De toutes les bévues de notre siècle, il n’en est pas de plus funeste que l’esprit de liberté, bon et très louable abstractivement mais si mal dirigé, en application, qu’il a rallié aux bannières du despotisme ceux même qui avaient penché pour la liberté. Une fâcheuse épreuve a démontré qu’il n’y a qu’illusion et péjorantisme dans ces belles théories.
Tel est le libre arbitre dont jouit l’homme CIVILISÉ et BARBARE: il est libre d’opter pour le plus ou le moins de privations et de supplices, et non pour le bien-être dont il voit les éléments autour de lui. S’il répugne à être pendu, il peut opter pour le petit inconvénient de se laisser mourir de faim, selon les principes de la morale du commerce et de la Charte qui condamnent le pauvre au gibet quand il ose demander du travail, du pain et un minimum social.
Distinguons entre l’entrave et la privation : un homme que la peur a glacé et qui croit voir un fantôme, n’a pas la force d’avancer ; un tel homme n’est qu’entravé et non pas paralysé comme celui qui serait perclus des deux jambes. Même distinction doit être faite sur les facultés mentales.
Placez un chien affamé près d’un pâté, son premier mouvement sera de commettre le mal, voler et manger l’objet convoité ; mais faites-lui voir le fouet suspendu sur sa tête, le pauvre animal s’éloignera et semblera vous dire : « Si j’étais libre, je mangerais le pâté, mais tu me rouerais de coups ; j’aime mieux souffrir la faim. »
Simone Debout, née en 1919, reçoit Mediapart chez elle, à Paris (XIVe), pour évoquer Charles Fourier (1772-1837), comparé à Sade, à l'occasion de la publication (chez Claire Paulhan) d'un ouvrage remarquable : « Simone Debout & André Breton – Correspondance 1958-1966 ».
Entretien réalisé par Antoine Perraud (décembre 2019)