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Alain Petit (Directeur de publication)
EAN : 9782845168947
234 pages
Pu Clermont (15/12/2019)
4/5   1 notes
Résumé :
Les Mots et les Choses est l'ouvrage de Foucault dans lequel il fait jouer à plein les concepts forgés par ses ouvrages antérieurs, Histoire de la folie et La Naissance de la clinique - en tout premier lieu ceux d'épistémè, d'archéologie, de doublet empirico-transcendantal - pour tenter une description nouvelle de l'élaboration des énoncés discursifs au sein des savoirs. Cependant, loin d'être un ouvrage récapitulatif et systématique, il est l'un de ceux où Foucault... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je me suis demandé quelle mouche m'avait donc piqué pour me saisir d'une lecture expliquée d'un des ouvrages les plus complexes de Michel Foucault, Les Mots et les choses. À la faveur de cette dernière Masse Critique, je me suis laissé tenter à sortir de ma zone de confort pour aller sur une lecture inhabituelle, difficile, exigeante, un ouvrage qui rassemble un collectif d'intellectuels et portant justement sur une revisite du fameux livre de Michel Foucault, cet ouvrage dont je vous parle s'appelle justement Foucault hérétique, Les Mots et les Choses, publié sous la direction de deux enseignants en philosophie, Bertrand Nouailles et Alain Petit, tous deux enseignants à Clermont-Ferrand. Ce détail n'est pas sans importance, puisque Michel Foucault enseigna à l'université de Clermont-Ferrand, précisément à l'époque où il travailla sur Les mots et les choses.
Je suis allé vers cette lecture avec à la fois de l'appréhension mais aussi beaucoup de curiosité, car je ne connais pas l’œuvre de Michel Foucault. Je sais seulement qu'il est une grande figure de la philosophie contemporaine.
J'ai l'impression que lire Michel Foucault, c'est entrer dans un monde jalonné de ronces et de pierres, un parcours difficile, abrupt. Je n'ai encore rien lu de lui. J'ai souvent écouté sa voix sur France Culture. Je l'ai réécoutée pour préparer cette chronique. J'aime cette voix, son chemin, certains de ses engagements. Son itinéraire m'interpelle, les thèmes qu'il a abordés dans son oeuvre : le pouvoir, la prison, la sexualité... Bien qu'il s'en défendait en tant que spécialiste des sciences humaines, je me suis laissé convaincre que cet auteur était un vrai philosophe, dans le sens où il dérangeait par sa pensée.
Foucault hérétique, Les Mots et les Choses est donc un livre qui vient porter un regard fouillé sur cet ouvrage de Michel Foucault, Les mots et les choses, publié en 1966. Pour ceux qui connaissent Michel Foucault et ceux qui le suivaient dans son itinéraire intellectuel, ce livre fait date, marquant une sorte de rupture, une forme d'incompréhension dans la logique de son oeuvre.
J'ai trouvé ici la rigueur de l'enseignement, mais aussi cette qualité qui pour moi doit être indispensable chez l'enseignant, celle qui consiste à donner envie, même si l'approche de cet ouvrage est extrêmement complexe, ouvrage sans doute plutôt réservé aux initiés.
L'ouvrage est constitué de textes, pour lesquels sont convoqués différents contributeurs. En introduction, de chaque contribution figure un résumé, avec sa traduction en anglais, qui nous rappelle que la pensée de Michel Foucault est d'une portée internationale. À la fin, l'ouvrage présente des fiches de texte inédites de Michel Foucault dédiées à la préparation de son livre...
Le propos est de faire émerger les hérésies liées à la pensée qu'a développée Foucault dans Les Mots et les choses, rupture avec la pensée philosophique humaniste, rupture avec celle des structuralistes dont il se revendiquait, enfin rupture avec la continuité de sa propre pensée...
Rupture ? le mot est peut-être trop fort. Les contributeurs semblent vouloir en atténuer la force, il y a sans doute des nuances, des discontinuités, des choix, des bifurcations...
Ce livre confirme, s'il en était encore nécessaire, le caractère multiple et discontinu de l'oeuvre de Michel Foucault.
