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EAN : 9782354086367
Mnémos (19/04/2018)
4.02/5   43 notes
Résumé :
Abyme, ville merveilleuse et baroque, est aussi l'unique cité des Royaumes crépusculaires où les peuples mortels peuvent cohabiter avec les démons et leurs seigneurs infernaux... Jusqu'à aujourd'hui. Après dix ans d'absence, Maspalio, farfadet flamboyant et ancien prince-voleur de renom, revient dans sa cité de coeur sur une énigmatique injonction de son ancienne amante Cyre. Mais dès son arrivée, rien ne se passe comme prévu... Abyme a changé et souffre d'une mysté... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
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DE CHARYBDE EN SCYLLA...

À tout seigneur, tout honneur : entamons cette trois cent trente-huitième critique par des remerciements d'usage - mais délivrés avec la plus grande sincérité - pour Babelio d'abord, sans qui je n'aurais eu le plaisir un peu adolescent de découvrir ce livre. Pour Mnémos, enfin, qui fait un travail remarquable en direction des littératures dites (avec un mépris à peine caché, parfois, hélas) "de genre", SF et Fantasy au premier chef. Les remercier donc pour cet envoi du dernier opus de Mathieu Gaborit et de son premier tome de la Cité exsangue dans le cadre d'une Masse Critique spéciale.

Ceci étant, tâchons d'entrer dans le vif du sujet. Vif, c'est d'ailleurs l'un des qualificatifs les plus précis qui définirait l'ensemble de ce roman. Mais reprenons au commencement, si vous le voulez bien :

Sans nul doute, les lecteurs habituels de Mathieu Gaborit retrouveront-ils avec un infini plaisir un petit héros - petit n'étant pas ici qu'une formule stylistique puisqu'il s'agit du farfadet sans doute le plus célèbre de ces vingt dernières années dans l'univers de la Fantasy -, le dénommé Maspalio d'Abyme, Prince-voleur à la retraite (de son propre chef) ayant rejoint les Abysses emplies de démons afin d'y couler ses derniers jours en solitaire. Las ! Il s'en sera fallu d'une simple lettre pour que tout bascule dans l'existence trop bien rangé de ce sympathique personnage. Une lettre, oui ! Mais de celle qu'il a toujours aimée, sans jamais avoir eu le courage vrai de risquer la vie avec elle. Elle, c'est Cyre, une lutine qui bouscula jadis la vie de débauche de notre héros. Elle qui lui enjoint de revenir au plus vite dans l'ébouriffante cité de la République-mercenaire parce qu'un certain orphelinat est en danger, parce qu'elle a des choses à confier à son ancien compagnon qui ne peuvent s'expliquer que de vive voix...

Seulement, cela fait dix longues années que Maspelio n'a remis les pieds en Abyme et le moins que l'on puisse en dire c'est que tout ou presque y a changé... ou est en train d'être définitivement bouleversé.

Dès l'arrivée de son personnage principal aux portes de la citadelle, l'auteur saisit son lecteur par la manche - ainsi qu'on le fait lorsqu'on n'a pas de temps à perdre en palabres inutiles - et ne le quittera plus un seul instant des presque deux cent cinquante pages qui vont suivre. Il serait vain de vouloir en donner un résumé plus précis, à moins d'en dévoiler la trame secrète, sans le talent de conteur de Mathieu Gaborit. En revanche, on peut sans peine ajouter qu'on y croise tout une théorie de personnages directement surgi de ce qu'il est coutume d'appeler "Le Petit Peuple", si bien documenté par ce cher Pierre Dubois, "elficologue" de son état.
Ainsi, une jeune lutine nommée Mèche, fille de la fameuse Cyre précédemment mentionnée, et qui accompagne une grande partie de ce roman trépidant, passant tour à tour du rôle de sauveteuse à celui moins évident d'otage ; une terrible ogresse dont le destin va se trouver entremêlé - emberlificoté serait presque plus exact - à celui de Maspelio, à son corps très défendant est-il indispensable de le préciser ? ; ainsi que tout un peuple de monstres, de géants, de nains, de lutins, de religieux fanatiques, de "gros" mis violemment au régime, de joueuses de scie musicale, de démon des basses et hautes sphères des Abysses, tout ce petit monde se retrouvant lié, tous contre un seul semble-t-il au commencement. Il s'avérera que les choses sont bien plus complexes, comme de bien entendu, ce premier volet s'apparentant à une espèce de rite initiatique, d'examen de passage violent et déroutant, possiblement mortel même, dont notre farfadet est le cobaye aussi involontaire qu'intensément réactif.

