AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Wilfried N`Sondé (213)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Femme du ciel et des tempêtes

Rentrée littéraire 2021 #3



Aux confins de la Sibérie, dans la péninsule de Yamal, un chaman nenets trouve, après avoir été aspiré par un glissement de terrain, la sépulture d'une reine africaine ayant vécu il y a plus de 10.000 ans. Cette stupéfiante découverte provoque un antagonisme fondamental entre protection de l'environnement et l'appétit destructeur des industriels qui prévoient d'installer sur le site même une usine d'exploitation gazière.



L'idée de départ est magnifique, faisant écho à la découverte en 2018, sur l'île de Lolland au Danemark, d'un « chewing-gum préhistorique » : les chercheurs ont réussi à extraire un génome complet sur sa propriétaire, une jeune femme aux yeux bleus et à la peau noire. A partir de là, Wilfried N'Sondé se choisit un casting impeccable : le chaman Noum aidé d'un ami zoologue français, d'une docteure en médecine légale germano-japonaise et d'un anthropologue franco-congolais vs un homme d'affaire mafieux et son sbire. Les deux équipes se lancent dans une course poursuite pour mettre la main sur la sépulture, chacune avec des objectifs complètement antagonistes.



Ce que j'ai le plus apprécié dans cette lecture, c'est sa fraicheur assumée de roman d'aventures, avec des courses-poursuites, du suspense, des méchants, des gentils, sans pour autant que cela tombe dans un manichéisme lourdaud ( un peu quand même à certains moments ) car l'auteur prend la peine de caractériser ces personnages principaux en présentant leurs motivations, plus complexes que de prime à bord. Surtout lorsque le roman d'aventures se mue en conte ou parabole, finalement très premier degré, pour défendre des thèmes forts sur le respect de la nature et l'harmonie entre l'Homme et le vivant, tout en célébrant la solidarité pour sauver la planète, de l'Arctique à l'Afrique. On sent énormément de sincérité chez l'auteur, une vraie honnêteté intellectuelle dans la conduite de son récit, jusqu'à un dénouement qui n'était pas celui que j'attendais mais qui m'a touché par sa candeur optimiste.



Par contre, je n'ai pas du tout accroché avec les interactions sentimentales entre trois des personnages ( une histoire d'amour naissante et une passée pleine de ressentiment ) que j'ai trouvées vraiment plombantes pour le récit ( même si allégoriquement très satisfaisante ). Je trouve que le récit perdait en densité à ces moments-là alors que dès que l'auteur était sur l'aspect aventure, ça repartait. Mais ce qui m'a le plus manqué pour être totalement heureuse, c'est la magie. Quand je pense tombe mystérieuse, je pense à La Nuit des temps de Barjavel, ou plus récemment à le Dit du vivant, de Denis Drummond. J'attendais d'être totalement emportée par la voix de cette reine africaine qui communique avec ses alliées d'aujourd'hui. Je ne l'ai pas été malgré des épisodes de transe plutôt réussies, pas assez portée par une écriture presque trop terre-à-terre pour emmener vers le merveilleux alors que la communication entre les mondes visible et invisible sur fond d'animisme étant complètement dans le sujet. Moi, j'avais envie d'aller dans les étoiles avec un tel sujet.
Commenter  J’apprécie          1034
La Reine aux yeux de lune

Wilfried N’sondé s’est emparé du destin de Kimpa Vita pour écrire une histoire à la fois romanesque et tragique. Cette prophétesse, surnommée la Jeanne d’Arc africaine, a su redonner espoir au peuple du royaume Kongo en proie à des guerres fratricides et dominé par les missionnaires portugais.



D’origine noble, Kimpa Vita reçoit une éducation religieuse chez les jésuites portugais. Baptisée Dona Béatrice, elle se montre rebelle à la règle des missionnaires. En fuite, elle va réunir autour d’elle de fidèles disciples. Grâce à son charisme, elle enseigner à une population subjuguée une religion qui mêle le christianisme aux rites religieux du Kongo. Elle s’en remet à Saint Antoine de Padoue, ce franciscain prêcheur vénéré au Portugal. Comme lui, elle prêche la bonne parole auprès des fidèles.

Sa vie sera courte et tragique, car elle dérange par son magnétisme sur les populations, ce désir d’émancipation et de liberté et son refus de l’esclavage qui sévissait alors.

Une accoucheuse un peu sorcière, Appolonia Mafuta, va l’initier aux rites de la culture du Kongo tout en édifiant sa renommée dans tout le pays. Elle la présente comme la seule capable de réunifier le royaume et de nommer le futur roi du Kongo. Et ça marche !



Wilfried N’sondé a créé une héroïne à la fois mystique et combattante. Il l’investit de pouvoirs occultes, elle dialogue avec l’esprit des morts.

Le récit oscille entre conte onirique et récit historique, le tout mêlé avec subtilité par l’auteur qui pare son héroïne d’un courage et d’une obstination qui étonnent chez cette frêle jeune fille. Elle a aussi un des yeux de lune qui impressionnent jusqu’au roi qui la reçoit :



« Ses pupilles de lune avaient conservé leur légère mélancolie, la lumière blanche qui y brûlait s’était intensifiée et donnait parfois à ses iris un éclat de braise encore plus appuyé. Pedro IV fronça les sourcils lorsqu’il croisa son regard »



Je me suis laissée portée par cette fresque historique et ce personnage hors du commun qui nous montrent le choc entre deux cultures.

On vogue sans cesse entre réalisme historique et interprétation allégorique de la foi.

L’héroïne se raconte, elle est tantôt « je », tantôt « elle », comme pour incarner son dédoublement de personnalité. Dans la vie réelle, elle est à la fois Kimpa Vita et Dona Béatrice, ces deux noms évoquent le mélange des deux cultures, celle de son pays natal le Kongo et celle importée par les missionnaires portugais. Toute cette ambivalence se retrouve dans le parcours initiatique et l’apogée de sa mission de réunification du royaume.

Kimpa Vita est un personnage complexe et flamboyant qui intrigue et passionne.

L’écriture de, Wilfried N’Sondé est au diapason de ce destin singulier et c’est avec une inspiration de conteur qu’il nous entraine sur les traces de la Jeanne d’Arc africaine

Un très beau roman.

Commenter  J’apprécie          680
Un océan, deux mers, trois continents

Voici un roman historique, l'histoire vraie de Nsaku Ne Vunda, né vers 1583, sur les rives du fleuve Kongo .

Orphelin et éduqué par les missionnaires , baptisé Dom Antonio-Manuel lors de son ordination, effectuant un travail local auprès des plus démunis , à l'écoute d'une population déboussolée et terrorisée, il fut chargé par le roi des Bakongos, Alvaro ÏÏ,au tout début du 17° siécle de devenir son ambassadeur auprès du pape Clément VIII au Vatican ...

Il serait la voix des Bakongos dans la lointaine Europe, en quelque sorte le trait d'union de son peuple, afin de traiter sur un pied d'égalité avec les nations européennes restées fidèles au catholicisme .

