en la personne d’une jeune et jolie collègue de laboratoire où l’époux grisonnant travaille. Cette pause a bien mal commencé, puisqu’elle s’est retrouvée illico en hôpital psychiatrique, à ramasser ses « tessons de cerveau ». Et quand ceux-ci ont été rassemblés, elle est allée les recoller convenablement dans une petite maison, louée près de l’endroit où vit sa mère en compagnie d’autres amies très âgées. Pour occuper son esprit malmené, elle guide aussi quelques très jeunes adolescentes dans son atelier d’écriture (notre narratrice est poète). Et elle est très attentive à la jeune voisine flanquée d’une petite fille et d’un nourrisson mais malheureusement aussi d’un mari colérique.



La voilà lancée dans un été exclusivement féminin, de l’âge tendre à l’âge sage, en passant par l’âge accaparé. Et cette narration la – et nous – transbahute d’une femme à l’autre, d’une pensée à un coup d’émotion, d’un apprentissage subtil à une découverte étonnante.

En passant, Mia notre narratrice égratigne son mari, adore sa fille, fait un détour par sa propre enfance, se jette dans les bras de sa sœur, pouponne, tend une épaule rassurante à sa voisine d’un été, accède au secret d’une vieille dame un peu iconoclaste, aime sa mère, sauve une jeune fille du désespoir, et se hisse au plus haut d’elle-même, c’est-à-dire au plus profond de son cœur. Tout cela en nous interpellant, nous lecteurs, et en s’excusant de ses détours qui pourtant mènent à l’amour de la vie et à l’extraordinaire capacité qu’ont les femmes – quel que soit leur âge - de faire face.



Hymne à la féminité, ode à la vie, à l’acceptation de ses émotions, rires et larmes... Voilà à quoi peut nous mener un été sans les hommes !

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L'envoûtement de Lily Dahl

C'est un roman inclassable, étrange et intrigant à la fois.



L'écriture très visuelle de Siri Hustvedt nous embarque dans le monde limité d'une jeune fille intense, obstinée, dure et combative et sur la façon dont ses pulsions de singularité finissent inévitablement par échouer sur les rives de nos existences normatives.



Siri Hustvedt sait jouer du flou avec une grande précision, dévoilant peu à peu les rapports ambigus de ses personnages et pratiquant l'ellipse avec élégance.

Les rencontres entre les personnages lui permettent d'exploiter les démons affamés et insatisfaits qui habitent à l'intérieur de chacun.



Avec talent l'auteure américaine fait circuler tout ce petit monde, les événements et les émotions d'un bord à l'autre de l'invisible limite.





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Élégie pour un Américain

C'est le troisième livre de Siri Hustvedt que je lis et si j'ai beaucoup apprécié les deux premiers : Élégie pour un américain m'a totalement séduite et emportée du début à la fin.

J'ai commencé sa lecture à New-York car je voulais totalement adhérer à l'ambiance, à l'atmosphère américaine qui se dégage des livres de Siri Hustvedt tout comme ceux de son époux : Paul Auster.

Les hasards de la vie sont souvent immenses et généreux, pendant mon séjour , j'ai logé à Brooklyn et alors que Brooklyn est très grand, le héros du roman loge et vit près du Prospect Park, très proche du lieu où je vivais.

Siri Hustvedt nous embarque dans le voyage intérieur d'un homme et d'une femme qui sont frère et soeur. Ils se "retrouvent" à la mort de leur père .A sa mort, son fils, psychiatre de son état , découvre son journal qui lui fait découvrir et comprendre le mystère de cet homme qui était son père.

Siri Hustvedt a le don, l'élégance des mots, des phrases pour nous faire ressentir notre monde intérieur sans fard. Je dois dire que c'est un des aspects du livre qui m'a fasciné.

Le fils qui en découvrant son père se révèle à lui-même, ainsi que par le biais de son métier de psychiatre très attentif à l'écoute de ses patients.

La fragilité d'un homme n'échappe à personne, pas même à un psychiatre. Et, on rentre tellement à l'intérieur de son personnage, qu'on a l'impression d'être son ami, son allié.

Sa sœur Inga est assez captivante, c'est une femme qui écrit mais vit dans l'ombre de son mari grand écrivain décédé.

Siri Hustvedt nous entraîne dans le tourbillon des âmes, des peurs et des manques, de l'enfance cachée au fond de nous de façon magistrale.

Si vous aimez Siri Hustvedt, c'est un titre à découvrir et encore plus pour ceux qui ne la connaissent pas.

Merci à Edouardo, ami Babelio qui m'a conseillé ce titre.
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Un été sans les hommes

Abandonnée par son mari au profit d'une femme plus jeune, Mia sombre dans la folie, puis comme elle n'a pas le choix, se reprend et décide d'aller passer deux mois dans sa ville natale. Cet été-là sera celui des visites à sa vieille mère qui vit désormais dans une maison de retraite entourée d'amies bien vivantes, et des cours de poésie dispensés à des jeunes filles proches de sa propre adolescence. Des femmes qui sont à la fin et au début de leur vie dont la cohabitation va lui apprendre beaucoup sur elle-même, et la libérer, elle, la femme de cinquante-cinq ans.



Un été sans les hommes, qui n'est pas contre les hommes mais se moque gentiment de leurs travers, est un roman du bilan du milieu de la vie. Tendre, intime et subtil, ce très beau récit de femme sur les femmes est aussi agréablement optimiste et judicieusement féministe.
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Un été sans les hommes

Un été sans les hommes, n'est-ce pas une merveilleuse invitation ? Je parle bien sûr du roman de Siri Hustvedt.

Un été sans les hommes, mais où sont-ils donc passés ? Certains sont partis, évaporés, certains sont morts, d'autres n'existent pas encore...

Ce sont des femmes sans les hommes que j'ai rencontrées ici pour mon plus grand plaisir, à commencer par la narratrice, touchante personne touchée par ce chagrin qui l'étreint.

