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Critiques de Thierry Beinstingel (116)
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Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sa..

Quand un auteur s'intéresse à des gens ordinaires et les place dans un univers réellement romanesque, sans fermer les yeux sur notre monde et son inhumanité, cela donne un récit passionnant qu'il est plus urgent de découvrir que celui mièvre et mercantile de certain(e)s auteur(e)s actuel(le)s porté(e)s aux nues dans le seul but d'enrichir quelques uns ( si vous ne voyez pas de quoi il s'agit, traînez dans une librairie, une pile de coquelicots devrait vous remettre à jour). "Il se pourrait qu'un jour je disparaisse sans trace" ne bénéficie pas de l'écho médiatique que pourtant il mériterait, tant le regard réellement empathique et l'écriture fluide et imagée s'unissent pour nous offrir un vrai roman que l'on ne lâche pas, qui a vraiment des choses à nous dire et à nous faire ressentir.

Trois personnages vont voir leur vie prendre une direction inattendue, trois personnes presque invisibles, tant leur vie ou leur statut social les conduit peu à peu à se fondre dans le paysage. Il y a d'abord une prof d'allemand, à l'image que l'on en a souvent( un cliché ?) : rigide, sèche, sans grâce. Séparée d'un mari volage, vivant à côté d'une ado mutique, déconsidérée par sa hiérarchie pour qui l'apprentissage de la langue de Goethe ( ou des Tokyo Hôtel) relève du passé, son quotidien va se trouver intrigué par la rencontre de l'équipe d'une association humanitaire venue vider la maison de son père récemment décédé. Ce sera la partie "roman psychologique et social" qui, dignement et élégamment, ne tombera jamais dans la facilité tout en maintenant un intérêt grandissant.

Nous avons ensuite une jeune fille un peu désoeuvrée après son bac, vivant dans une cité en réaménagement dont la démolition de certaines barres d'immeubles laissera la place à une bretelle d'autoroute. Elle répond à une annonce punaisée dans le hall de son immeuble et va s'occuper, une heure par jour, d'un enfant attardé, abandonné dans un appartement. La situation, en plus d'être étrange et ignoble, donnera au roman son aspect apprentissage, la jeune fille découvrira petit à petit l'injustice du monde dans lequel elle vit.

Le troisième personnage est un homme, sans plus beaucoup d'attaches et pointant à Pôle Emploi. Il se verra proposer un drôle de job bien rémunéré : garder une station de pompage totalement perdue au milieu d'un champ infini de maïs ( peut être en Ukraine ou dans quelques pays similaires de l'Est de l'Europe). Tel un Robin Crusoé sans vendredi, sa vie prendra un tournant qu'il n'avait sans doute jamais imaginé et donnera au roman sa partie grande aventure, réelle passionnante.

Les trois récits alterneront avec bonheur, enrichis par des thèmes actuels ( la pauvreté, les migrants, les laisser-pour-compte) qui s'intègrent parfaitement et avec subtilité. Et si le lecteur se doute bien que ce procédé amènera ces trois personnes à se croiser, il ne voit pas bien comment avec ces trois intrigues si différentes. Mais, il faut faire confiance à Thierry Beinstingel et son talent de romancier, qui réussit ce tour de force avec finesse et arrive à donner un nouvel éclairage à son récit avec un final bien ficelé.

Vous l'aurez compris, si vous voulez du roman, avec aussi un vrai regard qui vous passionne mais qui vous ouvre également l'esprit, "Il se pourrait que je disparaisse sans trace" est l'ouvrage idéal, sincère et bien écrit, très très loin des fausses valeurs que l'on veut nous vendre par ailleurs.
Lien : https://sansconnivence.blogs..
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Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Au début, hésitation à entrer dedans, puis impossible de le lâcher, et si... et si Arthur Rimbaud n'était pas mort...
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Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Pourquoi vouloir prolonger la vie d’Arthur Rimbaud, lui qui a déjà eu deux vies distinctes et riches ?

