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(...)" De ce fait, la demande thérapeutique de ces personnes, ainsi que ma façon de les écouter, les a situées dans ce que la discipline éthique des Yoga-Sûtra (les niyama ) appelle svâdhyâya, l'étude se soi.
Dans cet ouvrage, mon propos n'a pas été d'inventer une "nouvelle façon de faire", en amalgamant, comme on le fait beaucoup en ce moment, deux domaines, pour n'en faire qu'un seul. On secoue ensemble yoga et psychanalyse, et ça fait un coktail formidable! Non. Il m'importait de signifier, grâce à des exemples bien vivants, et en faisant retour au texte fondateur des Yoga-Sûtra, à quel point le yoga est un travail-non pas l'engourdissement de l'esprit vers un état décérébré, tel qu'il est souvent considéré, mais un processus d'élucidation, de discrimination, une graduation vers un discernement toujours plus acéré, une mise en mouvement de l'être. C'est cette clarté de l'esprit qui est visée, et qui apporte, à travers les détachements qui allègent, la joie dont parlent les textes. Cet effort procède non pas d'un aimable divertissement, mais d'un engagement soutenu, d'un " désir décidé", comme le disait Lacan de l'analyse elle-même, d'une épreuve. Revenir aux textes anciens m'a donc permis de montrer que des concepts tels que celui de l'"analyse ou celui du"raisonnement" ne sont pas exclus de la discipline du yoga et que , bien au contraire, ils en constituent, litteralement, les étapes nécéssaires. Car, on le verra plus loin, ces deux dimensions, l'analyse et le raisonnement, appartiennent textuellement à la définition même du samâdhi, l'état de yoga, tel qu'il a été décrit par Patanjali *nb.
*nota bene en bas de page :
Au Sutra 1. 17,la définition du samâdhi, l'état de yoga, est composée de quatre termes vitark-vichara-ânanda-asmitâ-rûpa.les deux premiers sont le raisonnement analytique et l'intuition approfondie. Les deux derniers termes sont la conséquence des deux premiers: la joie d'avoir compris et la faculté de devenir ce que l'on a compris."
(...)
Alors, comme le dit Georges Emmanuel Clancier, nous essayons de " tirer du vide infini qu'on sait porter en soi un poème suceptible de contrebalancer la plénitude infinie dont on se sent exclu " et si le sujet, comme le poète mallarméen, n'a rien à dire, " il a l'impérieux besoin de dire ce rien *..." C'est là, dans ce " rien ", dans ce vide, qu'une place est faite pour de l'autre et de l'autrement.
*G.E. Clancier, De Rimbaud au surréalisme, Paris, Seghers, 1982