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EAN : 9782707174345
196 pages
La Découverte (23/08/2012)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
De 1968 à 2010, Daniel Bensaïd a été la figure de proue d'une gauche révolutionnaire exigeante et ouverte, respectée bien au-delà des organisations de tradition trotskiste, de la LCR au NPA. Animateur, en Mai 68, du Mouvement du 22 mars à l'université de Nanterre, il restera toute sa vie investi dans le mouvement anticolonial, anti-impérialiste et anticapitaliste. Il fait partie de ceux qui ont tenté de reprendre le fil de l'aspiration libératrice et créatrice du ma... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La politique prime l'histoire et pose les conditions d'une temporalité stratégique

Ce livre, plus qu'un hommage à l'homme, au militant, à l'écrivain, est pour moi une invitation réexaminer ses analyses, dans les ouvrages publiés, et bientôt sur un site dédié, en particulier sur la recherche d'un « outil politique propre à capitaliser les expériences » ou d'un « instrument actif et démocratique pour discuter des médiations vers l'objectif » et des hypothèses stratégiques à élaborer.

Si l'engagement est inséparable de la réflexion, si l'adhésion « partisane », la construction d'un collectif de réflexion et d'action est indissociable de recherches sur la société, de reformulations marxiennes, je ne dirais cependant, par choix personnel, rien sur les organisations (et leurs actions) que Daniel Bensaïd a fréquenté ou animé et qui peuvent être évoquées dans ce recueil de textes.

Je ne parlerais que de certains articles en fonction d'une certaine proximité d'interrogations, au delà de dé(accords) éventuels.

Et pour commencer celui de Philippe Pignarre « le concept d'intempestif »

L'auteur nous rappelle en citant Daniel Bensaïd : « Les classes n'étant pas des choses mais des rapports, elles existent et se manifestent dans le conflit qui les façonne » et poursuit sur la critique des notions de classe « en soi » et « pour « soi ». A juste titre, il souligne la parenté de ces formulations avec la psychologie individuelle du XIXe siècle. Avec un humour sarcastique, il extrapole sur la notion d'avant garde, aggravant les notions précédentes : « Ce n'est plus de conscience dont il faudrait désormais parler, mais … d'âme. On est dans la situation du baron de Münchhausen qui se sauve d'un marécage en se tirant lui-même par les cheveux ! ». Sur ce sujet voir la réédition récente du livre de Michael Löwy : Les aventures de Karl Marx contre le baron de Münchhausen. Introduction à une sociologie critique de la connaissance (Editions Syllepse)

L'auteur poursuit par des réflexions sur le temps, dont l'abandon de la notion de progrès et ses conséquences « C'est certainement un bon point de départ pour la fabrication d'une position écologique de gauche mais aussi pour la réévaluation de la relation entre l'Occident et les autres cultures. Cela implique, par exemple, de penser autrement la question de l'universel ». Philippe Pignarre considère que « le concept d'intempestif, à la différence de celui de temps, ne peut être pensé comme ”objet” pour un ”sujet” ».

En résumé « Nous sommes dans le temps dont nous parlons et nous ne disposons d'aucun instrument qui permettrait de nous en extirper » et « La réalité n'est analysable qu'à partir de la manière dont nous y sommes mêlés, et non plus à partir d'un point de vue extérieur ». Chacun-e pourra en tirer des conclusions politiques et une certaine fragilité…

Michael Löwy revient sur certaines oeuvres et inclinaisons de Daniel Bensaïd sous le titre « Un communiste hérétique ». Même analysé comme « l'espérance de supprimer l'ordre existant, le nom secret de la résistance et du soulèvement », le mot ”communisme” ne me semble plus utilisable. Quoiqu'il en soit, l'auteur souligne les nécessités d'un renouveau profond de la pensée marxiste, notamment grâce aux apports du féminisme et de l'écologie.

Le refus, indignation, le révolte… « L'indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s'indigne, on s'insurge et puis on voit » écrivait Daniel Bensaïd dans Éloge de la résistance à l'air du temps (Textuel, Paris 2009).

Il montre l'apport de la lecture de Walter Benjamin, à la fois critique du progrès (« le temps linéaire du progrès, cette idéologie de la caisse d'épargne ») et inspirateur d'impatience messianique « la prophétie est une anticipation conditionnelle, qui cherche à conjurer le pire, à tenir ouvert le faisceau des possibles » (Daniel Bensaïd dans le pari mélancolique, 1997). Mais espérer, ou se révolter, ne peut suffire. Collectivement, il convient d'élaborer des hypothèses stratégiques « Sans la conviction que le cercle vicieux du fétichisme et la ronde infernale de la marchandise peuvent être brisés, la fin se perd dans les moyens, le but dans le mouvement, les principes dans la tactique ».

Le texte de cette note est issu de la contribution de Michael Löwy qui indique aussi que « devant le carrefour de possibles, l'ultime décision comporte une part irréductible de pari ».

