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EAN : 9782020372176
380 pages
Seuil (30/11/-1)
4/5   3 notes
Résumé :

Un siècle de relations ex-plosives entre la France et l'Afrique raconté par l'un des spécialistes de la question, qui a longtemps sillonné le continent noir pour le compte du journal Le Monde. Pour plusieurs générations de Français, l'Afrique ne fut pas seulement terre de conquête et de colonisation. Elle occupa une place considérable dans l'imaginaire français ; imaginaire dont la littérature, l... >Voir plus
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Trop souvent, les relations entre l'ancien colonisateur et l'Afrique francophone sont décrites sur le mode du réquisitoire. François-Xavier Verschave en a même fait son fonds de commerce, dénonçant ces rapports incestueux dans des essais (« La Françafrique », « Noir Silence ») où l'acharnement du procureur le dispute parfois à l'objectivité de l'universitaire.

Jean de la Guérivière qui sillonna pour "Le Monde" pendant un quart de siècle le continent africain décrit au contraire « l'histoire d'une passion » : celle des « fous d'Afrique », ces Français, qui, dans la colonisation puis dans les indépendances, aimèrent le continent noir « pour le pire quelquefois, pour le meilleur souvent ». Préférant la typologie à la chronologie, la Guérivière dresse un tableau vivant de ce groupe hétérogène. Il décrit tour à tour les explorateurs, les missionnaires, les soldats de la Coloniale (auxquels succédèrent « gendarmes » et « barbouzards »), les médecins de Navale, etc. Il consacre un chapitre passionnant à « la pépinière de l'avenue de l'Observatoire », l'Ecole coloniale – devenue l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer en 1934 – qui instilla à tant de hauts fonctionnaires (Pierre Messmer, André Chandernagor, Alain Pierret, Jean Audibert) la passion de l'Afrique.

L'administrateur de la France d'outre-mer était, souvent très jeune, un « homme universel » : « Lors d'une émeute, il se fait maréchal. Dans une période de famine, il est intendant. Si le fleuve ou les hippopotames font sauter un pont, c'est lui l'ingénieur » écrit Albert Londres. « Pour oublier ses crises de cafard – les célèbres « gabonites » ou « congolites » - ce monde de célibataires … a ses moussos à la fois bonnes amies et bonnes à tout faire » (p. 135). Saint-Louis-du-Sénégal fut très tôt le paradis de ce métissage franco-africain. Faidherbe, son célèbre gouverneur, montra l'exemple en y prenant pour amante, au vu et au su de la colonie, « une jeune et belle négresse » (p. 38). « Même les missionnaires succombèrent à la tentation » (p. 313) écrit la Guérivière non sans ironie, tel ce Père blanc « décivilisé », décrit par Albert Londres, qui fonda la mission de Tomboctou, la dirigea de 1897 à 1904 avant de prendre une femme africaine et de lui faire sept enfants. Avec la fin de la colonisation et l'évolution des moeurs, le coopérant – qui s'est substitué au colon – régularise sa situation en épousant l'être aimé. La Guérivière pose alors crûment le dilemme auquel le jeune marié est confronté : retourner en France malgré l'hostilité de ses parents ou rester « rivé à l'Afrique par son appétence de corps d'ébène » (p. 321).

Comment ces expatriés se comportent-ils ? Sans doute compte-t-on parmi eux ce « petit pourcentage de salauds et de crétins incompressible » que l'auteur croit identifier au sein des troupes coloniales (p. 72). L'éloignement de la métropole et l'enivrant sentiment d'une « absolue liberté » qui en découle, l'aisance matérielle et le pouvoir que confère une richesse relative, l'épuisante expérience d'une irréductible altérité avec les Africains peuvent conduire à bien des dérapages, individuels ou collectifs. Et Jean de la Guérivère n'a pas tort de se féliciter que, dans de telles conditions, les drames majeurs n'aient pas été plus nombreux.

On partage volontiers son enthousiasme sur les vertus d'un séjour en Afrique, par exemple pour les 500.000 coopérants qui en firent l'expérience depuis les indépendances : « une joyeuse rupture » avec des études souvent décevantes, avant le retour au « réalisme dans l'Hexagone » (p. 289). Mais on ne peut éviter une double interrogation. La première concerne le regard porté par le Noir sur le Blanc : comment ces « Fous d'Afrique » ont-ils été reçus ? ont-ils compris l'Afrique ? lui ont-ils été utiles ? Qu'ils aient vécu ou non avec passion une expérience inoubliable est une chose, qu'ils aient aidé l'Afrique en est une autre que l'auteur n'évoque guère. La seconde vise les « expat » eux-mêmes. Sont-ils les derniers aventuriers des temps modernes, suffisamment intrépides pour oser l'expatriation en Afrique, malgré le climat, les risques sanitaires, la constante possibilité d'un coup d'Etat ? ou sont-ce avant tout des déclassés de la métropole qui ont « tenté leur chance » en Afrique et qui, engourdis par la chaleur, le rythme de vie, les privilèges que leur statut de « patron » leur confère, sont définitivement non-réassimilables en métropole ?
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