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Citations de Vassili Grossman (526)


Il serait temps que les devins qui prédisent l’avenir de la Russie comprennent que seul l’esclavage millénaire a créé la mystique de l’âme russe.
Dans l’admiration de la pureté ascétique byzantine et de la douceur chrétienne de l’âme russe transparaît la reconnaissance involontaire du caractère inébranlable de l’esclavage russe. Les sources de cette douceur chrétienne, de cette pureté ascétique byzantine sont les mêmes que les sources de la passion, de l’intolérance, de la foi fanatique de Lénine : elles se trouvent dans la servitude millénaire.

(p. 237)
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Pendant neuf cents ans, les vastes étendues de la Russie qui donnaient – à qui s’en tenait à une vue superficielle des choses – une sensation d’envergure morale, de hardiesse et de liberté n’ont été que l’alambic muet de l’esclavage.

(p. 231)
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Animé d’une foi d’apôtre, Lénine entraînait à sa suite la Russie sans comprendre qu’il était lui-même victime d’une étrange illusion : l’obéissance, la soumission de la Russie (qui avait revêtu une forme nouvelle après le renversement du tsar), sa complaisance étaient telles que tout ce qu’il lui apportait, tout ce qu’il avait emprunté à l’Occident révolutionnaire épris de liberté, semblait aussitôt se décomposer, dépérir, se transformer.

(p. 230)
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Oui, nous étions tous différents, par nos caractères comme par nos spécialités, nos destins et nos espoirs n'étaient pas les mêmes.Mais il y avait quelque chose qui liait tout le monde: le phosphore, le sel de la terre !
Et de fait, tous ces étudiants gais, bambocheurs, amateurs de discussions, de gros mots et d'alcool devaient devenir des gens célèbres. (...)

Le seul dans notre groupe à n'avoir ni phosphore ni sel de la terre et à ne pas briller dans les amphithéâtres des universités, était David Abramovitch Krougliak.

( p.21)
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- On t’a donné plus qu’aux autres, alors pourquoi ton usine ne fournit-elle pas ce que tu as promis au Comité de la Défense ?
Celui à qui l’on faisait ce reproche répondit :
- Mais, Andreï Trofimovith, vous vous rappelez…
Andreï Trofimovith lui coupa la parole d’un air furieux :
- Ton « mais », je ne le mettrai pas dans mon programme, on ne peut pas s’en servir pour tirer sur les Allemands, je n’en ai pas besoin, de ton « mais »; on t’a donné du métal, du tabac, et de l’huile de tournesol, et toi, tu me sors un « mais »…

Première partie, Chapitre 58
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Adams, cher et fidèle Adams : les grandes âmes sont toujours et immanquablement vouées au doute. Ceux qui dominent le monde ne peuvent être que des hommes bornés, inébranlablement convaincus de leur bon droit. Les natures supérieurs, elles, ne dirigent pas les États et ne prennent pas de grandes décisions.
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Ce qu'il y a de plus magnifique au monde, c'est le cœur vivant de l'homme. Sa faculté d'aimer, de croire, de pardonner, de tout sacrifier au nom de l'amour, est une chose magnifique. Mais les cœurs vivants dorment d'un sommeil éternel dans la terre des cimetières.

L'âme d'un homme qui est mort, son amour et son malheur, on ne peut les voir ni les surprendre sur les pierres tombales, dans les inscriptions des monuments ou les fleurs poussant sur un tertre. Son mystère, la pierre, la musique, les pleurs et les prières sont impuissants à le rendre.

Devant le caractère sacré de ce mystère muet, tout est méprisable : tous les tambours et toutes les trompettes de cuivre de l'Etat, la sagesse de l'histoire, la pierre des monuments, le hurlement des mots et des prières pour les défunts. C'est cela, la mort.

