Pour le dos du rêveur, le réel manque de vertèbres.
Les uns prient, les uns pleurent, tant d'autres font semblant.
Les uns jouent de l'accordéon, les autres jouent du tiroir-caisse.
Le temps travaille pour nous sauf si l'homme s'en fait une monnaie d'échange.
Je le préfère modulant sa rengaine aux chiffres des horaires.
L'infini aura toujours raison sur les mauvaises nouvelles.
Que m'importe le pont quand les vagues m'appellent.
Toutes les terres lointaines, les chemins inconnus, les astres inaccessibles,
j'y suis passé jadis dans les pas d'un enfant.
A force d'aller nue, mon âme cherche encore un vêtement à sa taille.
Dans mon terrier d'étoiles, j'épie l'envers du monde.
Chaque chose habitée comme un corps dans un corps.
Je mêle mon haleine à celle des racines,
ma sueur à la soif,
ma parole aux galets.
Dans ce siècle de verre, je cherche une lumière qui ne soit pas factice.
Portant mon âme sur les épaules,
je tends les bras vers le soleil.
(p9-10)
Lorsque le vent remue, ta robe glisse dans mon lit …
Tes seins de fraise gourmandent mes papilles …
Il ne m'est de toi que l'amour …
Les lignes de ta vie transforment mon profil.
Je te touche toujours pour la première fois.
Ma bouche tendue au fruit a trouvé ta saveur.
Au travers de nos corps, la sève continue …
Tu es la main du jour sur une poignée de nuit …
Tu as fait de ma soif une source nouvelle,
d'une question de rien une réponse à tout.
Tu as fait de ma vie un peu plus que la vie,
le dessin d'une feuille qui remonte dans l'arbre,
le destin d'un caillou qui enjambe la pente.
La même ligne d'horizon (extraits) p17 à 19
Manquablement le bonheur s’est perdu sur la route
Manquablement l’espoir l’a précédé de peu
Manquablement la vie s’est cachée dans le talus
L’épine dans le talon, le feu dans le taillis
Manquablement l’amour a fait la sourde oreille
la nuit s’est pendue dans les arbres
L’oiseau refuse de chanter dans une cage d’ascenseur
Les pierres fatiguées contredisent la source
Le bois se fend.
La neige fond
La mer se noie.
La terre se terre
Manquablement
le cœur s’arrêtera de battre
La forêt murmurante aura perdu la voix
Manquablement la mort, le tonnerre et l’éclair
Manquablement le vent, la poussière et la nuit
Manquablement la peur, la misère et l’ennui
Manquablement la peau, la paupière et la pluie
Manquablement qu’il manque
une phrase au poème.
(Jean-Marc La Frenière - Manquablement - p7)