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Critiques de William Shakespeare (1644)
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Beaucoup de bruit pour rien

Quelle pièce géniale !



Je ne m'en lasse pas. Les réparties de Benedict et de Béatrice sont une vraie partie de tennis utilisant des saillies comme balle. Et le constable Dogberry, qui en est resté au stade du prototype du point de vue du raffinement, passe son temps à exprimer sa pensée avec des phrases qui signifient tout à fait l'inverse. Bref, on se marre.



Mais je me rends compte que vous ne connaissez peut-être pas l'histoire. Le gouverneur de Messine Léonato reçoit le prince d'Aragon Don Pedro et ses favoris Claudio et Benedict. Les accompagnent Don Juan, le frère du prince récemment revenu en grâce, et deux de ses séides. Un amour se développe entre Claudio et Héro, la fille de Léonato, tandis que les deux « ennemis » Béatrice, nièce de Léonato, et Benedict croisent le fer verbal. Benedict est un gros dragueur qui attire l'attention sur lui alors que Béatrice est une féministe qui n'envisage pas être dominée pas un homme (encore moins de se marier). Ses réparties blessent plus que l'épée, et Benedict est son souffre douleur. Mais Don Juan, qui déteste tout le monde ici, va avec ses séides monter un stratagème pour dégrader la vertu de Héro et laisser jalousie, colère et honneur bafoué se développer de tout côtés. Le montage sera dévoilé par le constable Dogberry et le guet.



Le plus impressionnant dans cette pièce est ce passage brutal de la comédie vers la tragédie féroce, qui déconcerte. Imaginez, vous êtes en train de rire et, d'un coup, le ton change et vous comprenez que l'inimitié est réelle, ce qui vous laisse sans voix, profondément gêné. L'agression de Don Pedro et Claudio sur Héro est abominable, malgré ce qu'ils ont vu (ou croient avoir vu, qui en fait n'est qu'une mise en scène fomentée par Don Juan). En parallèle apparait Dogberry, son langage inversé et ses hommes qui maintiennent le ton de comédie en contrepoint. On oscille entre les deux avec désarroi et bonheur.



Si le sujet vous intéresse, vous pouvez aussi regarder l'excellent film de Kenneth Branagh. Il y joue Benedict. Denzel Washington est Don Pedro, Emma Thompson Béatrice, Keanu Reeves Don Juan, Michael Keaton Dogberry, Kate Beckinsale Héro et Robert Sean Léonard Claudio.

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Hamlet

Un classique lu pour répondre à un item du « challenge Multi défis 2021 ».



En effet, j’aime beaucoup le théâtre, mais le théâtre comme « art vivant », avec les comédiens, les décors, la mise en scène et l’émotion du public. Alors lire un texte de théâtre me semble bien aride, il manque vraiment de chair…



J’ai quand même apprécié cette traduction moderne de Hamlet, par un homme de théâtre ontarien. Le texte original a été raccourci pour entrer dans les deux heures d’une pièce normale et les personnages parlent un français d’aujourd’hui. L’auteur se permet même de faire parler les fossoyeurs en langue populaire.



Je ne peux sûrement pas apporter une critique originale sur le drame de Shakespeare lui-même, un chef d’œuvre dont les citations ont survécu au temps : « Être ou ne pas être… » ou « Quelque chose est pourri au Royaume du Danemark ».



Une tragédie dans un décor de rois et de reines, de meurtres et d’honneur à venger, mais des réflexions qui continuent à hanter le monde moderne.

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Le roi Lear

Voilà un exercice difficile : faire un commentaire de ce "Roi Lear" mythique de W Shakespeare.

J'ai lu il y a très longtemps "Hamlet" et "Le songe..." En bonne française j'ai été biberonnée au théâtre classique avec les fameuses 3 unités (temps, lieu, action : des années que j'ai quitté collège et lycée et je m'en souviens encore !). Alors lire Shakespeare, c'est toujours désarçonnant.

J'ai toujours cette sensation d'une tornade, d'un bouleversement face à ses pièces.

.

Le challenge solidaire propose de lire une oeuvre de ce magistral auteur. Laquelle choisir ? MacBeth ? Othello ? Je me suis dirigée vers cette pièce dont (à ma grande honte) même l'intrigue m'était inconnue.

Un père, ses trois filles. Un roi qui veut donner son royaume à celle qui le chérira le plus. Un roi qui va découvrir l'hypocrisie, la fourberie, la folie.

C'est étonnamment moderne, juste. Mais aussi pas toujours facile à lire. Aussi bien dans le style, que dans les scènes de violence (encore une fois du jamais vu dans les pièces de Racine étudiées lors de mon parcours scolaire....). Mais au fond c'est tristement plus proche de la réalité.

Merci au challenge solidaire de m'avoir motivée à lire cet auteur !

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Hamlet

Vengeance, trahison, amour perdu, loyauté, perfidie, pouvoir, mélancolie, folie et surnaturel. Tout est dans ce petit livre de 128 pages.

Ce classique de la littérature anglaise, datant du 16è siècle, est encore aujourd'hui, lu et joué. Sa force ? chaque lecteur peut s'identifier à un des personnages de cette pièce de théâtre.

Shakespeare a été l'un des premiers écrivains (si pas le premier) à ajouter le côté psychologique à ses protagonistes et à inclure toutes les catégories sociales. Dans Hamlet, cela va des rois, reines et leurs descendances, aux conseillers diplomatiques, aux officiers, en passant par les fossoyeurs et les comédiens.

Et c'est pourquoi ses oeuvres sont encore tant appréciées, étonnamment actuelles.
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Richard III

Richard III

Comme le beau est toujours bizarre, le mal est toujours scénique.



Le mal, le diable, la laideur.Tout Richard, duc de Gloucester, en somme !



A plus d'un titre, Richard est la quintessence du personnage théâtral.