Thierry Beinstugel nous donne sa réponse : « Honorer, c’est figer et c’est toujours trahir. Ca commence par les difficultés de la représentation, l’infidélité des arts, mieux vaut l’abstrait, la fiction ou le roman pour imaginer et rendre. »

Il imagine donc une fiction : Rimbaud ayant survécu à sa maladie, vit sous une fausse identité pendant trente ans. Il se marie, a trois enfants, réussit professionnellement. Et grâce à cette histoire, il nous dresse le portrait d’une époque, il nous cite l’œuvre du poète, il nous raconte sa vie (la vraie), il nous parle de l’acte de créer, il nous décrit une légende qui s’ébauche.

Et tout cela par petites touches, intégré dans l’histoire, dans un style élégant au vocabulaire riche et précis.

En refermant le livre, j’ai eu l’impression de mieux comprendre la complexité d’Arthur Rimbaud dont on a dit tout et son contraire. Les citations, toutes placées habilement en résonnance avec cette troisième vie de Rimbaud m’ont rappelé des lectures d’adolescence, m’ont permis d’entrer dans ces textes pas très faciles, de savourer ces quelques lignes comme des pépites, d’aller me plonger dans les poèmes entiers.

Derrière la fiction, on sent une documentation solide, que ce soit littéraire, historique et sociologique.

J’ai retenu beaucoup de bonnes raisons de lire ce livre :

- L’intrigue qui m’a embarquée sans un moment d’ennui dans les trente ans de la vie de Nicolas/Arthur, maniant avec subtilité le rapport entre fiction et réalité ;

- La biographie documentée et experte qui se construit tout au long du texte ;

- L’œuvre de Rimbaud, citée à bon escient. Il est inutile d’être un lecteur averti de la poésie de Rimbaud pour apprécier ces citations ;

- L’analyse du rapport de l’artiste à la création. Cette analyse n’est pas exhaustive, mais elle permet à chacun de réfléchir sur la place de la création dans la vie ;

- Le plaisir d’un texte bien écrit, jamais pesant malgré des descriptions érudites, bien construit, qui ne m’a pas lâchée au fil des 400 pages.

Le livre s’est autant adressé à ma réflexion qu’à mon émotion. Ou plus exactement, il m’a permis de connaître par l’imagination et les sentiments. Objectif atteint, Monsieur Beinstingel.

Je n’ai pas été bouleversée, j’ai été conquise.
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Ils désertent

Ce roman sociologique écrit avec subtilité et adresse, pointe du doigt un mal contemporain : le refoulement des travailleurs anciens dans une entreprise au profit d’une jeunesse sans scrupules pour ces derniers.

Le jeu habile du narrateur déplacé dans un tu ou un vous renforce l’idée que le lecteur est puissamment impliqué dans ces troubles sociétaux. Le point central est « L’Ancêtre » qu’il faut anéantir par tous les moyens possibles. Trop « Ancien » dans cette entreprise de papiers peints qui agrandit sa tentacule un peu partout en France. Une jeune femme employée de commerce doit accomplir cette mission. Le patron grossier, vil, tire les ficelles de cette initiative. « L’Ancêtre » est un Rimbaldien, un solitaire, un profond. Il ne verra rien venir. L’intrigue sociétale est finement menée d’une main de maître. La trame intelligente fait la part belle du roman qui n’en est en fin de compte plus un. Tant cette histoire est le reflet contemporain de la société. Thierry Beinstingel est un écrivain de grande qualité et sans aucun doute un inconditionnel de Rimbaud. Il pointe du doigt les incompréhensions du monde du travail et les hypocrisies qui sont la panacée des grandes firmes mais pas que hélas !!

A déposer sur le bureau de tous les directeurs et les DRH.

