Citations de Éric Fottorino (696)
Je croyais que les romans agrandissaient le monde. Qu'ils pulvérisaient les murs, effaçaient la laideur, l'ennui, l'absence d'amour, le gris de la vie.
P33 : Cela commence ainsi, un accident grave de voyageur. Quand personne ne s'adresse à personne. Quand personne ne regarde plus personne. Il suffirait d'un mot , bien sûr. Une parole simple et légère, une attention. L'ambiance glacée n'est pas propice aux confidences. Chacun est encombré de son silence qui le renvoie vers les bas-fonds de sa solitude.
Je me demande si je ne suis pas ta maladie. Quelque chose qui a surgi en traître, par-derrière, un coup dans le dos.
Je ne suis pas nostalgique de mes souvenirs. Je suis nostalgique des tiens.
Ce que j'éprouve n'a pas vraiment de nom, de nom connu. Quelque chose de moi s'est détaché et flotte dans l'air, invisible et pourtant consistant. Je me sens triste sans tristesse, seul sans solitude, heureux sans joie.
Et cette notation qui me glace dans le silence de la maison : "Que de gens ont voulu se suicider, et se sont contentés de déchirer leur photographie !"
"Plus de cinq cents muscles dans le corps humain, des lisses, des striés, des "en éventail. C'est facile : les striés obéissent à la volonté, les biceps, le couturier, les jumeaux des cheville, à la volonté de marcher, de courir, de s'enfuir. Le coeur aussi est un muscle strié. J'en déduis qu'on peut décider la seconde de sa mort. Une vie bien remplie représente cinq milliards de battements."
Tourner la page, l'expression prend un sens nouveau à mes yeux. En tournant les pages, je lui redonne vie. Tourner la page, c'est le contraire de faire disparaître. C'est ranimer, ressusciter, une voix, la sienne, sa silhouette, son regard, ce fond de gentillesse au milieu de ses silences bourrus.
"La mémoire est vigilante. Elle avoue ce qu'elle veut bien. A tes mains de voir. Lis les peaux en aveugle. Tes mains doivent être aimantes, je veux dire avoir la force des aimants. Un coup sur la peau, c'est un caillou dans l'eau. Il donne naissance à des ondes invisibles, des arcs de cercle ordonnés autour du point d'impact. Si tes mains sont bonnes, elles trouveront ces courbes et remonteront à l'origine du choc. L'art est de sidérer la douleur, de la frapper de stupeur. Sous la cuirasse dort une faille".
Des voyageurs exaspérés avaient fini par descendre sut les voies et s'étaient mis à marcher droit devant eux. Ils étaient partis dans la nuit, sourds aux consignes de sécurité. Jusqu'où iraient-ils?
En niant cette souffrance, on ne laissait aucune chance au désespéré de partager son mal-être. Une douleur flottait dans l'air. Elle planait, menaçante. Personne ne la prenait en charge. Trop lourde à porter. Condamnée à grandir jusqu'à devenir invivable.
Le temps des trains plutôt que le temps des morts.
"La vie a eu le dernier mot. Oublié, le dernier mort."
"Je mourais de peur et je mourais d'envie en tout cas je mourais".
Inconnus jusqu’au bout, ils sont des etc. personne n’a cherché à les retenir, à s’en souvenir. Leur suicide est une soustraction sans retenue. Dans humain, pourtant, il y a main.
J'étais prêt à l'aimer, ou près de l'aimer, je ne sais plus, je ne suis pas très fort dans les locutions qui précèdent le verbe « aimer ».
Je crois aussi qu'il passe du temps à se rappeler les jours où il a été heureux. Se souvenir le dispense de vivre.
Les enjeux de pouvoir sont de ceux qui vous font perdre des amis et gagner des courtisans.
Le suicide sur les voies n'est pas une vie de perdue. C'est du temps de perdu.
Etre juif c'est avoir peur.