Il révulse le regard. Contrefait, boiteux, difforme, bossu : les femmes s'en détournent avec dégoût, les enfants le fuient avec horreur, les hommes le haïssent ou le craignent.



Il exsude la méchanceté. Sur les griffes qui lui servent de mains : tout le sang de sa famille. Il faut dire que le contexte historique a tout pour lui convenir : la guerre des Deux- Roses, celle des Lancastre et celle des York, n'a de poétique que le nom, c'est en fait une interminable suite de forfaits, de meurtres, de trahisons, de guet-apens, de guerres civiles…



C'est un alambic d'abominations. Dans sa tête perverse, Richard ourdit les pires traîtrises, les crimes plus sanglants, les plus détestables : son frère, Edouard, est roi- mais il est malade. Il a des fils, mais ils sont bien jeunes. Il a une femme, mais c'est une roturière mal vue à la cour. Il rêve de les mettre au pas ou de les envoyer au trépas !



Il est la fausseté personnifiée. Son amitié est grimace, sa familiarité, dangereuse. Richard a un autre frère, Clarence, mais c'est un naïf, un ami, le duc de Buckingham, mais c'est un ambitieux à tenir à l'oeil.. – frère ou ami, tous ne sont que des pions sur son échiquier diabolique.



Le jour où ce crapaud difforme et venimeux se découvre capable de séduire, par le seul pouvoir de son verbe fielleux, la belle Lady Ann, veuve du prince de Lancastre -qu'il a pourtant proprement expédié- et qui est donc archi prévenue contre lui, ce jour-là est son épiphanie : plus rien ne l'arrête, la bête sort de sa tanière et dévore tout sur son passage.Le mal se déchaîne.



Le duc de Gloucester est couronné roi et devient Richard III au terme d'un chemin plein de sang et de fureur.



Mais la vieille reine Marguerite, la veuve du bon roi Henri V-, lui aussi dépêché par les York- éclate en imprécations et en sombres prophéties : le crapaud et tous ceux qui l'ont approché, aidé, servi, finiront dans la gorge de la Mort…



Les crimes de Richard ne resteront pas impunis…



Une grande tragédie de Shakespeare, la plus grande peut-être, la plus noire, sûrement. Je l'ai vue souvent au théâtre – et aussi au cinéma : en version classique chez Laurence Olivier, modernisé et nazifié chez Richard Longcraine et enfin quasiment ontologique chez Al Pacino dans Looking for Richard. Mais jamais je ne l'ai vu comme hier soir, à l'Odéon, dans la mise en scène électrique de Thomas Jolly !



Imaginez un Richard III sorti d'une caricature infernale de Hiéronymus Bosch, ou de Brueghel l'Ancien mais tatoué comme un rocker, inquiétant comme un vampire, narcissique comme une rock star, et dangereux comme un Alien…



Imaginez la fameuse scène du face à face entre Richard et la reine Elizabeth, mère des malheureux enfants d’Édouard assassinés à la Tour de Londres,se défiant sur un plateau animé seulement par un réseau fluctuant de rayons lasers qui cerne et capture peu à peu le personnage rétif et très fort de la reine, jusqu'à sa capitulation finale…



Imaginez la scène non moins fameuse où Richard s'écrie : « Mon royaume pour un cheval ! », avec un "vrai" cheval, immense et fantômatique.



Imaginez la scène de malédiction des victimes de Richard - "Désespère et meurs ! » - dans un tressautement hystérique de lampes stroboscopiques !



Toute cette démesure, ce baroque, cette frénésie, loin de tuer le tragique comme on pouvait le craindre, le galvanise au contraire, le cravache, en épouse les débordements, en explore les sombres abysses, en dévoile la folie exacerbée…



Au final, je n'ai jamais vu salle plus enthousiaste ..



Beaucoup de jeunes spectateurs ont compris ce soir-là ce qu'était l'absolu génie de Shakespeare, « notre contemporain » comme disait Jan Kott…

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Le Roi Jean

Autant vous avertir, je ne suis pas objectif avec Shakespeare ; je l’aime trop ! Mais je suis loin d’en avoir fait le tour car la diffusion de son œuvre en poche est largement incomplète, surtout en ce qui concerne ses pièces historiques.

Mais j’ai la chance de côtoyer des gens qui me connaissent bien. L’une d’entre elles m’a abonné à la collection des œuvres complètes de Shakespeare traduites par François-Victor Hugo, qui est publiée par Le Monde en ce moment. Qu’elle en soit bénie !



J’attaque la collection avec ce Roi Jean que j’ai dégusté. Elle conte l’essentiel des démêlés de ce Plantagenêt avec les Capétiens et la papauté. La saveur est multiple, un peu comme dans ces chocolats autrichiens géniaux à plusieurs couches – les Mozartkugeln (essayez, vous m’en direz des nouvelles). On a droit à l’Histoire du tournant du XIIIème siècle contée par un auteur de théâtre élisabéthain du tournant du XVIIème et traduite par le fils d’un auteur français du XIXème : vous imaginez les interprétations enchâssées comme des poupées russes.



La pièce tourne autour de la mainmise de Jean sur le trône d’Angleterre, qui floue au passage son neveu Arthur, de la guerre avec la France qui s’ensuit et de la volonté de Jean d’assassiner Arthur une fois ce dernier entre ses mains. Accords, proclamations d’amitié indéfectibles, tourne-casaques, trahisons, on a droit à tout. Ces évènements (et j’en oublie beaucoup) sont historiques, mais afin de les faire tenir dans une pièce Shakespeare distord le temps et efface les années si bien qu’on en garde l’impression d’une aventure de quelques jours.