(dans "Repos éternel)
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Si nous y réfléchissons, nous voyons que la bonté privée, occasionnelle, sans idéologie, est éternelle. Elle s’étend sur tout ce qui vit, même sur la souris, même sur la branche cassée que le passant, s’arrêtant un instant, remet dans une bonne position pour qu’elle puisse cicatriser et revivre. En ces temps terribles où la démence règne au nom de la gloire des États, des nations et du bien universel, en ce temps où les hommes ne ressemblent plus à des hommes, où ils ne font que s’agiter comme des branches d’arbre, rouler comme des pierres qui, s’entraînant les unes les autres, comblent les ravins et les fossés, en ce temps de terreur et de démence, la pauvre bonté sans idée n’a pas disparu.
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C’est ici, à la lumière des fours, sur la place du camp, que les hommes sentirent que la vie est plus que le bonheur : elle est aussi malheur. La liberté n’est pas qu’un bien ; la liberté est difficile, elle est parfois malheur, elle est la vie.
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Une chatte ayant retrouvé son chaton mort se réjouit et le lèche. L’âme traverse de longues années, parfois des décennies de souffrance avant d’ériger, pierre après pierre, sa tombe au-dessus de l’être cher, avant d’admettre sa mort.
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Cette bonté privée d’un individu à l’égard d’un autre individu est une bonté sans témoins, une petite bonté sans idéologie. On pourrait la qualifier de bonté sans pensée. La bonté des hommes hors du bien religieux ou social.
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Savez-vous la différence entre un brave type et un mauvais ? Le brave type fait des saloperies malgré lui.
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Le bien n’est pas dans la nature, il n’est pas non plus dans les prédications des prophètes, les grandes doctrines sociales, l’éthique des philosophes…
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Le fascisme et l’homme ne peuvent coexister. Quand le fascisme est vainqueur, l’homme cesse d’exister, seuls subsistent des humanoïdes, extérieurement semblables à l’homme mais complètement modifiés à l’intérieur. Mais quand l’homme doué de raison et de bonté est vainqueur, le fascisme périt et les êtres qui s’y sont soumis redeviennent des hommes.
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Et le sentiment de sa vie à elle, de la vie qu'elle, et personne d'autre, avait vécue dissimula un bref instant le présent : le bord du gouffre.
Le plus terrible des sentiments ! On ne peut le transmettre, on ne peut le faire partager à l'être le plus proche, femme, mère, frère, fils, ami, père, il est le secret de l'âme, et l'âme ne peut, même si elle le désire ardemment, révéler son secret. L'homme emporte avec lui le sentiment de sa vie, il ne le partagera avec personne. Le miracle d'un individu dont la conscience, dont l'inconscient réunissent tout le bien et tout le mal, le risible, l'attendrissant, le honteux, le pitoyable, le timide, le craintif, le tendre, l'étonné, tout ce qu'il a vécu depuis l'enfance et jusqu'à la vieillesse est dans ce sentiment unique, muet et secret de son unique vie.
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Pour le commandement du camp, les détenus se distinguaient par leur numéro et par la couleur de la bande de tissu cousue à leur veste : rouge pour les politiques, noire pour les saboteurs, verte pour les voleurs et les assassins.
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Du temps où on arrêtait les mencheviks, les S.R., les Blancs, les prêtres, les chefs koulaks, pas un instant il n'avait réfléchi à ce que pouvaient éprouver ces gens, en perdant la liberté et en attendant la sentence. De même qu'il n'avait jamais pensé à leurs femmes, leurs mères, leurs enfants.
Bien sûr, quand le point de mire s'était rapproché et que les coups avaient atteint, non plus des ennemis, mais les "siens", il n'avait plus été aussi indifférent : on n'arrêtait plus des ennemis, mais de vrais Soviétiques, des membres du parti.
Et quand on avait arrêté des personnes qui lui étaient particulièrement proches, des gens de sa génération qu'il considérait comme de vrais bolcheviks-léninistes, il avait reçu un choc, n'avait pas fermé l'œil de la nuit, se demandant, pour la première fois, si le camarade Staline avait vraiment le droit de priver ainsi les gens de liberté, de les tourmenter et de les fusiller. Il avait pensé à leurs souffrances, à celles de leurs femmes et de leurs mères. Car il ne s'agissait plus de koulaks ou de Blancs, mais d'authentiques bolcheviks-léninistes.
Et pourtant, il se rassurait : après tout, on ne l'avait pas arrêté, lui, Krymov, ni envoyé en camp : il n'avait rien signé, n'avait pas reconnu de crimes imaginaires.
Seulement voilà, Krymov, cet authentique bolchevik-léniniste, était maintenant en prison. Plus moyen, à présent, de se rassurer, de trouver des explications, des justifications. C'était arrivé.
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C'étaient, selon toute apparence, deux vrais amis, liés par ce sentiment qui caractérise l'amitié : la certitude que le moindre événement dans la vie de l'un semblera important à l'autre.
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Il y avait des gens en présence desquels une parole sincère devenait fausse.(...) Quelle en était la cause ? La même qui faisait qu'on rencontrait un homme, un voisin de wagon, un voisin de camps, un interlocuteur de hasard, et que, soudain, en sa présence, le monde intérieur cessait d'être muet.
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Staline a fait mourir les amis les plus intimes et les compagnons d’armes de Lénine parce qu’ils empêchaient, chacun à sa façon, le léninisme véritable de se réaliser.
En luttant contre eux, en les mettant à mort, il semblait lutter contre Lénine, tuer Lénine. Mais ce faisant, il a assuré la victoire de Lénine et du léninisme. Il a brandi l’étendard de Lénine et l’a accroché au-dessus de la Russie.

(p. 241)
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