Par l'un des navigateurs sportifs actuels les expérimentés et les plus diversifiés qui soient, un attachant dictionnaire de la voile, de compétition avant tout.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/01/02/note-de-lecture-
dictionnaire-amoureux-de-la-voile-loick-peyron/
C'est toujours un grand plaisir de retrouver le verbe et la plume de
Loïck Peyron, figure incontournable de la voile de compétition, à la française certes, mais au rayonnement assurément mondial, figure qui a su, en « bon client » médiatique (ce dont il est parfaitement conscient, avec humour comme toujours, et dont on trouvera des traces dans les articles x, x ou x de ce dictionnaire), trouver précocement une niche expressive, bien qu'il ait été leur cadet de respectivement 15 et 28 ans, entre le vrai-faux taciturne Éric
Tabarly et le créateur de bons mots et d'emportements fougueux
Olivier de Kersauson, auprès du grand public ne ressortant pas des médias spécialisés de cet univers technique et mythique. Dans ce «
Dictionnaire amoureux de la voile », publié en octobre 2020 chez Plon, on retrouvera quelques éléments, récits ou anecdotes déjà narrées ailleurs préalablement, mais aussi une belle vue d'ensemble, en forme de pré-bilan, comme l'indique le mot liminaire ci-dessus, d'une carrière prestigieuse, tout entière consacrée, ou presque, à la compétition hauturière, à la voile.
On constatera rapidement que le titre du dictionnaire est, légèrement et logiquement, mensonger, puisque – peut-être soucieux de se démarquer du «
Dictionnaire amoureux de la mer » de
Yann Queffélec, publié dans la même collection en 2018, et au-delà des réflexes naturels de l'auteur – il s'agit ici, avant tout, de voile de compétition ; certains éléments proprement marins, ou ressortant de la voile de croisière et de loisir, seront bien évoqués, mais toujours ou presque de manière accessoire ou secondaire :
Loïck Peyron nous parle avant tout d'un métier, celui de la course au large, de sa composante sport de haut niveau (on pensera aux articles sur les consoeurs et confrères, « Autissier, Isabelle », « Bidégorry, Pascal », « Birch, Mike », « Bourgnon, Laurent » – historiquement, le meilleur adversaire de l'auteur -, « Dame
Ellen Mac Arthur », « Dick,
Jean-Pierre », «
Florence Arthaud », « Gautier, Alain » ou « Terlain, Jean-Yves ») comme de sa composante technique et architecturale (dont témoignent par exemple les articles « Architecture », « Ballasts », « Carbone », « Étrave », « Foils », « Irens, Nigel », « Juan K. (Juan Kouyoumdjian) », « Maurel, Jean », ou encore « VPLP Design (Van Peteghem Lauriot-Prévost) »).
Sous la parfaite éducation de ce navigateur qui s'est toujours distingué, dans un milieu parfois exagérément bourru ou rugueux, par son sens de la mesure et son verbe policé (il évoque bien entendu déjà, dans son « Course au large » de 1993 et son « Mes bateaux » de 2002, le rôle de ses parents, et notamment du commandant Peyron, de la marine marchande, dans la touche particulière de cette fratrie de féroces voileux que sont Bruno, Loïck et Stéphane – on songera sûrement au formidable « Face au vent » de Jim Lynch), il pointe néanmoins périodiquement deux constantes tacites, voire doucement dissimulées : celle d'une fierté d'autodidacte là où règnent désormais souvent des ingénieurs hautement diplômés – l'évocation du « Sextant », par exemple, et pas uniquement dans l'article qui lui est dédié, est toujours hilarante – et celle d'une fierté différente, liée à la participation au Graal anglo-saxon que représente la Coupe de l'America, pour un Français venu de la navigation hauturière, principalement en solitaire – et avant tout sur multicoque. On devine beaucoup d'émotion sous les mots d'apparence technique, et une tristesse profonde, aussi, lorsqu'il s'agit de la mort tragique d'un équipier en baie de San Francisco, dans un chavirage brutal – lui, qui, en solitaire et sur des mers autrement démontées, put toujours se targuer de n'avoir jamais chaviré.
Paradoxalement, c'est peut-être lorsqu'il délaisse le pur terrain de la voile de compétition, pour retrouver des envies de jeunesse ayant évolué (« Apprentissage », « Aventure », « Cartes » ou « Mini-Transat », par exemple), des oscillations au bord de la nostalgie bien tempérée (les articles à propos de « BLU » ou de « Saint-Lys Radio », par exemple) ou des lectures fondamentales (ses mentions des éditions Arthaud, du «
Navigateur en solitaire » de
Joshua Slocum, du« Kurun » de Jacques-Yves le Toumelin, des « Horatio Hornblower » de
Cecil Scott Forester, ou encore de
Bernard Moitessier, sont de toute beauté), que
Loïck Peyron m'aura le plus touché, ici. C'est que derrière le sportif de haut niveau, encore et toujours, se tiennent le voileux, le marin, et, oui, le rêveur, même si ce n'était pas à eux, sans doute, de s'exprimer principalement dans cet ouvrage.
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