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EAN : 9782226107855
382 pages
Albin Michel (01/04/2000)
4.75/5   4 notes
Résumé :
On savait déjà que Wolfgang Pauli, l'un des plus grands physiciens de ce siècle et prix Nobel en 1946, avait suivi dans les années trente une cure analytique avec l'un des élèves de Carl Gustav Jung, cure dont la série de rêves a été étudiée par Jung lui-même dans Psychologie et alchimie.
Ce que l'on savait moins jusqu'ici, et que l'on découvre avec jubilation dans ce livre, c'est que les relations avec Jung se sont étalées sur un quart de siècle, jusqu'à la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Bien connu pour rompre ses amitiés lorsque les désaccords idéologiques sur des points de sa psychologie analytique deviennent trop importants, Jung fait toutefois exception de ce principe dans sa relation avec Wolfgang Pauli.


Brillant physicien, Pauli formule à l'âge de 29 ans le principe d'exclusion en mécanique quantique. Il obtient reconnaissance en ce domaine après sa collaboration avec Werner Heisenberg sur la théorie quantique des champs. Également connu pour être à l'origine de « l'effet Pauli », il lui suffisait selon la légende d'entrer dans un laboratoire un jour de chienne humeur pour provoquer toutes sortes d'accidents. Bien que réputé par ailleurs pilier de comptoir et amateur de rixes d'ivres morts, ce n'est pas pour cette raison cependant qu'il vint consulter Jung en l'an 1932 : Pauli était devenu la proie d'une série de cauchemars qui perturbaient gravement son existence.


Impressionné par la teneur symbolique hautement « archétypique » des rêves de Pauli, Jung envoie d'abord le phénomène chez une consoeur à titre d'exemple édifiant, avant de le récupérer un peu plus tard. Pauli ne restera pas longtemps en analyse, emmené par son rythme de vie soutenu, mais il restera en contact avec Jung. Lancé dans l'interprétation des rêves, il ne cessera de les noter pendant quelques années, produisant une base de plus de 1500 récits oniriques sur lesquels Jung s'appuiera dans « Psychologie et alchimie ».


Au fil des années, l'importance consacrée aux rêves dans la correspondance s'estompe, remplacée par le besoin que ressent désormais Jung de donner une nouvelle profondeur sémantique aux concepts de sa psychologie analytique, dans la fréquentation de la physique quantique. Pauli se présente dans ce projet comme un guide dévoué, reprenant les essais d'hybridation qu'effectue Jung entre psychologie et physique pour éviter qu'apparaissent contresens ou approximations. Il se révèle également critique perspicace, ramenant Jung sur terre lorsque ses frénésies d'un savoir totalisant s'emparent de lui. « […] il serait nécessaire de délester votre psychologie analytique. Elle me fait l'effet d'un véhicule fonctionnant avec des soupapes abîmées (la tendance du concept de « psyché » à s'étendre provoque une surpression) ; c'est pourquoi j'ai envie d'enlever des poids et de lâcher de la vapeur. »


Jamais Jung ne se fâchera ou n'opposera de résistances aux critiques de Pauli. Il sentait certainement que le domaine de Pauli lui échappait, requérant de lui la plus pleine humilité, alors que dans le domaine de la psychiatrie, il estimait n'avoir aucune leçon à recevoir de qui que ce soit, et surtout pas de Freud, par exemple, même lorsqu'il s'aventurait sur le terrain inconnu de la psychanalyse – mais à le ramener aux concepts connus de la psychiatrie, Jung n'avait pu saisir la portée de la radicale coupure épistémique initiée par Freud. Enthousiasmé par ailleurs par l'imaginaire qui peuple les sciences physiques, Jung pense, à la fin de son existence, que ce domaine du savoir pourrait constituer une promesse d'avenir pour sa psychologie analytique, puisqu'il ambitionne en effet de formaliser la nature psychoïde (matérielle-psychique) des phénomènes de la conscience.


