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EAN : 9782070133673
280 pages
Gallimard (13/05/2011)
5/5   1 notes
Résumé :
«Juif sans Dieu», comme il aimait à se définir, Freud ne voyait-il pas dans la psychanalyse un judaïsme sans dieu ?
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le dernier livre que publia Freud à Londres, l'année de sa mort en 1939, "L'homme Moïse et la religion monothéiste", créa l'émoi et la stupéfaction. Cette année-là, entre toutes, Freud faisait paraître un livre qui affirme que Moïse, le fondateur du judaïsme, était un renégat égyptien disciple du pharaon Akhénaton, qu'il enseigna sa religion "monothéiste" aux Hébreux esclaves en Egypte, qui finirent par l'assassiner après leur libération. Cette histoire du judaïsme selon Freud reprend les grandes thèses du Meurtre du Père, du Retour du Refoulé et toutes les notions établies dans ses réflexions sur la société humaine (métapsychologie).

Sous la forme de conférences annotées et soigneusement documentées, l'historien Yosef Hayim Yerushalmi, spécialiste de l'histoire juive, de langue anglaise et hébraïque, reprend ce dossier et replace l'oeuvre ultime de Freud dans le cadre de l'histoire des religions, du judaïsme et de l'identité juive, qui forment l'essentiel de son domaine de compétences. Le tout pourrait paraître sec, austère et exigeant, mais le caractère oral de conversation cultivée, la rigueur intellectuelle et la joie de savoir et d'apprendre enlèvent au livre toute pesanteur, et le remplissent de grâce et de gaieté. Yerushalmi fait l'histoire du Juif Freud, celle de ses parents et de ce qu'ils lui ont transmis, celle de la psychanalyse, des idées et des débats qui circulaient dans l'Europe cultivée de langue allemande avant le nazisme. Cet univers, cette civilisation, étaient fascinants, comme Zweig, Scholem, Benjamin, et Hannah Arendt en témoignent.

Que reste-t-il du livre de Freud aujourd'hui ? Rien, si l'on considère ses fondements anthropologiques, historiques et ethnologiques. Même le "monothéisme" d'Akhénaton, son "hérésie", sont réfutés par Dimitri Laborit. Il n'y a plus que les journalistes pour y croire. L'idée freudienne d'un inconscient collectif ne tient pas debout. Sa définition de la tradition aussi. Demeurent les analyses, les méditations d'un grand homme sur la foi juive. Freud lui-même trouvait ce sujet "grandiose" : l'origine des religions, l'analyse de leurs contenus, la phénoménologie du vécu religieux. "L'homme Moïse et la religion monothéiste" vaut par lui-même, indépendamment des savoirs scientifiques et intellectuels sur lesquels il s'appuie. Dans le Talmud, certains commandements bibliques sont considérées comme inapplicables et les rabbins se demandent pourquoi ils figurent dans le texte sacré. Ils sont là pour qu'on les étudie, enseigne la tradition. L'étude se suffit à elle-même et demeure la valeur suprême.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(Sur l'hypothèse de l'assassinat de Moïse par les Hébreux, dont le souvenir, selon Freud, aurait été refoulé)
Je ne connais aucun texte ancien, aucune épopée, aucune chronique qui éreinte le peuple dont il fait son héros avec autant d'acharnement que la Bible hébraïque. Lorsque Israël, le "peuple élu", séjourne dans le désert, elle n'hésite pas à rapporter les constantes insoumissions de ce peuple ingrat, à la nuque raide ... Si Moïse avait été véritablement tué par nos ancêtres, son meurtre n'aurait pas été refoulé ; bien plus, il serait resté gravé dans les mémoires. Hissé au rang d'exemple par excellence du péché de désobéissance d'Israël, il aurait été, implacablement et dans les plus vifs détails, rappelé à la conscience. Un verset (Amos III-2) dit précisément ce que signifie l'élection dans la tradition juive : "C'est vous seuls que j'ai distingués entre toutes les familles de la terre, c'est pourquoi je vous demande compte de toutes vos fautes."

p. 160-162
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En 1891, pour son trente-cinquième anniversaire, Jakob Freud offre à son fils un cadeau inhabituel : la Bible de Philippsohn dans laquelle Sigmund a étudié dans son enfance, Bible qu'il a fait recouvrir d'une nouvelle reliure en cuir et qu'il a ornée d'une longue dédicace en hébreu composée pour la circonstance...
Cette dédicace est entièrement rédigée en /melitsah/, ... une mosaïque de fragments et d'expressions tirés de la Bible, de la littérature rabbinique ou de la liturgie, réunis et tissés ensemble de façon à former un texte cohérent reflétant les pensées de l'auteur. D'une certaine manière, le procédé s'apparente au désir exprimé par Walter Benjamin d'écrire une oeuvre uniquement composée de citations... Toujours est-il que c'était une technique littéraire abondamment utilisée par les poètes et les prosateurs de langue hébraïque depuis le Moyen-Age ...
Or un texte rédigé en /melitsah/ a ceci de particulier que chaque mot renvoie au contexte d'où il est extrait, que, par-delà leur sens immédiat, les phrases composées de citations résonnent d'associations avec leur lieu d'origine... Lorsqu'un auteur transpose une citation, il peut lui conserver son sens, l'altérer ou le subvertir, mais entre les lignes son sens originel demeure comme une présence invisible. Pour savourer pleinement le nouveau texte, le lecteur doit être à même d'en percevoir et d'en reconstituer les différentes strates. On trouve un phénomène analogue dans l'utilisation des citations faite par T.S. Eliot dans son poème The Waste Land (La Terre Désolée, La Terre Gâte).

pp. 140-141
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Moins charitables, certains ont fait observer que si le Moïse avait été commis par un autre que vous (Freud), il serait passé inaperçu. C'est à la fois vrai et hors de propos. Vrai, car s'il n'avait été qu'un essai d'histoire biblique dû à quelque esprit aventureux, il y a longtemps qu'il reposerait, couvert de poussière, sur un obscur rayon de bibliothèque de théologie. Hors de propos, car, de fait, vous (Freud) en êtes l'auteur. D'ailleurs, S.W. Baron, à qui il était arrivé d'assister à certaines de vos conférences à Vienne, déclarait d'entrée de jeu : "Lorsqu'un penseur de la stature de Freud prend position sur une question d'intérêt vital pour lui, le monde se doit de l'écouter." Assurément.

p. 156
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(Judaïsme et christianisme selon Freud).
Bref, si le christianisme représenta [à ses yeux] un certain progrès (Fortschritt) sur le plan psychologique, le judaïsme, lui, incarna le progrès culturel, intellectuel et spirituel. Sachant ce que nous savons de Freud, pouvons-nous douter un instant que les "hauteurs éthiques", la sublimation du sensoriel au profit du spirituel, la capacité d'abstraction étaient précisément les qualités auxquelles il attachait une suprême valeur, quand bien même il en déplorât le prix à payer ?
p. 107
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... Vers 1908, Freud raconta à Theodor Reik l'histoire drôle suivante : "Le maître d'école demande au jeune Itzig : Qui était Moïse ? -- Moïse était le fils d'une princesse égyptienne, répond Itzig. -- Ce n'est pas vrai, dit le maître, Moïse était le fils d'une Israélite. La princesse égyptienne a trouvé le bébé dans une corbeille." Alors Itzig de rétorquer : "ça, c'est ce qu'elle dit ! "
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