Shakespeare n’est pas aussi contraint que les Classiques français qui seront obligés de se conformer à un canevas-carcan, de tirer des vers taillés au cordeau comme les feuillages d’un jardin français. Sa prose est plus libre, plus sauvage, elle respire comme la Nature dans un jardin anglais, et elle fait mouche aussi bien. La réduction du temps de règne de Jean qu’il réalise vient à l’appui de la force tragique de la fin du récit. Dans la mort de Jean, la pièce montre clairement la justice divine s’abattant sur le pêcheur assassin de son neveu et négationniste de la papauté. Cela aurait été beaucoup plus dur de justifier plus d’une décennie de règne avant que Dieu ne manifeste sa colère.



Le roi Jean meurt empoisonné par un moine, l’Histoire le dit et Shakespeare en est très satisfait : la sanction divine tombe mais la main du bourreau n’est pas française ; ce n’est pas l’Étranger honni qui abat le roi d’Angleterre. A plusieurs reprises Shakespeare interprète les faits à l’aune de l’Histoire de son temps, par exemple la tirade de Jean contre la papauté qui fait écho à l’Angleterre de la Renaissance prenant ses distances avec Rome. Son nationalisme explose dans l’inimitié de Philippe Faulconbridge, bâtard de Richard Cœur de Lion (personnage délicieux dans la pièce), envers l’archiduc d’Autriche qui emprisonna son père. Dans ses notes, François-Victor Hugo voit dans la pièce une allégorie de l’histoire de Marie-Stuart avec Jean dans le rôle d’Élisabeth Ière. Le traducteur n’est pas le dernier à faire comme Shakespeare, utilisant ses pièces sur les tyrans comme autant d’armes contre Napoléon III.



Il y a plein d’autres choses dans cette pièce, dans la diversité de caractère des personnages, dans les tirades tragiques ou comiques, dans les leçons morales, mais il faut savoir s’arrêter. Vous l’avez compris : je ne suis pas objectif.

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Mesure pour mesure

Allez une petite comédie de Shakespeare pour finir l’année : Mesure pour mesure.



Comment, vous ne connaissez pas ? Ben moi non plus. On ne peut pas dire qu’il s’agit de la pièce la plus célèbre de l’auteur. Peu jouée en France, pas adaptée au ciné (enfin, si mais ailleurs, en Bulgarie ou en Allemagne d’après la fiche Wikipédia).



Pourtant le pitch est sympa. Dans une Vienne autant autrichienne qu’imaginaire, le duc décide de tenter une expérience de gouvernement grandeur nature. Il laisse son pouvoir à son lieutenant-gouverneur Angelo et part soi-disant on ne sait où. Angelo a pour instruction d’appliquer sérieusement la loi qui jusqu’ici était en permanence bafouée du fait d’une grande tolérance. Le duc veut justement voir l’effet d’un serrage de vis mais sans en être taxé responsable ; c’est déjà un peu relou. En fait le duc va rester observer les événements sous l’identité d’un moine.



Angelo applique la loi sévèrement. Il est lui-même sans faiblesse et peut se placer en exemple, croit-on. Mais quand il fait arrêter Claudio – qui a mis sa Juliette à lui enceinte avant le mariage – la sœur de ce dernier, vierge qui souhaite se donner à Dieu, vient plaider sa cause. Et Angelo craque. Il propose à Isabelle de sauver son frère si elle s’offre à lui. Il a beau savoir qu’il bafoue la loi qu’il applique sans concession à Claudio, il ne peut résister à son désir.

Le duc qui voit les choses déraper va monter un plan emberlificoté et très « théâtral » pour arranger la situation, ouf. Le petit jeu de dupes est assez savoureux à lire, je dois dire. Pourtant la comédie a un arrière-goût moral assez amer. Car le duc, ayant dévoilé son identité et réglé la situation pour Claudio, fait preuve d’une clémence envers Angelo non dénouée d’arrière pensée, dans la mesure où il va à son tour faire une proposition indécente à Isabelle. Tsss !



La pièce ayant d’abord été jouée devant Jacques Ier, je me demande quel était le message pour ce roi. Shakespeare – qui se doit normalement de caresser son souverain dans le sens du poil – a-t-il voulu exacerber l’intelligence et la clémence des rois ? A-t-il voulu montrer que l’absolutisme peut tout se permettre (la monarchie d’Angleterre n’est pas encore constitutionnelle à l’époque) ? Je n’ai pas de réponses ; voire je ne sais même pas si mes questions font sens, lol.



Il y a évidemment des passages de pure comédie, à travers une histoire secondaire faisant intervenir des gens moins nobles et qui font rire par leur vulgarité et leur bêtise tout en montrant un certain sens commun. Je pense au constable Coude, qui m’a fortement rappelé le constable Dogberry de Beaucoup de bruit pour rien (Michael Keaton dans le film de Kenneth Branagh) et au « souteneur » Le Clown.



Shakespeare use et abuse de métaphores dans cette pièce. Certaines sont succulentes, comme celle employée par Isabelle pour informer son frère Claudio qu’il va être exécuté : « Le seigneur Angelo, ayant affaire au ciel, vous choisit pour son ambassadeur là haut, et vous y accrédite à jamais. Ainsi, faites vite vos préparatifs suprêmes ; vous partez demain ».

D’autres me sont restées obscures ou difficiles à décoder. Il faut souvent connaître le contexte de l’époque pour les comprendre.



C’est tout pour ce matin. Faites attention à vous.

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Henri VI, tome 1

Shakespeare a écrit trois pièces pour faire le tour des événements lors du règne d’Henri VI. D’après la préface de mon ouvrage, ces pièces ont été écrites avant celles titrées des rois précédents : Richard II, Henri IV et Henri V. Je le crois sans peine tant le style est moins développé, moins poignant.



Le contenu de cette première partie n’est qu’une chronique historique dialoguée. Pas d’humour, pas d’élans tragiques (ou de faible ampleur). C’est de l’Holinshed ou du Monstrelet dans le texte, relativement insipide et peu apte à divertir. Les scènes entre France et Angleterre se succèdent à bride abattue, essayant de construire une vue aérienne de l’ensemble des événements. On peut avoir du mal à suivre.