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Faux nègres

Dans ce roman, Pierre, un journaliste, se rend dans un petit village de l’est de la France .Le but de son reportage : expliquer le score élevé réalisé par l’extrême droite lors des récentes élections .Pierre arrive sur les lieux, accompagné de son preneur de son, rendu aveugle par un accident quelques années plus tôt. Mais très vite, on comprend que Thierry Beinstingel veut nous faire faire un long détour par nos fausses certitudes , l’usage excessif et répétitif de notre histoire , la décadence de notre vocabulaire , la faiblesse de nos argumentaires dans les débats et discussions publics .Ainsi , Pierre , qui nous indique que son rédacteur-en-chef lui a transmis une consigne décisive : une seule question, un seul sujet , et persévérer en cas d’absence de réponse , découvre t-il l’existence d’une pierre préhistorique qui serait cachée sous l’église du village : « Jean dit encore : Le village a une longue histoire .Tenez, l’église :il paraît qu’une pierre préhistorique est cachée dessous .Il a souligné « préhistorique » d’un doigt levé d’un mouvement de menton .C’est l’adjectif le plus lointain qu’il connaît, le plus digne de respect, incontestable et imparable . »



Ce qui est dénoncé avec force ironie, c’est aussi l’absence de facteurs unificateurs, de raisons véritables de se rassembler. Ainsi, à propos de l’effacement d’un trait d’union sur une pancarte, l’auteur accomplit une digression éloquente vers la signification de ce signe, ou les conséquences de son absence … « Le trait d’union ne relie plus personne .Reste l’élan mystique, le poids des corps morts, l’élévation des âmes, les mots d’une histoire que nous forgeons sans y penser. »

Autre grave défaut de notre société dénoncé dans le récit, la solitude qui aboutit à la médiocrité, la petitesse d’esprit : »La politique, oui, la voici : quatre personnages, un aveugle éclairé, une femme délaissée, un adolescent amoureux, un journaliste déboussolé (…) l’ensemble formant nos petits arrangements, nos faibles accommodements. »



C’est de l’état du pays que nous entretient Thierry Beinstingel, en faisant appel à l’histoire, à la dénonciation de nos lieux communs, à Arthur Rimbaud , dont une citation, avant la première page explicite le titre de l’ouvrage ,et dont les allusions à de multiples épisodes de sa vie éclairent le roman .Texte convaincant mais qui aurait gagné à être raccourci , car la démonstration est faite , largement avant la conclusion du texte .

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Faux nègres

Un livre déroutant, sans doute, mais un livre envoûtant, c'est sûr !

Pierre, sauve la vie d'un grand reporter, là-bas, quelque part au moyen orient.

Pierre est partie de France depuis 20 ans, il fait office de guide touristique en Afrique, en Iran, dans ces pays qui le possèdent et où il se sent bien.

Après son acte d'héroisme, il est rapatrié en France et le rédacteur en chef du journal, pour le remercier lui confie un reportage : chercher à savoir pourquoi, un village du nord a voté massivement extrême droite, alors que rien ne le justifie.

Mais Pierre n'est pas journaliste !

Il se retrouve associé avec un preneur de sons quasiment aveugle, suite à un accident de plongée.

Pierre est déraciné, il est là sans y être, son esprit est là-bas avec les gens qu'il aime.

Il va voir le maire du village, «ICI, c 'est trois lettres comme une île, un endroit minuscule» qui lui tient un discours tout fait, le roi de la langue de bois.

Pierre n'est pas à son "reportage", son esprit est en Iran à Ispahan, où son amour l'attend, il est sur les pistes africaines avec "un jeune homme maigre et édenté" qui y vend du miel. Il est avec Rimbaud, Jules ferry le colonisateur, le général Boulanger et son suicide sur la tombe de sa bien aimée, une femme de petite vertu, Flaubert et madame Bovary qu'il identifie à Emma la femme rejetée qui tient le gîte où ils sont hébergés. .

Mais la question : Pourquoi une majorité de villageois a voté extrême droite ?

IL n'en est plus question.

Il finit par s'ouvrir et a une certaine intimité avec certaines personnes du village, il s'attache à eux et le drame surviendra...

L'auteur dit : «C'est la première fois qu'il fait mourir un personnage»

Ce livre c'est une auberge espagnole où chacun pioche ce qu'il a envie et il y a de la matière.

Les chapitres sont très courts, ce qui donne du rythme, le style est foisonnant, c'est le genre de livre qui rend intelligent les curieux. On y a rendez-vous avec la poésie, l'aventure, l'histoire, la colonisation, l'amour, l'immigration clandestine des humains et des loups, la fin nous donne une grande leçon d'espoir .