Si la Cité décrite dans cet opus est sur le point de devenir exsangue, c'est à dire, permettons-nous de le rappeler, ce qui définit quelqu'un ou quelque chose ayant perdu beaucoup de sang, qui n'est plus irrigué par lui ou, pour les mêmes raisons, qui est très pâle, voire, au figuré, vidé d'énergie, de force, de vitalité, il n'en est en rien de même pour cette histoire flamboyante, emportée, enthousiaste, d'une mobilité quasi perpétuelle et envoûtante, à l'instar de ces personnages totalement imaginaires auxquels, pourtant, on se prend à croire sans aucune peine, sans aucune hésitation. Bien sûr, il n'est pas question ici de faire acte de profonde psychologie, ni de développer d'intenses réflexions personnelles destinées à bouleverser l'ordre des choses. de toute manière, l'action y est tellement prépondérante que cela laisse peu de place à d'inutiles réflexions. Mais La Cité exsangue, dont on peut d'ailleurs affirmer sans mal qu'elle est l'autre personnage principal du récit, est d'un tel ravissement - celui comparable à ceux de l'enfance - d'une telle énergie et d'une telle richesse imaginative que, même sans être le plus grand lecteur de fantasy qui soit et, mieux encore, sans jamais avoir lu d'autres ouvrages de Mathieu Gaborit (ce qui sera bientôt corrigé !) on se laisse totalement emporter par ce style à la fois simple mais vrai, agréable et direct qui ne fait sans doute pas dans la fioriture stylistique mais qui sait invariablement atteindre son but : emmener le lecteur là où il le faut, sans ennui, sans temps mort - et, plus délicat : sans le prendre pour un gogo -, en le faisant passer par toutes sortes de couleurs inconnues, originales, fantasmagoriques pour lui décrire un monde foisonnant, impossible mais vraisemblable dans sa douce folie !

Bien que d'une écriture un peu moins précieuse et baroque que celle d'un Philippe Jaworsky, on retrouvera dans ce premier volet un peu de la fougue virevoltante de Gagner la guerre, par exemple. Certaines scènes urbaines ne seront pas non plus sans évoquer l'univers complexe de l'Empire Ultime de Brandon Sanderson, principalement lorsque le Prince-voleur fait appel à ses savoirs démoniques. On pourrait sans doute passer en revue bien d'autres références, exactes ou fantaisistes, mais il nous faut rappeler cette évidence que La Cité exsangue est l'un de ces ouvrages qu'il y a quelques paires de décennies l'on aurait situé dans de la très bonne, non : de l'excellente "littérature populaire" (ce qui n'est en aucun cas dégradant, bien au contraire, pourvu que cela soit créé avec honnêteté, sincérité et beaucoup de plaisir d'écrire. C'est ici assurément le cas), avant même de l'enfermer dans tel ou tel genre, plus précis sans nul doute, mais l'éloignant d'un autre public envisageable et moins spécialisé.

