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EAN : 9782213686172
532 pages
Fayard (15/03/2017)
4.4/5   5 notes
Résumé :
« La révolution, c’est la lutte des classes la plus âpre, la plus furieuse, la plus désespérée. Et aussi la guerre civile. »
Lénine, octobre 1917

Lénine n’était ni un aventurier avide de pouvoir ni un tyran capricieux. Un seul but motivait cet intellectuel fanatique et habile tacticien : le bonheur de l’humanité grâce à la révolution communiste étendue au monde entier. Elle nécessitait des sacrifices : la lutte des classes sans pitié et le ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vous dire que cette lecture a été un plaisir est exagéré. Ce fut intense, ardu et parfois lourd. Mes cours d'histoire de lycée sur l'URSS sont bien loin, tout autant que ceux de philo centrés sur Marx et Engels et, malgré ma passion pour la grande Histoire, celle de la Russie ne se laisse pas apprivoiser facilement!

Dominique Colas nous propose une biographie essentiellement politique de Lénine. C'est donc avant tout son parcours qui est ici analysé d'une manière très pointue et beaucoup moins l'homme.
Une biographie qui démarre vers 1917, avec le retour de Lénine en Russie, en pleine Première Guerre Mondiale mais surtout avec la fin du tsarisme (Nicolas II ayant abdiqué devant la révolte populaire de Février).
Mais je ne vais pas vous résumer les événements, ni même la biographie de Vladimir Ilitch Oulianov.

Pourquoi cette lecture sérieuse? Qu'en ai-je pensé?

Ne cherchez pas une attirance politique personnelle, je suis apolitique.
Mais parce qu'il y a des mythes incontournables qu'on se doit connaître et que Lénine en est un. Un culte lui est voué.
Il est un des piliers fondateurs, si ce n'est le « créateur » du premier régime communiste de l'Histoire et de la Russie soviétique, future URSS. Ce n'est pas rien.
Mais après son décès, ce bolchevik dans l'âme a été élevé au rang d'icône par le régime soviétique; son image et sa pensée ont été instrumentalisées pour la propagande et l'emprise du communisme au niveau national comme à l'international.
Donc, je souhaitais remettre Lénine à sa véritable place, avec des événements réels et précis, des dates, des lieux.

J'en retiens que Lénine était un homme complexe. C'était un homme de conviction, de lettres et de pensées. Il a beaucoup écrit, il s'est énormément informé sur le monde lors de son exil, c'était un intellectuel éclairé et portait en lui l'idéalisme marxiste. Un homme enthousiaste devant les combats des ouvriers et des paysans contre le pouvoir mais aussi un homme intransigeant qui a instauré une dictature de violence et d'épuration systématique.

Bien entendu, nous, occidentaux, n'allons pas retenir que le choix de la dictature était, aux yeux de Lénine, le seul choix possible pour la lutte des classes et pour briser la résistance de la bourgeoisie russe.
Nous retenons les purges, les répressions dans le sang, la dictature dans le sens de régime totalitaire. Des réalités dramatiques bien évidemment.
Mais cette biographie nous offre de creuser les connaissances superficielles que nous pouvons avoir sur un pays d'exception et exceptionnel, et sur un de ses dirigeants au destin mémorable.

Elle aussi l'occasion d'explorer toutes les nuances que revêtent le communisme et le socialisme et l'influence que ces mouvements politiques ont distillé au travers du monde.

Lénine est une référence politique et intellectuelle indéniable dans une période historique riche et complexe par ses conflits mondiaux mais aussi ses guerres intestines. Cette biographie est intéressante justement sur les rapports qu'entretenaient Lénine avec ses contemporains. Je parle de Trotsky par exemple mais surtout de Staline. Il portait un idéal mais a dû se frotter aux basses considérations humaines. Nous ne saurons jamais si Lénine s'était éveillé à davantage d'humanisme à inclure dans ses pratiques politiques mais je retiens qu'il avait à coeur le bonheur de l'humanité. Paradoxal quand on sait tout le sang versé.