Mais si vous voulez avoir une réponse à la fameuse question :

Pourquoi une majorité de villageois ont voté extrême droite ? Passez votre chemin....
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Ils désertent

Quand elle arrive dans la boite, elle est contente, elle a enfin , après 5 ans de patience, décroché un poste digne de sa formation.

Le problème, c'est qu'à l'embauche, le chef, lui confié la mission de licencier l'"ancêtre"... Et oui, c'est un problème car l'"ancêtre" est aussi le meilleur vendeur de la boite, largement. Elle a tout étudié, les chiffres, les tableaux : meilleurs chiffres d'affaires, les clients les plus fidèles. A ses explications, le chef est fier de lui répondre "intranquilité", celle des autres employés qui comprendront qu'ils doivent se remuer pour garder leur place..

Ce récit est la rencontre de deux solitudes. Les chapitres se font écho et on ne sait qui d'elle ou de lui est dans son appartement en slip, qui est à la station service, travaille trop, trop tard... que si elle monologue en disant "tu" ou s'il dit "vous", si la lecture est du Hannah Arendt ou du Rimbaud.

C'est un beau texte. J'ai aimé le regard porté sur les paysages uniformes, de fausse gaité des ZAC, la critique implicite de cette société de consommation qui propose à tous, partout, les mêmes produits peu utiles dont se passent d'ailleurs très bien les deux personnages, l'ambiance pseudo cordiale de l'entreprise qui cherche à écraser celui ou celle qui ne glisse pas dans le moule.
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Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Roman bien tourné et très documenté qui nous en apprend beaucoup sur Rimbaud et son entourage. L'auteur - un fan de Rimbaud à coup sûr - imagine ce qu'aurait pu être la vie du poète-aventurier-marchand s'il avait survécu à son cancer. C'est crédible, intéressant, criblé de citations, mais peut-être un peu long parfois pour une non-initiée comme moi... Une lecture qui ravira les adeptes du "voleur de feu".
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Ils désertent

Je ne sais pas si je vais réussir à parler comme il faut de ce livre que j'ai beaucoup aimé et qui m'a également profondément émue à la fin... Le fond est riche malgré l'épaisseur relativement modérée du volume - moins de deux cents pages - et le style suffisamment singulier (cette écriture à la 2ème personne...) pour créer un lien étroit avec le lecteur. C'est l'histoire de deux solitudes. C'est aussi une peinture assez terrible du monde du travail et des monstres qu'il génère. C'est une histoire de résistance, quand arrive le moment où l'on a encore le choix de dire non.



Les deux solitaires n'ont a priori rien en commun : elle est jeune diplômée récemment embauchée dans l'entreprise pour superviser l'équipe de vendeurs ; lui est surnommé "l'ancêtre" à cause de ses quarante années passées à sillonner les routes pour vendre ses collections de papier peint, depuis la création de l'entreprise. Rachats, évolutions, transformations... La petite entreprise familiale est devenue un grand groupe en diversifiant ses activités... Pourquoi se contenter de vendre du papier peint alors qu'on peut agir sur l'ensemble de ce qui constitue le décor, meubles, luminaires... Tout ça, "l'ancêtre" s'en fout. Lui, il est le roi du papier peint, d'ailleurs son secteur est celui qui réalise le meilleur chiffre, de loin... Qu'à cela ne tienne, l'entreprise doit évoluer, les vieilles méthodes sont priées de débarrasser le plancher et la jeune diplômée est sommée de se débarrasser de "l'ancêtre"...



En alternant les chapitres en compagnie de l'un ou de l'autre, l'auteur nous fait pénétrer au cœur de l'absurde. Lui n'a que la route, les kilomètres qu'il s'amuse à cumuler et à transformer en nombre de voyages terre-lune... La route lui a coûté sa famille, femme envolée, enfants distants... Mais c'est en virtuose qu'il exerce son art, presque applaudi par ses clients, friands de ses argumentaires plus poétiques que publicitaires. Elle espère réussir comme le souhaitait son père avant de mourir... Famille modeste, mère distante, pas d'amis pas le temps à cause des études puis du travail... C'est une belle opportunité ce poste, l'indépendance, une carrière, quitte à devoir se plier à des exigences absurdes... Pourquoi se séparer de celui qui rapporte le plus à l'entreprise ?