Animé d'une énergie intarissable, sérieux et cultivé , connaissant le latin , le portugais et le français, vigoureux et endurant, c'est la destinée de ce personnage compassionnel doté d'une foi en Dieu inextinguible , toujours accompagné de sa bible et son crucifix que l'auteur conte.

Sa tâche sera longue, ardue et périlleuse .

Le roi l'a choisi car il est totalement étranger à la corruption et aux intrigues qui gangrenaient les conversations dans les couloirs de son palais à Manza Kongo .......

Las ! Ce candide Africain va connaître au cours de sa traversée à bord du vent Paraclet la pire des horreurs , en découvrant dans la cale des colonnes d'esclaves enchaînés au fer rouge , des femmes, des enfants, des hommes débarqués au Brésil........il va passer par le Nouveau Monde .

Des déconvenues, des péripéties, des épreuves infiniment douloureuses vont mettre à mal sa foi en l'homme et en Dieu !

Loin de sa terre natale il vivra la plus extraordinaire des aventures parmi les paysages et les hommes !

L'auteur nous entraîne dans un voyage dur, tragique , tumultueux , qu'il peuple des souffrances inouïes de cette époque. IL dresse un portrait implacable des conditions de vie de mise en esclavage .......

Roman d'aventures ? Roman historique ? Roman de formation?d'apprentissage ? L'auteur signe un magnifique plaidoyer qui exalte les vertus de la tolérance , de la fraternité, de l'égalité ......

Il y met une ardeur poétique et imagée, à l'aide d'une écriture flamboyante et chaleureuse , ciselée et colorée, lyrique .

Cet ouvrage qui mêle réflexion et aventure , histoire, intemporel et universel a des résonances contemporaines !

C'est ce qui fait sa force .

Mais ce n'est que mon avis, bien sûr .

Merci à Marie , ma fidèle libraire de la taverne du livre à Nancy !
Commenter  J’apprécie          522
Un océan, deux mers, trois continents

J'ai lu quelque part que ce livre est une "ode à l'humanité". C'est vrai que le personnage central est empathique, mené par l'amour de son prochain.... Par contre il ne va pas rencontrer beaucoup d'"humanité" malheureusement.

Ce livre est un plaidoyer centré autour d'un personnage réel. Nsaku Ne Vunda devenu Dom Antonio Manuel, prêtre, va être envoyé par le roi du Kongo en tant que diplomate auprès du Saint-Siège. Nous sommes au début du 17e siècle. Parti de Luanda en Afrique, il voguera vers le Nouveau Monde (le Brésil) sur un bateau négrier. Le récit est très documenté. Si je savais que ce voyage était atroce pour les malheureux embarqués, là il défie mon entendement. Surtout qu'il s'accompagne des questionnements et révoltes du jeune prêtre, noir, comme les esclaves, sur ce bateau de blancs, où il est protégé par son statut. Il s'interroge, se demande où est l'Amour annoncé dans les Evangiles, où est Dieu en fait....

Malheureusement son périple va le mener dans l'Espagne de l'Inquisition où être noir est signe d'hérésie...

Etape après étape, on cherche cette humanité au milieu de la barbarie. Quelques moments de lumière, mais surtout du sombre, de l'horreur....

Un très beau texte, très joliment écrit, pas toujours facile.
Commenter  J’apprécie          506
Un océan, deux mers, trois continents

QUAND ON N'A QUE L'AMOUR POUR UNIQUE RAISON...



Mais qu'était-il parti faire sur cette galère...? C'est, la causticité en moins, ce qu'avait dû songer feu Dom Antonio Manuel, né Nsaku Ne Vunda au Royaume du Kongo et premier enfant du continent dit noir à être envoyé en ambassade officielle auprès du Saint Père de Rome, lequel est alors Paul V. Nous sommes en janvier 1608 et ce bon père originaire du peuple des bakongos, qui vient de vivre trois années d'infamie, de drames, de dérélictions diverses, trois années d'un véritable chemin de croix spirituel, physique, mental et humain, va enfin être reçu par le Pape pour accomplir la mission qu'il s'est à lui-même confiée - assez éloignée de ce que son Roi lui avait mandé au départ -, non pour lui, mais pour tous ces déshérités, ces malheureux, ces hommes de tellement rien qu'on les vend comme des choses, que leur vie ne vaut guère plus que le dernier des objets, pour tous ceux à qui, il lui semble, s'était adressé son Sauveur...



Mais remontons rapidement le cours de cette stupéfiante et terrible histoire : Nsaku Ne Vunda naquit, bientôt orphelin, vers 1583 sur les rives du fleuve Kongo dans l'actuel Angola. Ses parents adoptifs reconnaissant en lui un enfant d'une grande maturité et, déjà, d'une grande sagesse, souhaitèrent qu'il apprenne à lire et à écrire auprès des missionnaires blancs : le destin était en marche. Devenant prêtre - le premier prêtre noir ordonné sans être de famille noble et sans avoir fait son séminaire au Portugal, la puissance occidentale alors "tutélaire" de ce grand territoire africain. Trop populaire, trop inaccessible aux délices du temps, presque déjà trop "saint", trop en décalage sans doute avec les affaires (sordides) du moment, c'est donc à lui que fut confiée, possiblement pour l'éloigner de sa paroisse et de ses ouailles qui ne l'aimaient aussi que trop, la très honorifique mais très pesante charge de représenter le Roi des Bakongos Alvare II, descendant direct du premier roi catholique d'Afrique de l'ouest converti par les européens. L'idée d'alors était d'émanciper le Kongo de la tutelle de plus en plus pesante et délétère du Portugal alors lui-même vassal, de facto, du Royaume d'Espagne - principalement en raison de la traite négrière et des prémices de ce que l'on nommerait plus tard, le "commerce" triangulaire -. Mais ce que va vivre notre jeune prêtre, pour ainsi dire dès les premiers instants avant l'embarquement sur un navire français répondant au nom de Vent Paraclet, commandé par Louis de Mayenne, tout à la fois sévère capitaine et homme d'affaire dénué de toute morale (comment pourrait-il en être autrement ?), c'est ni plus ni moins un aller simple vers l'enfer ! Car, bien entendu, le navire qui doit le mener dans un premier temps à Lisbonne a pour destination première le nouveau monde - plus précisément le Brésil - afin d'y vendre, au prix le plus fort possible, cette cargaison terrifiante qu'un euphémisme abject désignera dans les siècles à venir de "bois d'ébène" : des esclaves, hommes, femmes et enfants !