La bibliographie de l'ouvrage est conséquente et Dominique Colas est un expert de Lénine, au vu de nombreux ouvrages qu'il lui a consacré au cours de sa carrière.
C'est une biographie passionnante mais qui, à mon sens, ne s'adresse qu'aux férus d'Histoire. C'est pointu, dense et demande toute l'attention du lecteur.

C'est, à ce jour, l'ouvrage le plus complet que j'ai pu lire sur Lénine et son parcours politique. Il reste aujourd'hui un « symbole du nationalisme russe. C'est ainsi qu'il continue à vivre dans l'Europe et le monde ».
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
(Pages 189 et 190) :
Mais pour l'heure, il s'agit de s'assurer que les ouvriers se plient aux exigences de l'usine moderne grâce au développement du système Taylor.
(...) Grâce à ses lectures, il a réuni des informations sur les méthodes du taylorisme - chronométrage, observation des gestes de l'ouvrier par le cinéma - et n'ignore rien de ses effets pénibles.
(...) Loin d'appeler les ouvriers à le combattre, il propose que le système Taylor soit étendu à la société tout entière pour éviter chaos, gaspillage, perte de temps, masse de petits intermédiaires, ce qui conduit à des crises destructrices. Ainsi la voie est-elle tracée : passer de l'atelier taylorisé à la société taylorisée.
(...) Car pour Lénine, que le corps du travailleur soit assigné à être une "machine", et une machine prise dans un dispositif disciplinaire, est une exigence du développement des forces productives dont les dégâts sont secondaires.
(...) Soumis à des dictateurs dans l'usine, les ouvriers sont aussi privés de leur principal instrument de lutte, la grève, puisque "qui ne travaille pas ne mange pas". Adage qui fonde aussi une forme de coercition extrême : le service du travail obligatoire, inscrit dans la Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité afin de "supprimer les couches parasitaires". Et cette obligation change radicalement la question de l'indiscipline. En effet, dans le système capitaliste, on pouvait licencier un ouvrier puisque l'on était dans une relation de "contrat civil". Désormais, avec le service du travail obligatoire, la violation de la discipline est, dit Lénine, l'ancien avocat : "un crime de droit commun et il doit être puni en conséquence", à savoir par l'emprisonnement ou pire. Le travail n'est pas dans la sphère de la liberté, mais il est une exigence pour le succès de la dictature du prolétariat, si bien que le travail forcé apparaît comme un droit des travailleurs. Et ce paradoxe se retrouve dans l'appel à la dictature dans les usines.
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(Page 137) :
Il [Lénine] élabore [fin décembre 1917] aussi une dizaine de pages décisives intitulées "Comment organiser l'émulation ?", véhémentes, haineuses et fondamentales, qui désignent les groupes à réprimer et les méthodes efficaces pour y parvenir, texte qu'il ne publia pas mais qui fait bien apparaître les principes qui commandent à son projet politique.
Lénine insiste sur "le contrôle et le recensement" comme étant les bases de la nouvelle gestion de l'économie, thème qu'il avait développé avant Octobre. Ils ne doivent cependant pas s'utiliser dans les seules entreprises, mais aussi contre tous ceux qui entravent la révolution en cours, "le plus grand changement dans l'histoire de l'humanité", rien de moins.
(...) Tout irait bien si des groupes ne faisaient obstacle : les employés de banque, les typographes, les riches et les filous, ainsi que les "laquais" des "esclavagistes" d'hier, les "intellectuels bourgeois", spécialement ceux qui écrivent dans Vie nouvelle, le journal de Gorki, une bête noire de Lénine mais intouchable pour l'heure. "Il faut épurer la terre russe de tous les insectes nuisibles, des puces (les filous), des punaises (les riches) et ainsi de suite."
Certains iront en prison. Ailleurs, on en fusillera un sur dix.
D'autres, plus "chanceux", laveront les latrines publiques. Et l'on combinera diverses méthodes de coercition. Il faut de l'émulation parmi les épurateurs de la nouvelle société en construction et Lénine appelle à la créativité des exterminateurs d'animaux inférieurs et néfastes !
(...) Nettoyer la terre russe des "parasites" qui l'encombrent pour permettre aux enfants des prolétaires d'être correctement alimentés : le projet de Lénine n'est cohérent que si les pénuries sont d'abord l'effet de la goinfrerie des nantis. Aussi reprend-il son antienne : la Russie est riche de blé qu'il faut prélever si besoin par la force et distribuer aux démunis.
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Lénine ne se contente pas de dénoncer la guerre en cours : il veut la transformer en « guerre civile » du prolétariat contre la bourgeoisie. Cela implique que « la violence prenne la place du droit » avant d’aboutir à un monde sans guerre. Il refuse donc aussi bien la logique du bellicisme que celle du pacifisme qui réclame le désarmement. A la veille de son départ de Zurich, dans un article contre les pacifistes au titre explicite, « Programme militaire de la révolution prolétarienne », il appelle à la lutte armée :

