Citations de Thomas Hardy (992)
Parler tendrement était une chose, écrire de même une tout autre chose.
- [...] voyez-vous, mon cher, il n'est rien de tel que d'ignorer les choses pour en parler avec compétence.
Lorsqu'une femme fait une impression durable sur un homme, elle revit presque toujours dans son esprit telle qu'elle lui apparut à un moment donné, dans une attitude qui semble la résumer toute au pays du souvenir.
A vrai dire, l'affection qu'il ressentait pour elle ressemblait plus à de l'amitié qu'à de l'amour, et il n'était nullement sûr que l’Idéal changeant et insaisissable qu'il appelait son Amour, et qu'avait reflété depuis sa jeunesse un nombre indéfini de formes humaines, allait s'incarner désormais en la seule personne d'Avice Caro.
Les sillons encore frais ressemblaient aux lignes d'une pièce de velours côtelé toute neuve et donnaient à cette vaste étendue un aspect mesquinement utilitaire. Tous les accidents de terrain avaient disparu ; plus la moindre trace d'histoire : ne restait que celle des quelques derniers mois. Et pourtant à chaque motte de terre, à chaque pierre, s'attachaient des souvenirs innombrables - échos des chansons entendues lors des moissons passées, paroles échangées, faits et gestes audacieux. Sur chaque pouce de terrain, combien n'y avait-il pas eu de manifestations d'énergie et de gaieté, de jeux brutaux, de querelles ? Sur chaque mètre carré, des groupes de glaneurs s'étaient courbés au soleil. Les mariages d'amour qui avaient peuplé le hameau voisin s'étaient noués ici, après le dernier coup de faux et avant la rentrée des blés. Sous la haie qui bordait le champ, des filles s'étaient données à des amoureux qui n'avaient même plus tourné la tête pour leur accorder un regard à la moisson suivante ; dans les blés, plus d'un homme avait fait des serments d'amour à une femme : après le mariage, au temps des semailles le printemps suivant, la voix de cette même femme l'avait fait tressaillir par son ton aigre et autoritaire. Mais de tout cela, ni Jude, ni les corbeaux qui l'entouraient, n'avaient cure : ils ne voyaient là qu'un terrain dénudé, bon champ de travail pour l'un, bon grenier de provisions pour les autres.
Malheureusement la résolution d'éviter un mal est presque toujours formée trop tard, c'est à dire quand ce mal est déjà arrivé.
De la méchanceté du monde, il était trop oublieux. Découvrir le mal chez un nouvel ami n'est pour la plupart des gens qu'une expérience supplémentaire : pour lui, c'était toujours une surprise.
Et, la prenant dans ses bras, Stephen l'embrassa.
C'était le premier baiser d'Elfride. Aussi se montra-t-elle pleine de gaucherie.
Il n'y eut pas la lutte apparente qui vous soumet davantage. Il n'y eut pas non plus la passivité qui vous rapproche épaule contre épaule, visage contre visage.
Elfride ne sut pas prendre la pose abandonnée et cependant composée qui enflamme le cœur des amoureux. L'expérience lui faisait défaut. Une femme doit être embrassée plusieurs fois avant de savoir recevoir et donner un baiser.
Elfride ignorait cet art, Stephen en éprouva un moment de regret : un baiser reçu avec cette confusion manquait son effet.
Mais à la réflexion il en conçut du plaisir. La gaucherie de la jeune fille n'était-elle pas son principal charme ?
- [...] J'aurais dû vous dire auparavant : prenez votre cartouche ! Vous la saisissez et vous la portez vivement à votre bouche, déchirez le bout avec vos dents et n'avalez pas trop de poudre pour vous faire cracher et saliver au lieu de faire attention à votre exercice. Que dit cet homme là-bas dans le dernier rang ?
- Pardon, monsieur, c'est Antoine Cripplestraw qui voudrait bien savoir comment s'y prendre pour déchirer sa cartouche, parce qu'il ne lui reste pas une seule dent dans la bouche ?
