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EAN : 9782369140795
208 pages
Libretto (02/01/2014)
3.89/5   14 notes
Résumé :
4ème de couverture
En 1991, Mariusz Wilk s'est retiré sur les îles Solovki, archipel isolé de la mer blanche, véritable microcosme des dépouilles de l'empire soviétique. De là, il observe et tente d'expliquer le quotidien de la vaste Russie, ses contradictions, sa misère et ses grandeurs.
A Solovki, se reflète l'histoire tumultueuse et complexe de la Russie avec ses hauts et ses bas. L'île abrite, en effet, depuis des siècles un monastère centre de l'o... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
«A Solovki, on voit la Russie comme on voit la mer dans une goutte d'eau. L'archipel des Solovki, en effet, est à la fois la quintessence et une anticipation de la Russie ; c'est depuis des siècles, un centre de l'orthodoxie et un important foyer de la nation russe dans le Grand Nord. Ici, au monastère de Solovki, dans ses cellules et dans ses cachots, s'est écrite pendant des siècles entiers l'histoire de la Russie.» p 19

Après s'être longuement déplacé dans toute La Russie comme correspondant d'un journal polonais «le quotidien de Gdansk» et avoir fréquenté aussi bien les «nouveaux riches» russes que les plus marginaux Mariusz Wilk s'installe pour une dizaine d'années dans une maison en bois sur une île des Solovki :
«Les fenêtres de notre maison donnent sur la baie de la Prospérité, la mer est dans le prolongement de la table sur laquelle j'écris. Pendant l'hiver, ma feuille de papier et la blancheur de la glace, de l'autre côté du carreau, se confondent et les traces de tchernilo (encre dont il donne la recette tirée d'un livre datant du XVIe siècle et dont il dit que les scribes du monastère n'étaient pas autorisés à prendre une plume en main tant qu'il ne l'avait pas eux-même fabriquée) se transforment si subitement en une tropa --un chemin-- tracée par des skis, que souvent je me demande si je ne suis pas déjà en mer. L'hiver, les vents sculptent la neige chaque jour autrement, effaçant le chemin.»

Le microcosme de l'archipel des Solovki va lui permettre de tenter de saisir les multiples facettes de cette Russie fascinante, aux reflets changeants sans se perdre sur son territoire immense. Mariusz Wilk en s'immergeant dans ce lieu nous offre un récit passionnant de bout en bout en touchant à tous les domaines sans être superficiel et en restant vivant et plein de verve.
Il nous déroule un véritable tapis aux couleurs somptueuses et riches par moment, mité et en lambeaux à d'autres. Il nous parle des habitants de l'archipel, tout au plus un millier, dont il a fini par connaître la plupart. Certains d'entre eux avec lesquels il va à la cueillette des champignons et des baies ou à la pêche, dont il partage les fêtes, les deuils et les beuveries, sont attachants et inoubliables.
En employant des mots russes, dont il explique l'origine et la signification, il nous fait également pénétré un peu cette langue magnifique. Il nous communique, en plus de celle de l'encre, des recettes de cuisine. 

