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Critiques de Vincent de Gauléjac (15)
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Enfants placés et construction d'historicité

Livre que j'ai apprécié consulter pour réaliser mon mémoire de fin d'études.

L'auteur fait un parallélisme entre sa théorie, et des cas concrets, ce qui permet d'apprécier plus légèrement le livre, qu'un bouquin très théorique !!

C'est agréable de temps en temps quand on doit sur-bouquiner pour les études! lol
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L'histoire en héritage

Dans cet ouvrage, Vincent de Cauléjac montre l'importance et l'impact de l'éducation et de la culture familiale (l'héritage) sur les comportements sociaux.



Contruits à partir de compte-rendus de séminaires qu'il animait, cet ouvrage reprend les cas (assez significatifs, à la limite de la caricature) de certains participants.



J'ai été déçue par cet essai qui multiplie, à de trop nombreuses reprises, les références bibliographiques au détriment de la présentation de cas concrets.



Ainsi seulement trois cas ont été détaillés, dont un, le plus caricatural, assez longuement, ce qui empêche toute généralisation.



J'ai ainsi le sentiment que les ouvrages moins érudits et plus vulgarisateurs de Jean claude Kauffman permettent de mieux cerner les tendances comportementales, dans la mesure où elles s'appuient sur un plus grand nombre de témoignages :)



A vous de voir, donc ...
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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L'histoire en héritage

Révision de ma bibliothèque, troisième.



Ah, les histoires de famille... Celles qu'on connaît, celles qu'on subodore, celles qui nous conditionnent à notre insu. Vincent de Gaulejac explore le roman familial à travers des histoires de vie racontées et analysées en séminaires. Les récits mettent au jour des mémoires familiales, des loyautés invisibles et des secrets soigneusement gardés. La dynamique de groupe permet de déterminer la part d'implication individuelle et l'influence de facteurs sociaux.

Au sein de cette communauté éphémère, le participant effectue un va-et-vient permanent entre deux scènes, côtés psychique et côté social. Il s'appuie sur son arbre généalogique pour comprendre le poids de l'histoire sur sa destinée.

L'auteur pratique la psychogénéalogie depuis des décennies. L'écoute de récits de vie brasse large, pointe les contraintes conscientes et inconscientes, extériorisées et intériorisées, transmises de génération en génération, nous assignant une place dans la famille et dans la société (appartenance à une classe sociale).

L'apport principal du travail en groupe réside dans la prise de conscience que plusieurs versions de l'histoire familiale sont possibles.

Facile à lire et pratique, avec un brin de théorie ajustée, cet essai figure parmi les ouvrages de référence du vaste champ des sciences humaines. Vincent de Gaulejac incite à "travailler" notre histoire, pour produire notre version originale, sortir de la répétition (honte, culpabilité) et s'ouvrir à d'autres possibles.



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L'histoire en héritage

Comme tous les livres de Vincent de Gaulejac, j'ai beaucoup aimé. J'adhère complétement à la sociologie clinique. J'ai participé à ses séminaires et cela vaut vraiment le coup ! ce fut pour moi une révélation
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L'histoire en héritage

Si _La Névrose de classe_, outre la thèse spécifique du possible surgissement d'une névrose lors d'un déplacement ascendant ou descendant entre classes sociales, posait les jalons théoriques de la sociologie clinique, entre psychanalyse et sociologie, cet essai se fonde sur une pratique de plus de trois décennies de l'animation des séminaires « Roman familial et trajectoire sociale ». Un tel recul permet à l'auteur d'affronter des thématiques bien plus générales concernant le poids de l'histoire familiale – et donc de déterminants exogènes et plutôt sociologiques – sur la destinée individuelle – qui relève pour certains plutôt de la psychologie. Plus précisément, on peut poser la question – et comprendre la thèse de cet essai – dans les termes suivants :

« Entre un individu et sa vie, qui produit l'autre ? […] Entre la position idéaliste et la position déterministe, on peut refuser de choisir en considérant l'individu comme le produit d'une histoire dont il cherche à devenir le sujet. » (p. 21)

Dans le verbe « chercher » réside tout l'enjeu du livre, car cette tentative est facilitée voire rendue possible par un « travail » sur le « roman familial » qui s'opère notamment au sein des séminaires en question. Certains exemples illustrent à la fois la dynamique de ce travail, et les fonctions respectives de la prise de parole du sujet, l'action du groupe et l'encadrement de l'animateur.