Elle s'appelle Mia, c'est une poétesse auréolée d'un prix littéraire et qui donne des cours de poésie dans une prestigieuse université new-yorkaise. Mia. À l'envers ça donne I am... Je suis Mia... Oui, mais Mia n'y est plus. Elle a perdu cette confiance allègre qui lui allait si bien. Est-ce l'approche de la soixantaine ?

Après trente ans de mariage, son mari Boris, un neuroscientifique renommé, a décidé de faire une pause. « Tu comprends ? J'ai besoin de faire une pause. » Oui, mais voilà, la pause a un visage, un corps, de jolis seins, la pause est bien plus jeune que lui, bien plus jeune que Mia aussi, la pause est belle, Française, c'est une collègue de travail joyeuse, rencontrée dans un laboratoire et les laboratoires c'est fait pour faire des expériences... « Alors, tu comprends Mia ? J'ai besoin de faire une pause... » Ici la pause devient la Pause...

Comprendre ? Comprendre quoi ? Pourquoi comprendre ? Comprendre que Mia est ménopausée ? Qu'elle a cinquante-cinq ans ? Qu'elle n'a plus son corps de trente ans ? Celui d'une jeune et belle Française avenante, avec laquelle on rit de manière complice tous les jours ?

Pendant que l'époux fait sa pause, Mia craque, pète un câble, Mia ne comprend pas.

C'est l'histoire d'un effondrement, d'une déflagration. Que va-t-il advenir d'elle ?

Elle est alors hospitalisée dans un service pychiatrique. Sa fille Daisy est à ses côtés. Sa soeur traverse le continent américain pour venir au plus près d'elle. Ce sont ces premières présences essentielles qui vont peut-être sauver Mia...

Il lui faut quelques jours pour comprendre... Pas comprendre la pause, pas accepter la Pause, non comprendre qu'elle peut se relever, qu'elle doit se relever, se reconstruire, guérir de cet abandon, de cette déchirure dans son ventre... Comprendre qu'il ne lui reste plus désormais qu'à vivre. Non pas survivre, mais vivre.

Alors elle décide de retourner sur les pas de son enfance, se retrouver dans une maison qu'elle loue dans le Minnesota, pour un l'été, là où elle a grandi et où vit désormais sa mère dans une maison de retraite tout près entourée d'amies de la même génération, de charmantes veuves rigolotes et espiègles, dont l'ainée a 104 ans... Ah ! Abigail et ses secrets iconoclastes !

La femme médecin neurologue qui la suit dans son hospitalisation donne son accord, à la seule condition de rendez-vous téléphoniques fixés toutes les semaines.

Pour commencer, elle décide d'enseigner la poésie dans le cadre d'un cercle artistique local à sept jeunes filles en fleurs, qui ont pour la plupart aux alentours de treize ans, un peu embarrassées de manière pataude par leur féminité qui surgit, les étonne et dont la poésie n'est pas forcément leur centre d'intérêt principal...

Un été sans les hommes devient alors pour Mia un été avec des femmes, avec ce grand écart générationnel dans lequel elle vient se poser comme un pont.

Mia se promène alors dans ce beau paysage empli de sororité, oscillant entre des adolescentes à la recherche d'elles-mêmes, des vieilles dames charmantes dans leur maison de retraite, les confidences de sa mère à qui elle n'a pas encore raconté le drame qui lui arrive, et puis la voisine perdue, désespérée, dont elle devine peu à peu une violence conjugale en arrière-plan, cette voisine qu'elle tente de consoler, de prendre sous son aile protectrice avec son enfant...

Mia observe ce microcosme animé exclusivement de femmes...

Toutes ces femmes qu'elle côtoie alors, avec leurs joies, leurs souffrances, leurs appréhensions, leurs désillusions, le désespoir des enfants cruels entre eux, l'humiliation qui peut conduire au bord du vide même à treize ans, la fin de vie pour d'autres plus âgées, c'est un chemin de guérison fait de sens pour Mia.

À ces jeunes filles persécutées, elle leur propose de se multiplier par les mots, de cracher des syllabes comme des sagaies.

Et puis il y a la relation d'une mère a sa fille, qui se parlent comme jamais elles ne l'ont faits encore.

La mort des autres est présente, se faufile dans le texte comme une ombre.

Dans Un été sans les hommes, ces derniers ne sont jamais loin, on pourrait même dire qu'ils sont tout le temps présents dans le texte. Et c'est là toute l'ironie du titre et la manière espiègle avec laquelle l'autrice joue avec ce thème.

Elle se sait encore fragile, titubante, elle tient debout... Au début, c'est un peu comme les vieilles dame de la maison de retraite, elle a l'impression de s'aider elle aussi d'un déambulateur pour avancer dans sa reconstruction.

Elle parle de ces instants comme d'une réclusion solitaire.

De temps en temps, elle reçoit des lettres de Boris qui donne des nouvelles de sa pause, - il appelle cela désormais un interlude...

J'ai aimé quand la narratrice avoue qu'elle avait envie de mordre brusquement, je me suis alors dit qu'elle était en bonne voie, qu'elle revenait à la vie.

Elle répond aussi aux lettre de Boris avec humour, quand lui commence à douter de cette pause. « Comment peux-tu rire de cela ? » questionne-t-il étonné ?

Elle se demande alors comment elle aurait pu tenir le coup sans l'ironie qui lui est sienne.

Peu à peu, elle se penche sur elle, son existence, mais sans pathos, avec détachement, avec autodérision aussi, fouillant les méandres d'une mémoire qu'elle convoque, mémoire de son coeur, de son corps aussi, mémoire sexuelle, comme si elle voulait comprendre, comprendre quelque chose qui a pu lui échapper...

Comprendre son histoire familiale, ce qui se terre encore dans son ventre, ce qui est enfoui...