Quand bien même le mélange des sciences physiques et de la psychologie analytique ne semble pas devoir conduire à de véritables découvertes dans un champ comme dans l'autre, en raison de leur incompatibilité de structure, cette correspondance témoigne d'intéressants échanges animés par le désir d'un enrichissement transdisciplinaire.
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Un livre tout à fait extraordinaire : ces échanges pendant 25 ans du psychologue, Car Gustav Jung, avec le physicien, Wolfgang Pauli, nous situent au coeur de la révolution scientifique du XXe siècle. j'ai été particulièrement surprise par l'influence de la culture extrême-orientale sur les travaux de ces deux savants. On peut noter qu'une étude (la seule en langue française, je crois) vient de paraître sur ce livre: le corps inconscient et l'âme du monde selon C.G. Jung et W. Pauli (Harmattan).
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
insi, la discussion autour des idées d’ « être » et de « non-être », qui commence avec la philosophie antique, se poursuit aujourd’hui sous une forme moderne. Dans l’Antiquité, « ce qui n’est pas » ne désigne pas seulement ce qui n’existe pas ; cette caractérisation renvoie toujours à une difficulté de la pensée. N’est pas ce à quoi on ne peut penser, ce qui se soustrait à l’entendement pensant, ce qui ne se laisse pas saisir et déterminer à l’aide de concepts. C’est dans ce sens, je crois, qu’il faut comprendre la question antique de l’être et du non-être. En ce sens, ce qui est variable et en devenir, entre autres donc la matière, apparaissait aux yeux d’une certaine psychologie comme quelque chose qui « n’est pas », une simple privatio des Idées. Face à cela, Aristote a posé, esquivant le conflit, le concept central de « ce qui est potentiellement » et l’a appliqué à l’hylé. L’hylé n’est certes pas « actu », elle est une privatio de la forme […], mais elle est « potentia » et n’est pas qu’une simple privatio. Cela marqua le début de différenciations importantes dans la pensée scientifique. Les autres propos d’Aristote au sujet de la matière (il s’en tint totalement à la conception de la matière comme quelque chose de passif et réceptif) ne sont pratiquement d’aucune utilité pour la physique et de nombreuses confusions chez Aristote me semblent venir du fait qu’il était écrasé par Platon, qui lui était largement supérieur en tant que penseur. Il ne parvint pas à mener à bien son projet de définir le possible et ses tentatives restèrent au stade d’ébauches.

Pauli
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Mais il me semble que le concept « acausal » devrait être davantage précisé dans votre théorie, de même qu’il serait souhaitable d’expliquer plus en détail l’utilisation particulière du concept de temps. Pour le physicien, les mots « causal » et « causalité » ont une signification beaucoup moins figée que le terme de « déterminisme ». Le mot « acausal » en particulier a un sens différent chez plusieurs auteurs. D’après votre propre théorie des phénomènes « synchronistiques » […], leur apparition s’explique par la duplicatio ou multiplicatio d’un ordonnateur invisible dont l’apparence est justement double ou multiple. En ce sens, on pourrait également qualifier l’ordonnateur de cause du phénomène synchronistique. Cette cause ne devrait cependant pas être comprise comme située dans le temps et l’espace. Si à l’inverse on ne peut appeler causes que des objets fixés dans le temps et l’espace, les phénomènes synchronistiques sont effectivement « acausaux ». De même qu’en microphysique, la situation est caractérisée par l’impossibilité d’utiliser le principe de causalité et de situer en même temps les phénomènes dans le temps et l’espace.
Bien plus que cette question de définition du mot « acausal », c’est le rôle du concept de temps dans le terme « synchronistique » qui me pose problème. Ce mot est tout d’abord utilisé de façon très claire pour désigner des phénomènes qui devraient être qualifiés de simultanés selon les définitions habituelles de la physique. […] vous placez également dans cette catégorie des phénomènes tels que les prévisions qui ne se produisent pas au même moment. L’utilisation du mot « synchrone » me semble alors être quelque peu illogique, à moins que vous ne vous référiez à un temps fondamentalement différent du temps habituel. Je vois là une difficulté non seulement du point de vue de la logique formelle, mais aussi pour ce qui est du contenu. Car on ne comprend pas au premier abord pourquoi des événements « exprimant la présence d’une seule et même image ou d’une seule et même signification » devraient être simultanés : le concept de temps me pose plus de problèmes que celui de signification.

