Ernst Wiechert a le don d'émouvoir son lecteur, de le déchirer, déchirement devant la beauté de la nature, la chaleur que la terre peut communiquer aux hommes mais aussi la douleur de la condition humaine, le malheur qui frappe. Il nous fait communier avec le bruissement de la nature pleine de mille froissements furtifs. Il nous parle de la terre qui prend et donne, accueille les morts, nourrit les vivants qui l'écorchent pour semer et récolter, qui peut aussi être cruelle, détruire, se déchaîner mais sans atteindre la cruauté des hommes entre eux.
Le récit débute par l'agonie de la femme de Jürgen Doskocil, pécheur et passeur sur le bac qui relie le village vert et le village noir des marais. Sous des dehors rudes et bourrus , c'est un homme doux et sensible qui voit au-delà de l'apparence, est attentif aux êtres et aux choses, qui parle avec les morts. Vivant à l'écart, habitué à lutter contre les éléments naturels, il est démuni devant la cruauté de ses semblables. Les enfants du village vert, de la rive, se moquent de lui comme ils le font de Heini le bossu avec lequel il est ami.
«Le couple de pinsons de l'été dernier est revenu, les voici à ses pieds, qui attendent les miettes de sa main. Une consolation de renouer avec eux.... Et de nouveau il ira prendre de jeunes animaux dans la forêt, il contemplera leurs yeux humides et caressera leur pelage frissonnant. Les animaux valent mieux que les enfants. Ils sont sans moquerie et ne peuvent aller raconter des choses derrière votre dos.
Un soir Mathias, le tailleur du village noir, amène à Jürgen pour qu'il les accompagne chez leur cousin, un petit fermier Grotjohann accompagné de sa fille Marthe, récemment devenus mormons, convertis par
Mac Lean, prédicateur itinérant de «l'église des mille jours». Jürgen va les héberger pour la nuit car il est trop tard.
Marthe va demander à rester chez lui comme servante et la vie du passeur va être transformée. La chaleur de la vie revient.
«Tout en elle était limpidité, et lorsqu'elle mit sa main au-dessus des yeux, tant l'eau miroitait dans le soleil, ce mouvement fut libre et beau, détaché sans bavures sur le paysage démesuré. Elle éleva la chaîne pour immobiliser la barque, et ce geste encore disait l'intimité confiante avec les choses, une aisance qui, dans l'espace réservé à l'ordre humain, se mouvait partout avec la même familiarité.»
Mac Lean, l'odieux pasteur mormon, et tous ceux du village vert vont venir troubler la joie d'être de Jürgen et Marthe, les salir et tenter de détruire leur paisible union. La haine sera exacerbée par une période d'inondation suivie de sécheresse qui entraîne une pénurie.
Mais ils sauront résister, lutter contre le mal, rester confiants dans la force de vie qui réside en eux ...
«Il est là toujours immobile, tandis que la mince vapeur s'élève du sol fraîchement retourné, et s'épaissit et l'enveloppe. Et pour finir, il est pareil à un arbre qui boit silencieusement l'humidité des nuits.»