C'est aussi toute une longue histoire depuis les traces de cultes païens et des rites chamaniques en passant par Ivan le terrible et ses successeurs jusqu'à nos jours qui défile sous nos yeux à travers celle brillante, obscure et cruelle du monastère qui en a subi toutes les vicissitudes. Ainsi, après avoir «accueilli» dans ses cachots les opposants des différents tsars, le monastère sera vidé de ses moines (ils seront fusillés) et les bâtiments et les îles de l'archipel transformés en un vaste camp de travail aux conditions inhumaines, ouvert en 1923, qu'Alexandre Soljénitsyne avait qualifié de «mère du Goulag» et dont la devise était «Par une main de fer amenons de force l'humanité vers le bonheur»
Actuellement les Solovkis sont envahis par le tourisme (ce qui fera fuir Mariusz Wilk vers une autre maison, au bord du lac Oniego en Carélie, titre d'un autre de ses livres), le monastère est redevenu un lieu de pélerinage, a retrouvé ses ors et ses moines. Quant aux habitants de l'île ils vivent pour la plupart, dans un grand dénuement et une grande détresse morale.
En conclusion, cette réflexion extraite du témoignage d'un voyageur anglais, Chancellor, dont la frégate est la seule qui revint des trois parties, le 2 août 1553, explorer les terres du grand nord pour ouvrir une route vers la Chine. La véracité du récit qu'il fera à son retour sera mis en doute et il répondit alors aux uns et aux autres : « Vous connaissez ces pays par ouï-dire ; moi, je les connais de par ma propre expérience ; vous à travers des livres écrits par d'autres ; moi de par mes propres observations ; vous, vous ne faîtes que répéter des idées générales tandis que moi, je suis allé là-bas.» Mariusz Wilk pourrait faire sienne cette réflexion.
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Il ne faudrait pas vous attendre à un livre qui parle de loups, celui du titre est tout simplement l'auteur, son nom Wilk, signifiant loup en polonais. Il nous livre ses impressions de sa vie dans les îles de Solovki, un archipel proche du cercle polaire, dans lequel il s'est installé, en vivant la vie de ses habitants. Il se qualifie d'ailleurs lui-même comme un écrivain russe de langue polonaise. Il nous raconte des tranches de vie quotidienne, parfois dans des conditions difficiles, entre nature hostile et conditions matériels précaire, car au moment où se passe le récit (en gros l'époque de Boris Eltsine) les salaires ne sont pas versés régulièrement, et les gens doivent pour manger compter sur leurs propres ressources comme la chasse ou la pêche. Il évoque aussi des réminiscences historiques liées aux lieux, goulag ou vie dans les monastères.

Son récit est à la fois plein de sympathie et d'intérêt pour les gens qu'il rencontre, sans pour autant à aucun moment idéaliser les choses, essayer de les rendre plus belles ou pittoresques. La réalité est dure, souvent sordide, et l'écrivain la décrit telle qu'elle est. Mais ces lieux à priori déshérités, ont un charme bien à eux, qui crée une accoutumance chez ceux qui les ont connus, qui font qu'on ne peut plus les quitter, et Mariusz Wilk est de ceux qui ont succombé à l'attrait de ces îles ; et il nous transmet sa passion.

J'ai été particulièrement sensible à l'écriture de l'auteur, il a un style bien à lui, dans une langue pleine d'archaïsmes et de tournures un peu désuètes, qui conviennent bien à ces lieux hors du temps. Il fait aussi le lien entre le polonais et le russe, il fait ressortir les liens entre les deux langues, mais cet aspect doit être complètement perdu à la traduction.