Pauli à Jung
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On peut décrire cet événement synchronistique comme une propriété de la psyché ou de la masse. Dans le premier cas, la psyché envoûterait la masse alors que dans le deuxième cas, à l’inverse, c’est la masse qui ensorcellerait la psyché. C’est pourquoi il est plus vraisemblable que toutes deux ont en fait la même propriété, qu’elles sont toutes deux contingentes à un niveau plus profond et empiètent l’une sur l’autre sans se soucier de leurs déterminations causales respectives. Une autre possibilité serait que ni la masse ni la psyché ne possèdent une propriété de la sorte, et qu’il existe un troisième facteur auquel elle puisse être attribuée ; un facteur qui peut être observé à et de l’intérieur du domaine de la psyché, à savoir l’archétype (psychoïde) qui, en raison de son flou et de sa « transgressivité » habituels assimile tout à coup (en un moment « numineux ») deux processus causaux incommensurables l’un à l’autre, produit un champ de tensions ( ?) commun ou les rend tous deux « radioactifs( ?) ».

Jung
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L’idée d’une signification du hasard – c’est-à-dire d’événements ayant lieu au même instant sans être liés par une relation causale – a été exposée de façon très claire par Schopenhauer dans son essai « Spéculation transcendante sur l’intentionnalité apparente dans le destin de l’individu. » Il y postule une « unité dernière de la nécessité et du hasard » qui revêt pour nous la forme d’un « pouvoir … liant toutes les choses – même celles que la chaîne causale laisse isolées les unes des autres – de telle façon qu’elles coïncident au moment adéquat. » Il compare à ce propos les chaînes causales avec des méridiens allant dans le sens du temps et les événements simultanés avec des cercles concentriques – de façon tout à fait identique à vos « liaisons transversales basées sur des analogies. » Il voit, « même si ce n’est que de loin et de façon incomplète », qu’il est possible de résoudre l’opposition entre « la contingence apparente de tous les événements qui ponctuent l’existence individuelle et leur nécessité morale de donner forme à cette même existence en obéissant pour l’individu à une loi transcendante – ou encore, pour utiliser la langue populaire, entre le cours de la nature et la providence. »

Pauli à Jung
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Dans la mesure où ces images du « Soi » (ou du fils de Dieu) sont soumises aux lois, au destin ou à la nécessité (ananké) de ces transformations, elles paraissent être en attente d’une délivrance et cela donne naissance entre elles et l’homme (ou sa conscience du Moi) à une relation psychologique (également affective). Nous ne savons pas si toutes ces transformations finissent par se refermer sur elles-mêmes ou si elles représentent une évolution vers des buts inconnus.

Pauli
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Video de Wolfgang Pauli (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Wolfgang Pauli
À la recherche des neutrinos - Messagers de l?infiniment grand et de l?infiniment petit Le neutrino est l?une des particules élémentaires les plus mystérieuses. Depuis que Wolfgang Pauli a prédit son existence, en 1930, les physiciens n?ont eu de cesse de le traquer et d?étudier ses propriétés. Car cette particule étrange, sans charge électrique, de masse quasi nulle et interagissant très faiblement avec la matière, pourrait permettre de percer bien des mystères de la physique des particules et de l?Univers... Antoine Kouchner et Stéphane Lavignac retracent l?histoire passionnante du neutrino et nous font découvrir les grandes expériences consacrées à ce messager de l?infiniment grand et de l?infiniment petit. Antoine Kouchner est professeur à l?université Paris Diderot et directeur du laboratoire AstroParticule et Cosmologie. Il est également responsable scientifique de la Collaboration internationale ANTARES qui exploite le premier télescope sous-marin à neutrinos, dont le successeur, KM3NeT, est en construction en Méditerrannée. Stéphane Lavignac est physicien au CNRS et effectue ses recherches à l?Institut de Physique Théorique de Saclay. Ses travaux portent sur la théorie des particules élémentaires et sur les conséquences des masses des neutrinos en physique des particules et en cosmologie. ISBN : 978-2-10-074673-6
--- Fiche du livre : https://www.dunod.com/sciences-techniques/recherche-neutrinos-messagers-infiniment-grand-et-infiniment-petit
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