L'auteur n'a pas son pareil pour décrire le quotidien du VRP (zones commerciales interchangeables, mauvais cafés des selfs d'autoroute, hôtels impersonnels...) ou les affres d'une jeune cadre soudain confrontée à la triste réalité du terrain et des petits chefs. Pas son pareil non plus pour mettre de la poésie dans ces tristes vies... La poésie, les mots, la littérature, voilà qui peut-être parviendra à les sauver ; "l'ancêtre" est accompagné par Rimbaud dont il aime souligner le parcours parallèle au sien, la jeune diplômée est tentée de se replonger dans ses livres pour essayer de comprendre le monde qui l'entoure. Et puis les rencontres. Les relations, la confiance. Casser ce cercle vicieux de la solitude, recommencer à rire, sortir, discuter... à vivre, quoi. Trouver simplement le courage de dire non et terminer sur une belle note d'espoir.

Pas évident de parler de l'entreprise sans trivialité et là, c'est franchement réussi, comme si l'auteur (cadre dans les télécommunications) connaissait bien son sujet. C'est un super bouquin et j'espère que sa toute récente parution en poche lui offrira plein de nouveaux lecteurs.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Retour aux mots sauvages

« Retour aux mots sauvages » est un roman sur le monde de l’entreprise et plus précisément sur les plateformes de téléopérateurs. Le protagoniste, le « nouveau » ou encore « Eric », prénom qu’il s’est choisi selon les conventions de l’entreprise, est un senior qui a été plus ou moins contraint d’effectuer une reconversion professionnelle. De travailleur manuel, le voilà projeté téléopérateur ! Il découvre alors le discours préparé qu’il doit répéter jour après jour aux clients, les objectifs marketing à atteindre, la déshumanisation qu’on leur impose (comme le changement de prénom), etc… Alors qu’une vague de suicides arrive dans l’entreprise, « Eric », malgré l’interdiction formelle, décide de rappeler un client.

Le style de ce roman est facile à lire, très efficace, rapide avec des phrases courtes et percutantes. C’est si réaliste que le lecteur a l’impression d’accompagner « Eric » dans son quotidien. Très touchant.
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Ils désertent

Dans la boîte, tout le monde connaît l’ancêtre, celui que la jeune cadre recrutée récemment est chargée de mettre à la porte. Pourtant, il fait bien son travail, et mieux que d’autres, mais c’est un signal que le responsable veut envoyer aux autres commerciaux, avec une froide logique qui appartient au monde de l’entreprise.

Ce monde, Thierry Beinstingel sait particulièrement bien le faire vivre, et j’ai beaucoup aimé sa manière de s’adresser à l’ancêtre avec un vous de respect et à la jeune femme avec un tutoiement mieux adapté. Le lecteur distingue ainsi avec facilité les chapitres de chacun, et ne s’égare jamais, ne craint pas non plus les dialogues inclus dans le texte ni les personnages désignés par des noms génériques : ta sœur, votre ex-femme, le grand patron… Les personnages gagnent en profondeur, leur vie personnelle prend forme, les rouages de l’entreprise accomplissent leur devoir, le drame se dessine, mais la fin n’est pas forcément celle qui est attendue.

Comme dans Retour aux mots sauvages, l’auteur excelle à décrire un univers qu’il connaît visiblement très bien. Son roman à paraître en août sur un journaliste envoyé dans un petit village de l’est de la France, pour enquêter sur le score exceptionnel qu’un parti d’extrême-droite y a réalisé promet d’être passionnant aussi !
Lien : http://lettresexpres.wordpre..
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Yougoslave

Yougoslave est une fresque familiale retraçant l'histoire de la famille de l'auteur de manière un peu romancée, notamment sur les périodes les plus anciennes.



