Ce roman qui est à la fois romance contemporaine et enquête documentaire, nous entraine chez les éleveurs de brebis et les bergers de la vallée d'Ustou dans les Pyrénées ariégeoises.
La ruralité en montagne, Zita
Albouy connait bien. Après avoir bourlingué dans le monde, la voilà de retour à la ferme familiale, parmi les brebis.
« Paisibles, les brebis plongèrent leurs têtes blanches dans le foin, oubliant vite l'humaine qui s'avançait sur la paille. Pelage blanc, semblable à celui de ses frères et soeurs de bergerie, Vanille, la chienne de race patou saut au-dessus de la mangeoire pour toiser Zita, avant de reprendre sa place parmi les siens, rassurée. »
Maylis Adhémar connait son sujet sur le bout des doigts, et elle sait le partager tout du long du récit en nous montrant les difficultés et les enjeux du métier d'éleveur. On apprend ce qu'est un dérochement, qui coûte la vie à de nombreuses bêtes, on sait l'importance du foin pour l'hiver, le danger d'une épidémie de piétin et on découvre le travail du berger.
« le berger doit être un peu vétérinaire, un peu botaniste pour reconnaître les plantes, mener le troupeau vers la réglisse, ne pas laisser les bêtes piétiner des terrains et abîmer l'estive, les faire circuler avec l'aide des chiens, tout en assurant leur alimentation et en subissant l'attaque de l'ours… »
L'ours ! le véritable héros de ce roman, tant il suscite de fascination, d'amour, de rejet et de peurs. Sa réintroduction pose des problèmes aux éleveurs qui n'avaient plus l'habitude de cohabiter avec le fauve. Et les partisans de leur réintroduction, les défenseurs du monde sauvage s'opposent à la réalité rurale, mais il est facile de défendre un prédateur venu des forêts de Slovénie lorsqu'on ne connait pas la vie en montagne. le pastoralisme s'il veut survivre, doit cohabiter avec ce prédateur qui vient se servir parmi le troupeau et c'est un crève-coeur pour le berger de voir ses bêtes éventrées par la bête sauvage.
Si la montagne doit retrouver un certain réensauvagement, le pastoralisme lui est aussi indispensable et c'est Simon, le berger, qui en parle le mieux.
« Vous voyez cette montagne, sa végétation, tout ce pour quoi vous venez ? C'est la brebis qui fait ça. Sans les troupeaux, elle ne serait pas entretenue, elle serait envahie par les genêts et les ronciers, recouverte, différente. »
C'est ce que j'ai aimé dans ce roman, l'affrontement entre les néo ruraux, les citadins écologistes parfois végétariens et les paysans installés depuis des générations dans leur montagne et qui tentent de survivre avec leurs troupeaux. Les esprits de tout ce petit monde vont s'échauffer lorsqu'un ours est retrouvé mort.
L'auteure prend parti, elle est du côté des éleveurs, des bergers et de ceux qui vivent en harmonie avec la montagne.
« En pointant du doigt les éleveurs et les bergers des Pyrénées, ils faisaient fausse route. Leur choix d'installer des ours slovènes sur ce territoire où le paysan est jardiner du paysage était une aberration. En voulant sauver la biodiversité, ils allaient l'achever. »
Et l'auteure, par le biais de Zita, va plus loin : pourquoi ne pas réintroduire l'ours dans les forêts primaires, « dans ces futaies où les cervidés sans prédateurs ne laissent aucune chance aux jeunes pousses. »
Bien sûr, il n'y a pas que des brebis et des ours dans ce roman, il y a aussi la relation amoureuse entre Zita et Pierrick, mais celui-ci est papa d'une petite Inès. Très envahissante, la mère d'Inès, qui est aussi végétarienne et écologiste convaincue, se révèle vite une rivale acharnée. Zita se retrouve dans le rôle délicat de la belle-mère.
J'ai été beaucoup moins convaincue par la romance de Zita avec Damien le beau rugbyman et ensuite Pierrick le citadin bobo.
Ce n'est pas l'intrigue du roman qui m'a le plus passionnée mais bien le regard que pose l'auteure sur le pastoralisme et le monde sauvage.