On peut tout de même compter sur cette pièce pour se faire une idée de la fin de la guerre de Cent Ans et le début de la guerre des Deux Roses (interne à l’Angleterre, opposant les Lancastre aux York). Alors que le clan français revient en force autour de Charles VII et Jeanne d’Arc, les dissensions internes et les volontés de pouvoir égoïstes commencent à déchirer le clan anglais, au grand dam du jeune Henri VI. Cette dernière partie est la plus marquante de la pièce.



En revanche, il faut prendre les événements décrits avec des pincettes. Shakespeare a la volonté claire de montrer l’ardeur et l’honneur des Anglais face aux Français et n’hésite pas à tordre la réalité historique dans ce but. La plupart des batailles se terminent par la fuite des Français. Le rôle de John Talbot est presque divinisé ; on croirait voir un demi-dieu. Et la guerre se termine par un traité où, loin de vaincre, Charles VII devient seulement un vice-roi qui doit allégeance à Henri VI. Il est probable que cette présentation extériorise le sentiment des compatriotes de Shakespeare vis-à-vis du statut de la France. Les rois anglais restent « rois de France et d’Angleterre ».

La licence poétique en prend à son aise avec les événements. On voit ainsi Jeanne d’Arc sur le champ de la bataille de Castillon – où meurt John Talbot et qui clôt la guerre de Cent Ans – alors qu’elle a déjà été brûlée des années avant. Le traitement réservé par l’auteur à notre Pucelle nationale frise le délire : il nous la montre comme une sorcière véritable, invoquant les démons, n’hésitant pas à copuler avec Charles et d’autres. Un vrai monstre, on n’a pas l’habitude de ce côté de la Manche.



Et Henri VI dans tout ça ? On le voit peu. Il est encore jeune et essaie d’apaiser son entourage qui veut se prendre à la gorge. Il ne va pas tarder à se marier à Marguerite d’Anjou. Le passage où cette dernière intervient, avec le comte de Suffolk, est le seul qui soit assez amusant.



On est loin du meilleur de Shakespeare.

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Le Songe d'une nuit d'été

Le songe d'une nuit d'été est une farce pleine de magie. L'histoire fait se croiser 3 mondes qui s'ignorent le reste du temps : les fées, les nobles et les artisans.

A travers les amours contrariées de 2 couples de jeunes amants, l'histoire fait s'entrecroiser les personnages dont la magie change l'objet de leur affection. Le jeu du "je t'aime, moi non plus" s'achève pour que tout rentre dans l'ordre et que chacun aime sa chacune.

Le résultat est drôle, un brin moqueur et féérique, les personnages charmants et la fin heureuse.
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Hamlet et autres contes

Cet « Hamlet et autres contes » est l’adaptation pour la jeunesse de pièces de théâtre cultissimes de Shakespeare. Cette façon de transformer ces œuvres en un court roman de diverses nouvelles est finalement assez intéressante, même s’il est toujours mieux d’aller chercher le matériau original. C’est ainsi, au moins, que j’ai découvert Jules César ou MacBeth, mais surtout Roméo et Juliette, et bien sûr Hamlet. Des grands moments de découverte donc, qui donnent ensuite envie d’aller voir les pièces de Shakespeare dans leur ensemble. De plus, le ton employé ici diffère de certains courts romans proposés dans cette collection, notamment de Dominique Auriange, où le style pêchait un petit peu ; là, comme il y a de la matière à adapter, tout s’enchaîne très vite et le style suit naturellement.

Plutôt un bon souvenir donc, à transmettre aux générations suivantes, qui sait ?



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Les deux Gentilhommes de Vérone - La Mégère app..

Une petite comédie sympa… qui se termine dans un précipice.



D’après les sources bien informées, cette pièce serait (pourrait être) la première de Shakespeare. La préface prévient donc : certaines imperfections pourront sauter aux yeux.

J’ai rapidement abandonné cette attitude méfiante pour me laisser bercer par l’histoire : deux potes, Valentin et Protée, font des choix de vie différents. Protée reste auprès de la belle Julia qu’il veut conquérir, Valentin part faire carrière à la cour du duc de Milan. Mais le destin et les papas jettent les dès dans d’autres directions : le papa de Protée, estimant que son fils a besoin de forger son caractère, envoie son fils également à la cour du duc. Protée doit laisser sa belle qu’il a su séduire. Valentin, lui, craque rapidement pour la fille du duc, Silvia - craquage partagé mais secret – et pouf la carrière. MAIS… Protée craque illico pour Silvia et oublie tout de go Julia. Il va alors s’arranger pour salir son « ami » et tenter sa cour.



J’ai été content quand, arrivé à l’acte III, la tirade de Valentin « quelle lumière est lumière, si Silvia n’est plus là… » m’a rappelé quelque chose. Effectivement ce passage de la pièce est à l’honneur dans le fabuleux film de John Madden Shakespeare in Love (la reine Élizabeth 1ère s’endort quasiment pendant la tirade). On y voit aussi Lance, le page de Protée, et son clébard (oui, oui, un chien sur scène ; le film n’arrête pas d’en causer).

La comédie romantique est plutôt agréable. Le jeu de l’amour est joué par ces demoiselles de manière extrêmement subtile. Silvia en particulier avoue son amour à Valentin en lui faisant écrire une lettre à destination d’un soi-disant autre amoureux, puis après avoir réceptionné la lettre de sa main, la lui rend en lui disant que les mots sont pour lui (et encore le dit-elle à quart de mot). Trop subtil pour ce pauvre Valentin à qui Diligence, son page, doit mettre les points sur les « i ».

Les tirades ne sont ni longues, ni sottes. J’ai adoré lire Protée autojustifier son comportement d’enfoiré de première en mettant tout sur le dos de l’allégorie Amour (c’est pas moi, m’sieur !).