L'autorité d'un père qu'elle contournait avec difficulté. Ce père à qui elle voulait plaire à toutes forces. Et cet époux, qui fait aujourd'hui une pause, est-ce un recommencement de tout cela ?

C'est une confidence, elle se laisse tanguer dans les mots. Devant un orage de nuit, elle se souvient de l'immensité du monde et c'est beau.

Dans ses souvenirs, la bibliothèque où elle se laisse déflorer pour la première fois devient alors un univers érotique insoupçonné et je vous promets que je n'entrerai plus dans ma médiathèque préférée avec la même innocence que jusqu'ici...

Il y a de belles sororités autant parmi ces vieilles dames qui tombent comme des mouches, que parmi ces adolescentes dont l'atelier d'écriture va prendre brusquement une allure de conte gothique. On dirait des sorcières pubescentes.

Texte féministe ? Texte féminin ? J'aurais tendance à dire, texte universel. le féminisme de Siri Hustvedt n'est jamais ostentatoire et n'est jamais dirigé contre les hommes.

C'est un féminisme élégant et construit, lucide et plein d'humour, trempé dans un texte riche empli de digressions, intelligent, parfois cru, souvent poétique, exigeant aussi. Beau autant dans sa forme que dans sa profondeur.

Un été sans les hommes n'est pas un énième roman sur le couple, ni sur l'adultère, ni sur la séparation. Heureusement, c'est bien autre chose.

« N'avons-nous pas tous le droit de folâtrer, de baiser, de batifoler ? » se questionne-t-elle à elle-même.

Siri Hustvedt est capable dans un même chapitre de nous parler avec beaucoup d'esprit de la naissance de la littérature romanesque, de l'orgasme féminin dont j'ai découvert ici la spécificité de l'espèce humaine dans le règne animal, - cela dit, de le savoir ne devrait pas révolutionner fondamentalement mon mode de vie, de la vie sexuelle chez les chimpanzés, de Mark Twain qui disait : « Une bonne bibliothèque est une bibliothèque qui ne contient pas d'ouvrage de Jane Austen. » Et Siri Hustvedt de renchérir : « Les douleurs de femmes, sans importance ? Ça peut aller quand c'est Flaubert, bien entendu. Pitié pour les idiots. » Et, - cerise sur le gâteau si j'ose m'exprimer ainsi, dans cette découverte romanesque fondamentale du XVIIIème siècle, de l'importance pour les jeunes femmes de l'époque de lire des livres légers d'une seule main, car l'autre, la dextra, doit pouvoir être allégée de toute contrainte afin de naviguer dans sa plus vertigineuse liberté... Je comprends aujourd'hui pourquoi les liseuses ont tant de succès...

Alors, Un été sans les hommes, est-ce un livre pour les femmes seulement ? Je pense que dans mon propos vous avez déjà une esquisse de réponse...

Un été sans les hommes. Mais qu'en sera-t-il à l'automne ?

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Un été sans les hommes

Siri Hustvedt, avec : Un été sans les hommes nous séduit totalement.Et, ce pour une raison très simple : elle nous parle de Nous, de la vie, de l'amour avec justesse.

Mia, une femme poétesse talentueuse n'en connait pas moins une déroute sentimentale terrible.

A 55 ans, âge critique, son mari la quitte pour une autre femme. Une situation somme toute banale mais terrifiante pour qui la vit.

L'amour n'est -il qu'un trompe l'oeil ? Plus de trente ans de vie ensemble qui s'effondrent et peuvent conduire à une dépression , ce que va vivre l'héroïne.

Oui, mais Siri Hustvedt n'a pas dit son dernier mot car l'amour ne meurt pas

J'ai beaucoup aimé le ressourcement de Mia, auprès de sa mère et des cygnes.

Les cygnes, ce sont les compagnes de sa mère, toutes très âgées qui vivent chaque jour comme une fête, un don , un régal qu'offre la vie.

Mia apprend à les connaître, découvre les ombres cachées de ces femmes y compris celles de sa mère.

Un magnifique lien se tisse entre ces femmes, une conivence qui ennoblit , qui soulage , qui rassure.

Mia, écrit à son mari qu'elle l'aime et lui laisse entrevoir qu'une réconciliation est possible si l'amour existe réellement.

L'écriture de Siri Hustvedt est très douce surtout dans l'évocation des liens maternels et filiaux avec sa fille qui m'a beaucoup touché.

Néanmoins, Siri Hustvedt est aussi pleine d'humour, une écriture taquine, osée et sincère.

Un été sans les hommes est au final un roman qui fait du bien, qui donne espoir , qui donne à réfléchir.

Et, nous insuffle que l'amour est difficile à conquérir mais reste le ciment essentiel d'une vie.
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Un été sans les hommes

Quand elle apprend la liaison de son mari avec une jeunette, Mia, poétesse, la cinquantaine, pète les plombs et se retrouve internée en psychiatrie. Après une période de thérapie, elle part, le temps de l'été, dans sa ville natale se réfugier auprès de sa mère qui vit dans sa maison de retraite.

Mia va peu à peu reprendre le contrôle d'elle-même et de sa vie. L'atelier d'écriture qu'elle accepte d'animer et les 7 adolescentes qui y participent, ainsi que la fameuse équipe formée par sa mère et ses copines lui permettront de redonner un brin de sens à son existence. Elle sera aidée aussi, à distance cette fois, par sa fille et sa thérapeute. Elle soutiendra à son tour sa jeune voisine, débordée par ses deux petits enfants et son mari instable.

Le roman nous décrit Mia qui observe ces générations de femmes, et qui s'observe elle-même.

Un point commun entre toutes: la vulnérabilité. La fragilité physique des plus âgées est souvent à la mesure de leurs regrets et souvenirs, le psycho-drame qui se joue entre les ados montre que cet âge-là peut être cruel, stupide mais aussi pur et tellement fragile.

Le récit n'est pas déprimant pour autant: paradoxalement ce sont les vaillantes octogénaires qui montrent l'exemple et ne se laissent pas abattre par les misères de l'âge. Et la fin de l'été apaisera les tensions...