Sociologue ou philosophe ? Qu'importe... Michel Foucault détonne dans le monde des sciences humaines, philosophe sans doute pour convoquer Kant dans sa réflexion, mais surtout penseur multiple, historien, sociologue, structuraliste...
Ce livre démontre que penser impose justement une discontinuité, ce qui représente une cohérence interne propre au cheminement philosophique de Foucault.
J'ai particulièrement aimé une phrase du propos introductif, évoquant l'engagement de Michel Foucault : « Se frotter à sa pensée, c'est devoir repérer et rendre compte des objets et des expériences qui le conduisent à la bifurcation, au décalage, au déplacement, à l'écart, s'il est vrai que penser et écrire philosophiquement c'est « se déprendre de soi-même », qu'acquérir des connaissances c'est « autant que faire se peut l'égarement de celui qui connaît », que philosopher enfin c'est « au lieu de légitimer ce qu'on sait déjà, [...] entreprendre de savoir comment et jusqu'où il serait possible de penser autrement. » Penser autrement, tout est dit ici... Ah, si parfois nous parvenions à penser autrement...
L'intérêt d'écrire un livre sur un livre, - et justement sur ce livre -, n'est-ce pas également une manière de reconnaître son côté « aussi dérangeant que déroutant. »
Dans les premières pages du livre de Foucault figure une introduction fondatrice de son propos : la très belle description d'un célèbre tableau de Vélásquez, les Ménines. Je n'ai pas lu Les Mots et les choses, comme je vous l'ai dit, mais j'ai pris cependant le temps d'en lire les quelques dizaines de pages qui forgent son introduction. J'ai aussi pris le temps d'aller regarder ce tableau sur Internet...
Il s'agit d'un tableau où le peintre nous contemple avec son pinceau, devant une toile posée de côté et il semble en effet que le peintre, en train de peindre, nous contemple, nous capte et nous interpelle dans la pose. Nous regardons donc un tableau dans lequel un peintre nous regarde. C'est un face à face. Nous nous trouvons à la place de son modèle. Nous sommes spectateurs et accueillis sous le regard du peintre pour qui nous devenons le motif de sa peinture. "Le regardant et le regardé s'échangent sans cesse. Parce que nous ne voyons que cet envers, nous ne savons qui nous sommes, ni ce que nous faisons. Vu ou voyant ?" Je vous avoue que j'ai été totalement bluffé par ce tableau que je trouve d'une richesse incroyable. Ce tableau est pour Foucault la représentation de la représentation classique. L'absence des souverains est flagrante en même temps que leur présence puisqu'on les voit dans le reflet d'un miroir face à nous, précisément.
Il y a un point aveugle, un élément manquant. Foucault s'attache à cette place vide qui sera remplie par la figure de l'homme à partir de notre modernité qui s'ouvrirait avec Kant et l'anthropologie. L'homme objet, puis sujet de connaissance sera un des leitmotivs du propos de Foucault, prenant appui sur le tableau de Vélasquez, le situant par là-même comme un point de discontinuité entre la représentation classique qu'il figure et la modernité qu'il pressent dans la manière de le regarder et de vouloir le comprendre.
Dans l'ouvrage dont je vous parle, un des contributeurs s'attache à poursuivre le décryptage de la pensée de Foucault dans son regard de ce tableau, offrant quelques angles nouveaux d'observation. C'est passionnant. Je vous invite par vous-mêmes à vous rendre compte de la richesse discursive de ce tableau.
Cette image est l'occasion pour Foucault de développer son concept d'épistémè. Ce sont des temps de l'histoire, des modèles culturels dominants, des champs du savoir, des structures de pensée, qui évoluent insensiblement jusqu'au moment où il y a une véritable rupture, une faille radicale, passant d'un épistémè à l'autre. Ainsi, selon lui, sous les grandes continuités de l'histoire, il y a des interruptions, des discontinuités, des ruptures. Foucault identifie trois épistémès, le temps médiéval, le temps classique, le temps de la modernité... Si j'ai bien compris, la pensée fondamentale de Foucault consistant à faire passer ces trois épistémès à travers des failles radicales, est quelque chose qui a choqué ses contemporains philosophes, mais aussi les historiens.