Voilà donc quelques - trop courtes - heures passées à rêver, à sauter, à trépigner, à bagarrer, à survivre et à rêver en compagnie d'un petit farfadet, qui se sont, trop vitement achevées mais que l'on espère retrouver bientôt, très, très bientôt !
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Après dix ans passés loin d'Abyme, voilà que Maspalio se voit forcé de sortir de sa retraite à la demande de son ancienne amante et amie, Cyre. Grisé à l'idée de retrouver enfin celle qu'il considère toujours avec orgueil comme SA cité, le farfadet vieillissant ne tarde toutefois pas à déchanter. D'abord parce qu'il n'est de toute évidence pas le bienvenu ,et a un mal de chien à ne serait-ce que pénétrer dans la ville. Ensuite, parce que le souvenir qu'il avait gardé de la flamboyante Abyme n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle est devenue aujourd'hui... Près de vingt ans après « Agone » et « Aux ombres d'Abyme », Mathieu Gaborit signe avec « La cité exsangue » son grand retour dans les Royaumes crépusculaires et renoue pour l'occasion avec l'un de ses héros les plus emblématiques : le farfadet Maspalio. Si je n'ai pas encore eu l'occasion de me pencher sur ces deux oeuvres phares (même si cela ne saurait désormais tarder), j'ai malgré tout déjà pu découvrir quelques textes de l'auteur, dont plusieurs nouvelles justement en rapport avec cet univers (réunies pour certaines dans le très beau recueil « D'une rive à l'autre » réédité en poche il y a deux chez Hélios). En dépit de mes connaissances lacunaires, j'ai donc tout de même décidé de me lancer à la découverte de ces « Nouveaux Mystères », qui constituent le prélude à une nouvelle série consacrée à la ville d'Abyme. Et grand bien m'en a pris ! Car si avoir connaissance au préalable du passé de Maspalio et de la cité est évidemment fortement conseillé, le fait de ne pas avoir lu les précédentes oeuvres de l'auteur ne gêne pour autant en rien à la compréhension générale du texte (même s'il est évident que les connaisseurs seront mieux à même de déceler et d'apprécier toutes les références qui grouillent dans le récit).

Cette nouvelle incursion dans la célèbre cité est certes un peu courte (deux cent cinquante pages) mais elle s'avère amplement suffisante pour apprécier à la fois la flamboyance de l'univers de l'auteur et la qualité de sa plume. le récit est mené tambour battant et ne nous offre que très peu de moments de répit : l'auteur nous plonge dans l'action dès les premières lignes et ne nous en sort qu'à la toute dernière page, dont on émerge un peu hébété de se voir sortir si brutalement d'une aussi agréable immersion. On ne s'ennuie donc pas une seconde, d'autant que l'intrigue est ponctuée de rebondissement savamment orchestrés qui viennent constamment renforcer l'intérêt déjà bien aiguillonné du lecteur. le dynamisme du récit est encore renforcé par la qualité de la plume de l'auteur qui se fait tour à tour incisive ou poétique. Les dialogues sont particulièrement savoureux et le bagou dont fait preuve Maspalio, quelque soit la gravité de la situation dans laquelle il se trouve, participe sans nul doute à le rendre immédiatement sympathique (quitte à parfois lui jouer de vilains tours...). Difficile en effet de ne pas se prendre d'affection pour ce farfadet certes arrogant mais qui compense ses travers par un sens de la dérision à toute épreuve et par une vision sans concession et non dénuée de charme de ce que devrait redevenir sa cité. Ses retrouvailles mouvementées avec cette dernière vont évidemment être l'occasion pour Maspalio de renouer avec un certain nombre de connaissances que les lecteurs assidus identifieront sans doute avec plaisir. le fait de ne pas les avoir déjà rencontré n'empêche en tout cas pas de les apprécier, quand bien même la plupart d'entre eux ne font qu'une brève apparition dans le récit. Les nouveaux arrivants ne sont pas en reste, et remplissent parfaitement leur rôle, qu'il s'agisse de la jeune et combative Mèche ou de la redoutable et rancunière sénéchale.

Outre la qualité de la plume de l'auteur, ce qui fait avant tout le charme du roman reste incontestablement son univers. Car Abyme est sans aucun doute l'une des cités les plus marquantes qu'il m'ait été donné de visiter lors de mes pérégrinations littéraires. Il faut dire que l'amour presque démesuré que le protagoniste porte à sa ville ne tarde pas à devenir contagieux. Au fur et à mesure des déambulations de Maspalio dans les différents coins et recoins d'Abyme, on s'émeut et s'émerveille en symbiose avec le personnage de la beauté de tel lieu, ou des souvenirs qu'évoquent tel autre. La Grande Place de la ville fait notamment forte impression, avec ses auberges mobiles évoluant au rythme des courants de la foule et ses géants-taxis, de même que le quartier des Milles Portes et les délices qu'il promet, ou encore celui du Lierre, protégé par son immense mangrove. Cette affection communicative que le héros porte à la cité nous rend d'autant plus insupportable les changements constatés par la Cure, cette entreprise d'assainissement impulsée par l'Acier et qui se manifeste par une expulsion des démons, un récurage en règle de la cité et de certaines de ses institutions, et surtout par une mise au pas des Gros et de leur mode de vie jugé dévoyé. le joyeux bordel qui caractérisait l'Abyme d'autrefois a ainsi peu à peu laissé la place à l'ordre d'une ville aseptisée et dépourvue de tout ce qui faisait son exubérance. Autant dire que ça ne convient pas à notre farfadet, et par conséquent à nous non plus ! le roman fourmille d'idées plus originales et plus astucieuses les unes que les autres, à commencer par les créatures du vaste bestiaire convoqué ici par l'auteur qui mêle lutins, ogres et géants traditionnels à des méduses, des minotaures, des devanciers (un petit air de « Minority Report »), des Advocatus Diaboli, ou encore des Salanistes (illustrées sur les rabats par Julien Delval). Bref, voilà un auteur qui a de l'imagination à revendre !

