En février dernier est sorti un film nommé Vous Ne Désirez Que Moi dans les cinémas indépendants. Ce titre m’apportant questionnements et étonnements, je me suis renseigné à son sujet. Lorsque je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un film sur Marguerite Duras, j’ai été très excité. Je suis allé le voir et il m’est apparu en choc cinématographique important, j’étais au milieu d’une salle remplie de vieillards en quête d’un retour de jeunesse. En fin de séance, j’ai appris que ce film était la représentation graphique d’un entretien passé entre Yann Andréa, dernier amant de Duras, et une journaliste, Michèle Manceaux. Ces entretiens furent publié au sein d’un livre avec pour nom Je Voudrais Parler De Duras.
Ainsi, ce court livre est un entretien s’étant passé sur deux jours entre Yann Andréa et la journaliste Michèle Manceaux. Au sein de celui-ci, Andréa se confie sur sa relation avec Duras, comment il a connu l’auteure avant la femme, leur rencontre, et leur lien depuis qu’ils habitent ensemble. Tout est progressif, au fil des pensées et de la narration. Les cassettes contenant ces entretiens allaient servir à Yann Andréa afin de les reprendre et les retravailler, mais il est décédé avant d’en avoir eu l’occasion, puis est venu le tour de Michèle Manceaux. Des années plus tard, la sœur de la journaliste a découvert ces cassettes dans un carton, et s’est dit que les publier serait une bonne chose. Aujourd’hui, ces entretiens sont entre nos mains.
Dans cet immense entretien prenant des heures de paroles, Yann Andréa se confie sur sa relation avec Marguerite. Il parle d’elle comme d’une puissance supérieure, et pourtant parfaitement humaine. Une femme à bien des reprises, désirante et désireuse, mais aussi artiste et intellectuelle. Plus nous avançons dans l’entretien, plus nous avançons dans la relation qu’ils avaient, et plus la profondeur se fait. Yann André ne cesse d’hésiter sur ses paroles lorsqu’il parle d’Elle, puisqu’Elle n’est pas là pour guider ses mots. En écoutant ces mots dans le film, puis lisant ces mêmes mots dans un livre, je me suis rendu compte que la relation qu’ils tenaient était totalement inédite puisqu’il y avait un réel phénomène de déconstruction suivi d’une reconstruction : déconstruction du Yann d’avant puis sa reconstruction à l’image de Marguerite Duras. Elle tenait l’homme dans sa main et ne le lâchait pas. Sans cesse elle lui répétait que cela devait être ainsi, une relation de pure soumission à la grandeur de l’auteure, de la femme et du personnage immuable de Duras. Yann tenait à connaître Marguerite Duras, puis a découvert Marguerite Donnadieu, puis est devenu le compagnon des deux à la fois. C’est ici toute la beauté du texte, il est partagé entre l’amour et la mort : Duras écrivait les deux dans ses textes, comme deux entités dansant une valse folle, et Yann Andréa s’est retrouvé embarqué là-dedans, et ce jusqu’à devenir un personnage à part entière de l’Œuvre vivante de Marguerite Duras. Il a fini par ne plus exister que par elle seule, lui-même n’existant plus. Il a voué sa vie à une œuvre d’art et s’est fait composante de celle-ci. En subissant les commandements, les ordres et les désirs de Duras, il n’est lui-même devenu pas plus symbolique qu’un objet, un objet de désir et de violences. Par ailleurs, il a mentionné plusieurs éléments que l’on retrouve dans La Pute De La Côte Normande, les violences, les choix, l’écriture, le tout empruntant un chemin de croix fatal et nocif, mais enivrant pour les deux personnes qu’ils furent. Il est tant incertain que Michèle Manceaux le guide dans ses pensées et ses mots, et rien que ça il m’est arrivé de détester cette journaliste ne faisant que son travail de creusage psychologique, je l’ai trouvé froide face à Yann Andréa, tout aussi froid, mais par un manque d’assurance personnelle, par un manque de vie, par un amour Durassien.
Je me décide de ne pas parler plus de ce texte, puisque je me sens illégitime d’écrire ces mots pour vendre les sentiments d’un homme sur le papier. Outre ce que j’ai écrit jusqu’ici, je décide plutôt de vous mettre un plus grand choix de citations en dessous de mon paragraphe conclusif, afin que vous soyez vous-mêmes confrontés à ces mots, ses mots.
Yann Andréa a réalisé cet entretien passé sur deux jours afin de parler de Duras. Il mentionnera la façon dont il l’a connue, leur rencontre, leur relation et encore d’autres choses, mais à travers ses mots nous ne nous rendons compte que d’une seule chose : l’emprise qu’elle a tenu sur lui, totale, violente, charnelle et dominatrice. Yann a été refondé à l’image de Duras, et cela se sent.
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