Soyons clairs, ce roman n'est pas un coup de coeur pour moi, et je ne l'ai pas dévoré. Mais je l'ai apprécié: certains personnages sont touchants, amusants, agaçants (ah ces ados!), et l'auto-dérision de la narratrice est plutôt drôle. Les hommes sont effectivement absents, mais, tout compte fait, on ne peut s'empêcher de parler d'eux.

Le récit n'est pas toujours chronologique, alterne narration classique et échanges d'e-mails, considérations philosophiques et phrases lestes, s'adresse parfois au lecteur, et superpose les épisodes entre Mia et chaque "catégorie" de personnages.

A conseiller à tout qui s'intéresse un tant soit peu à la psychologie des femmes...

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Souvenirs de l'avenir

Ce livre conte l’histoire d’une jeune femme en quête d’aventures, qui s’installe à New-York en 1978 à l’âge de vingt- trois ans : pour lire, ECRIRE son premier roman et l’envie de dévorer de la poésie...( la ville dont elle rêve depuis ses huit ans vue à travers films, livres et imaginaire ....)



Elle rêve d’être une « Géante ».



C’est surtout un huit- clos entre la femme de soixante -deux ans ——l’artiste qu’elle est devenue——S.H , et elle même convoquée par hasard à le faire, alors qu’elle visite sa mère âgée de 94 ans, qui perd la mémoire , à la faveur d’un journal retrouvé lors d’un déménagement, tenu lorsqu’elle avait 23 ans —-de l’été 1978 à l’été 1979—— intitulé «  Ma nouvelle vie » , « Ma page ».



Elle y redécouvre l’étudiante brillante qu’elle était : ses bonheurs , ses lectures, ses peurs, ses amours, son émulation, la violence des hommes , la perte de sa candeur de jeune fille , la quête passionnée pour les dadaïstes de New - York, Dickens , sa connaissance de Freud, Marx et Wittgenstein , la récitation des poésies de Whitman, ses amis, artistes et intellectuels , Manhattan festif et/ ou dangereux, l’acclimatation à une nouvelle vie, sa soif de «  Penser » et une étrange voisine : Lucy et ses particularités qui font s’interroger S. H dite « Minnesota »car elle vient de là.



C’est un récit intimiste, qui confie au lecteur le rôle de confident , foisonnant d’anecdotes littéraires, à travers philosophie, poésie et immense amour de la littérature .

Expérience passionnante , cette autobiographie fait se rencontrer des temporalités narratives très variées, celles d’une sexagénaire et celle d’une prime jeunesse , ardues, qu’il faut prendre le temps de décrypter ....



Cette œuvre ne se lit pas d’une traite .....







S. H s’interroge sur les «  Méandres » de la mémoire qui trie, occulte, révèle , cache, instruit, dévalorise, déforme....



C’est l’histoire complète de son identité littéraire, elle juxtapose des ébauches du roman qu’elle écrivait, les commentaires que ces textes lui inspirent aujourd’hui et ses souvenirs traumatiques de l’enfance.

Mais la mémoire serait - elle une identité « précaire »fugace , réinventée , déambulatoire ?

Peut - on se révéler à soi - même ?

Jeu de mémoire vertigineux , l’auteur bâtit une saine réflexion sur le devenir d’une femme créatrice , qui réfléchit , se retourne sur elle même à partir de diverses versions.

Une danse allègre, virtuose, incisive et courageuse sur ce que veut dire et être une femme qui crée et pense, déambulation littéraire osée à travers les dimensions distendues d’une ère ou d’une époque riche, réelle , réinventée.



Roman d’éducation enthousiaste sur les circuits temporels , les identités et la construction féminine , portrait d’artiste en devenir ....

JEU de miroirs subtil, par delà les décennies .

Mais ce n’est que mon avis , une deuxième lecture serait nécessaire , afin d’ apprécier pleinement cette juxtaposition de récits ...

«  Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction » .

Simone Weil.

«  Le soleil stimule l’âme alors qu’une succession de journées pluvieuses l’investit de pensées découragées . Dés qu’il s’agit de musique , les humains sont sans défense, et se voient balancés, soulevés , écrasés et retournés dans une confusion vertigineuse . Tout dépend de la Mélodie .

En cela , la musique est semblable au temps qu’il fait »..



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Tout ce que j'aimais

Au soir de sa vie, Leo Hertzberg égrène ses souvenirs. Toutes les choses, toutes les personnes qu’il aimait, ont peu à peu disparu au fil des années. Les yeux de Leo sont fatigués, sa vision se réduit de plus en plus. Ultime vacherie de la vie, pour lui qui était professeur d’histoire de l’art.

Bien des années plus tôt, Leo et Erica se sont liés d’amitié avec un autre jeune couple, Bill et Lucille. Bill est peintre et plasticien, artiste encore inconnu. Les deux couples évoluent en parallèle, au point qu’Erica et Lucille accouchent presque en même temps. Les deux petits garçons, Matt et Mark, grandiront ensemble. L’harmonie entre les deux familles est parfaite, jusqu’au jour où Matt meurt accidentellement. Les cœurs se brisent, les couples se délitent, le comportement de Mark devient étrange.