Il faut préciser d'abord le sens du « roman familial » :

« Le roman familial désigne [...] les histoires de famille que l'on transmet de génération en génération et qui évoquent les événements du passé, les destinées des différents personnages de la saga familiale. Mais entre l'histoire "objective" et le récit "subjectif", il y a un écart, ou plutôt un espace, qui permet de réfléchir sur la dynamique des processus de transmission, sur les ajustements entre l'identité prescrite, l'identité souhaitée et l'identité acquise, sur les scénarios familiaux qui indiquent aux enfants ce qui est souhaitable, ce qui est possible et ce qui est menaçant. C'est dire que le roman familial doit être contextualisé dans un repérage sociologique des positions sociales, économiques, culturelles, que ce soit dans la généalogie ou dans l'histoire personnelle du sujet. » (pp. 12-13)

Une seconde précision concerne les deux sens de la notion « d'inconscient », qui opèrent également et simultanément dans cet exposé : il y a l'Inconscient freudien que l'on connaît, mais aussi tout ce qui relève de l'intériorisation non-consciente de « l'habitus » bourdieusien.



En extrême synthèse, on peut résumer que la conscientisation de tout récit exogène dans l'identité familiale et sociale du sujet, à travers la narration qu'il est capable d'élaborer sur son passé, lui permet une émancipation grâce à laquelle il peut envisager d'autres identités nouvelles qui lui soient plus propres. Le postulat méthodologique est que le rôle du groupe y compris avec les mécanismes transférentiels-contre-transférentiels est plus efficace qu'une psychanalyse ou une psychothérapie, à condition d'en rester au niveau (plus superficiel) des problématiques d'ordre socio-clinique. En effet, les séminaires durent quelques jours, et ils sont au nombre de quatre ou cinq, que certains participants ont suivi à quelques mois d'intervalle l'un de l'autre, souvent en en choisissant un nombre encore inférieur.







Table :



Première partie : Danièle ou l'héritage impossible



Chap. Ier : « Je vivais un personnage de clown »

Chap. II : « J'ai du mal à mettre une idée derrière l'autre »

Chap. III : « J'avoue que je suis la fille de rien »

Chap. IV : « J'aimerais mieux être la fille de rien »



Deuxième partie : Le sujet face à son histoire



Chap. V : Le sujet entre le cœur et la raison

Chap. VI : Le sujet entre fantasmes et projections

Chap. VII : Le sujet entre déterminisme et autonomie



Troisième partie : La question généalogique



Chap. VIII : L'impératif généalogique

Chap. IX : La famille et l'ordre généalogique

Chap. X : L'impasse généalogique



Quatrième partie : Les défauts de transmission



Chap. XI : Un secret peut en cacher un autre

Chap. XII : Fantômes et secrets de famille

Chap. XIII : Les loyautés invisibles

Chap. XIV : La mémoire familiale



Cinquième partie : « Origines familiales et rapports de classe »



Chap. XV : « On n'est pas assez bien pour toi ? »

Chap. XVI : L'envie et la haine de classe

Chap. XVII : « Décidément, je ne suis pas de ce monde-là ! »

Chap. XVIII : « Comment voulez-vous que je lui parle de ÇA ? »



Conclusion : La sociologie face au sujet
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La lutte des places : Insertion et désinsertion

C'est assez rare les livres qui croisent une double approche sociologique et psychologique pour expliciter les processus d'exclusion. A travers des récits de vie, l'auteur fait la démonstration que nous ne sommes pas égaux face aux aléas de la vie (chômage, divorce, maladie, etc.) et que les premiers liens et leur solidité sont assez déterminants pour les surmonter. Je vous recommande particulièrement le passage intitulé " les bottines de Victoria". Instructif !
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La névrose de classe

