L'habitant de l'infini est un grand classique du manga, une référence parmi les histoires de samouraïs, et cette nouvelle édition publiée par Casterman est l'occasion pour moi de découvrir cette oeuvre culte.
Ce premier volume comprend les deux premiers tomes de la série et pose les bases de l'univers et de l'intrigue. L'histoire se déroule dans le Japon de l'époque d'Edo et nous suivons
Manji, un guerrier immortel qui cherche à racheter ses péchés en tuant 1000 scélérats. Dans sa quête de rédemption, il fait la rencontre de Rin, une jeune fille cherchant vengeance pour la mort de ses parents. Ensemble, ils décideront de s'entraider pour venir à bout de leurs ennemis communs.
Le manga s'ouvre sur un prologue qui nous explique comment
Manji a acquis son immortalité et pourquoi il fait le serment de racheter ses péchés passés. Dès l'ouverture du manga, on est frappé par son style visuel qui le distingue de la majorité des autres mangas. Les dessins du mangaka,
Hiroaki Samura, ont une profondeur et une intensité qu'on retrouve rarement. Les dessins ont un aspect très crayonné, ce qui donne à l'ouvrage une patine traditionnelle, un style graphique très détaillé et très distinctif. Et, en même temps, parfois un peu brouillon, mais clairement maîtrisé.
La jaquette du manga, tout en nuances de gris, rappelle justement les dessins faits au crayon de bois. Elle possède également une texture un peu rugueuse au toucher, qui rappelle justement les dessins granuleux, un peu âpres, qu'on va découvrir à l'intérieur du livre. Cette édition propose un bel objet !
Pour en revenir au prologue et au début de l'histoire, j'ai trouvé que la narration était un peu confuse, brouillonne et que le personnage de
Manji n'était pas forcément dépeint comme un personnage attachant. J'ai plusieurs fois tiqué sur sa façon de parler, qui m'a semblé assez anachronique par moment (« le fric » ; « magne-toi ; « c'est tordant » ; « t'as du bon matos » ; « on se bouge le train »...) .
Les insultes proférées par le guerrier sont assez comiques (« crâne d'oeuf », « bande de sales blancs-becs » , « morveuse », « espèce de ver solitaire », « gros ogre pervers » ; etc.) rappelant parfois les doublages des vieux dessins animés des années 90, mais j'ai trouvé cette dissonance entre l'intrigue sombre et violente et le parler grotesque du protagoniste assez dérangeante. Heureusement, ça s'atténue un peu au fil des chapitres.
Les péripéties s'enchaînent dans les premières pages, mais elles ne sont pas assez percutantes à mon goût. Il m'était difficile de me sentir concernée par ce qui arrivait à notre anti-héros.
Toutefois, l'histoire prend une dimension nouvelle avec l'introduction du personnage de Rin
Asano, une adolescente de 16 ans cherchant à se venger de la mort de ses parents. Elle implore
Manji de devenir son garde du corps et de l'aider à se venger de celui qui a assassiné ses parents. Ensemble, ils vont se frotter à l'école Ittôryû et à ses combattants.
La narration, tout comme le dessin pourtant déjà très distinctif, s'aiguise et s'affine tout au long des chapitres, pour nous offrir un manga riche et complexe, avec des personnages travaillés. La relation qui se développe entre Rin et
Manji est particulièrement savoureuse et donne une dynamique intéressante à l'ensemble.
Hormis les quelques défauts mentionnés plus haut, L'habitant de l'infini est un manga qui attise notre curiosité et notre intérêt assez rapidement. Les derniers chapitres promettent une histoire de plus en plus complexe, profonde, avec des thèmes matures et des combats violents. J'ai hâte de lire la suite (que j'ai déjà mise dans ma bibliothèque). L'édition immortelle est de superbe qualité, et je remercie Babelio et Casterman pour l'envoi de ce livre à l'occasion d'une opération Masse Critique.