Raconté comme ça, on pourrait croire que ce roman est une énième chronique nombriliste de la vie brisée de deux couples issus du milieu intello-artistico-bohème new-yorkais. C’est bien plus que cela. C’est peut-être même beaucoup trop pour 450 pages denses, tellement bien écrites, mais parfois étouffantes. Descriptions détaillées d’œuvres d’art, réflexions sur le sens de l’art contemporain, recherches sur l’hystérie clinique des femmes au 19ème siècle, études de cas de désordres alimentaires, considérations sur l’identité, l’amour, la filiation, le temps qui passe, analyses en profondeur de la psychologie des personnages, avec, pour créer un peu de suspense et réveiller le lecteur, une enquête autour de Mark, menteur pathologique et psychopathe, aux faits et gestes plus que louches…

Malgré quelques pages magnifiques sur la douleur de la perte, et malgré une écriture intelligente et irréprochable, j’ai dû m’accrocher pour arriver au bout du livre. J’ai souvent eu l’impression d’avoir dans les mains plusieurs petits essais reliés entre eux par l’intrigue autour de Mark, plutôt qu’un roman. A vouloir embrasser trop de thèmes, « Tout ce que j’aimais » m’a mal étreinte. Dommage pour moi…

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Un été sans les hommes

Le jour où Mia poétesse,la cinquantaine se voit demander une pause par son mari Boris un neuro scientifique de renom,sa santé mental va être malmené.

Surtout que la pause est une jeune demoiselle française, collègue de Boris.

Mia se retrouve à l'hôpital pour soigner une " aliénation momentanée de sa raison ".

Voilà le point de départ de ce récit 100/100 féminin.

En convalescence à Bonden,Mia retrouve sa mère Laura, pensionnaire dans une maison de retraite.

Entre les cours de poésie, les visites chez les amies de sa mère, sa voisine Lola qui a du mal à gérer son mari coléreux et instable, sa fille Daisy qui aimerait recoller les " tessons de cerveau ".

J'ai aimé Mia, pleine d'empathie pour ces grand-mères en fin de vie, sa façon de gérer le harcèlement que subit Alice par les six apprenties poètes, bref ce mélange inter-generationel, un récit où l'homme en prend pour son grade, Boris le faible, le mari de Lola n'assumant pas son rôle de mari et de père, Abigail et ses broderies licencieuses.

Et pour finir ces petits dessins qui apparaissent au milieu d'une page.

Belle découverte pour moi de cette auteure americaine.

Un cinq étoiles pour ce coup de cœur que je conseille.

Joyeux Noël et bonne année pour celles et ceux qui auront lu cette critique.
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La femme qui tremble : une histoire de mes ..

La femme qui tremble est longtemps restée sur les rayons de ma bibliothèque, parfois ouvert pour quelques lignes puis reposé, jusqu'au jour où j'ai eu vraiment l'audace, le courage, l'envie de me plonger dans cet essai. Pendant quelques jours passés trop vite, j'ai eu le plaisir de retrouver la brillante plume de l'auteur, Siri Hustvedt, femme du non moins célèbre écrivain Paul Auster.

En 2005, l'auteur a été prise de tremblements alors qu'elle prononçait un discours en l'honneur de son père décédé deux ans plus tôt. La crise se reproduira. L'auteur se met alors à récapituler toutes les perturbations nerveuses, migraines, tremblements qui ont jalonné cinquante ans de sa vie. Elle nous livre le récit passionnant de fragments autobiographiques, de questionnements philosophiques, de volonté de connaissance de soi, d'acceptation, de réflexions sur la nature du lien entre le corps et l'esprit...

J'ai été impressionnée par les nombreuses recherches de l'auteur et le temps consacré à rédiger cet essai, l'énergie qu'elle a dû déployer pour mener à bien ses investigations, dans les domaines aussi pointus que la neurologie, la psychiatrie, la philosophie, la psychanalyse.

Et pour cela, je l'admire, tout simplement, et il faut savoir accepter d'être une " épave grelottante".

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Tout ce que j'aimais

— De ce qu’on aime, faire le plein —



Je ne sais pas bien que penser de ce roman qui ne me laisse pourtant pas indifférent. Au contraire — et peut-être aussi pour cette indécision — il m’a beaucoup plu et me restera. J’y repenserai, et c’est ce que j’attends d’une lecture : qu’elle continue de m’accompagner.



Pourtant ce n’était pas gagné. Ça commence plaisamment, en terrain connu, trop connu, avec deux couples d’intellos new-yorkais et l’arrière-plan familial de la Shoah. Bill est plasticien, Leo historien de l’art, Erica universitaire et Lucille poète. Ça vole haut. Dans le métro, Leo réfléchit à L’histoire naturelle de Pline. Lecteur, je me sens plutôt appartenir aux silhouettes des autres usagers : « … leurs corps serrés contre le mien, leur tabac, leur sueur et leurs parfums écœurants. »



Pénétrerai-je cet univers fictionnel ? Y-ai-je ma place ? En ai-je envie ?

Cette impression de déjà-lu, ces figures admirables inscrites dans une temporalité de faible importance (les années 70 à 90)…

Il y a bien quelque chose a priori nouveau : une voix féminine. Cependant l’auteure s’est choisie un personnage et une voix masculine (Leo) pour narrateur. Ceci-dit, l’ami Bill est un peintre dont l’autoportrait représente une femme. Et sa Némésis (Giles) est un drôle d’oiseau aux multiples personnages et incarnations. Il y a aussi les amis imaginaires de Matt, etc.



Bref, pas si simple.



La lecture est facile. Siri Hustvedt déroule son intrigue réaliste dans un style sobre, sans esbroufe. Les pages s’enchaînent avec une plaisante efficacité, avant que deux coups d’éclat modifient radicalement le cours et les équilibres du récit. Le premier lance réellement le roman, feuilleton psychologique dérangé par l’incompréhensible avec lequel la vie doit pourtant s’arranger.



Le terme feuilleton peut sembler péjoratif, mais il y a pourtant de ça : on est pris. Le terme est en revanche limitatif. Beaucoup de signaux s’allument pour m’alerter de significations cachées. Des thèmes en rapport avec le corps, l’identité : hystérie, troubles alimentaires, troubles de la relation, psychopathie...

C’est un suspens particulier : où l’auteure veut-elle me mener? (question sans fin, en l’occurrence, puisque le livre que j’apprécie continue à me travailler.)