Dans les pas des travaux de Roger Bastide sur la sociologie des maladies mentales (années 1960-80) et dans une démarche interdisciplinaire qui se situe à cheval entre la sociologie et la psychanalyse, cet essai pose la thèse que la névrose – au sens psychosexuel freudien – peut avoir une étiologie sociologique lorsqu'elle dérive d'une trajectoire de changement de classe sociale, qu'elle soit en promotion ou en régression. En effet, dans les deux sens, le déplacement social provoque des conflits intrapsychiques en relation avec le projet parental surtout lorsque l'identité sociale de l'individu est en contradiction avec l'histoire familiale (ou plus exactement avec son récit) y compris au sein du couple (dont l'endogamie sociale demeure très prédominante).

La démonstration de cette thèse passe par une méthodologie sociologique fondée sur des séminaires intitulées « Roman familial et trajectoire sociale », ayant à la fois un but scientifique et thérapeutique, conformément à une compréhension de la sociologie en tant que clinique. La sociologie clinique possède le mérite d'éviter les écueils du sociologisme – qui tend vers le déterminisme des parcours individuels – et celui, opposé, du psychologisme – qui tend à occulter les raisons sociales des pathologies individuelles. Outre les résultats issus des séminaires, un usage abondant et convaincant est fait de textes littéraires autobiographiques ou non, notamment d'Annie Ernaux mais aussi d'August Strindberg et même de Dostoïevski.

Ce travail possède une grande envergure et des qualités de traité de sociopsychologie. Néanmoins, malgré que la nouvelle édition date de 2016, il me semble qu'il est encore extrêmement marqué par le contexte social des années 1980 qui a vu son origine et sans doute une grande partie de son corpus. Par conséquent, une importance absolument prépondérante est accordée aux névroses de classe relatives aux parcours ascensionnels, représentés spécifiquement par ceux du genre d'Annie Ernaux, à savoir la promotion sociale par l'excellence dans le cursus des études. Les trajectoires de régression sociale, liées à la précarisation et au déclassement, qui sont tellement plus répandues de nos jours, ne constituent pratiquement l'objet que d'un seul chapitre (ch. 6) sur douze, dans lequel, de plus, il est surtout question des difficultés de les observer ainsi que de quelques « caractéristiques des individus en régression » qui dont renvoient la balance plutôt du côté du psychologisme... Cette dissymétrie confère à l'ouvrage un ton décidément daté et dépassé. À noter la réception que fit Annie Ernaux de cette étude où il est tellement question d'elle. Sans surprise, elle reprocha à la notion de « névrose de classe » d'être « affligeante », car figeant l'individu dans son indépassable névrose...
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La névrose de classe

Ce livre montre en quoi l'ascension sociale peut être vécue avec ambiguïté et même parfois avec souffrance.

Les témoignages sont analysés avec finesse. Bravo la sociologie clinique
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La société malade de la gestion

Ce livre a l'intérêt de recenser les études relatives au bien-être au travail. En guise donc de résumé, il a la palme. Pour ce qui est des conclusions, elles sont assez partisanes. Aimera qui saura en faire la part.
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Le Capitalisme paradoxant: Un système qui ren..

La sociologie clinique dresse un diagnostic accablant du monde du travail pour se poser finalement la question d’un changement possible de société.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Les sources de la honte

La honte, on préfère ne pas en parler. Mettre des mots dessus, en décrire les différents aspects, permet de la reconnaître, de la nommer et de mieux soigner les blessures dont elle est le symptôme.
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Manifeste pour sortir du mal-être au travail

Ce livre est la retranscription augmentée d’un échange entre le sociologue Vincent de Gaulejac et le journaliste de France-Culture Antoine Mercier sur le mal-être au travail.