Côté grosse farce, on peut compter sur Lance qui balance à tire larigot des jeux de mots souvent dignes des Grosses Têtes en petite forme. Pour le coup, la traduction de l’anglais vers le français n’est pas toujours d’une efficacité confondante. Mais certains jeux de mot font mouche malgré tout, et ça détend.



Bref tout ça roule tranquilou jusqu’à l’acte V où c’est la catastrophe. Shakespeare devait avoir oublié le lait sur le feu, je sais pas, mais il a tout plié en quelques courtes scènes impossibles à accepter. Dans une forêt, Protée, qui a fait bannir Valentin, se fait pourrir par Silvia qu’il tente encore de séduire. Valentin, devenu chef de bande, apparaît et tombe sur le râble de Protée. Dans la foulée ce dernier est pris d’un remord non simulé et demande pardon. Il est aussitôt pardonné. Quelques phrases plus loin il est pardonné par Julia. Le duc pardonne à tout le monde et on aura deux mariages. Tout ça en deux minutes.

J’en suis resté comme deux ronds de flan. Quel gâchis !



Un bon plat bien mitonné et gâché par un feu trop fort qui le carbonise.

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Antoine et Cléopâtre

Je ne vais pas prétendre pouvoir livrer un avis pertinent et constructif sur cette pièce, je n’ai pas le bagage culturel et historique suffisants pour cela. Je n’ai pas encore lu leurs avis mais je pense que certains de mes camarades babéliotes, BazaR et Tatooa notamment, ont sans doute livré des réflexions intéressantes sur ce « Antoine et Cléopâtre ». Je me contenterai de livrer un ressenti de lecture et je vais faire ça brièvement.



Mes lectures Shakespeariennes remontent à une éternité, j’en ai peu de souvenirs, juste des impressions fugaces. Il m’est donc difficile de replacer cette pièce dans l’œuvre du dramaturge, de la comparer à d’autres. Ceci dit, « Antoine et Cléopâtre » s’est avérée assez différente des pièces de Shakespeare que j’avais pu lire. J’ai bien retrouvé le côté foisonnant de l’auteur avec de nombreux personnages et beaucoup de mouvements (entrées et sorties des personnages) au cours d’une même scène. Mais en dehors de cet aspect je n’ai pas vraiment retrouvé ce qui m’avait plu dans mes lectures, bien lointaines, de l’auteur. J’ai trouvé que l’ensemble manquait de profondeur, que Shakespeare restait en surface. La psychologie des personnages est assez sommaire peu fouillée. Ils m’ont paru plus caricaturaux qu’archétypaux.

Par ailleurs, si certaines scènes sont très réussies et bénéficient de dialogues vraiment bien écrits, d’autres passages m’ont paru très longs. La pièce a clairement un défaut de rythme.



Ces défauts que je pointe et ces réserves que j’émets ne m’ont pas empêchée de prendre un certain plaisir à cette lecture que je ne regrette pas. Finalement, malgré les longueurs qui émaillent le texte, je ne me suis jamais ennuyée. « Antoine et Cléopâtre » reste une lecture intéressante même s’il s’agit là d’une œuvre mineure dans la carrière de Shakespeare.

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Le Songe d'une nuit d'été

Ce que j’ai ressenti:…Petite ritournelle revisitée féerique…



Puisque William Shakespeare a écrit cette pièce dans sa jeunesse, rien ne m’empêche de retomber en enfance…



« Thésée. -Je veux entendre cette pièce: tout ce qui est offert par la simplicité et le zèle est toujours bien. «



« Là où la bonne volonté échoue, un noble cœur considère l’intention, non le mérite de l’action. »



♫Promenons nous dans les bois,

Pendant que William est là,

Si les fées y étaient,

Elles nous enchanteraient.

Mais comme Shakespeare n’est plus là,

Il nous en parlera,

Fée, Y est-tu?

Que fais tu?

Entends Tu? ♫



(Shakespeare): Je mets en scène…



♫Promenons nous dans les bois,

Pendant que William est là,

Si les fées y étaient,

Elles nous enchanteraient.

Mais comme Shakespeare n’est plus là,

Il nous en parlera,

Fée, Y est-tu?

Que fais tu?

Entends Tu? ♫



(Shakespeare): Je mets ma touche de fantaisie…



♫Promenons nous dans les bois,

Pendant que William est là,

Si les fées y étaient,

Elles nous enchanteraient.

Mais comme Shakespeare n’est plus là,

Il nous en parlera,

Fée, Y est-tu?

Que fais tu?

Entends Tu? ♫



(Shakespeare): Je mets de la comédie…



♫Promenons nous dans les bois,

Pendant que William est là,

Si les fées y étaient,

Elles nous enchanteraient.

Mais comme Shakespeare n’est plus là,

Il nous en parlera,

Fée, Y est-tu?

Que fais tu?

Entends Tu? ♫



(Shakespeare):



♫Je mets un peu la zizanie.



♫Je mets une pointe de talent.



♫Je mets un parfum d’amour.



♫Je mets de la rêverie.



♫Je mets de la féérie.



♫Je prends ma plume, et j’écris! ♫







Ma note Plaisir de Lecture 8/10


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Hamlet

Cela faisait une éternité que je voulais lire Hamlet, la preuve, ce livre traînait depuis plus de 20 ans dans ma pàl. J'ai lu la traduction de Marcel Schwob & Eugène Morand.



Hamlet est une des plus célèbres pièces de Shakespeare avec sa réplique culte « Être ou ne pas être. » Dans l'ensemble, j'ai bien aimé même si j'ai trouvé le personnage d'Hamlet un peu trop torturé. Simule-t-il vraiment la folie ? Je me suis posée la question.



Quand on regarde bien, voir le fantôme de son père doit être traumatisant surtout si c'est pour apprendre qu'il a été assassiné et qu'en plus il exige d'être vengé. Personnellement, je ne voudrais pas que mes enfants gâchent leur vie en vengeant la mienne.



C'est la 200e critique sur ce livre, tout a probablement déjà été dit.



