J'ai refermé ce roman
La démence du sage avec regret et il m'a laissé longtemps après la lecture une sensation de sérénité, mais aussi de profonde tristesse.
Les événements se déroulent au printemps 1989 à Shanning, dans le sud de la Chine. Jian Wan est un jeune étudiant à l'avenir prometteur à l'université de littérature de Pékin, sous la maîtrise du professeur Yang (son futur beau père aussi). Lorsque ce dernier subit une attaque cérébrale, qui l'oblige à être hospitalisé, le Parti lui assigne le devoir de rester à son chevet. le vieil homme est très perturbé : alternant les périodes de sommeil et des phases d'agitation intense, son discours semble totalement incohérent. Tout d'abord gêné de l'attitude inconvenante de cet homme respectable, Jiang comprend peu à peu que ses propos ne sont que l'évocation des différentes périodes de la vie de Yang : son parcours au Parti socialiste, son enfermement dans un camp de redressement, les différentes femmes de sa vie. Peu à peu, Jian est troublé par cette existence faite d'humiliations, de trahisons, de choix moraux : les paroles de son maître font éclater ses certitudes et lui ouvrent les yeux sur la vacuité de son existence. de fait, il s'éloigne peu à peu de ses amis, de sa carrière et même de sa fiancée et finira par participer à une manifestation sur la place Tienanmen qui scellera ses choix et donc son destin.
C'est un roman puissant, très fort qui dissèque avec précision tous les ressorts du fonctionnement du Parti maoïste. Celui-ci maitrise tous les aspects et les moments de la vie des chinois, jusqu'à leur mariage, et la réussite ne peut être obtenue que par la soumission à des dirigeants corrompus. Toute réflexion personnelle ou toute forme d'indépendance est irrévocablement brisée.
Ha Jin réussit à travers le parcours du professeur Yan, non seulement à évoquer les terribles trente dernières années du maoïsme, mais aussi son fonctionnement contemporain tout aussi dictatorial. A travers le parcours personnel de Jian, il permet de comprendre comment des milliers de jeunes gens comme Jian ont pu tenter de briser le joug en ce terrible printemps de 1989.
Le style est puissant bien que très épuré dans l'écriture. Et pourtant, que d'émotions, de tristesse, de choix douloureux sont évoquées dans ce roman magnifique