Que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, le rapport au travail tente à se dégrader à mesure que le système productif se dérèglemente et que l’on perde le sens de notre activité professionnelle. Cela est vrai pour les employés, pour les cadres mais aussi pour les enseignants. Il y a plusieurs raisons à ce phénomène : maltraitance institutionnelle, quantophrénie, idéologie managériale, culture de l’urgence, etc. Ces causes relèvent d’une crise de société, une crise des valeurs et devraient nous pousser à replacer le travail au centre du débat public. Les changements « ne seront effectifs que dans la mesure où le pouvoir politique s’engagera à rééquilibrer les rapports sociaux au travail pour protéger effectivement les salariés. » Pour les deux auteurs, il faut alors agir collectivement et politiquement si l’on veut redonner du sens à cette activité humaine qu’est le travail.
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Travail, les raisons de la colère

Cet essai de grande envergure traite le thème du travail selon une perspective de sociologie clinique, où l'attribut possède sans doute davantage de poids que le substantif. Aussi, les pathologies liées au travail en constituent-elles le sujet d'analyse, non pas parce qu'elles en seraient nécessairement constitutives, mais parce qu'elles découlent, au contraire, d'une conception qui caractérise le capitalisme néolibéral dans son ensemble. Dans ces conditions, elles sont analysées par des cas tirés du secteur privé comme public, à l'aune des facteurs idéologiques propres au néolibéralisme, idéologie conçue en vue de l'occultation de ses contradictions et des mécanismes d'exercice du pouvoir qui lui sont spécifiques. La démonstration comprend des éléments d'une grande généralité, ceux qui ont traits à ce système économique ainsi qu'à la conception du travail (salarié) dans son ensemble, autant que des études de cas très circonscrits. L'accent porté sur les pathologies, et en particuliers sur les suicides au travail, dont on parle moins qu'au moment de la publication de l'ouvrage (2011), pourrait faire songer à un catastrophisme indu par rapport au sujet ; au contraire, la spécificité de la critique économique ainsi que la Conclusion de l'ouvrage révèlent la possibilité d'une réversibilité relativement optimiste.







Table [commentée] :



I. Le mal-être au travail, premiers constats :



1. Le travail, un phénomène sociopsychique total et contradictoire [où il est question de la tripartition du travail : le faire-l'avoir-l'être, donc d'un lieu de tensions contradictoires]



2. Inquiétantes mutations [où il est question des mutations du travail apportées par la financiarisation de l'économie, et en particulier sur la métamorphose de la colère salariale en désespérance face à un pouvoir inaccessible, désespérance dont le suicide au travail constitue le symptôme le plus dramatique]



3. Violence, souffrance, risques psychosociaux... Comment désigner le mal ? [où il est montré que le choix de l'un des trois termes ci-dessus possède des implications foncièrement politiques : l'auteur, quant à lui, choisit : "le mal-être"]



4. Quels diagnostiques ? [où l'actualité de la fin de la décennie 2000, avec les suicides chez Renault Guyancourt, France Télécom, ainsi que dans la fonction publique, provoque la rédaction de plusieurs rapports commandités par les pouvoirs publiques, dont 4 sont commentés chacun dans son empreinte politique, chacun constituant une « tentative d'euphémiser le débat »]



5. France Télécom face à la "nouvelle mode" des suicides [gros plan sur un « cas » où les politiques de restructuration et de réorganisation sont mises en cause]



6. Dénégations, incompréhensions, évitement... [autres études de cas : Renault, IBM, PSA, SNCF, et l'inefficacité du "name and shame" à la française]



II. Malaise dans les institutions publiques



7. La nouvelle gestion publique [où les principes du "New public management" sont énoncés et son application en France dénoncée]



8. « La RGPP m'a tué » [où les effets destructeurs de la « Révision générale des politiques publiques » lancée en 2007 sont constatés sur la protection judiciaire de la jeunesse (suicide de Catherine Kokoszka), sur l'Université et la production scientifique, sur la police, sur Pôle emploi]



9. La réforme hospitalière, un exemple de prescriptophrénie aiguë [gros plan sur la réforme hospitalière à l'aune de l'idéologie du "capital santé", transformant la santé d'un droit en un devoir]



10. L'obsession évaluatrice [où l'on commence à apercevoir le mode opératoire unifié entre secteur privé et publique]



11. Violence paradoxale, paradoxes de la violence [ou comment « produire l'exclusion pour améliorer la productivité » et d'autres perversions semblables...]



