Virginie Grimaldi

Je vis parce qu'il le faut, j'existe par automatisme. Je suis éteinte à l'intérieur d'une enveloppe qui fait semblant.

Vivre sans lui était d'une facilité déconcertante, ceux qui ne se remettaient pas d'un chagrin d'amour étaient bien fragiles. Ce n'était pas un homme qui allait mettre un terme à mon bonheur.

Ce n'est pas pour réaliser un rêve de petite fille que j'ai choisi de m'unir à lui pour la vie. Ce n'est pas par fierté que je veux qu'il revienne. C'est parce que c'est lui, parce que je suis plus heureuse quand il est à mes côtés, parce que j'aime ses qualités autant que ses défauts, parce que je fonds en reconnaissant son regard dans celui de notre enfant, parce que sa peau me fait frissonner, parce que sa voix m'apaise, parce que je n'ai jamais autant ri avec personne, parce qu'il sait tout de moi, mes forces, mes failles et mes angoisses, et qu'il m'aime comme je suis, parce que c'est ma main dans la sienne que je veux traverser cette existence.

J'aime toutes nos petites habitudes. J'ai toujours eu peur de la routine, mais avec toi je l'aime. J'aime me brosser les dents en même temps que toi, j'aime voir nos deux paires de chaussures côte à côte dans l'entrée, j'aime sentir tes pieds froids contre mes mollets la nuit, j'aime quand tu t'endors avant la fin du film, j'aime quand tu râles parce que les taies d'oreiller sont froissées, j'aime quand tu me caresses le dos avant de t'endormir, j'aime tous ces petits instants du quotidien avec toi.

A chaque décision que j'ai prise, à chaque réaction que j'ai eue, je me suis demandé si c'était la bonne. Chaque action, même la plus insignifiante en apparence, à des répercussions. Les parents sont des funambules. On marche sur un fil tendu entre le trop et le pas assez, un colis fragile entre les mains.

La vie est devenue ton adversaire, fais-en ton alliée.

J'aime le début des relations. Rencontrer des gens, apprendre à les découvrir, me dévoiler.
Je n'aime pas la fin des relations. Dire adieu, ne plus se voir alors qu'on a cheminé ensemble.

Ce n'est pas que je n'aime pas les gens, c'est que je pourrais m'en passer, un peu comme les navets dans le pot-au-feu.

"- Vous n'avez plus à craindre le malheur. C'est au plus fort de son étreinte que l'on apprécie le plus les choses positives. Lorsque le bonheur est normal, on ne le remarque pas.
Ses monts traversent ma cuirasse et se plantent dans mon coeur. Je prends conscience qu'il a fallu que le bonheur s'échappe pour que je remarque à quel point j'y tenais. [...]
- C'est quand on est est à l'apogée du malheur que l'on apprécie le plus le bonheur".
Cette citation illustre bien la morale de cette histoire de famille loufoque !!!

Nous allons tous au même endroit; autant rendre le chemin plus heureux

Plus tard, quand on les a quitté, j'ai songé que, nous autres humains, serions bien emmerdés si on n'était pas dotés du rire. On serait obligés de toujours afficher nos vraies émotions.

Cette fille est tellement vide que, quand je la regarde, j'ai le vertige.

C'est douloureux, ce passage entre l'enfance et l'adolescence, quand les illusions volent en éclats et que les rêves se fracassent contre la réalité. Je regrette cette candeur confortable, ce monde épargné ou les bobos s'envolent en un dodo. Je regrette cette vie ou je ne savais pas, cette bulle de douceur dont papa et maman étaient les remparts. J'avance vers la majorité en semant de petits cailloux d'innocence. Je ne veux pas tous les perdre. Je ne veux pas grandir.

Je ne suis pas une aventurière. Je n'aime pas les surprises, j'ai besoin de tout anticiper, de tout organiser. L'inconnu m'angoisse, le manque de contrôle me tétanise. Je me suis enfermée dans cette bulle rassurante, les mêmes lieux, les mêmes personnes, les mêmes trajets. Je refuse systématiquement tout ce qui se trouve à l'extérieur de ce périmètre.

Parfois, j'ai cette drôle d'impression que la vie est un jeu vidéo. On commence la partie avec plusieurs jauges d'énergie, la jauge de joie. Sur notre chemin, on va croiser quelques ennemis, faire face à des attaques, parfois se tromper de chemin, sauter sur des bombes, chuter dans des trous, buter contre des obstacles. A chaque fois, nos jauges vont être entamées, mais des bonus "Bonheur" vont nous aider à les recharger. Le bonus "Mariage", le bonus "Naissance d'un enfant", le bonus "Soirée en famille". Ces bonus sont précieux, ce sont eux qui déterminent la qualité de la partie, parfois même sa durée. A la fin de chaque tableau, on doit affronter un gros monstre. Parmi les plus terrifiants, il y a le montre "Deuil", le monstre "Maladie", le monstre "Chômage", le monstre "Rupture". Ceux-là, ils sont coriaces, il faut du temps pour en venir à bout. Même si on y parvient, ils emportent toujours avec eux une bonne partie de chaque jauge. Un jour, les bonus ne sont plus assez costauds pour restaurer la joie, l'énergie et la force.
Je suis jeune, je n'ai pas encore affronté mes monstres. Mes jauges sont loin d'être à sec.

Depuis l'enfance on nous bassine avec l'amour idéal, qui ne connait aucune crise et résiste à tout. Le coeur qui bat la chamade, les papillons dans le ventre, les frissons, la passion...

L'amour était toujours là, bien caché derrière quelques agacements. A force de vivre continuellement avec quelqu'un, on ne voit plus que ses mauvais côtés. C'est comme quand on achète un nouveau vêtement : au départ on l'adore, puis on le trouve fade et on finit par ne plus le supporter. Cela demande un gros effort de ne pas se laisser polluer par les petits détails négatifs. Ils sont usants, au bout d'une vie entière. Mais le plus important, c'est de ne surtout pas croire que l'amour doit être parfait. Ce n'est pas rien de partager son quotidien, ses pensées, sa vie avec une personne. Et puis, s'il n'y avait pas les bas, on n'apprécierait pas autant les hauts !

L'amour, c'est comme un tricot : on enchaîne les rangs tranquillement, on fait de jolies motifs dont on est fier, parfois on focalise sur une maille manquée. Mais en fin de compte, ce qu'il en restera, c'est un pull-over chaud et réconfortant.

Je n'ai plus peur du tout, je suis juste excitée, j'avais oubliée à quel point c'était bon de jouer dans l'océan.

J'aime les couchers de soleil. J'aime lire et je commence toujours par les dernières pages, au cas où je n'aurais pas le temps de lire la fin. J'aime les bons plats. J'aime la beauté de notre monde. J'aime jouer au Scrabble. J'aime les chats. J'aime passer du temps avec mes proches. J'aime les roses quand elles commencent juste à éclore. J'aime l'odeur de l'océan quand il est déchainé. J'aime prendre soin de moi. J'aime m'ennuyer. J'aime croire qu'un jour vous m'écrirez quelques mots qui nous mèneront à conjuguer le verbe aimer au pluriel.