On peut imaginer ce que ce jeune missionnaire, un représentant de la foi qui prétend être celle de l'amour entre les hommes et qui n'a jamais été confronté directement à cette honte de l'humanité bien qu'en connaissant l'existence, a pu ressentir des mois durant à voir ses propres frères et soeurs, des représentants de son peuple ou des peuples environnants, ayant même couleur de peau - tandis que les blancs du navire montrent à chaque instant combien ils ne font aucun cas de ce que des Senghor ou des Césaire appelleront plus tard, par provocation et amour tout à la fois, la "négritude", ce qui, bien entendu, englobe ce pasteur qui ne mérite qu'à sa soutane de ne point être lui même enfermé, enchaîné et psychologiquement rompu. Ce sentiment terrible de ne pouvoir rien faire pour sauver ses semblables que le goût du lucre a ravalé au rang de simple - mais précieuse - marchandise. Ainsi les esclaves sont-ils tout à la fois incroyablement maltraités, rabaissés, entreposés comme bêtes que l'on mènerait à l'abattoir, de manière à les briser pour jamais, mais tout aussi invraisemblablement mieux nourris que les simples marins, eux-mêmes plus ou moins esclaves de leurs maîtres galonnés, interchangeables, pour ainsi dire superflus lorsque se dressent enfin à l'horizon les côtes brésiliennes : Les matelots coûtent forcément cher, trop cher ! Aussi, s'il en meurt en route (de maladie, de malnutrition, par accident, mauvais traitements ou punition), c'est autant de moins à payer, tandis que les esclaves rapportent, alors, si l'on doit absolument en faire de serviles machines à travailler, il faut absolument qu'ils parviennent de l'autre côté de l'océan en bon état, en perdre le moins possible en mer, en prévision du jour où sera enfin temps de les vendre : l'abjection se niche absolument partout sur de tels navires, y compris dans les résolutions qui paraissent les moins mauvaises...

Le chemin de retour sera à peine plus tranquille, le Vent Paraclet se faisant arraisonner par un pirate hollandais convertit à l'Islam et oeuvrant pour le Raïs d'Alger, bien qu'en réalité commandité par la papauté qui se méfiait de ce capitaine français ayant ses entrées à la cour du trop rapidement convertit Roi de France, Henri IV dit "Le Grand". Exit Louis de Mayenne, donc, et le reste de son équipage : seul Dom Antonio Manuel ainsi qu'un jeune matelot qu'il avait pris en amitié survivront au massacre. Après moult autres péripéties, nos deux compères débarqueront à proximité de Lisbonne. le prêtre trouvera refuge auprès de ceux de sa congrégation mais devra se séparer de son jeune ami... Qu'il retrouvera très vite puisqu'ils décideront de rejoindre l'Espagne afin d'y embarquer vers l'Italie. Hélas, rien ne pouvant se dérouler comme escompté dans cette odyssée, la Sainte Inquisition viendra freiner pour un long moment leur progression, Dom Antonio Manuel se retrouvant même iniquement enfermé dans les geôles de cette institution ignominieuse en raison d'accusations toutes plus improbables et injustes les unes que les autres. Fort heureusement la situation ignominieuse dans laquelle survit le prêtre va être connue du nonce puis du pape - est-ce lié à une ultime intervention du compagnon d'infortune de notre ami bakongo, qu avait réussit à échapper aux fourche caudines de l'inquisition ? Nul ne le saura jamais puisque nous en perdons alors toute trace -, et il sera enfin délivré pour enfin se rendre jusqu'à la ville éternelle, but ultime et que l'on a pu croire un temps inapprochable pour une unique entrevue officielle, et quelle!, avec le représentant du Dieu des Chrétiens sur cette terre. Mais fut-il compris, entendu...?



N'y aurait-il eu que le rythme fou - bien que supportant un grand nombre de pauses qui entremêlent réflexions, expositions diverses, descriptions aussi difficilement supportables qu'absolument essentielles - de cette étonnante histoire que ce livre eût déjà été passionnant. Mais plusieurs éléments, de forme comme de fond, le mettent encore un cran au-dessus de ce qui aurait pu être un déjà excellent ouvrage. Il y a d'abord cette narration, intemporelle et posthume, sous forme de confession à la première personne mais où le narrateur se met de lui-même très souvent en retrait de ce qu'il conte, et qui donne du poids - celui de l'expérience vécue, de la chose vue - à l'ensemble. Il y a, ensuite, ce style, d'une grande élégance, poétique parfois, sensible toujours, précis comme une piqûre dès que c'est indispensable, qui sait se faire vif et rythmé tout aussi bien que lent et majestueux comme on imagine que doit l'être ce fleuve Congo qui baigne les souvenirs du jeune prêtre. Une écriture qui sait aussi, sans aucun mal mais sans excès faciles ni voyeurisme outré, décrire toute l'horreur, toutes les horreurs que l'infortuné héros de ce beau récit décrit sans fard, sans artifices mais avec un profond dégoût, tant de ce qu'il est bien forcé de contempler que du dégoût qu'il a à le vivre sans pouvoir y rien changer. Ce style est riche de mille nuances, riche de mille circonvolutions, riche d'un phrasé tout à la fois simple et savant qui, à lui seul, pourrait faire de Un océan, deux mers, trois continents une belle prouesse dans le monde de la littérature francophone contemporaine, peut-être plus encore de celle strictement française, aux exigences d'écriture souvent médiocres lorsqu'elle n'est pas calamiteuses, qui nous échappent plus souvent qu'à notre tour... Mais le dernier enfant de Wilfried N'Sondé est bien plus que la rencontre entre une histoire et une écriture : d'abord, elle transcende les genres, car qui ne peut y voir un roman d'aventure tout autant qu'un roman d'apprentissage - on lit ici et là qu'il y est question d'un genre de Candide africain, et ce n'est pas non plus erroné - , un roman de vie à nulle autre pareille - et tant pis si cette biographie tient au moins autant de l'invention pure que de la stricte vérité biographique* ? -, un autre aspect de ce texte presque trop court - tant il est haletant, tant on peine à abandonner cet homme aux calamités de son siècle - est qu'il ravira le passionné de récit maritime aussi bien que le féru d'histoire de cette période aussi étrange à nos yeux contemporains que souventefois monstrueuse de ce que l'on appellera "la contre-réforme". Enfin (peut-être ?), une histoire d'amitié d'un intensité rare et d'une douceur presque cruelle tant le lecteur ne cesse d'être bousculé dans ce qu'il est pourtant convaincu d'être en droit de penser ! Ensuite, elle ne cesse d'interroger l'homme et son humanité, l'homme et ses racines, l'homme et ses croyances, par petites touches, presque d'une manière impressionniste, mais l'effet qui en résulte demeure au plus profond de la mémoire bien des jours après avoir refermé l'ouvrage. Enfin, cette histoire est - pardon d'user d'un mot qu'i n'a plus tant que cela bonne presse en nos temps de rationalisme désincarné, de scientisme absolu et triste, cette histoire, donc, procède de la magie !