« Ce n'est pas la violence qui vient le mieux à bout de la haine, ni la vengeance qui guérit le plus sûrement l'injustice. » (Charlotte Brontë)







Challenge Temps modernes 2023
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Roméo et Juliette

Encore assez peu familière de Shakespeare et par ailleurs assez peu sensible à l'histoire d'amour iconique que porte cette pièce, c'est surtout sa modernité et sa tonalité qui me sidèrent, comme si la fougue des passions humaines qui se dégage du texte transcendait les codes narratifs par-delà les siècles.

La lecture en est un bonheur de fluidité, traversée d'un riche arc en ciel de sentiments et sensations extrêmes.
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Othello

Au palais des Doges , on s'active pour défendre Chypre menacée par les turcs. On envoie Othello, le Maure, assisté du lieutenant Cassio et de son enseigne Iago. Celui ci , vexé de ne pas avoir été nommé lieutenant par Othello est prêt à tout pour se venger.

C'est ma première pièce de Shakespeare, et force est de constater que le tour de force est remarquable. La pièce , jouée pour la première fois en 1604, est d'une audace folle pour l'époque . C'est un noir qui est aux commandes de l'armée vénitienne d'une part, et d'autre part, les entourloupes de Iago feraient passer les scénaristes de Tf1 pour des producteurs de guimauve périmée.



Surfant sur la jalousie, la cupidité , Iago arrive à perturber les plus purs parmi les plus purs. Car Othello est pur. C'est le seul blanc parmi tous les autres hommes , tous plus noirs que le Maure.

Le personnage principal de la pièce n'est pas Othello finalement mais Iago, cet imposteur misogyne qui manipule à ses fins tous les autres protagonistes de l'histoire.

J'imagine l'émotion que la représentation d'une telle pièce au tout début du XVII ème siècle dans le magnifique théâtre du globe à Londres a pu susciter.

Dans une langue plus proche de celle de Macron que de celle de Sarkozy, c'est à coup d'honneur que va se régler le fin mot de l'histoire. Époque où le dialogue n'est pas de mise et le coup d'épée plus rapide qu'une étoile filante, il y a peu de place pour le compromis et l'indulgence.

Un petit mot sur les femmes de la pièce , toutes intègres et soumises aux jugements déplacées et sexistes des hommes. Leur intégrité, leur bonne foi, leur fidélité et leur courage les grandissent devant la bassesse de certains hommes, Iago en tête , de la pièce.

Aujourd'hui, la pièce ne susciterait sans doute plus autant effervescence mais reste remarquablement d'actualité. Sans doute une des raisons qui fait qu'elle tombe hasardeusement dans les mains de lecteurs comme moi. Pour mon plus grand plaisir .

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Antoine et Cléopâtre

Lecture compliquée...

Cela fait longtemps que je n'ai pas lu de Shakespeare. Et je ne me souvenais pas que ça m'ait été aussi difficile.



Après, l'histoire d'Antoine et Cléopâtre, c'est spécial. C'est une histoire "vraie", écrite par le vainqueur, à savoir Octave. Or donc comme on le sait la propagande est une spécialité romaine (et de tout politique), et le vainqueur écrit ce qu'il veut que L Histoire se souvienne... Il était donc facile de faire passer Cléopâtre pour une sorcière lâche et dépravée et Antoine pour un "ensorcelé" qui se vautre dans la débauche, histoire de valoriser ce qui n'était qu'une question de rivalité politique et de pouvoir qu'il ne voulait pas partager avec un homme au prestige trop grand pour son bien, suite à ses nombreuses victoires militaires... Antoine pouvait briguer le pouvoir absolu, Octave le voulait (c'est quand même lui, de base, qui s'est débarrassé de Lépide et de Pompée), ça ne pouvait que mal finir.



De même que "l'amour" entre Antoine et Cléopâtre n'était sans doute qu'un arrangement politique, comme tous les mariages "en haut lieu" de l'époque, l'Egypte étant un "grenier" de ressources non négligeable pour lui et son armée. Cléopâtre avait des atouts, trop d'ambition, et s'en est servi avec pas mal d'intelligence et de finesse, de mon point de vue, même si cela l'a menée à la mort. Elle n'a pas choisi le bon cheval, c'est sa seule erreur, mais avait-elle le choix, vu qu'elle faisait partie des états-clients octroyés à Marc-Antoine lors du premier "partage" ?



Il semblerait que dans cette pièce, Shakespeare ait "paraphrasé" Plutarque, mais je ne connais pas Plutarque.

Je ne peux donc que regretter ce qu'il a fait de Cléopâtre, qui m'a grandement agacée dans cette pièce. Je pense qu'elle était politiquement beaucoup plus fine que ce qu'on en voit, que c'est ainsi qu'elle a pris de l'importance aux côtés de Marc-Antoine. Ici elle n'est qu'un minable faire-valoir, uniquement préoccupée "d'amour", manipulée, avec tous les défauts imaginables d'une femme amoureuse, jalouse et pas lucide. Or je pense qu'elle l'était trop pour son bien, lucide. Bref aucune de ses répliques ne sonne juste... Une vraie catastrophe. Pareil pour Antoine, qu'un grand général se transforme en mollusque trop épris et pleurnichard, c'est complètement inepte, et c'est donc à grand renfort de répliques disant qu'il est sous la coupe de Cléopâtre que Shakespeare essaie de nous convaincre que c'est possible. En vain, en ce qui me concerne. Certes l'Histoire (et donc Octave) lui donne raison, mais j'ai du mal...



Ce qui est génial dans Shakespeare, d'habitude, c'est son habileté "psychologique". Je n'ai rien retrouvé de ce talent ici. ça sonne creux. le seul intérêt de cette pièces c'est que le déroulement historique est juste. Mais c'est tout. Il y a trop d'événements, pas assez de "déroulé" psychologique.