Que vous ayez déjà eu l'occasion d'arpenter les rues d'Abyme aux côtés de Maspalio ou non, vous ne pouvez pas passer à côté de ces « Nouveaux Mystères d'Abyme » qui marquent le grand retour de Mathieu Gaborit dans les Royaumes Crépusculaires et le début d'une nouvelle série de fantasy éminemment prometteuse. Un univers foisonnant, des personnages hauts-en-couleur, une plume soignée et poétique, une intrigue passionnante : les raisons de vous plonger dans ce premier tome ne manquent pas et devraient ravir tout bon amateur de fantasy qui se respecte. Un gros coup de coeur !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Quelle belle découverte ! Avec ce titre, je découvre pour la première fois la plume de Mathieu Gaborit et je ressors conquise ! Un grand merci à Babelio et aux éditions Mnémos pour cet envoi!


En participant à cette masse critique je ne savais absolument pas que le tome 1 de "La cité Exsangue" était une suite des sagas "Les royaumes crépusculaires". Je ne connaissais même pas de nom ces ouvrages, ni l'auteur pour être honnête. (oui, je sais, vu la belle réputation de l'auteur que j'ai lu sur la toile c'est la honte. Vous pouvez me lancer des tomates…lol).
Mais le gros, très gros, avantage de ce nouveau cycle, c'est qu'il peut se lire complètement indépendamment de ses prédécesseurs. Je n'ai rencontré aucun problème de compréhension, même si il est vrai que j'aurai souhaité avoir davantage de détails ou d'explications sur certains points. Je pense notamment à l'Acier par exemple, mais je suppose, et même ne doute pas, que des précisions sont présentes dans les ouvrages précédents.


Mathieu Gaborit a su me convaincre avec son texte très bien écrit au vocabulaire riche et adapté. L'auteur utilise des termes justement choisis autant pour les descriptions que pour les dialogues : l'immersion est totale. Si j'ai un tout petit détail à relever, c'est la répétition un peu trop présente du terme "coudée". Cette unité de mesure se fond parfaitement dans l'univers de Mathieu Gaborit mais j'ai trouvé qu'elle était souvent (trop souvent ?) répétée.
Hormis cela, je tiens à souligner la formidable imagination de l'auteur. Ce tome 1 de "La cité exsangue" est une superbe mise en bouche. Un premier volume introductif duquel je suis ressortie un peu frustrée de ma lecture (car presque trop court), mais aussi très curieuse de connaître la suite. Mais surtout, désormais, j'ai terriblement envie de découvrir les précédentes aventures de Maspalio!


Maspalio, protagoniste principal, est un personnage qui a su me toucher. J'ai été impressionnée du charisme de ce si petit homme… Particulièrement respecté de toutes ses anciennes connaissances, ce farfadet a de la personnalité et un sacré caractère ! Pour un "prince des voleurs" il a un sens du devoir et un honneur à toutes épreuves. Il m'a beaucoup ému lorsqu'il évoque Cyre, j'en avais des frissons de ressentir une telle profondeur de sentiments vis à vis de l'amour de sa vie (car ne nous mentons pas, c'est bel et bien l'amour de sa vie). Ce héros imparfait (j'ai aimé cela!), a également un attachement très fort pour sa cité. Tellement que ça en est émouvant. Je suis d'ailleurs particulièrement curieuse de savoir pourquoi il s'est exilé pendant 10 ans…?