III. Les sources du mal-être :



12. De la destruction créatrice à la création destructrice [de la fonction de la "crise" comme moteur du capitalisme néolibéral financiarisé : valeur actionnariale, ROE et LBO, métamorphose du modèle fordiste au modèle Walmart (du hard discount)]



13. Les désordres organisationnels et les systèmes paradoxants [où les conséquences de ce « capitalisme de crise » sont explorées sur le travail : en particulier « le chaos comme mode de management », la « double contrainte » à partir d'injonctions contradictoires érigée en système d'organisation. En découlent les paradoxes suivants : « paradoxe de l'urgence : plus on gagne du temps, moins on en a » ; « paradoxe de l'excellence durable : la réussite mène immanquablement à l'échec » ; « paradoxe de l'autonomie contrôlée » ; « l'obligation d'adhérer librement » ; « paradoxe du travail empêché » ; « paradoxe de la désubjectivation impliquée » ; « paradoxe de la coopération : l'organisation est un système de coopération qui empêche de travailler ensemble ».]



14. La « révolution managériale » [suite sur la modification des attentes de l'entreprise par rapport aux travailleurs et aux managers, en particulier : « la pratique de l'oxymore comme moyen de survie »]



15. Les NTIC et le pouvoir de la norme [où le constat dû à Michel Foucault du passage du pouvoir de la loi à celui de la norme est décliné par le développement des « Nouvelles technologies d'information et de communication »]



16. Un imaginaire organisationnel leurrant [où il est question des connotations psychologiques rattachées au travail, conçu comme « élément central de l'imaginaire social ». En particulier sont explorés les leurres du mérite et de la reconnaissance, de la rationalité et de la gouvernance par les chiffres]



17. La psyché mobilisée au service de l'entreprise [suite sur les « correspondances psycho-organisationnelles » et leurs conséquences pathologiques : intensification du travail, « normalisation de l'idéal »]



Conclusion [où un espoir point au loin, à condition de réaliser une nouvelle conception du management : « Il convient donc d'inverser la vision du "facteur humain" en considérant que l'humain n'est pas une ressource pour l'entreprise mais que c'est l'entreprise qui devrait être une ressource au service d'une finalité : le bien-être individuel et collectif. » (p. 312)]
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Travail, les raisons de la colère

Jadis source d'accomplissement personnel, d'estime de soi, de liens sociaux et de reconnaissance sociale, le travail est de plus en plus souvent vécu sur le mode du mal-être.

Cette étude des dégâts psychiques et sociaux engendrés par la déshumanisation du travail aborde les cas de plusieurs entreprises françaises ainsi que les problèmes entraînés par la nouvelle gestion des entreprises publiques.
Lien : http://archives.universcienc..
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Travail, les raisons de la colère

Dans « Travail, les raisons de la colère », Vincent de Gaulejac, directeur du Laboratoire de changement social de l'Université Paris 7-Diderot, développe une analyse aussi méticuleuse que fournie sur le monde du travail actuel et ses dérives. Il utilise pour cela l'approche de la sociologie clinique.

Au fondement de cette école sociologique se trouve l'idée selon laquelle les phénomènes sociaux ne peuvent être réellement compris que si l'on ajoute à l'analyse objective une dimension subjective, c'est-à-dire la façon dont ces phénomènes sont vécus par les personnes concernées.

Le jeu de mots du titre, qui rappelle « Les raisins de la colère » de Steinbeck, est très évocateur : il s'agit pour l'auteur de montrer à quel point l'économique a pris le pas sur le politique et engendre ainsi malaise et oppression.



Le phénomène des suicides au travail, notamment dans des grandes entreprises françaises, constitue le point de départ de cette enquête sociologique. A partir de ces suicides, l'auteur s'interroge sur une contradiction apparente : alors que les conditions objectives de travail se sont améliorées (diminution du temps de travail, congés payés…), on observe une détérioration de la santé psychique des travailleurs, dont le suicide est l'expression la plus violente.



Pourquoi, dans le monde du travail, à l'heure actuelle, n'arrive-t-on pas à transformer cette force destructrice à l'oeuvre en une énergie créatrice ? Cette question guide la construction de l'ouvrage, articulée en trois parties. Etant donnée l'approche retenue, celle de la sociologie clinique, la première partie présente le diagnostic fait par l'auteur du mal-être au travail.

