Jadis, appartenir à un grand corps de l’État faisait fantasmer les ambitieux. Désormais, leur préférence se porte sur les conseils d’administration. Pas n’importe lesquels, bien sûr. Les plus importants, ceux qui renforcent un statut et distribuent des jetons de présence substantiels. Les cumulards peuvent percevoir jusqu’à 500 000 euros par an pour une charge de travail qui représente à peine un mi-temps. C’est moins que les PDG qu’ils sont chargés officiellement de surveiller, et qu’ils s’emploient surtout à chouchouter. Mais c’est vingt fois plus que le revenu moyen des Français. S’y ajoute une gratification non monétaire d’importance : « le capital social qu’on accumule, le réseau qu’on se constitue, les idées que l’on y entend, la renommée et le prestige qu’on y acquiert », comme le confie l’un de ces happy few.
Les lieux de pouvoir ne sont plus ce qu’ils étaient. Soumis aux regards indiscrets et aux règles modernes de la transparence, le Conseil des ministres est devenu une vraie passoire. Rien de ce qui se dit dans le cabinet d’un juge n’y reste bien longtemps, et le secret de l’instruction n’est plus qu’une aimable fiction. Ceux qui nous gouvernent ne sont plus seulement traqués par les paparazzis : chacun de leurs faits et gestes est immortalisé par des citoyens anonymes, prompts à dégainer leurs smartphones pour tourner une vidéo ou prendre une photo.
Avant, quand j’arrivais dans un pays, je devais toujours commencer ma tournée par le sous-secrétaire d’État au tourisme avant d’accéder au secrétaire d’État en titre, et je ne montais jamais plus haut. Grâce à Nicolas, explique-t-il, j’accède directement au Président ou au Premier ministre. C’est quand même plus facile pour se faire entendre ! » Il décrit l’ancien chef de l’État comme un énorme bosseur, doté d’une mémoire scandaleuse, qui se rappelle le prénom non seulement de ses interlocuteurs, mais aussi ceux de leur femme et de leurs enfants.
Ils sont les heureux élus, quand tant d’autres grattent à la porte.
Leur rôle est prépondérant, au moins sur le papier. Réfléchir à la stratégie de la société qui les a nommés, contrôler les dirigeants, s’assurer de la sincérité des comptes, prévenir les risques potentiels de tous ordres… Lourde tâche ! Ainsi, ce sont eux qui décident indirectement d’une grande partie de notre destin. Ils peuvent choisir de fermer une usine ou, au contraire, d’en construire une nouvelle. De délocaliser ou de produire français.
Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille au conseil d’Accor. Gilles Pélisson se retrouve à son tour sur un siège éjectable fin 2010. Le cours de l’action remonte, c’est vrai, mais pas assez vite pour Bazin et son milliard. Alors, pourquoi ne pas nommer ce nouvel administrateur, coopté en mai 2009, Denis Hennequin, patron de McDonald’s Europe ? Original et dynamique, il aime le vélo et la moto, tutoie tout le monde et ne porte jamais de cravate. Il apporterait un vent de fraîcheur à la tête du groupe.
Sophie Coignard - On n'est pas couché 8 juin 2019 #ONPC
On n'est pas couché
8 juin 2019
Laurent Ruquier avec Christine Angot & Charles Consigny
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