Je me pencherai sans aucun doute sur les précédentes oeuvres de Mathieu Gaborit afin de lever le mystère sur mes interrogations (d'autant qu'une intégrale vient de sortir). J'ai hâte de lire les aventures précédentes de Cyre et Maspalio. On sent qu'un lien fort unit ces deux protagonistes. Leur attachement a l'air d'être basé sur le respect et la confiance. Ils ont beaucoup d'estime l'un pour l'autre et j'ai été touchée par cette relation qui n'est pourtant qu'évoquée dans ce tome 1... Mèche est pourtant la seconde protagoniste principal de cet ouvrage et pourtant c'est l'histoire de Cyre qui m'attire particulièrement. En parlant de Mèche (dont la révélation ne m'a pas surprise…) et de Cyre, j'ai adoré le lien qu'évoque l'auteur entre les lutins et leur arbre, j'ai trouvé cela très poétique !


En conclusion, c'est un univers riche que Mathieu Gaborit propose. Préparez-vous à croiser des créatures de tous genres (lutins, farfadet, Ogre & cie), à être émerveillé et ému avec un rythme régulier et des touches d'humour que j'ai particulièrement apprécié !

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Se plonger dans La Cité exsangue, ce n'est pas seulement, pour le lecteur qui découvre en retard l'univers de Mathieu Gaborit (c'est mon cas), être entraîné dans une errance tour à tour héroïque, burlesque, dramatique, au fil d'un récit faussement débraillé, en réalité très habilement agencé; ce n'est pas seulement effleurer un univers baroque, à la fois familier (des géants, des lutins, des démons, des ogres...) et dépaysant au possible (toutes les créatures mentionnées apparaissent sous un jour nouveau, étonnant), un monde qui grouille de créatures et d'usages disparates, qui plus est en constante évolution.

C'est aussi goûter le plaisir d'une phrase à la fois vive et charnue, rythmée et ouvragée, volontiers canaille sans perdre une allure aristocratique. Une rencontre possible entre grand public amateur de récits prenants (les rebondissements sont légion, les personnages dessinés avec netteté) et lecteurs attachés à la singularité d'un style qui charrie grossièretés joyeuses et formules inédites, qui confinent à la poésie.

En soi, le principe de la narration n'est pas follement nouveau: un anti-héros tout à fait charismatique et filou, d'apparence cynique mais sentimental à ses heures, Maspalio, conte avec la gouaille qui le caractérise ses mésaventures au sein de la sombre cité d'Abyme, qu'il a quittée trop longtemps et dont il découvre le nouveau pouvoir, bien trop rigide et répressif à son goût de farfadet anarchiste. Mais au lieu de se laisser aller aux facilités d'une voix cocasse ou de l'amertume d'une société qui s'enferme dans les procédures administratives aliénantes, Mathieu Gaborit s'amuse à réunir les contraires, sans trop se soucier du bon goût mais avec un sens de la cohérence interne remarquable. Il s'agira bien d'une cité "exsangue", avec toute l'atmosphère crépusculaire qui va avec (le long supplice des "Gros" est particulièrement saisissant, la dépouille suspendue du Maître-géant etc., tout un monde extraordinaire voué à disparaître), mais constamment vivifiée par des formules toniques et inventives.

"De l'ardeur, du mordant", demande-t-on au vieux Maspalio qui pourrait céder à l'abattement. L'ardeur et le mordant, voilà bien deux vertus qui ne font pas défaut au roman. Au détour d'une phrase, le lecteur, loin d'être tenu par la main pour suivre un sentier prévisible, est invité à faire un pas de côté, voire à sautiller. Par exemple, il est question dans les premières pages d'une ogresse absolument hostile et répugnante, mais qui tout à coup, à la faveur de la clarté du soleil déclinant, voit sa peau devenir aussi appétissante qu'"une brioche au sucre".