Magique, oui ! Ce qui l'est strictement - car il s'agit bien ici de magie, blanche, et que l'on nous pardonne si le jeu de mot non voulu pourrait passer pour déplacé, mais qu'il faut prendre seulement dans le sens où c'est de la belle et bonne magie que Wilfried N'Sondé pratique avec grande et juste sapience - c'est que d'autres moins adroits, moins amoureux se serait échoués sur bien des écueils à vouloir trop en faire. Car oui : il en faut de l'Amour pour écrire un tel ouvrage, sans quoi c'est de la haine qui aurait pourrait y naître et, à la toute fin, l'amoindrir, même si la haine eût pu être compréhensible, tant la faute des hommes s'avère à ce point lourde, irrémissible -. Bien que, pour autant, rien ne soit passé sous silence de la monstruosité des hommes contre leurs semblables : des africains qui, contre vil prix, vendirent leurs ennemis puis, par goût du lucre, des représentants de basse caste de leur propre peuple aux blancs dominateurs. Les européens, bien évidemment - hélas, combien de fois hélas ? -, firent commerce de ces pauvres hères transportés dans des conditions infamantes, rompus, cassé, déformés jusqu'au plus profond de leurs âmes, revendus avec bénéfices sonnants et trébuchants de l'autre côté de l'Atlantique, chosifiés, marchandisés, mécanisés - il n'est point cas ici de ceux qui, en bout de course, exploitèrent ces malheureux, mais leur quasi absence pèse presque autant que si l'auteur les avait décrit directement. Il y a cette folie des hommes et de leurs prétendues absolues vérités qui ne sont que Peur, Violence, Refus de l'altérité et que notre bon Père ainsi que son lumineux ami n'auront de cesse de croiser, tant à la cour du Roi des Bakongos que sur le navire négrier ou au Portugal et plus encore en cette Espagne d'un siècle d'Or en voie d'achèvement mais qui sombre de plus en plus dans toute la douleur ignominieuse de la fameuse "Sainte Inquisition". Il n'est jusqu'à Rome et à ses faux semblants, son théâtre d'ombres, de mauvais bougres et d'hypocrites que notre narrateur ne nous aide à percevoir avec sa cruauté tendre et (faussement) innocente.



Il y aurait sans aucun doute encore beaucoup à dire sur ce roman - ce très grand roman au souffle impérieux et empli d'Amour primordial - qui est une des magnifiques surprises de ce début d'année. Qu'il est humain comme rarement. Qu'il allie le conte et la réalité, la légende (on ne peut se remémorer ces pages lues sans repenser au mythe fondateur du Royaume du Kongo, qui est d'une finesse et d'une fraîcheur renversantes) et L Histoire, l'amertume et l'espoir, qu'il est magique et spirituel, bien qu'il mette sans cesse en garde contre tous les dogmatismes, contre toutes les vérités supposément établies, contre tous les jeux de pouvoirs des êtres sur leurs semblables, que ce soit par la foi ou par la force... quand ce n'est pas les deux tout ensemble ! Un livre beau, assurément. Fort, sans concession, mais sans rancoeur inopérante et clivante. Un livre que l'on se dit heureux d'avoir découvert un peu par hasard, un jour de festival du livre, à Binic, par temps de pluie et de dent à quelques encablures de St Brieuc. Un livre qu'on a, assurément, autant besoin qu'envie de partager ! Merci à vous, M. Wilfried N'Sondé.







* La vie du "vrai" Nsaku Ne Vunda, que l'on peut trouver assez aisément sur le net, est tout aussi incroyable et tout aussi tragique que celle du jeune prêtre décrit dans le roman. Mais avouons que l'auteur de ce livre a pris plus d'une liberté d'avec la vie véritable - pour ce qu'on en connait - de ce premier ambassadeur venu d'Afrique noire. Mais, pour plagier ce cher bon Alexandre Dumas, qu'importe que l'on déforme L Histoire pourvu qu'on lui fasse de beaux enfants. Et le rejeton est de toute première force !
Commenter  J’apprécie          456
Un océan, deux mers, trois continents

Hey man, I’m not “une 4ème de couv’ ”!

Babel en a fait une très belle.

What did you expect?



Ici, pour ton bien, quitte ton enveloppe charnelle et transforme-toi en esprit lecteur.

Pour ne pas ressentir les lames qui t’entaillent, les tisons qui te brûlent, la faim qui te taraude les entrailles, la puanteur et la putréfaction à vomir.

Pour que la charogne, la vermine et la peur qui te guettent à chaque page n’engloutissent pas ton corps au fond de ce navire saturé d’esclaves africains en route vers le nouveau-monde.



C’est un océan de souffrances, de violence et de rapacité que tu vas traverser avec un jeune prêtre Bakongo missionné par son roi pour aller plaider la cause auprès du Pape de ces

sous-êtres asservis, humiliés, mutilés, violés, voire morts avant d’arriver.



Le souffle épique de ce roman ne parvient pas à éliminer l’odeur fétide de la cruauté de la cupidité et de l’orgueil des hommes.



« Je fus assisté par une foule de suppliciés, des victimes d’imposteurs prétendant exécuter la loi de Dieu ou inventant d’autres prétextes pour légitimer le mépris de la vie humaine et justifier les pires atrocités. »



Wilfried N’Sondé dévoile avec intensité et talent le destin d’un personnage pur et intègre doté d’une foi inébranlable, ayant réellement existé.



« Mais l’être insignifiant qui m’adressa un regard ne sut que me tendre la pierre précieuse de sa bague. Je venais lui dire les souffrances d’enfants, de femmes et d’hommes oppressés, niés, livrés à l’arbitraire, et lui me réclamait un acte de subordination. »



Tout est dit, ou presque…



Commenter  J’apprécie          410
Le Coeur des enfants léopards

Du fond d'une cellule où il a été placé en garde à vue, un jeune parisien d'origine africaine, tente de rassembler ses souvenirs embrumés par l'excès d'alcool et de défonce.

Parfois, un policier l'interroge, le malmène, le tabasse pour le faire parler.

La plupart du temps il est seul, l'esprit chaviré, ravagé, chargé de rage tout autant que de culpabilité.

La mémoire libère alors son flot de souvenirs : l'arrivée en France, les copains de la cité, la volonté d’intégration, les espoirs, les échecs, l'amour brisé avec Mireille…

Et puis les récits des ancêtres, les esprits africains, les chants venus de loin s’invitent en une complainte des origines dans les brumes éthérées de l’esprit, comme une voix de griot passeur de traditions, paroles de la transmission tantôt apaisantes, tantôt provocatrices ou inquisitrices.

Les contours du drame se dessinent enfin, acte fou, brutal, insensé, commis dans un violent état d'égarement.



Ce roman est un cri, un chant, une voix qui se fait entendre par-delà les murs des prisons.

C'est l'âme d'un jeune noir dont le sort a basculé le jour où il a tué un policier, qui se dévoile peu à peu.

Réalité grise, avenir bouché, l'Afrique comme un fantasme lointain, l'amour qui s'en va, les questions obsessionnelles, la résignation, la révolte...C'est ce lent processus, opprimant, déprimant, tragique, menant à l'acte irréparable, que Wilfried N'Sondé appréhende avec une force et une intensité remarquables, dans une langue chaloupée, poétique, enivrante.