On suit 7 générations sur les routes de l'exil et de l'Europe Centrale. Tout débute avec Franz (qui sera suivi par de nombreux Franz) obligé de quitter son village natal avec sa mère en quête d'une vie meilleure. Suivant le Danube ils passent de l'Empire Austro-Hongrois à l'actuelle Bosnie au gré des guerres et événements historiques avant de se trouver en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale puis en France, réfugiés lorsque leur pays disparaît.



Cette histoire c'est celle de nombreux slaves, c'est celle de l'Europe et elle est contée avec beaucoup de talent.
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Dernier travail

Texte court mais nécessaire. Nous suivons Vincent lors de ses derniers jours de travail avant la retraite. Il est depuis des années dans l'entreprise et n'a jamais vraiment remis en question les différentes directives qui lui ont été données. Pourtant, peu à peu, un procès contre l'entreprise s'ouvre. Il y a quelques années une vague de suicide a eu lieu au sein des équipes. Va-t-il ouvrir les yeux ?

J'ai beaucoup aimé ce récit qui démonte peu à peu les belles phrases de motivations de cette entreprise qui recouvrent une vérité plus cruelle. Les répercussions de cette toxicité peuvent être plus qu'importante. Et Thierry Beinstingel parvient à nous les livrer sans fard. Plusieurs personnages nous donnent un éclairage différent sur cette histoire et cela donne encore plus de profondeur à la réflexion globale.
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Yougoslave

Roman foisonnant, riche, nostalgique, intimiste mais mêlant aussi l’Histoire, sans en être indigeste. Yougoslave est le récit d’une famille suivie sur 7 générations, depuis l’ancêtre « fondateur », Franz, à la fin du 18è siècle, jeune garçon frêle, pauvre mais aventurier dans l’âme, jusqu’aux années 2000.

Migrations successives, guerres (et paix), bonheurs et malheurs de vies anonymes qui se succèdent , s’entremêlent, naissances, morts, avec le Danube et une tête de loup empaillée comme fils rouges. L’auteur a réussi à imaginer les vies de ses arrière- arrière- arrière …grands parents : de ses plus lointains ancêtres, nous n’avons qu’une trame mince et puis, au fur et à mesure que nous avançons dans la chronologie du récit, les personnages prennent de l’épaisseur, les récits de vie s’enrichissent de détails. Les personnages ne prennent jamais la parole, c’est un détail qui m’a frappé.

C’est un roman magnifique qui m’a beaucoup touché car il questionne le sens de la vie des gens ordinaires se débattant dans des quotidiens rudes, parfois en proie à la faim, à la peur et à la quête d’un abri. Ces petites gens dont l’Histoire ne parle jamais mais qui sont nos ancêtres. Je pense que beaucoup parmi nous pourraient écrire un récit identique de la généalogie de sa propre famille– sauf que nous n’aurions pas le talent d’écrivain de Thierry Beinstingel. Il ne s’agit pas d’un Zola écrivant un roman réaliste sur des ouvriers, non il s’agit d’un écrivain remontant le fil du temps, le fil de ses origines, le fil du Danube pour dévoiler avec tact et passion la vie de ses ancêtres. Thierry Beinstingel est LA somme de tous ces hommes et de toutes ces femmes. Quand il parle de sa grand-mère Eva, il la revoit l’attendant sur le seuil de sa porte il y a une vingtaine d’années, mais il l’imagine aussi à deux pas du fameux attentat de Sarajevo en 1914, il l’imagine aussi errant dans les rues de Berlin, seule avec ses 5 enfants, luttant pour survivre. Très émouvant.

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Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Cette Vie prolongée d'Arthur Rimbaud ,intéressera surtout les inconditionnels du poète. L'auteur imagine ce qui serait advenu si... l'homme aux semelles de vent s'était rétabli après son amputation. La fiction se fraie adroitement un chemin dans le déroulé des évènements connus, comme l'étrange mais authentique lettre de Vitalie Rimbaud, du 9 juin 1899, dans laquelle la mère du poète raconte avoir rencontré son fils décédé huit ans auparavant. En littérature tout est permis ! Alors pour réécrire ce destin, l'auteur imagine une méprise, un moribond anonyme, les lits confondus puis l'entêtement du directeur de l'Hôpital de Marseille pour étouffer l'affaire et sauver sa réputation.