L’axe est donné par le personnage de Bill, mais qui est finalement en retrait ou carrément absent… C’est une histoire à deux qui doit être une histoire à trois commande aussi le fantasme de Leo. Quelque chose circulerait entre les corps, prétend Violet (une identité dans le mélange), mais rien du roman n’étaie cette idée, au contraire.



« J’ai décidé que mélange est un mot clé […] Il explique ce dont on parle rarement, parce que nous nous définissons comme des corps isolés. »



Des personnages qui, hormis le narrateur (et encore), restent dans le roman des esquisses, comme impossibles à réellement approcher, par une sorte d’imperméabilité des uns aux autres, toute représentation demeurant une question de point de vue.



« Lorsque nous regardons des gens et des objets, nous sommes absents de notre tableau. […] Et pourtant, le recul non plus ne garantit pas l’exactitude, même s’il la favorise parfois. Avec le temps, Bill était devenu pour moi une référence mouvante, quelqu’un que je n’avais jamais perdu de vue. En même temps, il m’avait souvent échappé. Parce que je savais tant de choses sur lui, parce que j’avais été si proche de lui, je ne parvenais pas à rassembler les différents fragments de mon expérience avec lui en une seule image cohérente. »



De quoi sont faits nos liens ? Supercherie, mensonges d’un côté. De l’autre, un tiers en commun, une histoire, la présence de l’absence, l’idée de disparition...



« … l’œuvre de Bill en particulier constituait une enquête sur l’insuffisance des surfaces symboliques — les formules explicatives qui restent en deçà de la réalité. »



Cet insaisissable, indiscernable, est paradoxalement (en apparence) le propre de l’humain, au contraire des façades destinées à complaire qui n’ont pas d’intérieur et se soustraient au pouvoir empathique de la narration. Une anti-relation symbolisée par une certaine forme d’art contemporain que stipendie le narrateur dont le regard éduqué par le classicisme est à la recherche d’un rapport « authentique » (les guillemets sont de moi.



« C’est le frisson qui compte — pas l’objet. C’est sans fin. Si vous voulez un nouveau frisson, vous allez le chercher. Vous amenez vos dollars et vous achetez de nouveau. » (Giles)



La matérialité de Bill s’oppose à ce frisson cynique de l’art contemporain :



« Cet homme était lourd de vie. Si souvent, c'est la légèreté que nous admirons. Ces gens qui paraissent sans poids, sans fardeau, qui voltigent au lieu de marcher, nous attirent comme un défi à la gravité ordinaire. Leur insouciance singe le bonheur, mais il n'y avait rien de tel chez Bill. »



L’authenticité est toutefois elle-même une vue de l’esprit.



« … je regardai les arbres couverts de feuilles de l’autre côté de la rue, et j’éprouvai une sensation d’ineffable étrangeté. Être vivant est inexplicable, pensai-je. La conscience elle-même est inexplicable. Il n’y a rien d’ordinaire en ce monde. »



Une vue de l’esprit, peut-être un leurre, et tout simplement une hypothèse. La réalité tient à des élaborations posées par nous, entre nous, comme des hypothèses ouvertes à interprétations : des relations incertaines, des œuvres à déchiffrer, des narrations dont on tire le fil à partir d’un point de vue (Dédale ou Icare par exemple). Dans tous les cas : des histoires à partager.



« L'écriture est un moyen de remonter la piste de ma faim, et la faim n'est pas autre chose qu'un vide. »



Des histoires qui peuvent tenir, en morceaux dans un tiroir, à quelques objets et deux ou trois photos et dessins, que Leo apparie, assemble, sème comme des miettes de pain sur la piste pour retrouver un chemin que les oiseaux voraces auront peut-être effacé au matin...



« De la fiction et rien d’autre. Mais c’est là que nous vivons tous, pensai-je, dans les récits imaginaires que nous nous faisons de nos vies. »
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Un monde flamboyant

Harriet Burden, artiste plasticienne vient de mourir. Elle a eu une carrière en dents de scie, et a toujours eu du mal à accéder à la notoriété ; après sa mort, elle fait l’objet d’une étude universitaire, qui a pour but de jeter un éclairage différent sur elle.

On assiste donc à une série de témoignages de gens qui l’ont connue, ses proches mais aussi d’autres artistes, galeristes, son psychiatre, qui alterne avec les nombreux carnets personnels de l’artiste.

Harriet que l’on a surnommée « Harry » (hum ! pas très féminin) est mal dans son corps, elle est très grande (1m 98), a une allure plutôt masculine. Elle étouffe dans la société car elle a toujours été dans l’ombre de son mari, Félix Lord, un marchand d’arts richissime de New-York qui lui a pignon sur rues, adulés par les critiques et le monde artistique de la ville. Il traîne sa femme dans des réceptions mondaines où elle s’ennuie.

La mort de son mari, va déclencher un immense et impérieux désir de sortir de l’ombre. Persuadée qu’une femme ne peut pas être reconnue autant qu’un homme quand elle est une artiste de talent, elle décide d’organiser trois expositions différentes avec ses propres œuvres en les attribuant à trois hommes de personnalités différentes… " Je voulais voir dans quelle mesure mon art serait reçu différemment en fonction de la personnalité de chacun des masques."

Les noms qu’elle donne aux expositions sont intéressants : »Histoire de l’art occidental », « Chambres de suffocations », (ça s’impose !!!) et « Au dessous »

Mais tout ne se passera pas comme prévu, le troisième homme ne jouant pas le jeu, et essayant de s’approprier l’œuvre…



Ce que j’en pense :



Harry est une personne fascinante, dans tous les sens du terme. Par sa silhouette d’abord, peu féminine, par son parcours, car après deux expositions, elle tombe dans l’oubli.

Tout en sachant que cette femme n’a jamais existé, qu’elle est une pure fiction de Siri Hustvedt, (je suis allée vérifier sur Internet tant le personnage semblait réel), par la puissance de sa réflexion, la description de son œuvre, des petites maisons miniatures, qu’elle meuble et auxquelles elle fait raconter une histoire, jamais la même.