Quelque chose entre rap et slam émerge de ses lignes aux tempos hypnotiques, quelque chose comme un lointain écho des tam-tams africains au cœur de la jungle urbaine, quelque chose comme un chant de brousse qu’on « écoute avec la peau pour entendre les images ».

C’est sans doute parce que Wilfried N’Sondé est aussi musicien et chanteur qu’il réussit à faire des mots des notes qui percutent, qui pulsent, qui s’accordent dans un cri de détresse, de mal-être, de rage impuissante, dans ce chant de débâcle, dans ce roman poignant et singulier, récompensé en 2007 par le Prix des Cinq Continents de la Francophonie et par le Prix Senghor de la création littéraire.

L’auteur d’origine africaine esquisse ici les courbes d’un univers très original empreint d’une musicalité qui saisie et qui remue.

Commenter  J’apprécie          410
Un océan, deux mers, trois continents

Wilfried N’Sondé s’est inspiré de la vie d’un personnage ayant réellement existé, prêtre originaire du royaume du Kongo, chargé par son roi d’aller plaider auprès du pape l’abandon de l’esclavage.

Direction le Vatican donc. Sauf que les impératifs commerciaux régissent les routes maritimes et avant de se rendre en Europe, il faudra faire halte au Brésil…

Né Nsaku Ne Vunda, rebaptisé Dom Antonio Manuel lors de son ordination, cet homme doux, dont la foi en Dieu et en l’Homme semble inébranlable, se retrouve ainsi embarqué sur un navire français, en plein cauchemar.

Sur le pont, il est le seul noir.

Dans les cales du bateau, des hommes, des femmes et des enfants destinés à être vendus au Brésil. Dans les cales du bateau…l’enfer.

La prise de conscience sera brutale.

Voyage terrifiant et initiatique, le périple de Dom Antonio Manuel le mènera de son Kongo natal aux rives du « nouveau monde », du Portugal aux geôles de l’inquisition espagnole, jusqu’à sa destination finale.



Wilfried N’Sondé utilise sa plume comme un pinceau, les images sont promptes à surgir, le plus souvent terrifiantes, mais heureusement, aussi parfois apaisantes.

La langue est belle, empreinte d’une musicalité trompeuse, comme pour panser la cruauté du propos…

Un très beau texte, pour un terrible voyage

Commenter  J’apprécie          400
Un océan, deux mers, trois continents

Quelle épopée ! J’ai été passionnée par cette aventure que nous offre Wilfried N’SONDE. Tout commence dans l’Afrique profonde, sur les rives du fleuve Kongo.



Il nous conte l’histoire de Nsaku Ne Vunda, baptisé Dom Antonio Manuel, fils du Congo. « Non pas de la terre, mais de l’esprit des neuf femmes qui, il y a fort longtemps, donnèrent naissance à mon peuple. »



De nombreuses péripéties vont jalonner sa vie. Il sera éduqué par des missionnaires et ordonné prêtre.



Il aura pour tâche de se rendre à Rome, auprès du Pape après avoir été ordonné ambassadeur par le roi de Bakongos. Sa mission sera de plaider la cause des peuples africains, afin d’éradiquer l’esclavage. Nous sommes en 1600…



Il va devoir quitter son continent, prendre un bateau où ses illusions et sa foi vont être mises à rudes épreuves, il va découvrir l’esclavage, les pirates, la trahison, pour finir, l’inquisition. Il découvrira également les égarements des gens de pouvoir : son roi d’abord et le Pape qu’il rencontrera à la fin de sa vie.



Bien qu’ayant souffert, Dom Antonio Manuel, gardera sa compassion pour ses prochains et tous ceux qui sont morts sous ses yeux. Il les emportera avec lui à tout jamais.



Une écriture profonde qui m’a emportée. J’ai ressenti la passion, la souffrance, l’amour, et enfin la plénitude après avoir lu ce magnifique livre.



On y retrouve l’esprit de Kunta Kinté un des héros principaux du roman Racines d'Alex Haley. Alors que lui a été esclave, Nsaku Ne Vunda assistera, impuissant, à l’exploitation de ses frères, et de ses sœurs, de leur viol, et à la façon de les casser jusqu’à les rendre serviles.



Il se rendra également compte que l’Europe décrite par les missionnaires est loin d’être le Paradis sur terre, comme ils le laissaient entendre et que les petites gens inféodés à des seigneurs, les étrangers ou ceux qui ne sont pas chrétiens ne sont pas mieux lotis que les esclaves.
Commenter  J’apprécie          350
Femme du ciel et des tempêtes

Quand les esprits de la terre envoient un message aux hommes qui la peuplent.

Avec Femme du ciel et des tempêtes, Wilfried N'Sondé, l'enfant de Brazzaville, nous propose un roman entre voyage initiatique et thriller au pays des ours blancs. Enfin, il n'y en a pas dans le livre, mais pour faire court, banquise, froid polaire, vous voyez le paysage. Faut quand même adopter la tenue adéquate avant de se lancer dans l'aventure.

Noum, Chaman de la tribu des Nenets, vient de tomber sur la sépulture d'une reine qui repose là depuis des milliers d'années.

Il pense que cette rencontre n'est pas fortuite et que cette femme, qui semble avoir des origines africaines, est là pour lui confier une mission.

La terre de ses ancêtres est convoitée pour une exploitation de ses sous-sols. On veut en extraire le gaz...

Pour essayer d'empêcher ça, Il fait appel à son ami, le scientifique français Laurent Joubert qui monte aussitôt une expédition.

Commence alors ce fameux voyage dont je parle plus haut qui va vite tourner au cauchemar.

De vilains russes (Eh oui, encore eux) vont tenter de faire disparaître toutes traces de cette découverte.

Un roman qui parle du rapport de l'homme à la nature, pas un hymne à l'écologie dans le sens excessif du terme, juste un appel au respect de notre planète.

À vouloir en exploiter les moindres ressources, où qu'elles se trouvent, ne conduisons-nous pas ce monde à sa perte ?

Un roman de la rentrée littéraire 2021.
Commenter  J’apprécie          330
Femme du ciel et des tempêtes

Livre sélectionné pour le prix Summer 2022 de la Fête du Livre de Bron.



Nous sommes au fin fond de la Sibérie où vient d'être découverte une sépulture apparue lors d'un glissement de terrain. Cette sépulture est d'autant plus intrigante que la reine est noire.

C'est l'occasion pour nous, lecteurs, de pénétrer au coeur de la « nuit ensoleillée » de la péninsule de Yamal, accompagné de Noum, un chaman de la tribu des Nenets.

La Nature est défendue, glorifiée, magnifiée tout au long de ce récit haletant.

Les Humains sont décrits comme de minuscules choses face à cette Nature omniprésente. Leurs qualités comme leurs défauts les serviront ou les desserviront selon les circonstances.

Le suspense se maintient jusqu'aux dernières pages.