On peut craindre un moment de devoir suivre un personnage certes sympathique, mais fatigué, dépassé par les événements, réduit à fuir et à tout comprendre avec un train de retard. Là encore, l'auteur évite de l'enfermer dans la passivité avec une spectaculaire séquence finale qui nous donne à voir les toits d'Abyme, quartier après quartier, dans une course étourdissante où enfin ses talents d'invocateurs sont à l'honneur. Un véritable morceau de bravoure qui ouvre sur une invitation à une suite - procédé qui d'habitude m'exaspère (je n'aime pas du tout les "cycles"), mais qui là me fait trépigner d'impatience. Et en attendant, je vais lire avec une gourmandise certaine les récits de l'Abyme d'avant.
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Hier, j'ai ouvert Abyme II le Retour.

Ce faisant, il y avait autant d'inquiétude que d'impatience dans les battements de mon coeur.
Je m'explique:

J'aime énormément le travail de M. Gaborit. J'ai commencé à lire ses livres il y a 20 ans (Wééé, je sais, allez vous faire voir) et je suis tombé profondément amoureux du style de cet auteur. Ça ne m'empêche pas d'être critique par rapport à tout ce qu'il a écrit et il a sorti des séries qui m'ont moins fait rêver, voir m'ont laissé sur ma faim. Seulement Abyme, c'est un peu le Graal de cet auteur, un livre que chacun reconnaît comme étant une référence dans le monde du fantastique, un monument à la gloire d'une cité, un mélange savamment dosé de policier et d'aventures matinées de magie et de romance. Un opus presque parfait. J'écoutais il y a peu un artiste musical qui expliquait sans malice qu'un auteur sortait un voir deux tubes exceptionnel au cours de sa carrière, quelques autres intéressants et que le reste était souvent médiocre.
Abyme, c'est le tube de Gaborit.
Aussi, lorsqu'on t'annonce que l'auteur prend le chemin du retour dans cet univers, tu ne peux t'empêcher de frissonner. de plaisir d'abord, parce que tu te rappelles des émotions qu'a créé chez toi la lecture de ce bouquin, mais de crainte également en pensant qu'il puisse se planter et abimer (haha) les souvenirs qu'il te reste de tes aventures dans ce monde.

Pour parodier, le résumé de la quatrième de couverture pourrait être celui-ci :
“Maspalio revient à Abyme et il n'est pas content”.
Presque. Sauf que.

Sauf que c'est écrit avec une force extraordinaire, un emploi du verbe et une construction diabolique qui t'entraîne et te bouscule, qui souffle et fait danser l'imaginaire du lecteur comme peu savent le faire. Sauf que c'est pas juste un retour, c'est un chamboulement immense. L'auteur n'hésite pas à bousculer ce qu'il a créé pour mieux te tordre les tripes, t'amener à pleurer au rythme des découvertes de Maspalio, et t'interroger sur l'avenir de cette magnifique cité. C'est magnifique de puissance et de ravage, c'est beau et ... crépusculaire. Loin des poncifs, Gaborit n'a pas hésité à retravailler son univers pour mieux le distordre et le corrompre. Il ne s'est pas contenté de reprendre sa cité, il a avancé une histoire dans des quartiers qui n'avaient pas été décrit dans les premières aventures, il s'est enfoncé dans les tréfonds de sa création pour continuer l'oeuvre toute en la naissant différente. Il y a tant de reproche à faire à ceux qui prennent leur univers et se contentent de recopier une fois qu'ils ont trouvé le filon. Ici l'auteur prend des risques et des gros. C'est un effort qui mérite d'être salué tant il surprend le lecteur et le pousse à avancer plus avant pour comprendre où l'écrivain veut l'amener.

