Cela aurait pu constituer une suite logique à ma lecture sur les poires, mais l'écriture du mot Péché n'est pas une faute d'orthographe. Il s'agit bien des péchés, les sept capitaux de la religion catholique.
L'action se situe de nos jours, dans un petit village. Les nobles du château se battent pour la palme du plus pathétique, entre la baronne-mère qui n'a rien à envier à Harpagon, le fils qui ne pense qu'à obtenir un portrait digne de figurer dans la galerie des ancêtres, oubliant que c'est peut-etre lui-même qui n'est pas à la hauteur, sa femme qui boit pour tromper le vide de sa vie et leur fille cleptomane qui reste cependant la plus sympathique de la famille.
Et à coté les habitants du village, le couple qui vit dans la maison de gardien pour un loyer sans cesse en hausse et qui remplit à peu près tous les rôles utiles pour la famille d'aristocrates, réduit à la misère par l'harpagon en jupons, une fleuriste qui n'hésite pas à partager ses charmes, un curé adepte de la fumette qui voit l'apocalypse arriver et personnifie les sept péchés dans les habitants du château.
Tout cela va donner lieu à de nombreuses péripéties et quelques retournements de situation bien amenés, le tout saupoudré de quelques traits d'humour bienvenus, sans oublier de belles parenthèses pleines de poésie.
C'est un roman un peu particulier, un curieux mélange d'époques, à la fois moderne par certains côtés et terriblement passéiste par d'autres,en particulier sur les rapports entre habitants du château et le reste du village, le tout raconté d'une écriture d'un niveau très soutenu, qui si elle est reste toujours fluide et agréable, a, en ce qui me concerne, parfois créé un écran entre moi et les personnages, auxquels j'ai peiné à m'attacher. Et qui m'ont paru parfois un peu caricaturaux, qualités et défauts poussés à l'extrême, caricature, je suppose voulue par l'auteur pour mettre en lumière les travers qu'il dénonce, à l'égal de certains textes d'auteurs plus anciens. Un curieux mélange aussi de pages qui m'ont séduite par leur poésie, leur humour et de pages qui m'ont paru froides.
Un roman surprenant, qui à la fois par son écriture et le contexte, les personnages, aurait pu avoir été écrit quelques décennies, voire siècles plus tôt. Un roman très différent du premier de l'auteur, qui sait surprendre à chaque fois. Je continuerai à le suivre, même si je suis resté un peu en dehors de l'histoire cette fois.
Merci aux éditions OLNI qui par ce choix d'édition respectent complètement le nom de leur maison.
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L'auteur nous emmène à deux heures de route de Bordeaux, dans le petit village de Siorac-sur-Acheron. On y découvre un château autour duquel la vie de la campagne s'est organisée. Dans cette baronnie ancestrale, les aristocrates se sentent investis d'une mission de représentation. Autant dire que cela doit les exonérer de tout labeur. Pour cela, ils ont embauché Rose et Olivier un couple qu'ils exploitent sans vergogne, surtout depuis que la baronne, veuve, règne seule sur son domaine. Pingre, elle économise sur tout, que ce soit l'argent ou le bonheur. Progressivement les tensions s'accroissent, que ce soit au château pour son fils ayant de sérieux complexes et pour sa belle-fille fuyant son quotidien bien morne, ou pour Rose et Olivier qui ont bien du mal à vivre malgré un travail toujours plus harassant. C'est alors que Rose tente le tout pour le tout en fixant un ultimatum. Qu'espère-t-elle donc cette simple employée de maison ? Que pourrait donc craindre Madame la Baronne de Siorac ? La nouvelle génération aurait-elle un rôle à jouer dans cette lutte des classes ?
J'ai adoré découvrir la plume de l'auteur. Repenser à son récit me rappelle de belles heures de lecture. Ce texte est vraiment beau, jalonné de quelques très belles pépites. Il exploite des sujets tels que l'amour, le poids de l'héritage, la déliquescence de l'aristocratie et la lutte pour une vie meilleure. Intemporels, ces sujets sont pourtant observés dans un jardin des péchés bien actuel. Bien que cela puisse être parfois des sujets assez lourds, j'ai trouvé la plume de l'auteur légère et sapide. Cela m'a ainsi permis une lecture fluide et agréable bien qu'en dehors de ma zone de confort. Je me suis même attaché aux personnages. Je les ai suivis avec un intérêt grandissant. L'humour glissé entre les lignes relève le propos et participe à l'addiction au texte et à cette atmosphère toute particulière créée par Frédéric Rangé avec ses personnages entiers ; je dirais même solidement charpentés. Bravo.
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Rose et Olivier vivent sur la propriété du baron de Siorac, ils sont au service de la famille. A la mort du baron, c'est sa femme qui reprend les rênes du domaine.
Mais sa vision de l'avenir est bien différente…
Rose est une femme qui a la tête sur les épaules, je l'ai tout de suite apprecié.
Sa relation avec Olivier est belle et touchante, avec des bases solides tout à fait en adéquation avec le couple.
Les châtelains sont dans un autre monde, leurs problèmes sont en total décalage avec la réalité du monde.
J'avoue que Guy et son obsession m'ont bien fait rire.
Le père Saul est un poème à lui tout seul, j'ai vraiment eu la sensation qu'il évoluait dans un autre univers à mille lieu du temps présent. Il est à la tête des âmes du village. Mais c'est surtout un homme qui se pose des questions.
Tous les personnages sont très différents et complexes, même les secondaires ont droit à ce traitement de choix.
La propriété et le village offrent un très bel écrin à cette histoire.
J'ai eu la sensation d'être au coeur d'une microsociété qui pousse à son paroxysme les caractères et les défauts des habitants. Ils sont à la limite de la caricature mais gardent leur réalisme.
La plume est fluide et le champ lexical très bien développé, la lecture est un véritable plaisir et je l'ai dévoré.
L'intrigue est prenante, j'ai aimé être au côté de Rose pour découvrir cette histoire.
J'ai adoré plonger dans cette tranche de vie d'une dynastie familiale.
J'ai passé un excellent moment au coeur de cette histoire originale et pleine d'humour.
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Rose aimait les mots. Les livres lui avaient appris à les déguster comme des bonbons. L’emballage collait parfois. Il fallait faire preuve de patience pour les découvrir sans les abîmer. Ils étaient versatiles et fuyants, têtus et volages. Elle les savourait avec la délicatesse qu’on accorde aux enfants. Ils permettaient de dire ce que l’on ne pouvait montrer. Dans l’intimité de l’esprit, doux, ils s’habillaient du voile léger de la nuance, et bruts, de l’étoffe de la conviction. Un simple accent pouvait les dévêtir, révélant la teneur de leur chair cachée. Même quand ils n’étaient pas là, ils se laissaient entendre par la charge de leurs poids dans la suspension de leurs points égrenés. Le premier désignait la source. Le dernier tarissait l’histoire. Les mots rapprochaient les êtres et unissaient leurs âmes. Rose comprenait aujourd’hui qu’ils pouvaient aussi blesser.
Dans la bataille, elles avaient fait une erreur stratégique qui leur avait coûté. Elles avaient conquis la liberté avant l’égalité, avaient envahi un espace sans garde-fous et se retrouvaient nues devant l’abîme vertigineux de leur condition secondaire.
Les villes s’étendaient un peu plus chaque jour. Étrangement, plus les hommes étaient nombreux et rassemblés, plus l’humanité semblait disparaître.