Un agréable moment "glacial".
Commenter  J’apprécie          330
Un océan, deux mers, trois continents

Je suis tombée sur ce livre à la bibliothèque. L’illustration de couverture (Michelle Morin) m’a beaucoup plu mais aussi la 4ème de couverture. J’aime les romans historiques qui sortent de l’ordinaire, qui racontent des histoires méconnues de l’Histoire.



Le royaume du Kongo (avec un K) était un empire très vaste qui couvrait les territoires actuels de la RDC, du Congo Brazzaville, de l’Angola et du Gabon. C’est là que vivait Nsaku ne Vunda, un prêtre de la fin du 16ème-début 17ème siècle avant d’être envoyé comme ambassadeur en Europe.



Wilfried M’Sondé nous propose ici une version très romancée des dernières années de la vie de ce personnage historique. Je dis « très » car si on en croit l’article de Biographie Coloniale Belge, Nsaku ne Vunda « partit en compagnie de Garcia Baptista, envoyé comme ambassadeur en Espagne et avec une suite nombreuse. À peine embarqués, le bateau fut assailli par une furieuse tempête. Ils tombèrent aux mains de corsaires hollandais, qui les dépouillèrent de tout. Ils arrivèrent cependant à Lisbonne (1606?), d’où ils écrivirent à Paul V… »



L’histoire narrée par Wilfried M’Sondé est très loin de la vérité.



Nsaku ne Vunda embarque seul à bord du navire négrier Le Vent Paraclet afin d’effectuer son voyage jusqu’au continent européen avec une escale sur les côtes du Brésil afin d’y amener une cargaison d’esclaves africains. Sur la route pour rejoindre l’Europe, le navire est attaqué par un corsaire hollandais. Il parvient à s’enfuir avec son ami Martin grâce à une aide surprenante. Alors qu’il est sur la route pour gagner Rome, d’autres obstacles de taille vont se dresser sur son chemin...



Si on met de côté cet aspect « non conforme à la réalité historique » je dois avouer que j’ai été totalement conquise par le style de l’auteur, et par la qualité de la narration. Nsaku ne Vunda est un personnage qu’il a su rendre attachant, humain sans tomber dans le cliché. Voir l’esclavage avec les yeux de ce jeune prêtre est bouleversant.



« Le spectre de la razzia planait sur le village, la peur d’être enchaîné et de disparaître à jamais. Les paysans tremblaient à l’idée d’être capturés et réduits en esclavage, niés, contraints à servir des étrangers, utilisés puis précipités sans sépulture dans l’abîme de la mort. »



Pour ce qui concerne les histoires de religion de l’époque (Inquisition espagnole, etc) rien ne m’a étonné. J’ai déjà fait le tour de la question.



Un très bon roman que je recommande.



Challenge multi défis 2018 (13)

Commenter  J’apprécie          330
Un océan, deux mers, trois continents

Ce roman retrace le périple de Nsaku Ne Vunda qui voulait convaincre le pape d'intervenir pour que cesse la traite des êtres humains ; nous sommes au début du XVIème siècle.

Nous allons le suivre sur un océan, deux mers et trois continents. Le voyage est intense, révoltant, semé de cruautés et d'abjections.

Rarement, je n'ai lu un voyage en mer faisant commerce d'esclave si bien conté.

C'est aussi un plaidoyer contre la pauvreté, l'hypocrisie et la religion.

C'est un texte qui hurle la souffrance des opprimés, des esclaves, des juifs persécutés ou des femmes violées.

D'une écriture dense, exigeante, presque poétique, l'auteur nous fait toucher du doigt ces abominations.

Je remercie @elisabethGisele qui a déposé ce livre lors du pique-nique Babelio et de la chance que j'ai eu en le piochant.





Commenter  J’apprécie          314
La Reine aux yeux de lune

La Jeanne d'Arc du Kongo



Dans son nouveau roman Wilfried N’Sondé raconte le destin d'une jeune fille appelée à libérer son peuple du joug portugais à l'orée du XVIIIe siècle. Profitant de son initiation religieuse, elle va réussir à ébranler le royaume. Qui va devoir réagir pour conserver le Kongo.



Nous sommes en 1685 au Kongo. Le pays est alors sous domination portugaise et la proie d'un trafic d'esclaves de plus en plus effréné, plongeant les rescapés dans une situation de plus en plus précaire. C'est dans cette contrée misérable que naissent deux sœurs jumelles. Et si l'une ne survit pas, l'autre va se montrer vaillante et volontaire. Si sa stature n'est guère imposante, ses yeux de lune impressionnent tous ceux qui échangent un regard avec elle. Très vite, elle va jouir d'un statut particulier qui va la conduire à figurer parmi la douzaine de jeunes filles appelées à suivre une formation religieuse au sein d'un couvent érigé dans le but de propager la foi chrétienne dans cette contrée animiste.

Dona Béatrice, comme on l'appelle alors, va si bien réussir qu'elle ne tarde pas à devenir l'effrontée, car elle met les enseignants face à leurs contradictions, prêchant l'égalité et la solidarité et pratiquant le pillage des ressources et des hommes. Du coup, elle devient de plus en plus ingérable à mesure que sa notoriété grandit. Pour la «jumelle née de la guerre» l'heure est venue de réaliser la prophétie. C'est sous ce nom donné à sa naissance – Kimpa Vita – qu'elle est initiée : «Le maître s’agenouilla devant moi et me découvrit la tête. Il prononça d’étranges incantations, frotta mon corps avec des feuilles à l’odeur répugnante. Je ne résistai pas lorsqu’on badigeonna mes paupières du reste de la mixture piquante censée m'’insuffler une vie nouvelle. Une poule blanche fut décapitée, son sang rougit mon visage, et des masques furent disposés tout autour de moi. Malgré les tentatives pour m’ensorceler, m’exciter ou me pousser à réagir, je restai de marbre. Aux premières notes de tambour, on me permit enfin d’ouvrir les yeux. Kimpa Vita avait réussi. J’avais traversé les difficultés, avais maintes fois ressuscité. J'étais prête, me tenais sur mes deux jambes, seule face aux anciens initiés, au maître. Appolonia était également présente, cette fois j’en étais certaine ; elle avait veillé sur moi tout au long de l’épreuve. Tous s'étaient allongés à mes pieds et restèrent immobiles après avoir recouvert leurs corps de poussière. Je pris conscience de ma solitude: j'étais la seule candidate à être allée au bout de l'initiation.» Dès lors son sort est scellé. Elle va prendre la tête d'une insurrection qui ne dit pas nom, mais qui jour après jour gagne en importance et va la mener jusqu'à São Salvador où son aura fait des miracles. Mais inquiète la couronne et les religieux qui ne peuvent laisser cette «sainte» leur faire de l'ombre. Quand une vieille paysanne vient défier le roi Pedro IV, «J'ai aussi pour mission de vous annoncer que le ciel a envoyé un sauveur, une demoiselle, une vierge. Une fois le pays réunifié, elle seule désignera le futur et unique roi: le prochain Mani Kongo. De sa bénédiction dépendra aussi la victoire de votre armée, roi Pedro IV. Tous devront lui obéir. Le Tout-Puissant lui-même s’exprimera par sa bouche!», c’en est trop.