La création artistique est décrite avec minutie, instant par instant, de façon tellement forte qu’on a l’impression d’en faire partie, d’être une petite souris à côté qui voit l’œuvre sortir du néant, s’étoffer, comme une statue de Michel-Ange, une peinture de Léonard de Vinci, dans un monde très contemporain.

C’est le premier roman de Siri Hustvedt que je lis et je suis impressionnée. J’ai eu beaucoup de mal à le lire, notamment les extraits des carnets personnels car elle observe tout chose en profondeur sur le plan psychanalytique, philosophique… donc il faut être déjà d’un certain niveau dans ces matières pour la suivre. J’ai mis du temps, mais je suis arrivée au bout et j’en suis assez fière, même si je suis certaine d’être passée à côté de certaines choses. Donc, c’est un livre que je relirai pour approfondir ce qui m’a échappé.

De la même façon, j’ai mis du temps à rédiger ma critique, car Harry me fascine et suscite de l’admiration par sa réflexion philosophico-psychanalytique, ce qui rend mon exercice assez périlleux. Un livre difficile, mais à lire, à découvrir car il faut cheminer avec l’auteure et avec l’artiste. On fait un bon voyage au pays des mots.

Allergique au vocabulaire de la psychanalyse ? Peut-être vaut-il mieux passer son chemin. De même, si le monde de l’art vous paraît étrange, élitiste, égocentrique ou surfait. Donc, un livre clivant, c’est le moins qu’on puisse dire.

Ce n’est pas un coup de cœur, mais je suis contente de l’avoir lu malgré la difficulté, et en survolant, je l’avoue, certains passages des carnets. A mon avis, elle aurait pu faire plus simple pour le confort du lecteur, mais Siri Hustvedt a mis la barre très haute car une femme doit se dépasser pour être reconnue.

Note : 7,8/10

lu dans le cadre challenge ABC
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Un été sans les hommes

Comment mieux évoquer cette atmosphère que le titre ne le fait déjà?

Dans le Minnesota, Mia, une femme mûre, comme on dit, et fraîchement trompée par son mari -rien de nouveau sous le soleil, comme thème- se réfugie dans un univers exclusivement féminin. Entourée de sa mère et des amies de sa mère, elle organise également des ateliers d'écriture, le temps d'un été, pour de jeunes adolescentes. Tanguant d'une génération à l'autre, cette femme qui se remet doucement de sa souffrance - qui l'a poussée pendant quelques jours dans la folie - observe, analyse ces relations féminines qui se font et se défont, les regards, les attitudes, les secrets de chacune, se détache de ses sentiments pour s'ouvrir à ceux des autres.

La plume de Siri Hustvedt est toujours celle d'une calme mais exigeante recherche de ce qui se cache au-delà de ce qui est apparent, à laquelle se mêle une sensibilité délicate et comme prête à céder à un éclatement finalement toujours maîtrisé.

Même ici, si l'on sait que Mia a eu un passage dans la folie, on éprouve pour elle une confiance en ses capacités de rémission due sans aucun doute à la force que l'on devine derrière ses tâtonnements.

Au-delà des intrigues, j'ai trouvé agréable de me retrouver le temps d'un livre dans ce monde féminin sur trois générations, encore plus dans cette partie rurale et un peu en vase clos des Etats-Unis, telle que Siri Hustvedt la décrit en tout cas, loin de New York. En fait, j'ai trouvé ce roman réconfortant.
Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Tout ce que j'aimais

Tout ce que j’aimais aura une place à part dans mon chemin de lectrice, celle que prennent ces livres qui ne vous quittent jamais vraiment. Merci à Quarto et à sa critique de m’avoir donné l’envie de le découvrir.



On rentre dans ce roman comme dans un rêve. Pas de ceux qui vous bercent de jolies histoires mais des rêves dont la logique vous astreint à évoluer selon une distorsion assez légère pour paraître anodine et tellement profonde qu’elle change tous vos liens à la réalité.



Je présente dès à présent mes excuses à ceux qui n’auront pas lu Tout ce que j’aimais car j’ai moins l’intention de les inciter à découvrir ce roman – ce qu’ils devraient faire, indéniablement, pourtant - que de réfléchir aux lieux nouveaux et pourtant familiers qu’il m’a fait arpenter.



Les fondements romanesques sont on ne peut plus conventionnels : dans les années 70, le narrateur Léo, professeur et critique d’art, récemment en couple avec Erica, découvre un jeune artiste, Billy, qu’il contribue à faire connaître un peu et qui devient, avec sa première (Lucille) puis sa seconde épouse (Violet), un ami très cher. La côte de l’artiste croit à mesure que les années passent. Quatre personnes, cinq avec l’ex-épouse, deux garçons (Matt et Mark) nés à quelques semaines d’intervalle. Deux appartements à deux étages d’un même immeuble dans un New-York bruissant de talents et d’argent. Des parents juifs, rescapés avant l’heure de la Shoa, au contraire de tout le reste de la famille, pour Léo, comme pour parfaire le pedigree impeccable d’une telle histoire. En terrain connu, j’énumère le contenu de ma boîte à outils personnelle et m’apprête à arpenter des chemins déjà parcourus dans bien d’autres livres. Le plaisir nostalgique de ce qu’on n’a pas vécu mais qui nous est devenu familier.



Que l’autrice soit une femme et le narrateur un homme m’a interrogée sur le plan théorique au début. Moins ensuite. Et puis tout de même. J’y ai cru tout le temps, que c’était la voix d’un homme. J’ai aimé y croire. D’autant que ce narrateur a pour ami un peintre, Billy donc, dont les premières toiles qui auront rencontré le succès peignent Violet tour à tour grasse et maladivement maigre (avec une toute petite voiture entre ses mains) pour intituler ces toiles « autoportraits ». Juste une ombre, que le spectateur peut prendre pour la sienne jusqu’à ce qu’il voie qu’elle appartient au tableau, pose la question de celui qui regarde, du caractère réfléchissant peut-être de la toile. A moins qu’anima soit une femme, y compris pour les beaux peintres virils qui se nomment Billy et à qui cela ne semble pas faire peur. Ah, pénétrer dans le rassurant d’un inattendu qui parle tant et permettra d’appréhender de nouvelles définitions de soi, de l’altérité !