Ce livre est le premier consacré par Mariusz Wilk à la Russie, d'autres sont parus depuis.
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Le Journal d'un loup est presque l'antithèse d'un voyage, surtout dans sa première partie : l'écrivain fait de ses « Notes de Solovki » une exploration presque stationnaire d'un lieu mythique, l'archipel des Solovki.
-- Retrouvez toute ma chronique sur le lien ci-dessous --
Lien : https://passagealest.wordpre..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Du reste, les Européens qui parlent aujourd'hui de la Russie s'écartent rarement des clichés formulés dans la première moitié du XVIe siècle. Aussi n'est-il pas inutile de lire les traités anciens pour voir la manière dont se sont formés les stéréotypes concernant la Russie en Europe, tel celui de la Russie vue comme une prison, par exemple. Campensis écrivait en 1522 :
"Tout ce pays, outre son immensité, est si hermétiquement clos et gardé que non seulement les esclaves mais aussi les hommes libres ne peuvent ni en sortir ni y entrer sans une hramota, un sauf-conduit du tsar."
On parlait déjà à l'époque de la déportation de peuples entiers sur un caprice du tsar, de l'incroyable ivrognerie des Russes, de leur paresse, de leur sournoiserie et de leur suspicion, sans oublier les mœurs légères de leurs épouses (chacune étant susceptible d'être possédée contre une modeste rémunération), la saleté, la boue... "Aucun autre peuple ne jouit d'une aussi mauvaise réputation que les Russes", observait-on. Car aucun autre peuple ne ressemblait autant à des Européens sans en être.
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La fin de l'été, aux Solovki, fait penser à un rêve : l'horizon émerge des brumes comme une histoire interrompue au milieu d'un mot, le ciel est gris cendré, la mer d'un gris nacré, et dans l'air c'est l'été de la Saint-Martin. Ça et là, les bouleaux s'enflamment, les herbes jaunissent, la mousse embaume. La terre est recouverte d'une brume grise où dorment prés et marécages ; les lacs aussi semblent sommeiller, rêvant des arbres et des gens penchés au-dessus d'eux. Les gens s'attristent de voir l'été finir et boivent pour prolonger ce rêve. Seulement parmi les oiseaux retentit le vacarme qui précède le voyage : les canards apprennent à nager à leurs petits, les vanneaux pressent au départ, les canards mandarins s'énervent, et les plongeons manigancent quelque chose. Brusquement l'automne est là...
... Nous salons harengs et bolets. Les nuits, sur l'archipel rallongent, comme les ombres des jours, et il fait noir comme dans un four. On aperçoit seulement par moments, tout à coup, des éclats de lumière dans le ciel, comme si elle sourdait de l'autre monde. C'est une sévernoïe sïanié, une aurore boréale... p85-86
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D'après Rozanov, il a existé de tout temps deux Russie : la Russie des apparences (dans l'original, vidimost', à la fois le visible et l'apparence) – soit l'Empire, qui s'est moulé sur des formes extérieures et dont l'histoire a été écrite par des événements pourvus d'un début et d'une fin ; et la Sainte Russie, soit la Matiouchka, la "Petite Mère", aux lois incompréhensibles, aux formes floues, aux tendances incertaines – la Rous, la Russie kiévienne, au sang ardent et à la foi sans tache. Sur l'Empire on peut lire Karamzine, nous dit l'auteur de "Feuilles Tombées" ; quant à la Sainte Russie, on peut en entendre parler dans les skit, les ermitages des vieux-croyants. On parle haut et fort de l'Empire à Moscou et à Saint-Pétersbourg ; on parle de la Matiouchka dans les profondeurs du pays, dans un murmure.
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L'archipel des Solovki n'est pas très grand, rien n'est à plus d'un jour de marche, comme si l'ensemble avait été conçu pour un homme qui ne veut pas utiliser d'autre moyen de locomotion que ses pieds. C'est comme les gens ; il en vit ici juste assez pour qu'on puisse les connaître tous en l'espace de quelques hivers. C'est un endroit formidable pour contempler la nature, l'histoire, les hommes et les événements. On peut y embrasser d'un regard des phénomènes qui, en Russie, se déroulent sur des territoires immenses et sont, de ce fait, difficiles à percevoir. À Solovki, on voit la Russie en miniature, avec une netteté parfaite...
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Dès le début du SLON ("Direction des camps du nord à destination spéciale"), un cachot au régime très sévère a été créé sur le mont. Au mont Sékirny, on ne connaissait pas les peines de longue durée. Les cadavres étaient enterrés sur les versants du mont, dans les buissons de myrtilles. Il y pousse encore des fruits magnifiques...
... Nous empruntons l'escalier dans lequel on précipitait les zeka attachés à une poutre gelée. Au pied du mont se dresse une croix. Chaque année, au printemps, pour la Radonitsa orthodoxe, le jour des défunts, quand la neige est encore bourbeuse et que les oiseaux commencent à s'égosiller, les moines de Solovki célèbrent ici une panikhida (requiem) pour les victimes du SLON, brûlant de l'encens fait à partir de résine de sapin toute fraîche, qui dégage une fumée âcre ; on en a la tête qui tourne. p 53
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