En retraçant le parcours de cette Jeanne d'Arc africaine, Wilfried N’Sondé montre l’aspiration d'un peuple à la liberté, mais aussi le poids des traditions et le mélange des cultures qui en résulte, mais aussi de la volonté des puissants à faire étalage de leur force, quitte à fouler aux pieds les principes qu'ils affirment vouloir défendre.

Le tout raconté avec cette langue chatoyante et sensuelle que l'on retrouve dans Un océan, deux mers, trois continents, roman qui avait aussi mêlé le métissage et la violence, le parcours initiatique et la douleur. Et voilà soudain l'aube du XVIIIe siècle en pleine actualité. Et si l'Histoire semble bégayer, elle est aussi là pour que l'on puisse la regarder en face.




Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          300
Femme du ciel et des tempêtes

Dans la péninsule de Yamal un chaman de la tribu des Nenets découvre la sépulture d’une reine à la peau noire. Conservée sous le permafrost depuis des millénaires elle ressurgit là comme par miracle aux yeux de Noum. Il tient peut-être la clé pour empêcher l’exploitation gazière qui va bientôt défigurer son territoire d’une pureté encore préservée dans ce bout du monde de Sibérie.



Son ami français, zoologue, s’empresse de venir sur place avec deux autres scientifiques, l’une germano-japonaise, docteure en médecine légale, l’autre anthropologue, d’origine congolaise.

Ils sont compétents, ils ont des idéaux. Des rêves d’accomplissement personnel, de découverte scientifique, de sauvetage de la banquise en détresse, de révélation de l’histoire de la vie.

Mais face à eux, un ogre russe sans foi ni loi, sans l’ombre d’une pensée pour la préservation de l’environnement, fera tout pour leur mettre de bâtons de dynamite dans les roues de leur projet fantastique.



Au début j’ai pensé au roman La nuit des temps mais j’ai assez vite déchanté. Je n’ai pas été happée par le rêve millénaire venu de l’aube, mais plutôt ballotée par des scientifiques un peu fades, individualistes, ne sachant pas vraiment saisir l’opportunité de changer en profondeur, de se secouer, de s’oublier, de saisir la perche qui leur était tendue pour changer le cours de la vie, de tendre vers leur idéal.

Noun, le chaman Nenets, n’a malheureusement pas la trempe des anciens de sa tribu. Trop imbibé ou abîmé par son passé dans l’armée soviétique, il peine à retrouver la pureté de ses racines, la sagesse ancestrale.

Le mafieux russe n’en parlons pas…



L’histoire se perd dans une leçon sur l’écologie, sur l’environnement. Même la reine à la peau noire parle comme un professeur d’université face à ses élèves ou une journaliste d'un reportage sur les dangers de l'industrialisation sans frein. Il lui a manqué une aura fantastique, quelque chose qui nous bouscule, une image qui nous emporte ailleurs dans un temps oublié où la pensée serait autre, où les mots auraient un goût insoupçonné. On dirait que le temps ne s’est pas écoulé depuis sa mort.



Et puis la fin… je ne sais pas, comme coupée nette, comme déviée. Mais, pourquoi pas. Il y a aussi là un message. Peut-être celui que les hommes, aussi portés par les idéaux grandioses qu’ils soient, ne sont plus capables ni d’écouter le passé ni d’écouter le vivant pour préserver l’avenir. Alors les personnages du roman de Wilfried N’Sondé sont les anti-héros d’une histoire perdue d’avance.



La couverture est très belle et le titre envoûtant. Parfois les descriptions de la toundra, de l’éveil de la nature dans ce printemps glacé, l’évocation de ce peuple ami des rennes et gardien de la beauté du vivant m’ont donné l’espoir de m’évader, de trouver une aventure, un voyage. Plutôt déçue par les personnages qui ne sont pas à la hauteur dune telle aventure, comme si on avait choisi les mauvais acteurs, que leurs dialogues n’étaient pas tout à fait adaptés à la magie glacée, claire-obscure, à la spiritualité envoûtante, à l’imaginaire déraisonnable, perturbant. Mais, comme je l'écris plus haut, l'auteur avait peut-être une autre vision dans sa poche, une approche moderne, celle de la magie perdue.



Je remercie l’équipe de Babelio pour ce livre reçu dans le cadre du défi d’écriture.







Commenter  J’apprécie          300
Un océan, deux mers, trois continents

Que de puissance dans ce roman se déroulant au début du XVII eme siècle et qui a , malheureusement toujours , des résonances actuelles .



Orphelin, le jeune Tsaku Ne Vunda , né sur les rives du fleuve Kongo, après de brillantes études est ordonné prêtre et baptisé Dom Antonio Manuel . C'est un homme à la foi vissée à l'âme et à l'ambition modeste de retourner dans son village aider les plus démunis et construire une chapelle .

Mais il est choisi par le roi du Bakongo, Alvare II , pour être le premier prêtre noir présenté au pape et pour représenter le peuple Bakongo au Vatican et ainsi, pense le souverain, échapper au pouvoir trop puissant des portugais .

Le voyage ne se déroule pas vraiment comme le pensait Dom Antonio , car le bateau Le Vent Paraclet sur lequel il embarque pour Rome , navigue d'abord vers le nouveau monde , et pour cause, les cales sont remplies d'esclaves noirs qui doivent être vendus avant de gagner les côtes européennes .



Le jeune homme assiste, impuissant , au drame de ces enfants, femmes et hommes entassés dans des conditions effroyables et traités comme du bétail avec cruauté par l'équipage .

Une fois sa cargaison débarquée au Brésil, le Vent Paraclet reprend la mer pour le Portugal mais c'est sans compter l'attaque de pirates assoiffés de sang et de pillage et le périple continue pour notre homme qui va également connaitre les geôles de l'Inquisition espagnole.



Si sa foi vacille parfois, si le courage de devenir un homme et non un instrument passif envoyé par un petit monarque ne lui vient que tardivement , les épreuves qu'il subit lui donnent l' énergie pour dépasser la souffrance et vouloir être le porte parole contre l'esclavagisme même si tous les enjeux politiques et financiers le dépassent complétement : sa conviction est ancrée profondément .



Un beau roman plus complexe qu'il n'y parait sur le cheminement d'une conviction qui devient le combat d'une vie .
Commenter  J’apprécie          290
Berlinoise

Un coup de foudre au pied du mur de Berlin le jour où il se brise et c’est le début d’une odyssée sensuelle et pleine de promesses pour Stan venu à Berlin passer le réveillon. La chute du mur de la honte ayant entrainé avec lui la chute de tout un monde clivé et obsolète, pour laisser la place à un monde épris d’audace et de liberté.

Pris dans ce tourbillon des sens, ivresse collective et vertige d’un monde nouveau, Stan a ainsi renoncé à son costume de prof d'allemand en banlieue parisienne devenu trop étriqué lorsqu’il a pris conscience des possibilités offertes par cette ville où tout était à réinventer.