Léo raconte son histoire alors qu’elle a quasi tout du révolu. Les années ont passé, mille et une choses sont advenues que je ne vous raconterai pas. C’est un vieillard atteint de dégénérescence maculaire qui écrit. Qui en a trop vu. C’est facile et c’est indubitable. Un critique d’art qui ne voit plus.



Il y a plusieurs choses qui m’ont frappée. La première est que l’on se trouve au cœur du roman à quelque moment qu’on soit. A ses débuts, dans la construction amoureuse de chacun des deux couples, l’édification amicale de chacune des combinaisons qui peut associer deux hommes et trois femmes. On y est, juste là. Les vacances à la campagne, les enfants encore petits, leurs mots ou gestes qui semblent contenir tout ce qu’ils sont, l’absolu des préoccupations de leurs parents respectifs. A ce moment là de notre lecture, l’essentiel est sous nos yeux.



Et pourtant, il reste trois cents pages. Et ce qui se passe ensuite semble encore majeur. A chaque fois. Parce que ça l’est. Ce n’est pas un roman dont chaque mot est destiné à vous emmener quelque part sans qu’il ait compté auparavant pour ce qu’il est.



Il n’y a que trois parties dans Tout ce que j’aimais. Les limites qui caractérisent leur seuil sont indéniables. On ne s’y attend pas. Et c’est là. La définition des personnages qui semblaient donnée d’emblée se reconfigure à chaque fois. Et pourtant, ce sont toujours exactement eux, tels qu’ils étaient et tellement autres en même temps.



Ce que je veux dire, c’est que la narration ne conduit pas à une notion d’évolution vers une forme de vérité. Pourtant Léo, qui nous raconte l’histoire, la connait et sait ce qui va advenir. Il aura fait quelques annonces anticipatrices évidemment obscures au moment où on les aura lues. Mais rien de ce qui adviendra n’invalidera l’énergie à être ce qui aura précédé.



A chaque instant de cette histoire, les personnages m’auront fait l’effet d’une densité pleine, d’une résolution à être eux-mêmes qui ne participaient même pas d’une volonté. Il n’y a pas de place aux doutes, aux atermoiements métaphysiques ou aux tergiversations sentimentales : Violet, Lucille, Léo, Billy, Erica, Matt sont tous ce qu’ils sont. Des bosseurs convaincus du sens de ce qu’ils produisent. Des aimants à leur affaire. Pour Mark, évidemment, c’est beaucoup moins évident et ce sera la question de toute une partie du roman. Mais pour les autres, le problème n’est pas l’actualisation problématique d’une volonté à être dans le cours de l’existence. Pas plus que la définition de leur identité ou de leur place sur terre. Ils savent être ce qu’ils sont.



Les problèmes vont venir d’ailleurs. De l’extérieur pourrait-on dire. Sauf que, bien sûr, ce n’est pas réductible qu’à cela. Mark en sera la preuve réitérée même si c’est cruellement lui retirer le droit à être ce qu’il est que d’en faire un seul symptôme illustratif. Rétrospectivement, on se dira que quelque chose du passé aura joué. Dans une combinaison qui cherche pourtant à être rationnelle, au moins intelligente et sensée, mais peut-on tout réduire à la raison ? Lorsque Léo agence les petits objets qu’il collectionne dans un tiroir, souvenirs allégoriques des personnes et des événements chers à son existence, à son passé, il ne se risque pas en dehors des liens rationnels, à peu près logiques. Agenceur au bord du gouffre, le péril d’un imaginaire débordant guette sa raison. Mais qui raconterait quoi alors ?



Il s’agit de dénuement. De ce qu’il reste quand tout vous a été pris. Si tant est que vous ayez eu quelque chose. Si tant est que quoi que ce soit vous ait défini en dehors de l’histoire dont vous venez et du sort qui s’abat. Et, pour cet aspect des choses, c’est Léo le cœur du roman. Qui restera néanmoins égal à lui-même, quoi qu’il arrive. Coûte que coûte. Emacié mais constant.



Pour le reste, il s’agira d’une réflexion appliquée sur le manque, ce que c’est que d’être aimé, l’attachement, l’isolement dans lequel on se trouve quand le reste de votre monde tourne visiblement sans vous. Sur ce que c’est que le vrai, bien sûr. La représentation picturale et interpersonnelle, les attentes des autres et ce qu’ils font de vous. La manière dont on fait trace, empreinte, dont les sentiments existent indépendamment de ce que l’on en veut. Dont leur enracinement peut s’expliquer, dans un après-coup qui ne résout rien, tant dans l’histoire que dans une théorisation psychosociale. Les personnages de Tout ce que j’aimais sont des chercheurs, des théoriciens, plasticiens ou intello. Il ne s’agit pas d’être traversé sans chercher à exprimer ou élucider. Ca n’explique rien mais peut-être que ça cadre. Et quand il ne reste que cela, n’est-ce pas déjà beaucoup, ne serait-ce que pour ne pas déborder ?



C’est un roman qui ne se réduit pas. J’en parle parque cela me plait de l’évoquer, de rester avec lui encore un peu. Mais je n’ai pas l’impression qu’on puisse en faire le tour, qu’il puisse être craqué de quelques clés.



« Talismans, icônes, incantations, ces fragments sont mes frêles boucliers de sens. Le jeu doit rester rationnel. Je m’oblige à concevoir un argument cohérent pour chaque association mais, fondamentalement, le jeu est magique. J’en suis le nécromancien qui appelle les esprits des morts, les disparus et l’imaginaire. »

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