Alors, bien sûr les contributeurs de l'ouvrage s'attachent à regarder de près cette possible contradiction entre la représentation que se fait Foucault à travers les discontinuités de l'histoire et son propre système qui, lui, suit le fil d'une continuité permanente. C'est ici un point d'hérésie.
Je vous cite ici le dernier paragraphe de l'introduction de l'ouvrage, offrant une merveilleuse perspective :
"Ce volume n'a pas la prétention d'épuiser Les Mots et les choses et, du reste, ne s'en est pas donné l'ambition. Il s'est agi d'en proposer des lectures afin finalement de mieux cerner le geste théorique qui a conduit Foucault, à un moment donné à l'état de sa pensée, à dégager la notion d'épistémè pour continuer à assumer le geste inaugural kantien, : la pensée qui se pense elle-même dans sa finitude."
Dans la dernière rupture, permettant d'aborder le temps de la modernité, Foucault s'intéresse à l'homme et à cette dernière faille radicale entre deux épistémès qui a donné naissance à la fin du XVIIIème siècle à l'homme, par l'émergence des sciences humaines. Dans son propos, avec ironie, Foucault évoquera l'invention de l'homme et annoncera dans le même temps sa mort prochaine. Dans ce geste, pour Foucault, il s'agit d'affranchir la philosophie de l'humanisme, des humanistes mous, Sartre, Saint-Exupéry, Camus, Teilhard de Chardin, pas des moindres, que du beau monde, ceux qui veulent parler de l'homme et de sa libération, ajoute-t-il. Michel Foucault considère cet humanisme comme une perversion. Rien que cela ! Cela bien sûr m'a choqué, surtout à propos de Camus, d'autant plus que les contributeurs semblent assumer cette radicalité, bien que l'exprimant d'une toute autre manière... J'aurais aimé voir une contribution permettant d'infléchir ce propos radical...
Pour autant, l'ouvrage fait surgir l'angle intéressant qui permet de montrer la limite des sciences humaines. N'y a-t-il pas en effet une ambiguïté propre aux sciences humaines qui se donnent l'homme pour objet, mais c'est un homme dont l'étude qu'elles en proposent est dissoute dans l'étude qu'elles en proposent ? Les sciences humaines étudient l'homme qu'elles contribuent à déconstruire en l'étudiant. L'homme est libre, n'est pas quantifiable, ne peut être réduit à une simple équation.
L'idée d'un philosophe qui déconstruit me paraît intéressant et n'est pas sans m'évoquer un autre philosophe spécialiste de la déconstruction, en la personne de Michel Foucault.
Pour conclure, je dirai que cet ouvrage est une richesse intellectuelle, plutôt abordable par des spécialistes qui connaissent déjà Michel Foucault. Peut-être un regret : j'aurais voulu lire des contributions jouant le côté détracteur face à la pensée de Foucault. Mais ce n'était peut-être pas le propos de ceux qui ont dirigé cette publication... Enfin, est-ce que ce livre m'a donné envie de me plonger dans l'oeuvre de Foucault ? Oui, mais sur d'autres sujets sociétaux qui me semblent davantage prioritaires dans le contexte actuel.
N'oublions jamais qu'un philosophe est grand aussi par ce qui lui échappe.
Je remercie Babelio et les éditions Presses Universitaires Blaise Pascal pour l'envoi de ce livre.
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Attention, le lecteur lambda doit s'accrocher !
Foucault continue à assumer le geste inaugural kantien : la pensée qui se pense elle-même dans sa finitude.
Selon le philosophe, "la linguistique ne parle pas plus de l'homme lui-même que la psychanalyse ou l'ethnologie".
La démonstration principale des Mots et des choses est qu'il y a plusieurs épistémés (ensemble des connaissances à une époque donnée) qui se sont succédés et qui ont été autant de ruptures dans l'ordre du pensable pour les sciences.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Pour préparer Les mots et les choses, Foucault a rédigé plusieurs centaines de fiches de prises de notes
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