Entre insouciance et âpre réalité, entre frénésie et soif d’infini qui se heurte à ses limites, tout se mélange, les tempéraments et les histoires se nourrissent de l’effervescence ambiante comme si la ville imprimait son nouveau visage aux "défricheurs" en quête de liberté absolue venus s’installer ici.

Stan et Maya n’y échappent pas. Wilfried N’Sonde dépeint une histoire d’amour incandescent qui unit deux êtres, les bouscule, les sépare, les réunit, leur dessine un périple qui leur fera saisir le sens des choses ou le perdre. Avec une écriture lumineuse et inspirée, l’auteur scrute plus particulièrement le reflet de Maya, impétueuse et insaisissable, ardente et magnétique dans le regard de Stan avec la même intensité que le reflet de Berlin l’insolente. Et avec cette vision confondante, le lecteur voit indifféremment du désir, de la passion, de l’incompréhension, de la violence, de la désillusion …car au-delà des mots qui donnent vie à Berlin, c’est le récit de n’importe quel amour singulier_pour une femme, une ville, une idée de la liberté_ qui comporte le secret de l’éblouissement et de la destruction en son sein.





J’ai été séduite par la sensibilité de l’auteur et cette écriture riche et féconde qui invite le lecteur à une sorte d’expédition par les mots, une plume ample et puissamment sensuelle pour dire la complexité et la fragilité des sentiments ainsi que la folle destinée des personnages. Wilfried N’Sonde a su trouvé la petite musique qui illumine les existences de chacun de ses protagonistes, déployer les histoires intimes et ainsi balayer mes premières impressions d’intrigue indigente camouflée derrière un style volubile.

Mais ce qui est fascinant chez l’auteur c’est ce langage capable de renvoyer des images qui matérialisent sous nos yeux cette histoire d’amour à deux à trois avec Berlin comme personnage à part entière.

Belle surprise.

Commenter  J’apprécie          293
La Reine aux yeux de lune

Wilfried N'Sondé, romancier multi-primé né à Brazzaville, mais qui vit depuis quelques années à Lyon, s’empare du destin tragique de la reine du royaume Kongo et prophétesse de l’unité africaine, envoyée par les capucins sur le bûcher pour hérésie et brûlée vive le 4 juillet 1706. Au fil de ses romans, Wilfried N'Sondé revisite l'histoire du continent noir, et de préférence ses pages escamotées.



Ici, il s'empare du destin d'une reine congolaise du 17e siècle en avance sur son temps qui voulait disposer librement de son cœur et son corps à travers le destin tout à la fois incroyable, violent, mystique et libérateur de la jeune Kimpa Vita. Kimpa Vita, cette « magicienne guerrière » qui, au XVIIe siècle, tenta de rendre sa grandeur au royaume Kongo.



Royaume structuré, fort d'une hiérarchie et d'une philosophie de vie animiste, le Kongo – actuels Angola, Gabon, et les deux Congos – est alors aux prises avec la politique expansionniste des Portugais. Face à la déstabilisation du royaume et au chaos qui s'ensuit, Kimpa Vita s'érige en résistante pour se vouer corps et âme à son peuple, les Bakongos…







Doué d'un indéniable art de conter, avec une plume poétique et parfois cruelle, Wilfried N'Sondé dévoile une héroïne hors du commun, utopiste, dotée du don de résurrection, dans un récit aux allures de conte universel à la manière d’un Laurent Gaudé dans La Mort du roi Tsongor.

Les rêves d'émancipation de l'héroïne font douloureusement résonner ce roman historique avec l'actualité : impossible de ne pas penser à ceux qui ébranlent aujourd'hui plusieurs pays africains.




Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          280
Un océan, deux mers, trois continents

Ce roman au titre évocateur relate le destin de Nsaku Ne Vunda, orphelin né à la fin du XVIe siècle sur les rives du fleuve Kongo, éduqué par les missionnaires chrétiens, baptisé sous le nom de Dom Antonio Manuel et ordonné prêtre avant d’être élevé à la fonction d’ambassadeur du roi des Bakongos auprès du pape. Une statue de marbre noir a été érigée à son effigie à Rome. Ce récit à la première personne, grandement romancé mais inspiré de faits historiques, relate le périple d’un homme habité par sa foi et porteur d’une mission capitale pour l’avenir de son peuple.



J’ai été emporté par la plume poétique et vivante de Wilfried N’Sondé qui fait de ce roman tantôt un récit d’aventures, tantôt un récit de formation aux allures de conte philosophique. Véritable Candide africain, cet homme humble catapulté ambassadeur d’une nation est admirable par sa foi et sa détermination à accomplir sa mission, par sa confiance en la nature humaine et en sa capacité à améliorer sa condition. À travers ses yeux ébahis, innocents et blessés, nous découvrons les horreurs de l’esclavage, la corruption par le pouvoir et l’argent à tous les niveaux de la société et jusque dans la maison de Dieu. Il traversera un océan, deux mers, et trois continents dans l’objectif de défendre une haute cause devant le Saint-Père. Douleurs et désillusions se multiplieront sur son chemin, mais il verra aussi la lumière à travers la noirceur insondable de l’âme humaine, une faible lueur permise par l’amitié et l’espoir.



Si le rythme du roman peut paraître inégal voire déséquilibré, se dilatant dans sa première partie pour se concentrer ensuite, c’est sans doute pour mettre l’emphase sur les horreurs d’une interminable traversée, avec dans le ventre d’un bateau, une cargaison d’êtres humains voués à l’enfer. L’angle pris par l’auteur pour décrire l’esclavage montre que l’ignominie n’est pas qu’une simple question de couleur de peau. L’avarice et les appétits de domination sont des poisons universels contre lesquels doit s’élever le courage d’esprits humanistes.
Commenter  J’apprécie          280
Femme du ciel et des tempêtes

Il s'agit d'une histoire d'aventures et d'amour dans le grand nord sibérien. Un chaman au passé mouvementé découvre la sépulture d'une reine africaine au beau milieu de la toundra. Cette découverte lui permettra-t-elle de s'opposer aux projets extractivistes qui menacent son univers ? Les autres autochtones se réveilleront-ils enfin ?

Ce roman écologiste est bien dans l'air du temps. Celles et ceux qui adorent la littérature fantastique l'apprécieront.

Pour ma part, malgré quelques poncifs et caricatures, j'ai trouvé ce récit intéressant dans l'ensemble, en particulier par l'épopée dans laquelle il nous embarque et les remarques sur la nécessité pour l'homme de préserver son milieu naturel.
Commenter  J’apprécie          280




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Wilfried N`Sondé (891)Voir plus

Quiz Voir plus

Le portrait de Dorian Gray

Quel est le prénom du frère de Sibyl Vane?

Marc
Henry
James
Louis

14 questions
458 lecteurs ont répondu
Thème : Le Portrait de Dorian Gray de Oscar WildeCréer un quiz sur cet auteur

{* *}