J'ai un peu douté, je l'avoue sans honte; et j'ai l'horrible bonheur de m'être fourvoyé. J'ai ouvert le bouquin à 11h00, hier. Il était terminé quelques heures plus tard, sans que j'ai pu m'en défaire, sans que je ne me sois lassé, sans que je ne me sois rendu compte que je dévorai le volume en laissant dangereusement, la fin arriver. J'ai ris et eu mal au coeur, j'ai senti une boule d'angoisse envahir ma gorge; le texte a pris le pas sur mon intellect pour faire naître des émotions subtiles, un mélange terrible de joies et de peines, de peurs, de rires. le frisson est bien présent: on suit sans peine le retour du farfadet dans cette nouvelle errance. C'est la dernière charge d'un cavalier, celle pour l'honneur, la rédemption; le dernier sursaut d'orgueil d'une créature de légende qui se bat pour sauver l'avenir et les principes auxquels il tient, c'est beau, c'est grand. Et c'est d'autant plus magnifique qu'on craint que ce ne soit inutile. C'est un western fantastique et surtout ce que j'ai lu de mieux depuis un bon moment.
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critiques presse (1)
Elbakin.net
19 juin 2018
Si le travail d’introspection est fin, les scènes d’action savent donner du punch au roman et les péripéties interviennent au bon moment pour en faire rebondir l’histoire : il ne s’agit pas simplement du récit d’un vieil homme venant en pèlerinage dans sa cité et ses souvenirs.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
 -Es-tu en concubinage avec une méduse ou un minotaure ?
-Non...
-As-tu eu des relations sexuelles avec l'un ou l'autre dans les six derniers mois ?
-Non plus.
-As-tu l'intention d'en avoir dans les six prochains jours ?
-Sérieusement ? J'en sais rien moi. Peut-être ?
Elle émit un petit rire aigrelet et gratta le vélin avec application.
-Vous en doutez ? répliquai-je, piqué au vif.
-Un peu.
-J'ai été l'amant des duchesses de Boldia, des sœurs treize fois siamoises. Et je m'en suis sorti avec les honneurs !
-Tu les as vraiment baisées ?
-Vous êtes vulgaire, me renfrognai-je. Je leur ai fait l'amour avec révérence et passion.
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Mais tu as toujours eu un faible pour la flamboyance, Maspelio, et c'est plutôt facile quand on est Prince-voleur et que l'or coule à flots. Tu avais le luxe d'aimer les Gros, tu pardonnais toutes leurs facéties sous prétexte qu'ils représentaient une vision artistique de la cité. La flamboyance toujours ! Tu connaissais la réalité, non ? Toute cette nourriture jetée par les fenêtres du palais, les plus pauvres qui se battaient pour des reliefs moisis... Des gens qui crevaient pour des miettes... Et on est censé trouver cela folklorique ? Quelle indécence ! La misère est bien jolie quand on la regarde de loin à travers sa longue-vue... Tu défendais une vulgaire ploutocratie...
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Mèche releva son capuchon et glissa des boucles rebelles sous les mailles végétales.
«Mère disait que le danger est une chance, murmura-t-elle d'une voix grave. Une chance de revenir à soi. Que l'on ne risque que le bien en prenant des risques.
- Et elle avait foutrement raison.>
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En plongeant dans le chaos des mendiants tassés comme des dévots, j'agissais en connaissance de cause. Me laissant engloutir comme un nageur frondeur, je sentis une force lointaine couler dans mes veines. Même si mes réflexes vivaient un printemps raboté par les dix années passées loin d'Abyme, j'adoptai sans trop de difficulté l'attitude requise : un bras replié devant le visage, coude levé en étrave, les épaules rentrées, les pieds toujours en mouvement afin d'épouser les courants de la foule et, pour finir, une main libre pour pincer ou tordre la chair récalcitrante.
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Tu te prétends Cité des Ombres, et c'est tout ce que tu as pour m'arrêter ? Tu as oublié qui j'étais ? Je suis Maspalio, bon sang ! Cette cicatrice que j'ai sur le visage, ce sillon que ton lierre a gravé sur ma peau, c'est la marque de tes enfants. Oui, tu m'as engendré, vieille carne, tu m'as macéré, et je suis de retour, bordille ! Tu veux qu'on te mérite, c'est ça ? Tu crois que Maspalio n'a plus rien à donner ? Flûtin, tu te trompes, je suis affamé et je n'aime pas ce que tu es devenue. C'est toi qui dois me mériter !
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Videos de Mathieu Gaborit (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mathieu Gaborit
À l'occasion de la sortie du tome 2 de la Cité exsangue et de notre mois d'avril entièrement dédié son auteur, Mathieu Gaborit a répondu à nos questions dans ce nouvel épisode à découvrir dès maintenant.
*** En librairie le 15 avril 2022 : Les Royaume Crépusculaires (Intégrale) La Cité exsangue, tome 2 : Flamboyance Bohème (Hélios poche)
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