- [...] Voyez-vous, mademoiselle Garland, [...] c'est toujours comme cela ; quand on vient à terre, après avoir été enfermé dans un navire pendant dix mois, les femmes vous semblent si nouvelles et si jolies qu'on ne peut pas s'empêcher de les aimer toutes en masse ; de sorte que le cœur est sujet à s'éparpiller un peu [...].
Je suis indignée que vous me parliez ainsi... quand vous savez quel mal vous m'avez fait! Vous et vos pareils, vous prenez sur la terre votre saoul de plaisir et vous rendez la vie de pauvrettes comme moi amère et sombre de chagrin, et puis, après en avoir eu votre content, vous trouvez très beau d'assurer votre plaisir dans le ciel en vous convertissant! Honte à vous autres! Je ne crois pas en vous. Tout cela, je le hais!
Jude, à travers le crépuscule, s'en alla par la campagne. L'idée du suicide le hantait. Le froid n'était pas très dur et les plus grandes étoiles brillaient dans le firmament. Le jeune homme parvint jusqu'au ruisseau gelé et mit son pied sur la glace. Il y eut un craquement. Jude continua d'avancer.
Il alla d'une fenêtre à l'autre, et finit par conclure que la solitude la plus pesante n'est pas celle qui consiste à être loin du monde, mais celle qui nous tient à l'écart d'une société désirable.
Durbeyfield était ce qu’on appelait dans le pays un garçon mollasse ; il avait par moments bien assez de vigueur pour travailler, mais on ne pouvait compter sur la coïncidence de ces bons moments avec les heures où le travail aurait été nécessaire ; et comme il n’était pas habitué à un labeur régulier, quand la coïncidence avait lieu, il ne persévérait pas.
Anne aussi avait une tournure très agréable dans sa plus belle toilette ; son chapeau de taffetas, son châle de mousseline, et sa robe à manches justes étaient à la mode la plus nouvelle d'Overcombe, quoiqu'elle fût déjà vieille de deux ans à Weymouth et de trois ou quatre à Paris.
Pour adopter une nouvelle ligne de conduite, il faut toujours vaincre une inertie ; celle-ci, dirait-on, existe moins en nous-mêmes que dans les circonstances environnantes, qui semblent se liguer pour n'admettre rien de nouveau dans le chemin de l'amélioration.
Si les deux aînés étaient frappés de l'infériorité sociale grandissante d'Angel, Angel de son côté était frappé du rétrécissement graduel de leur intelligence.
- Vous prédisez le temps ?
- Avec de la peine et du travail.
- [...] Quel temps aurons-nous pendant la quinzaine de la moisson ?
[...]
- D'après le soleil, la lune et les étoiles ; d'après les nuages, les vents, l'herbe, la flamme des chandelles, les hirondelles et l'odeur du foin ; d'après les yeux des chats, les corbeaux, les sangsues et les tas de fumier, la dernière semaine d'août ne sera que pluies et tempêtes.
Elle dit qu'elle ne savait pas danser, pas bien danser au moins.
- Mais si, vous dansez bien ; c'est le goût de la danse, bien plus que la science des pas, qui fait les bons danseurs...
- Vous ne m’offrez pas votre bouche et ne m’embrassez pas en retour ? Vous ne le faites jamais volontiers. Je crains que vous ne m’aimiez jamais !
- Je l’ai dit souvent. C’est vrai. Je ne vous ai jamais vraiment aimé et je crois que je ne le pourrai jamais.
Elle ajouta tristement :
- Peut-être cela vaudrait-il mieux pour moi de mentir maintenant. Mais si peu d’honneur qui me reste, j’en ai encore assez pour ne pas dire ce mensonge. Si je vous aimais, j’aurais la meilleure des raisons pour vous le faire savoir. Mais je ne vous aime pas.