Du coup je me suis franchement ennuyée dans les deux premiers actes, un peu plus intéressée dans les suivants, mais ça ne vaut pas un Hamlet, un Roi Lear ou un Macbeth.

S'il a repris une pièce déjà écrite, ça s'explique. Mais bon, pour une reprise de contact avec Shakespeare, je ne peux être que déçue... La traduction de F.V. Hugo n'est sans doute pas au top, en plus, il y a des expressions complètement étranges, on dirait du mot à mot de l'anglais, sans le "vrai" travail d'adaptation que se doit de faire tout bon traducteur. Dommage...

Pas génial.



J'espère que Titus Andronicus ou les autres pièces du livre que j'ai acheté seront meilleures. Je n'en connais aucune, ça tombe bien.
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Le Conte d'hiver

Après la novella SF de Dan Simmons qui évoquait l’œuvre de Shakespeare, je n’ai pas pu m’empêcher d’y replonger moi-même.



J’ai choisi Le conte d’hiver en pensant qu’il répandrait un peu de magie et de mythes, à la manière du Songe d’une nuit d’été ou de La Tempête.

Point du tout !

C’est l’histoire d’une jalousie maladive qui foudroie instantanément Léonte, le roi de Sicile. Jusqu’alors lié au roi de Bohème Polixène par une amitié remontant à l’enfance, le voilà qui tourne sa casaque de jalousie alors que ce dernier badine et taquine innocemment avec Hermione, la reine de Sicile. Il en devient complètement fou, souhaitant assassiner son ami, punir de mort sa reine, rejeter leur fils et abandonner leur fille nouvelle-née aux flots agités. Personne ne peut lui rendre raison ; les faits présentés à sa face sont retroussés, les oracles mêmes sont rejetés. Les seigneurs à ses ordres à ses ordres déments, sauf Camillo qui ne peut faire tomber son honneur si bas et parvient à faire s’évader Polixène. Mais le fils meurt, et la reine meurt et le nourrisson est abandonné aux bêtes féroces de Bohème, mais sauvé et recueilli par un brave berger (Moïse a encore frappé). Léonte prend enfin conscience de sa folie, trop tard.



Seize années passent, effet théâtral suffisamment rare pour que Shakespeare invite le Temps lui-même à se justifier. Léonte est toujours le jouet de sa conscience, véritable bourreau qui ne le laisse pas en paix. En Bohème, c’est un couple d’amour qui se forme, entre la fille d’un berger, Perdita, et le fils de Polixène, Florizel. Un couple qui n’est pas accepté par le roi, impossible mésalliance oblige. Vous devinez qui est Perdita et vous voyez le final se former dans les nuages. Mais il faut passer par un long acte IV de filouterie et de fête qui ne fait guère avancer notre schmilblick, au premier degré du moins, car ces personnages sèment les graines de la résolution, à l’insu de leur plein gré.

La résolution apparaît, mais avant la fin finale, et seulement racontée par des gentilshommes anonymes qui ont assisté aux événements. Comme j’ai regretté de ne pas voir l’étonnement sur les visages, la joie sur les faces, en tant que témoin direct.

Mais cela s’explique. Il s’agit de conserver un maximum d’effet pour la dernière scène qui m’a soufflé, tellement je ne l’ai pas senti venir. Soufflé et ravi de ce tour de force (j’en fait peut-être trop, mais ça traduit mon plaisir).

Au final un joli conte très agréable à lire dont je ne sais pas vraiment pourquoi il est d’hiver.



Pas vraiment d’esprit critique dans ce billet, je m’en rends compte. Mais il est un peu un prétexte à fêter mon dixième anniversaire sur Babélio. Dix ans déjà, qui ne seront pas passés si rapidement que ça finalement, mais dont les bons et les mauvais instants ont été embellis par la lecture, les rencontres d’autres lecteurs, les partages, les challenges, les forums et la naissance d’un monstre insatiable : ma PAL.

Quitte ou double ? Heu… on va continuer au jour le jour. On verra bien jusqu’où on ira.

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Mesure pour mesure

Après la tragédie à problème avec Eshyle (appellation de mon invention, j'invoque donc le droit d'auteur), passons aux fameuses "comédies à problème" de Shakespeare avec Mesure pour Mesure. Pour le coup, l'étiquette colle parfaitement à cette pièce qui, non seulement est difficile à caser dans une catégorie, mais, surtout, pose une multitude de questions au lecteur sans en résoudre aucune. Depuis bien longtemps on discute de Mesure pour Mesure sans que les interrogations ne cessent. On pourrait presque dire que toutes les interprétions se valent, tellement la pièce est... problématique.





Mesure pour Mesure, composée autour de 1604, a pour cadre la ville de Vienne, tout en comportant des noms de personnage à consonance italienne, ce qui n'est pas très important en soi. Ce qui est carrément curieux, en revanche, c'est ceci : le Duc qui dirige Vienne décide d'un coup, prétextant la crainte de devenir trop laxiste en matière de justice, de confier ses pouvoirs à Angelo, un garçon très bien vu et apparemment irréprochable, mais dont le Duc connaît le passé ; or, tout en estimant qu'Angelo ne s'est pas comporté de façon morale en certaines circonstances (la loi n'ayant cependant pas été enfreinte par Angelo), et tout en connaissant sa rigidité en matière de justice, le Duc va choisir d'imposer aux citoyens de Vienne la gouvernance dudit Angelo. Pourquoi ? Pourquoi ??? C'est la question qui est peut-être la plus essentielle. Là-dessus, le Duc dit partir dans tel pays - les informations divergeant constamment à ce propos -, mais va en fait se cacher dans un monastère, puis se déguise en moine pour mieux revenir espionner chacun, et en particulier Angelo.