Nous sommes donc dans la temporalité de la politique (« la politique fonctionne sur la base d'une logique spécifique qui ne peut être réduite à celle d'un quelconque de ces antagonismes, même ceux de l'accumulation du capital et de la lutte de classe » (Alex Callinicos dans ce livre) et des choix pour construire une alternative radicale et majoritaire…

Sur le communisme, l'article de Catherine Samary offre d'autres éclairages, en particulier sur la bureaucratie (« Mais la bureaucratisation du mouvement ouvrier lui-même n'est pas un accident sur la route périphérique du communisme »), l'historisation ou le devoir d'inventaire passant « par le croisement des regards et l'incorporation au patrimoine commun de toutes les ”protestations sociales” contre les injustices ».

Je ne partage pas la lecture de Cinzia Arruza, dans « La femme est l'avenir du spectre », des appréciations de Daniel Bensaïd sur la place (en fait l'exclusion) du travail domestique dans la création de « valeur ». Je pense que ce sujet reste un point « aveugle » dans les interprétations marxiennes.

A juste titre, l'auteure souligne que la valeur est un rapport social. Des auteures féministes insistent sur le travail, comme production du vivre, comme transformation de soi, de la société et de la « nature ». Voir sur ce sujet, entre autres, la récente réédition du livre de Danielle Kergoat : Se battre disent-elles… (La dispute)

Différentes lectures sont possibles, mais la position excluant le travail domestique, défini simplement comme non-marchand, de la reproduction de la force de travail (et donc de sa valorisation), de la production de richesses (et pas seulement en termes de valeurs d'usage), sous prétexte d'une séparation radicale d'avec le marché (problématique de valorisation marchande), me semble pour le moins inadéquat. Et je pense que cela a pesé, pèse encore dans l'approche de beaucoup de marxistes sur la compréhension et du genre et des classes.

Ce n'est cependant pas le cas de l'auteure et probablement pas le cas de Daniel Bensaïd.

Cinzia Arruza souligne qu'il faut « cesser d'identifier la critique de l'économie politique à la seule critique du rapport d'exploitation dans la production » ou citant Daniel Bensaïd « La ”critique de l'économie politique” est d'abord une critique du fétichisme économique et de son idéologie, qui nous condamnent à penser ”à l'ombre du capital” ».

De manière différente, complémentaire, mais dans la même optique que Philippe Pignarre (article déjà cité), l'auteure souligne « D'un coté, les classes ne se déterminent pas seulement au niveau de la production, et certainement pas seulement au niveau de la production et de l'appropriation de plus-value, car c'est au rapport entre production et reproduction d'ensemble qu'il faut s'intéresser… D'un autre coté , une classe ne peut-être photographiée isolée, car elle ne peut-être saisie que dans son rapport conflictuel avec d'autres classes ».

Au delà de la critique, déjà signalée, de l'utilisation du mot « conscience », cela se traduit pour Cinzia Arruza par « la classe ne peut pas être consciente d'elle-même sans être consciente de son genre ». Et elle ajoute « En d'autres termes, avant de parler d'alliance stratégique, il faut traiter la question de l'entrelacement entre genre, classe (et race) dans le processus même de subjectivation ». Il ne s'agit pas ici d'une addition « mais de voir comment genre, classe et race interagissent et entrent en contradiction dans l'espace politique de la subjectivation ».

Contrairement à l'auteure, je ne pense pas que les analyses de Daniel Bensaïd apportent un plus à celles des féministes matérialistes, ou pour le dire autrement, ces analyses restent en retrait des possibilités ouvertes par le féminisme et la « méthodologie » marxiste.

C'est avec les apports différenciés des féministes matérialistes qu'il convient de poursuivre les analyses sur ce sujet. Les marxien-ne-s disposent d'outils importants mais pas des seuls outils disponibles…

Pierre Rousset traite de « La révolution permanente » en mettant en garde sur une lecture « faux-nez d'une croyance en devenir rigoureusement programmé entre l'origine et la fin »

Je ne suis pas sûr que les théorisations autour de la révolution permanente ne soient pas déformées par un prisme euro-centré. Les passages sur les pays du socialisme réellement existant après 1989 ne me semblent pas convaincants. L'utilisation de la notion de transition (vers quoi ?) de ces états avant 1989 est très problématique. Et la citation de Daniel Bensaïd, pour juste soit-elle, ne permet pas d'approfondir « La caractérisation directement sociale des formes politiques devient un carcan dogmatique qui tétanise la pensée ». Par ailleurs, l'auteur aurait été autrement pertinent si, au delà des exemples donnés, il s'était « confronté » à la révolution iranienne par exemple.

D'autres lectures mettraient l'accent sur différents autres points…

Un livre sur les théories, l'épaisseur de la politique et le principe espérance.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
la classe ne peut pas être consciente d’elle-même sans être consciente de son genre
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Sans la conviction que le cercle vicieux du fétichisme et la ronde infernale de la marchandise peuvent être brisés, la fin se perd dans les moyens, le but dans le mouvement, les principes dans la tactique
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la politique fonctionne sur la base d’une logique spécifique qui ne peut être réduite à celle d’un quelconque de ces antagonismes, même ceux de l’accumulation du capital et de la lutte de classe
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La ”critique de l’économie politique” est d’abord une critique du fétichisme économique et de son idéologie, qui nous condamnent à penser ”à l’ombre du capital”
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La réalité n’est analysable qu’à partir de la manière dont nous y sommes mêlés, et non plus à partir d’un point de vue extérieur
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