Ce Rimbaud ressuscité évoluera parfois dans les paysages fantasmagoriques de son oeuvre (les paysages du poème Enfance, on reconnaît la description de la maison du général), assistant à distance à sa gloire littéraire, plus que jamais étranger à lui même, comme si dans cette vie prolongée aussi "je" devait rester un autre.

On regrettera peut-être un Rimbaud un peu lisse. Je le conseille aux curieux ou à ceux (dont je suis) que l'auteur appelle malicieusement les "rimbaldolâtres"

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Vie prolongée d'Arthur Rimbaud

Si Rimbaud n'était pas mort que serait-il devenu : Un homme qui a soif d'aventures, un marchand qui veut juste retourner en Afrique ou un brave travailleur père de famille? C'est l'histoire d'un homme qui se voit devenir une légende. Un roman plein de poésie et d'émotion où la fiction se mêle avec l'Histoire.
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Ils désertent

Roman sur la violence au cœur de nos modes de vie (habitat, travail).

Écriture soignée, processus d'écriture où les vies des deux héros se répondent systématiquement un peu lassant.

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Retour aux mots sauvages

Suite à une reconversion forcée, « Éric », la cinquantaine, a troqué ses outils d’électricien pour devenir téléopérateur.

[...] Sans considération pour ce qu’il est, ce qu’il a été dans sa vie, il découvre alors la déshumanisation et la robotisation du travail à la chaîne. « Éric » enchaîne les appels des clients en suivant un protocole ultra précis, qui établit pour lui toute une liste de réponses toutes faites, générant parfois des dialogues incohérents. Peu à peu, ses mains perdent leurs cornes, la peau s’adoucit, les ongles se lissent. Sa bouche, à force de parler dans le vide, s’assèche.

[...]

Chaque semaine, les objectifs marketing ciblent les services à vendre aux clients, quels que soient leurs véritables besoins. [...] La pression est constante, au point qu’une vague de suicides frappe l’entreprise.

[...] Répétitif, insupportable, déshumanisant à l’extrême, le métier de téléopérateur est un des derniers que le libéralisme n’a pas encore réussi à supprimer à coup de technologies ultra novatrices et révolutionnaires.

[...]

Le malaise au travail est une composante de plus en plus banale avec laquelle l’être humain devrait s’accommoder. Travailler, c’est souffrir ; jusqu’à la dépression, jusqu’au suicide.

[...]

Face au malaise de plus en plus flagrant, la réponse managériale est une injonction au bonheur, avec ce positivisme factice qui fait gerber : soyez heureux de travailler pour nous, nous travaillons dans la bonne humeur, nous sommes réunis sous les mêmes valeurs ! S’il épouse l’entreprise à coups de « culture d’entreprise », il sera moins enclin à se retourner contre son employer ou à se suicider. Tous les petits rituels sont bons pour créer cette fausse convivialité, qui n’a pour seul but que de faire augmenter la productivité et avaler la dure pilule au travailleur : tu travailleras dur, longtemps et pour un salaire de misère !

[...] L'article entier sur Bibliolingus :

http://www.bibliolingus.fr/retour-aux-mots-sauvages-thierry-beinstingel-a114896346
Lien : http://www.bibliolingus.fr/r..
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Faux nègres

Mes sentiments sont mitigés après cette lecture, roman un peu fouillis à mon gré, pas suffisamment construit et pas assez abouti.
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Faux nègres

Il me parait bien difficile d'écrire sur ce roman. Difficile parce que je suis bien incapable de vous narrer l'histoire dont il parle, si ce n'est que Pierre et Frédéric y sont parachutés pour couvrir les résultats que l'extrême droite a obtenu aux dernières élections. Et en questionnant les villageois, ceux ci racontent tout sauf pourquoi ils ont voté.

J'ai bien compris qu'il s'agissait avant tout de la vie d'un village, les histoires de ses habitants mais tout comme Florel je n'ai pas réussi à y trouver du sens...

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