Cette première partie souligne les mutations qu'a connues le monde du travail au cours du XXème siècle ainsi que la centralité du travail dans nos sociétés modernes. Il montre également la difficulté à nommer le mal-être au travail, entre harcèlement, violence, souffrance psychique et, plus récemment, risques psycho-sociaux. Cette dernière notion est très critiquée car elle tend à nier la réalité du mal-être au travail en ne la faisant passer que pour une potentialité. Cette partie s'achève sur l'étude de deux cas tristement célèbres, France Télécom et Renault, pour mettre en évidence la dénégation du phénomène par le top management.



L'irruption de l'idéologie managériale des ressources humaines, à l'oeuvre depuis les années 1980, dans le secteur public constitue l'objet de la seconde partie de l'ouvrage, destinée à mieux comprendre le new public management fondé sur la notion de capital humain, forgée par les économistes ultralibéraux.

Cette partie montre avec quelle brutalité a été mise en oeuvre la révision générale des politiques publiques dans tous les secteurs de la fonction publique. L'auteur s'appuie ici sur de nombreux exemples qui peuvent tous nous toucher : l'Education Nationale, la Protection de l'Enfance, l'Hôpital, la Police, Pôle Emploi… Il montre aussi la difficulté d'un tel changement dans le secteur public dont les employés avaient auparavant l'habitude de traiter les citoyens comme des usagers et non comme des clients comme ils sont aujourd'hui sommés de le faire.

A partir de ces exemples, Vincent de Gaulejac met en évidence deux maux : la prescriptophrénie (« maladie qui consiste à vouloir tout prescrire, décrire, standardiser, classer, ordonner » p.171) et la quantophrénie (« maladie de la mesure » p.171). Il montre que ces maux découlent d'une vision positiviste, utilitariste du travail et des hommes, qui sont désormais évalués non pas selon les critères de l'art qu'il exerce mais à partir d'indicateurs chiffrés, dont parés d'une objectivité apparente mais superficielle, calculés a priori.



Enfin, la dernière partie expose une approche plus globale des évolutions, dans laquelle il insiste sur le processus de taylorisation du secteur tertiaire, sur le passage d'un mode de management par le stress dans les années 1980 à un management par le chaos actuellement, sur l'évolution de la recherche de profitabilité et non plus seulement de rentabilité, sur la montée de l'individualisation de l'évaluation dont le résultat est l'anéantissement des formes collectives de contestation.

Tout cela aboutit à la mise en place de systèmes paradoxants qui envoient continuellement des injonctions contradictoires aux travailleurs et une pression psychique toujours plus aigüe pour les employés. En cela, la simultanéité de la révolution managériale et l'irruption des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'entreprise, dont le but est de renforcer le contrôle de gestion, érige l'idéal comme une norme que tous les travailleurs devraient attendre, générant ainsi des pathologies psychiques, et ce d'autant plus que les grandes organisations hypermodernes demandent à chaque travailleur de faire siens les objectifs de l'entreprise. En retour, les échecs sont également individualisés donc plus lourds à porter pour chacun.



A mes yeux ce livre est très intéressant pour prendre du recul sur ce que nous vivons tous au quotidien dans notre activité professionnelle, à des degrés divers : nous sommes tous concernés par la question du travail car elle est centrale dans l'organisation de nos sociétés. le regard critique de la sociologie clinique permet de comprendre les mécanismes à l'oeuvre. Il permet aussi de rappeler que les ressources humaines sont une idéologie, dont les fondements sont donc contestables, et non pas une vérité comme l'approche positiviste actuelle du management tend ou cherche à le faire croire. En effet, il apparaît très clairement à la lecture de cet ouvrage que le passage de la dénomination de « personnel » à « ressources humaines » n'a été qu'un tour de passe-passe idéologique visant à transformer l'humain en ressource, c'est-à-dire à le « chosifier ». Contre cette évolution, l'auteur plaide la nécessité de la colère, l'expression du mécontentement et des souffrances au travail car si elles ne s'expriment pas, alors nous retournons la violence contre nous-mêmes, sous la forme d'un mal-être, de dépressions, de suicides…

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