Voilà qu'Angelo condamne à mort le jeune Claudio, qui a forniqué avec sa fiancée avant le mariage (notons qu'il est fait mention de subtilités juridiques à propos de mariage et de fiançailles), que Claudio demande à sa sœur Isabella, entrée comme novice dans un couvent, d'intercéder pour lui auprès d'Angelo, et qu'Angelo va demander à Isabella, de façon détournée puis plus clairement (elle n'est pas très fine sur ce coup-là) de coucher avec lui en échange de sa clémence envers Claudio. Je vais arrêter le résumé ici, parce que trop de personnages sont en jeu et, qu'en plus, plusieurs stratagèmes sont mis en place ; tout ça serait bien long, ainsi que pénible à expliquer, et puis je ne tiens pas à en dévoiler davantage.





Une pièce qui aborde donc les questions de la justice, du pouvoir, des rapports de domination. Qu'est-ce que la justice, faut-il l'appliquer strictement ou pas ? Qui a le droit de rendre la justice, l'être humain étant ce qu'il est, c'est-à-dire faillible ? Qui a le droit de gouverner les autres ? Et, pour ne pas s'étendre dans les généralités, pourquoi le Duc met-il Angelo à l'épreuve, mais aussi par la même occasion, tous les habitants de la cité, pourquoi veut-il rendre justice à Mariana, pourquoi Claudio est-il jugé condamnable pour avoir couché avec sa fiancée, mais pas Mariana qui fait la même chose (sur instigation du Duc, ce qui est encore mieux), alors que ses fiançailles ont été rompues ? Pourquoi Lucio, qui a certes des choses à se reprocher, fait-il seul les frais de la justice du Duc au final (je ne suis d'ailleurs même pas sûre de savoir ce qui va arriver à Lucio, car j'ai cru comprendre contrairement à d'autres que le pire lui était réservé) ? Et qu'est-ce que c'est que cette façon de surveiller tout le monde en cachette, en faisant mine de ne plus exercer le pouvoir ? Pourquoi le Duc demande-t-il (si on peut appeler ça demander, car ça ressemble davantage à un ordre) en mariage l'une des jeunes femmes à la fin ? On pourrait continuer comme ça pendant des heures.





Les ambiguïtés de la pièce sont d'ailleurs celles des personnages. Vous avez compris que le Duc était très très louche ; mais, évidemment, Angelo est un personnage à double visage, qui trouve bizarrement aussi son miroir en Isabella. Tous les deux bataillent contre la nature humaine, répriment avec violence leur libido ; Angelo ne résistera pas à l'épreuve ; quant à Isabella, qui lance avec un aplomb à vous clouer sur place "Meurs mon frère !" parce qu'elle ne veut pas céder à Angelo pour préserver son honneur (elle est très prompte à souhaiter la mort de tout un chacun, y compris la sienne), elle se soucie assez peu de l'honneur de Mariana... Ben oui, mieux vaut que ce soit Mariana qui se déshonore plutôt qu'elle -même ! Et de trouver des raisons douteuses, avec bien entendu l'aide du Duc (ah, celui-là!!!), qui rendent Mariana innocente de tout péché et de tout acte répréhensible par la loi. Et j'en passe, car tout le monde est plus ou moins louche dans cette pièce.





Il est dommage que la construction de l'ensemble soit un peu bancale, comme ça été beaucoup noté, et notamment que les scènes comiques soient aussi lourdes. Ça me rappelle certains films américains, de type Votre Majesté, ou mieux, Guerre et amour de Woody Allen, qui allie les clins d’œil carrément intellos et une lourdeur vraiment très très lourde dans une forme d'humour très spécifique. Dans Mesure pour Mesure, le comique est très axé sur les jeux de mots, le plus souvent hyper salaces (et que je blague sur les maladies vénériennes pendant des heures, bouuuuuuh!), intervenant entre des scènes plus sérieuses, mais aussi pendant ces mêmes scènes. Bien, on dira juste que c'est pas trop ma tasse de thé.





Mesure pour Mesure se révèle un titre très ironique, puisque les manigances du Duc nous mènent à une justice à deux poids, deux mesures. Voilà une pièce qui ne ressemble pourtant pas tellement à de la critique sociale ou politique, puisque Shakespeare se tient à bonne distance de ses personnages et ne révèle jamais un point de vue ou une morale qui appartiendrait en propre à l'auteur. Il a plutôt choisi de nous montrer, me semble-t-il, dans une espèce de curieuse mise en abyme (car nous devenons spectateurs de ceux qui espionnent les autres), des personnages et une cité en proie à un système politique et judiciaire, mais aussi en proie à une morale (personnelle ou collective) d'une sournoiserie et d'une ambiguïté extrêmes. Ce n'est sans doute pas la pièce la plus agréable à lire de Shakespeare, la façon dont elle est écrite n'est pas forcément aussi passionnante que les interrogations qu'elle soulève. C'est cependant sans conteste, au-delà de son appellation de "comédie à problème" dans son sens le plus strict, une pièce éminemment problématique.
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Le Songe d'une nuit d'été

Des amoureux qui fuient l’autorité d’un père qui leur est contraire, un amoureux qui poursuit celle qu’il aime et qui ne l’aime pas, accompagnée de celle qui l’aime et qu’il n’aime pas... - vous me suivez?

Bon, rien de très original me direz-vous, mais dans la forêt il y a aussi du théâtre et de la magie, des mondes qui s’entremêlent dans une joyeuse confusion, artisans d’Athènes venus répéter une pièce pour le mariage du roi, êtres féeriques et facétieux, ensorcelants, fleur magique qui prodigue toute l’énergie de l’amour pour la première créature aperçue au réveil - eût-elle une tête d’âne.

Pas besoin de méchant dans Le Songe pour tenir en haleine le spectateur. Les problèmes s’envolent par magie, il faut juste se laisser ensorceler, on est comme en apesanteur dans cette pièce qui célèbre le jeu théâtral, la bienfaisante légèreté, la belle et merveilleuse fantaisie de l’imaginaire qui nous libère de la pesanteur du réel. Et c’est si bon!
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