Ante-mortem
C'est l'histoire de Marc, quinquagénaire, ex soixante-huitard, retraité de l'E.N. qui a décidé d'en finir avec la vie après que d'autres en ait fini de lui. Il s'agit donc maintenant de profiter des dernières 10 080 minutes qui vont précéder ce moment où il tirera sa révérence au monde. Il s'agira aussi de revenir sur ce qu'il fut et ce qui l'a conduit au désir de mort. Rien ne doit venir contrarier ses plans, pas même une mort accidentelle avant l'heure choisie. Et pourtant...
La branche de Marc est un roman intimiste en cela qu'il pénètre au coeur d'un homme pour nous raconter ce qu'a été son parcours sentimentalo-professionnel jusqu'à ce présent où ce même homme désabusé par la vie nous livre le contenu de ses supposés derniers jours.
Introspection, analyse et autocritique.
De Marc nous apprendrons son histoire. Bribes de vie : du jeune homme gaucho-anarchiste, membre du groupe Malatesta à son parcours d'enseignant (primaire, secondaire) puis chef d'établissement en passant par sa rencontre, sa vie avec Jacqueline (copine, amante, épouse, mère de son fils). Marc était un jeune homme plein d'idéaux, de convictions, qui à lutter sur les barricades parisiennes en 68 mais qui, au fil du temps et de la maturité, s'est rendu compte que ses petits actes de rébellion contre le conformisme ne l'ont conduit à rien de plus qu'une vie rangée de bourgeois. Il comprendra lors d'un dernier sursaut "révolutionnaire" pour briguer un mandat de maire dans sa banlieue bourgeoise que ses idées ne peuvent plus rassembler des gens qui maintenant n'aspirent qu'au calme et à la tranquillité. Ultime déception d'une vie qui ne trouve plus son sens. En bout de course ou presque, un drame lui conférera un statut de réprouvé, de paria et viendra définitivement creuser un écart entre lui et les autres le laissant seul et déçu par la vie et les siens.
Réflexion, décision, hésitation.
Et ce sont peut-être ces rêves brisés, surtout cette solitude, ce sentiment d'abandon, de vie qui ne trouve plus son sens qui vont conduire Marc à planifier stoïquement sa mort pour dans 7 jours, 10 080 minutes. Entre alors le récit de ces derniers jours. le flot de pensées qui l'assaillent, le bilan de sa vie, les souvenirs et les regrets. Les constats sur la vie, sur les hommes qui mènent à une forme de clairvoyance et de capacité à les sonder et à se voir soi-même aussi : aïe ça fait mal.
Marc va s'autoriser quelques derniers plaisirs, comme les dernières volontés d'un condamné : dîner dans un restaurant de luxe, visite du Louvre, ultime flâneries dans un parc mais aussi au détour d'une plongée dans une édition en relief du kama-sutra et d'une rencontre heureuse et fortuite, désir, envie d'une dernière jouissance, soif d'un dernier plaisir. Se rendre compte au final que la vie peut réserver encore et toujours des surprises, que d'autres encore vont plus mal. Trouver en les aidant un nouveau sens à sa vie, la force de la prolonger en se disant qu'on a après tout plus rien à perdre et tout à gagner.
Une lecture somme toute plaisante dont j'ai apprécié certains aspects comme le retour de Marc sur ses années d'enseignant, sa vision du métier, ses combats d'idéaliste qui se frottaient aux directives de l'E.N., sa critique du système. J'ai apprécié ses réflexions d'homme mûr, son auto-critique. J'ai apprécié parfois les mots et l'ironie.
J'ai apprécié surtout que ce roman ne soit ni larmoyant, ni triste et j'ai sûrement apprécié que la vie reprenne le dessus même si je n'ai jamais cru qu'il s'achèverait sur Marc pendu à une branche.
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