Madeleine Lebouc, alias Pauline Lair Lamotte, passionna Pierre Janet. Ses extases, ses stigmates et sa constante marche sur la pointe des pieds le stupéfièrent bel et bien. Sa consécration en cas paradigmatique dans de l'angoisse à l'extase en témoigne. En raison de sa médicalisation en psychiatrie et de son utilisation pour expliquer scientifiquement la mystique, Madeleine fut conspuée par les ecclésiastiques. Son engagement religieux demeure néanmoins bien réel. Son analyse est d'ailleurs féconde en enseignements. Son orientation existentielle sur les idéaux franciscains assuma pour elle une fonction salvatrice pour limiter les affres de sa psychose déclarée sur un mode cyclothymique jusqu'à ce que cette défense disparaisse. Ce qui la précipita à la Salpêtrière. Au registre de son délire mystique oscillant entre indignité mélancolique et exaltation maniaque, elle se conforma alors à l'image idéale que Janet avait d'elle. À son insu, il fut l'instigateur de l'appropriation des stigmates de sa patiente. Par l'usage de ces signes vénérés dans le catholicisme et de son soulèvement corporel, Madeleine essaya, auprès du célèbre psychologue, de se faire un corps glorieux par une image de sainteté de là où elle avait la sensation d'être maudite en raison de la jouissance malsaine qui la parasitait.
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Les diverses études réunies dans cet ouvrage ont pour occasion et pour centre une observation à plusieurs points de vue remarquable, celle d'une femme que je désignerai sous le pseudonyme de « Madeleine » choisi par elle-même, et que j'ai suivie pendant vingt-deux ans. Sa vie étrange, ses fugues, son délire religieux, son attitude, sa marche sur la pointe des pieds, les stigmates du Christ qu'elle a présentés aux pieds et aux mains à plusieurs reprises et surtout les sentiments violents qu'elle éprouvait dans des crises d'angoisse et dans des crises d'extase, sa guérison relative à la fin de sa vie soulèvent à chaque instant des problèmes médicaux et psychologiques du plus grand intérêt.