« Si la guerre actuelle provoque chez les socialistes chrétiens réactionnaires et les petits bourgeois pleurnichards uniquement de l’épouvante et de l’horreur, de la répulsion pour tout emploi des armes, pour le sang et la mort, etc., nous avons le devoir de dire : la société capitaliste a toujours été et demeure en permanence une horreur sans fin. Et maintenant la guerre actuelle, la plus réactionnaire de toutes les guerres, prépare à cette société une fin pleine d’horreurs, nous n’avons aucune raison de sombrer dans le désespoir. »

Pour sortir de l’horreur de la guerre, il faut une guerre horrible. Les ouvrières doivent dire à leurs fils qu’on leur donnera bientôt un fusil et qu’ils devront apprendre à s’en servir contre les bourgeois. Elles-mêmes devront se militariser, comme ce fut le cas lors de la Commune de Paris, de même que les enfants qui y combattirent dès l’âge de treize ans. Certes, quand la bourgeoisie aura été renversée dans le monde entier la guerre deviendra « impossible », mais d’ici là des « guerres de classes » sont nécessaires pour conduire à ce « magnifique avenir ».

Le prolétariat, hommes, femmes et enfants, doit donc se préparer au sacrifice non seulement de ses ennemis, mais aussi de sa propre vie. (pp. 35-36)
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(Page 213) :
Zinoviev, le dirigeant communiste de l'ancienne capitale, avait déconseillé des excès dans la riposte. Lénine envoie quelques jours plus tard un télégramme aux dirigeants de la ville :

"Je proteste énergiquement.
Nous nous compromettons : même dans les résolutions des Soviets des députés nous brandissons la menace du terrorisme de masse, mais quand nous arrivons au fait, nous freinons l'initiative révolutionnaire des masses, parfaitement juste.
Cela est im-pos-si-ble.
Les terroristes vont nous prendre pour des chiffes. Temps archimilitaire. Il faut encourager l'énergie et le caractère de masse du terrorisme visant les contre-révolutionnaires, cela particulièrement à Piter, car son exemple est décisif. Salutations."

Par "terrorisme de masse" est entendue une terreur massive et mise en oeuvre par les masses, c'est-à-dire les ouvriers dirigés par les bolcheviks.
Lénine demande, dans le même télégramme, d'envoyer 10 000 ou 20 000 hommes dans la province de Tambov et dans l'Oural pour la lutte contre les koulaks.
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(Page 131) :
Selon une tradition qui remonte aux révolutions du XVIIIe siècle européen, ceux qui avaient renversé le tsar voulaient qu'après une insurrection victorieuse le peuple souverain élise des députés pour élaborer une Constitution organisant les nouveaux pouvoirs publics. Lénine était d'accord avec l'idée de la réunion d'une telle assemblée, mais comme pour les Soviets ou d'autres organismes il ne voulait pas que ce soit au détriment du primat du parti et de sa dictature. Selon sa conviction affichée, le modèle à suivre pour la révolution socialiste était la Commune de Paris, si bien que son adhésion au principe d'une Assemblée constituante était, pour le moins, fragile. Aussi dès les résultats connus il déploya beaucoup d'énergie, en participant à des réunions, en rédigeant des textes pour la disqualifier. Et, en plusieurs étapes, de novembre 1917 à janvier 1918, il l'emporta : la seule Assemblée élue démocratiquement par les hommes et les femmes de la Russie fut dispersée.
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